jeudi 26 mai 2011

David Sylvian


Au détour d’un billet sur David Sylvian, j’avais joué à saute mouton, rebondissant de « Blemish » à « Sleepwalkers », zappant volontairement « Manafon ».
Comme un rappel à l’oubli, « Manafon » ressort ces jours-ci sous d’autres lumières. J’avoue aussi que l’original 2009 ne m’avait pas percuté comme l’avait fait « Blemish ». Ce nouveau contraste me rappelle à l’ordre, étant complètement sous le charme de chacune des pièces abritées par Samadhisound, l’architecture musicale de David Sylvian depuis 2000.

Pour le coup, le mouton est là, avec sa laine, il est même question d'y mourir. Attaché par les pattes, sur le flan, merveilleusement dessiné dans le livret du superbe boîtier renfermant ce matériel revisité.
On pourrait penser à une arnaque, mais rien n’y fait. « Died in the wool » est une superbe ré-interprétation de « Manafon » gonflé d’inédits, notamment avec un irréaliste morceau ambiant de 20 minutes offert sur un cd bonus (comme pouvait l'être la révision de "The opiates" (album original des Anywhen en 2001, superbement revisité donc par Samadhisound en 2008 : "the opiates revisited")). A la manière du dernier Peter Gabriel, ce dique pourrait s’intituler « no drums, no guitars », à quelques exceptions prêts. Une dentelle symphonique expérimentale aborde ce tableau impressionniste encore plus crépusculaire. Des bosquets de cordes délicates (dont quelques guitares pas branchées) s’emparent de cette écologie musicale, et l’on se sent pétri devant autant de beauté. Les sons papillonnent avec le silence et imposent un respect religieux devant cette biosphère humide et contrastée.

Je suis très attaché à ce coin du monde, cette auberge inégalable renferme des trésors discrets. Un néo-classique jazz particulier à Sylvian suinte avec tous ses parfums, ses ambiances uniques, ses textures sensuelles. Christian Fennesz participant aux partitions est dans l’orchestre, avec ses effets programmés. Si quelques cordes sont claires et lumineuses, d’autres plus graves viennent épouser le souffle baryton des sax qui grondent en arrière plan.





Ces cuivres, on les retrouve sur « when we return you won't recognise us » du deuxième cd. Ils sont représentés par des poumons de Touch records avec Arve Henriksen, ou Unsounds avec le très rare John Butcher. Unsounds, un autre coin du monde renfermant du néo-classique jazz expérimental fabuleux. Du beau monde, de très belles invitations, pour un instant de magie bouleversant.
Quel événement a pu à ce point modifier son art muté depuis qu'il a créé cette contrée magnifique? Reprendre le thème fondamental d'un tableau et le repeindre sous une palette différente, inspiré par la collaboration. Le design est cette fois-ci couvert par George Boisier et Chris Bigg, tout aussi prenant.
Le gros inconvénient de cette « amélioration » est qu'il va être très difficile de retourner au « Manafon » 2009.

David Sylvian 2011 « Died in the wool » label : samadhisound
http://www.samadhisound.com/
http://www.davidsylvian.com/

échelle de richter : 8,9
support cd
après 1 écoute



4 commentaires:

Didier a dit…

Je suis d'accord avec toi, en ce qui concerne ce nouvel opus de Sylvian... Superbe.
Mais je voudrais dire ici toute mon admiration et mon attachement à "Manafon" qui restera, pour moi, une oeuvre majeure dans l'évolution musicale de Sylvian.
Un disque à écouter seul, au bord du monde.
Un album qui ne souffre pas la distraction, qui requière toute l'attention de l'auditeur sous peine de passer à côté de ces symphonies silencieuses.
Essaye encore de l'écouter, mais en t'y investissant profondément.
Tu en sortiras avec cette impression d'avoir voyagé loin, très loin...

A bientôt.

charlu a dit…

Quel joli commentaire Didier.."symphonies silencieuses"..superbe, ces deux résument tout à fait la nouvelle tendance Samadhisound de Sylvian.
Manafon est effectivement une oeuvre collossale, mon problème à moi c'est Blemish.. jamais réussi à passer au dessus de ce choc musical.
C'est cette réinterprétation qui me dévoile toute la texture de Manafon et du coup, en plus de ton conseil, je vais obligatoirement m'y replonger.

Merci d'être là et bienvenu dans ces pages. As-tu qq pages à lire qq part ??
a+

Didier a dit…

Pas de pages à partager pour moi sur le net, mis à part ma page facebook https://www.facebook.com/people/Didier-Materne/1015898196
Je n'ai pas encore trouvé assez de matière à créer un blog, mais je dépose sur mon profil, mes coups de coeur.
Sinon, "Blemish" a aussi été un choc pour moi.
Mais à force d'y revenir, car intrigué par cette démarche intègre et sans concession, j'ai fini comprendre et apprécier ces morceaux aux textures si particulières. L'album de remix en dévoilait, d'ailleurs, de toutes autres couleurs.
Un principe pour moi : ne jamais s'arrêter à une première impression.

A bientôt

charlu a dit…

Exact, d'ailleurs j'ai écouté le nouveau BON IVER ce matin.. première impression nauséeuse.. confirmée par la chronique tète à claque de magic.. puis une chanson me capte en plein milieu. Bref, il faut que je le laisse de côté pour une deuxième chance, dans d'autres conditions. Il parait que les premières mauvaises impressions sont de bonne augure pour le disque.
Ceci dit Didier, je t'encourage vivement à te lâcher sur des mots visibles, ta plume est littéraire.

à bientot

Windsor for the Derby 2002

  Des jours entiers que le ciel nous tombe sur la tète. Je suis imbibé, le cerveau moisi et les articulations en mouillettes. Tempéré !! me...