mardi 29 juillet 2014

Volcano the Bear



« Remets du carburant dans la valve » me dit-elle.
Le jerricane dans les godasses, je me suis mis à fouiller dans ma mémoire afin de gifler mes pâleurs et retrouver la lumière d’une orchidée dilatée. La poubelle à quelques mètres de moi avec tout ce romantisme jeté au fond, me plongea dans une tristesse ravageuse, comme un pompiste à fond de cale. On n’arrête pas de trier, le sac pourpre, c’est pour la tendresse.
 
 
Un instant j’ai eu envie de lui mettre un coup sur le pare-brise, tout en gardant un œil globuleux sur ses pneumatiques gonflés à bloc, près à vous péter à la gueule. Comment lui dire que l’horizon crépusculaire absorbe tout mon cerveau et que mon âme n’est qu’un moineau à picorer le chaume tiède encore dressé sur le sol. Des effluves de limon labouré regonflent mon éponge, au fur et à mesure que le soleil rougit en dégringolant. Plus loin, quelques hommes troquèrent des bidons d’eau sale, d’autres partaient en courant vers quelques averses qui menaçaient. Moi, pourtant assoiffé, je passais mon temps à me vider, à racler le fond des citernes.
Les yeux fermés, je sentis la brûlure de sa crevasse enflammée, dans laquelle j’allais abandonner mes dernières larmes. La pupille ravagée, l’irruption ne fut qu’une explosion de poussière, alourdie de pumices tumescentes… des grumeaux de pierre ponce jaillissaient comme des cumulo erectus d’un ciel de plomb laiteux. Il va encore pleuvoir.

Peu à peu, l’horizon s’éteignit et une marée de building jaillit de terre, achevant d’éclipser la voûte. Les ombres se chargèrent et les mottes taupes se liquéfièrent en asphalte gras, au milieu duquel je restais immobile, debout, seul et pitoyable. A chaque fenêtre, quelqu’un me montrait du doigt. Derrière moi, je sentis une volée de vanneaux comme une ondée de plumes prête à me tirer d’affaire. Je me retournais vers eux, et sentis le vent me pousser vers ce nuage d’oiseaux qui tanguait sous l’œil scintillant de Betelgeuse.
Je sentis déjà l’air de l’océan ioder mon esprit, les immeubles pétroles eux, s’éteignirent un à un comme des bulles de savon.
 
 
 
Volcano The Bear est un groupe foutraque à tendance dingo de grande liberté emmené par le cerveau illuminé de Daniel Padden. Ces deux opus sont des voyages extrêmement rares (500 exemplaires) extraordinairement dépaysant de l'auberge culte Beta Lactam Ring. Allez juste visiter la discographie vertigineuse.
 
Attention, si vous partez avec eux, vous êtes foutus.
 
Volcano the Bear    label : beta lactam ring
"Amidst the noise and twigs" 2007
"The Mountains among us" 2008
 
 
 
un autre exemple, plus répendu :
 
 

dimanche 27 juillet 2014

Bill Pritchard 2014



Je ne me suis pas encore immergé dans le nouveau Morrissey qui gronde sur la planète comme un petit miracle, je ne suis pas dans les traces médiatiques, aussi avant d'aller explorer « World peace is none of your business » je vais rester un moment sur le nouveau Bill Pritchard qui me donne beaucoup de plaisir depuis quelques semaines. Ce vieux baroudeur nicotiné et malté œuvre dur pour son art musical british avec une touche frenshy.

Un disque idéal pour les partances estivales à longer une côte ensoleillée aux parfums Morrissey, voire Lou Reed.

Bill Pritchard 2014 « World peace is none of your business » label : tapete









mardi 22 juillet 2014

Braen's Machine 1973



La pierre et l'ardoise laissent place aux tuiles et à l'ocre de façade. Les pin-parasols dansent sur la Garrigue. Des bouquets inattendus viennent bousculer mon cerveau, je cherche partout la feuille qui me grise l'hémisphère, quel est ce parfum...
Je connais pourtant le sud, les Landes et les alpages de Hautes Provence et je déguste un jazz pop cinématographique surgit de nulle part. Je ne connais pas cette senteur et j'ai bien fait de garder cette flûte voltigeuse pour ma villégiature courte, cette basse dodue pour chanter les quelques monts cabossés qui matent mes pas et gambadent mes gambas. Un clavier qui plane dans les 70's, un clavecin s'esbaudit joyeux et danse avec les cordes sèches d'une guitare espiègle.
Cette légèreté dansante patte d'éph nous provient d'un duo Alessandroni et De Filippi avec un déhanchement légèrement psychédélique primesautier d'animation jazz prog comic strip.
C'est une fraîcheur neuve, un parfum inconnu, un disque chipé à la volée, une terre qu'on hume avant de la connaître, de la fouler et de la prendre à soi.
Braen's Machine est un groupe improbable comme un coin aventureux hors de soi qui amasse une tonne de choses connues, comme un paysage familier que l'on ne connait pas.. des bouquets de senteurs, des plaines d'arbres trapus qui ressemblent à d'autres contrées.

Braen's Machine 1973 « Temi Ritmici E Dinamici » label : liuto



jeudi 17 juillet 2014

Claude Nougaro 1977



Avant que WEA ne s'occupe de Nougayork, la carrière de Claude Nougaro n'a pas été la plus fulgurante d'entre nos artiste de par ici. Et pourtant, ce fou de swing, de musicalité et de poésie, ce « souffleur de vers », ce jongleur de mots doit s'immiscer parmi nos plus beaux poètes musicaux.

 
Je l'ai rencontré une fois, sur une plage de Quiberon où il suivait une cure thalasso en 88. Évidemment la discussion sur mon admiration s'est immédiatement orientée « Nougayork » encore chaud bouillant sur nos platines. Il faut dire que cet album faisait des ravages sur notre territoire. Ma timidité maladive, son « ah ouaih évidemment » avec l'accent et les gestes qu'on lui connait, allaient couper court la rencontre. Je me flagellerait plusieurs années après, même si je ne savais pas à l'époque que ce succès tardif lui était amer.
Ses chef d'œuvres sont bien derrière WEA, je le savais en plus. Aussi je profite d'une biographie pavée de l'homme et d'un témoignage de sa fille Cécile pour réécouter une poignée de disques brûlants de poésie et de musicalité.. j'insiste.

 
 
Un succès moindre avant, et c'est pas cet opus qui contredira l'injustice. « Plume d'Ange » 1977, avec ce texte merveilleux, une prose sublimement inspirée....  « les poumons du printemps exhalaient leur première haleine de peste paradisiaque.. ». Une fable fantaisiste aux allures de l' « Hôtel particulier » de Gainsbourg, ou d'une chanson fleuve de Ferré.
Il suffit qu'un soir, une plume d'oreiller sorte du traversin pour qu'un cerveau fantasque et tarabiscoté fleurisse, et que naisse une chanson album de poésie hexagonale. Il est question de foi, de folie, de processus créatif, de nature surnaturelle captée par un ultrasensible.

 
C'est un album à part, un moment précieux improbable à approfondir, une chanson fleuve à boire et à faire rebondir. Une plume sortant d'un oreiller peut nous parler d'ange, sans pour autant que l'on se sente fou. Claude Nougaro était un poète fou qu'il est bon d'aller fouiller sur son territoire Parisien et Toulousain.
En plus de ce quart d'heure épique, il y a des chansons dévoilées d'abord sur scène, « Comme une Piaf », « le K du Q », « Pablo »... j'aime cet homme...que j'ai timidement rencontré sur une plage de Quiberon….......


Claude Nougaro 1977 « Plume d'Ange » 1977 label : barclay
 
 


mardi 15 juillet 2014

Patti Smith 75




je fus conduite dans un amphithéâtre miniature de porcelaine blanche. les carrelages du sol bourdonnant comme des sculptures cinétiques, ondulant comme les motifs colorés de Vasarely. les piliers formaient un large rectangle. en plein milieu se trouvait une dalle de marbre pourvue d'un radeau de cuir. Ils la déposèrent sur la table. un cône vert descendit à travers la lucarne, un radeau de roses à travers la fenêtre ouverte son costume était couvert de pétales, elle était chaque femme de l'histoire, et chaque matrice à risque. je regardai dans le miroir. Je donnai naissance à alexandre, je fus sa maîtresse. de la peinture de guerre se forma sur mon visage, des balafres ocre et lavande. de la femme à la crinière noisette était debout au dessus-d'elle. ses mains délicates accomplirent de petits miracles. d'étroits tubes de celluloïd furent rapidement insérés dans les pores de la victime, une vierge. les tubes étaient des tentacules se mêlant à ses veines ses rêves et plus profond encore dans la lumière virginale, la flaque en dessous de la mémoire. un flux de rubis où ne se formait aucun mot. la reine était une déesse se harnachant d'un mécanisme d'amour – appareil conçu pour la pénétration. cylindre pointu d'un plissé de bijoutier. je me retins aussi longtemps que je pus. j'étais le trône qu'elle chevauchait. j'étais la semence du destin, la vanité du règne. d'abord viendrait le coup, la lumière, puis le baiser. un flot de vapeur et de fil électrique libéré. je ne pus résister son visage se connectait au mien. la ruade et le chuintement d'un mammifère qui succombe.



  • que veux-tu de moi ? Dit-elle
  • ondulant je m'écriai : le plaisir !
  • Que veux-tu de moi ? Demandai-je
  • le langage, dit-elle, le langage.



Patti Smith « Premiers écrits – les années 70 » (édit souple)
 
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dimanche 13 juillet 2014

Andrew Bird 2014


 
A nouveau une chanson qui éclipse toutes les autres, accapare le reste. «Giant of Illinois » me laisse sur place, moi qui aime bouger, m'émouvoir sans me mouvoir, et je reluque les accords, je yeute le chant qu'on lui connait bien. Andrew Bird a délaissé le violon électrique pour un americana traditionnel. Le violon, il apparaît plus rarement, et sur « My sister's tiny hands » il vient tanguer ses cordes acoustiques dans une ballade celtique poignante à pleurer.
C'est en fait des reprises avec son groupe des chansons de The Handsome Family, travail qu'il avait amorcé sur « Weather System ».

Le nouvel opus d'Andrew Bird est une bande-son idéale pour flâner sur les routes sèches des Causses d'une petite région aux montagnes douces et plissées, de la country folk en carburant.


Andrew Bird 2014 « Things are really great here, sort of .. » label : wegawam music



mardi 8 juillet 2014

Orange Blossom 2014



Je ne vois que du charbon ce soir, impossible de capter la moindre lueur quelque part ou sur quiconque. La gorge Sahara et le cerveau mi-clos, je laisse mes lourdes gambas ankylosées me diriger. Il faut croire qu'elles connaissent le trajet.
Quel scandale ces muscles qui n'obéissent pas, qui portent aveuglement la carcasse habitée de milles tourments, le bipède est le robot la plus obéissant qu'on est inventé.

Mon cœur est rempli de sable, j'entends des sons brûlants, je veux qu'on me parle en arabe, qu'une langue s'enfonce dans ma gorge et me lèche les muscles tétanisés.
L'insecte aux mâchoires géantes avale le blé craquant, je sors d'une convalescence. Et si je me faisais moissonneuse-batter moi aussi, mon épi est cuit. Donnez-moi une mousse chaume, un ballot à brouter, une plaie qui sent le sable cuit.
Cette motte dorée est comme la dune qui ondule, mes yeux sont incendiés, j'entends des violons, des djembés, je veux rester à mourir de soif ici, allongé sur la chaume fakir à me lacérer le dos. Pompez moi la graisse, le sang, le foutre et les larmes, l'orge funèbre est métissé et le Calexico arabisé, toutes mes cellules sont accaparées pour une danse syncopée des terres du monde entier, partout où le soleil a mordu.


J'ai découvert Orange Blossom a ses débuts en 1997 (souvenez-vous ce chef d'oeuvre) abrité par le label Prikosnovenie à Nantes, un seul album en 2005 et puis plus rien. Le soleil est revenu me transpercer la gorge, ma chemise cataplasme a chassé mes idées carbones, je me laisse consumer sur ce bûcher merveilleux.
Le nouvel opus sortira le 29 septembre prochain, en attendant cette fin d'été caniculaire, Orange Blossom sort ce jour-ci un ep annonciateur.. la référence absolue dans l'art d'associer les « chants séculaires d'Orient d'orages électroniques et puissance du rock ». Hend Ahmed vient du Caire, elle a ajouter sa voix bouleversante sur une musique qui convoque Pink Floyd, Oum Kalthoum et Joy Division. Nous sommes au Maghreb, au Mexique, au Brésil, en Afrique, dans la musique féconde et viscérale. Robert Plant les a exigé en première partie. Il y a eu des voyages, des collaborations, des alchimies, des violons du conservatoire de Cholet et des chants traditionnels de Jordanie.. c'est un aboutissement, une apothéose .. Orange Blossom est de retour, la planète va bientôt vrombir et connaître la transe d'une danse sans frontière.


Je retrouve le groupe qui avait changé ma vision mondiale de la musique en 1997, la world par excellence, j'ai « Under the Shade of Violets » depuis quelques jours dans les oreilles, cette musique va me rendre fou, c'est peut être LA musique, LE voyage. Je suis partout sauf ici, sur mes jambes, la musique de Orange Blossom me scie les barreaux humérus , je me fonds dans la poussière incandescente pour mieux respirer.


Merci à Carlos Robeles Arena, l'architecte du groupe auprès du violoniste PJ Chabot, merci pour avoir pris le temps de revenir, de poser les atmosphères, d'atterrir un peu partout pour nous les offrir. Je pense à « Passion » de Peter Gabriel, et à Esmerine. « Under the Shade of Violets » n'est pas du folklore que l'on produit vite, c'est la genèse capillaire d'un enrichissement culturel, d'inspirations et de créations sur des années.

C'est juste mondial.

Orange Blossom 2014 «  Under the Shade of Violets » label : washi washa
 
 






vendredi 4 juillet 2014

Hamilton Leithauser



The Walkmen, en plus de l’écriture et du rock, c’est surtout une voix, un peu comme si Dylan chantait du Bono.

Elle est prise à partie ici, elle est bien présente comme on la connaît, avec ses amplitudes voilées les plus folles. Hamilton propose son premier album solo avec des chansons à lui et son organe comme fer de lance.
Certes l’opus est éclectique et souffre d’une légère irrégularité, mais « Black hours » renferment quelques joyaux dignes d’un grand crooner raffiné. Aussi, « 5 AM » est un chef d’œuvre façon Richard Hawley, « St Mary’s country », « Bless your heart » et « Self pity » avec cette belle qualité mélancolique et sonore, tiennent l’album à eux seuls.

La voix haute des Walkmen se promène sur quelques styles et s’introduit dans le monde solitaire avec un opus plus que prometteur.

Hamilon Leithauser 2014 « Black Hours » label : ribbon music


jeudi 3 juillet 2014

Townes Van Zandt 69


 
 
Un songwriting caniculaire à pleurer accompagne les premières moissonneuses à battre le froment du limon qui ondule la terre de mes ancêtres.
Ma tour se fait raboter le foin.

C'est ocre à perte de vue, c'est étouffant, comme l'air sec poussiéreux que je respire à plein poumon sur mes communales entortillées. Je m'arrête et je hume accroc à cette poudre dorée.

Le bruit, les parfums, le vent chaud, les 29°C à l'orée du bois, quelques bleuets vont y passer devant les filles coquelicots qui rougissent la bordures des sentes, tout me grise.
C'est un troubadour texan comme pas un, il est unique, il chante à mes oreilles tout près des machines agricoles qui battent et qui me bagarrent le cœur nostalgique.. qu'est ce que j'aime la moisson, la chaume, le drone agricole en pleine nuit qui vient déranger le scintillement de la voute.
Il est pas interdit de préférer Townes Van Zandt à plein d'autre (entre Dylan et Mickey Newburn), je

me lasse pas de ses ballades qui chantent dans mon jardin au gré des parfums d'orge fauché de la nuit alentour.

Dans la discographie du troubadour texan, nous sommes en 1969, et « Our Mother the Mountain », son deuxième album se répand sur nos contrées planétaires.


Townes Van Zandt 1969 « Our mother the mountain »

Thomas Köner 1993

  La croûte gelée se ramollit, ventre flasque et tiède respiration. Le ciel se charge de l’halènes des Steppes, le silence gronde. Notre ...