dimanche 31 décembre 2023

Loverman - "Loversongs" 2023

 


La pimbêche cette rose blanche qui s’épanouit quand le soleil anémié nous délaisse. Il reviendra comme la Pomponette, en attendant on coupe le bois et l’Hellébore se la ramène. Elle fait moins sa maline quand le soleil très haut lui tape sur les feuilles, c'est une assoiffée, une amoureuse des terres engorgées et ombragées, elle a beau nous dire que l'hiver est beau, que l’abeille lui est indifférente, la belle affaire. Elle est du beau monde, de celles qu'on affiches avec des paillettes et des candélabres de tables. Ou peut-être est elle des plus discrètes, timide et solitaire à prendre les regards emmitouflés qui la méritent, le peu de jour qui la dévoile. Elle aime skater des jours entiers les vases emplis, au chaud, longtemps après la fête terminée.


J'ai un beau disque sous mon crane qui chante les abeilles en dormance, l'impatience du vert, la douceur de cet hiver-ci.


La rose de Noël n'alertera aucune ruche, elle est amoureuse des longues nuits, des temps de bouillasse et des tables enjolivées, parées et clignotantes. Elle est juste de l'autre côté, au pied de ma porte fenêtre. « Into the night » aux allures Hazlewood imprègne tout l'espace, Loverman hante. Hellébore frappe au carreau, me fait de l’œil sous les chatons de noisetiers qui se réveillent impatients. Le Solstice d'hiver se faisait attendre, il est derrière déjà, le soleil a entamé sa lente remontée, tout redémarre, les merles à l'aube sombre ont recouvré leurs gosiers, le pollen s'évade, des cotillons pour un nouveau cycle.


Il aura fallu attendre les derniers Saints pour me faire ramasser par cette pépite albe. « Tinderly » pour un réveillon chamanique. Il peut faire gris à cendre tomber, « Loversongs » insuffle une canicule Sylvestre, comme ce bouquet de reines blanches qui fait la nique aux Rosacées des jardiniers. James De Graef a 28 ans, il sort son premier album sous des remugles Hazlewood, Cohen, Hawley... Sous la basse voûte qui nous asphyxie, « Candyman » est un miracle.


Loverman 2023 « Loversongs » chez PIAS

vendredi 29 décembre 2023

Nicolas Michaux 2020

 


Dans la famille Nicolas, je demande le Michaux. Plus aucune gène, on y va tout azimut, on amasse, ça défile. Rassurez-vous je ne ferai pas de papier sur Indochine.

Légèrement par delà la frontière, cet artiste anglophone nous provient de Belgique. « A la vie, la mort » depuis 2006 me turlupine, fallait-il une confirmation pour en parler ? aucune idée, je l'ai gardé secrètement et la suite est tombée.

« Amour colère » passe en boucle, basse moelleuse et chaloupée, guitare soporifique, sensuelle rythmique quand on aime le lymphatisme, mélodies simples et attachantes, quand aux claviers ils te prennent par l'épaule. Pour donner une idée, « Enemies » pourrait être un truc de Baxter Dury.

Il est récurent chez moi, posé avec toute cette famille que j'aime écouter dès que mon cerveau est en manque de mots, quand j'ai envie qu'on me parle et m'explique deux ou trois ressentiments. S'isoler avec des dessinateurs de son, des conteurs contemporains.

C'est « Une seconde chance » pour Nicols Michaux, et en plus il y a des « Chutes ». Cet opus date déjà de 2020, il était temps que je témoigne. 70's easy, des chansons à balancer sur l'autoradio, la BO Hi-Fi pour une virée vers quelques retrouvailles.


Nicolas Michaux 2020 « Amour Colère » sur Capitane records.

samedi 23 décembre 2023

A Broken Consort - Crow Autumn


 

L’œil du ligneux comme celui du cétacé fixe notre temps qui défile.

De vieilles plumes chatouillent l'acier d'une lourde clé posée près de quelques fioles remplies d'un jus mousseux d'outre temps, poison ou élixir. Une envolée de feuilles dentées du charme est venue décorer l'ocre sec et usé de la lourde table en merisier. Des cordes vacillent, l'automne est révolu. C'est un point de bascule, le tournent annuel des longues nuits qui s'acharnent. Le soleil va rebondir, il a léché de près l'horizon jauni par l'haleine des champs détrempés, il est punit. Le son en drone flotte avec le vent, c'est la respiration des biotopes, molle et ralentie, elle nous aspire et nous inspire.


Richard Skelton le cou embrassant le bois des cordes de son violon fait chanter l'âme des plaines, lancinantes, enivrantes. Le cerveau est brûlé des odeurs de boue à perte de vue. Je suis face au vent comme les vanneaux qui me scrutent, l'incantation plane de « Crow Autumn » et me dégouline dans les oreilles.



A Broken Consort 2010 « Crow Autumn » sur Tompkins Square

jeudi 21 décembre 2023

Nicolas PAUGAM 2023

 


C’est quoi ces minuscules piqûres de griserie qui viennent nous farder l’âme à l’écoute des chansons de Nicolas Paugam ? Entêtantes comptines qui trottent sans cesse, on rêvasse, on sifflote et fredonne à l’air libre, à la merci de n’importe quel enivrement. Le cœur emberlificoté est à la limite d’un petit pas de danse chassé, juste avant de reprendre le cours ordinaire des sentes. J’ai mon brasero pour ce solstice.

C’est une rechute, la récidive, je suis joliment retombé chez les Nicolas. Il se passe un truc, les Nico s’entassent et s’amassent, astre cobalt cette fois-ci, comme un Brassens chanté par Vanot, un Souchon habité par Vigneault, un Sheller Nataf des parcs et hortillonnages. Et puis tiens, « La lumière est immense » sur cette folle inconscience poétique. Il en a sous le Capo le Nico, et des tableaux bariolés, fauves et chaloupés, ses six cordes nylons aux accords cassés virevoltent et nous invitent dans un autre chez nous. Comment ne pas être charmé par « En pantalon qui va bien ». Il traîne dans ses sillons des personnages décalés, un grand-père, des phrases truculentes, des vieux airs de souveraines chansons d’un autre temps piquées de bossa hexagonale, un Gypsophile Belhomme solaire qui chante sous un ciel sans nuage à peine.Pour ne rien assombrir au tableau, les manettes de mix sont tenues par Fabien Martin, un studio..une famille.

C’est aussi des annonciations, « l’homme, heureux en somme, est un con, au plus vite il doit disparaître… » la patience qu’il va falloir. En attendant, taquinons la paix qui clapote au creux de nos ruisseaux, foulons les graviers et les humus, buvons la silice en se baguenaudant hébété sous les airs malins du ménestrel trouvère Nicolas ….. Paugam.

https://nicopaugam.bandcamp.com/music 

Nicolas PAUGAM 2023 « La Délicatesse » sur Syncop’s

dimanche 17 décembre 2023

Blonde Redhead - 2023

 


La lumière incendiaire transperce la maison, oblique elle vient enflammer la nappe rouge qui ensanglante les murs. « Sit Down for Dinner » transporte mon réveil.

Le jour se lève sûr de lui, le soleil dessine la flèche du bourg en ombre chinoise, tout est lumière ce matin. « Sucre de pastèque » de Brautigan résonne encore sur mon palais, ses nouvelles ont embellie mes heures les plus creuses de la nuit.

Le livre est refermé sur la table du salon, le soleil dehors fait fumer les branches du cyprès et le haut de mon muret. Dessus, le Rouge-gorge malicieux vient s'y réchauffer les pattes. Il contemple les prémisses de ce jour nouveau. Il aime l'hiver qui s'invite.

« Snowman » finit sa complainte, mon antre est clair, je vais prendre ma pelure, ma grosse écharpe et aller faire croustiller les feuilles gelées. Tout se mélange, le soleil pastèque, le sucre fraise des Blonde Redhead, le goût du café dans ma bouche, mon ruisseau qui m'attend juste en bas avec son doux débit mou imperturbable. J'ai hâte d'aller lui parler. Le froid a fait virer les couleurs au pastel, quelle douce matinée mauve.

Je n'ai aucun projet pour la suite, qu'une vague idée de laisser couler ce ralenti. La mélancolie du poêle qui redémarre me réclame une odeur de châtaigne. Elles sont là au pieds du potimarron, dans la coupelle vert bouteille, posés sur la ronde nappe rouge qui s'éteint, une nature morte en sursis. Au retour, je vais sûrement croquer des arbres à l'encre de Chine avec la voix encore de Kazu à peine troublée par le frottement de la plume sur la cellulose assoiffée. Longer le ligneux délicat du pinceau détrempé en laissant dégouliner « Rest of her life », malicieuse anesthésie, jusqu'à ce que le soleil aille incendier l'autre côté de l'horizon, sous l’œil coquin du Rouge-gorge impassible. 

 


Blonde Redhead 2023 « Sit Down for Dinner » sur Section1

vendredi 1 décembre 2023

Marcel Kanche 2023


 

Il fallait palier à ces jours de néant. Tellement de corps autour à gigoter, à brasser grave pour que dalle, des artisans du chaos. L'envie de charger la mule j'ai pris la tangente, je pars m'acheter des disques je me suis dit, comme on va prendre des verres.

Je suis allé glaner du son et des mots. J'ai pris mon temps, le disquaire, la priorité du moment.

L'idée a mûri sur la ligne 27 orangée direction Saint-Michel, la faim au cerveau, l'ordre des bacs à explorer. Aller acheter un disque comme un aguerri, la mission du jour et je me souviens de cette addiction collée au cortex à batifoler tout azimut. Des heures entières à fouiller partout les caisses et les promontoires les esgourdes habitées, les mains nerveuses et les phalanges affûtées.

International, français, indie, jazz ou prog, les jambes téléguidées et l’œil chasseur, je me vautrais en compulsif jamais rassasié. J'ai pesé mon addiction, calmé mes ardeurs, l'achat est devenu sobre et solennel. 


Ce midi, j'ai pris la tangente, j'ai élagué la routine pour aller perquisitionner Gibert. Sans idée précise aucune je suis allé marcher sur la canopée des arbres indigènes et j'ai pioché Séverin, Daniel Darc par Frédéric Lo, « Forêt » d'Antoine Bataille, Marc Delmas et sa « Superficie du ciel » .. Et puis je suis tombé comme une certitude, sur ce diamant brut, un de ceux qu'on ne contemple pas en streaming. Je l'avais dans les mains, je me suis redressé, le reste de la visite ne fut que ronronnements et réflexes .. j'ai barboté crâneur, compulser un peu dans le tout-venant, suis reparti assouvi.



« Elle dit regarde les arbres, ils boivent toutes nos larmes... et les fleurs portent tous nos drames ».

A peine exploré, « Un nid » est devenu cellulaire, impacté d'emblée par la pochette, les couleurs roussies de l'automne, un baume à l'âme. Les titres lus, les textes bus, je n'avais plus qu'à enclencher.

Ténébreux à balayer la mélancolie.. je vais me traîner des journées entières à cabotiner des vieilles idées, à me ressourcer au Kanche qui me gifle depuis des années, deux décennies déjà. Sa bio s'épaissit, il est le vieil arbre noueux régnant dans mon jardin.


Cet album est tellurique, sombre et vital, un banc brûlé à l’orée d'une forêt noire qui nous verra disparaître, enchevêtré dans un soir enténébré, nous dansons mou diaboliquement comme des fardeaux que nous sommes, que nous avons toujours été. Et puis « Figure » de Bertrand Belin ajoute à ma génuflexion crépusculaire. Le son de celui-ci est magistral avec quelques fulgurance post-rock, « Un passage » sur un texte de Despentes. « Un nid », comme un Bashung avec des parfums de Ferré Manset Burger .. à déguster à main nue, seul absolument.


https://www.marcelkanche.com/


Marcel KANCHE 2023 « Un Nid »


Thomas Köner 1993

  La croûte gelée se ramollit, ventre flasque et tiède respiration. Le ciel se charge de l’halènes des Steppes, le silence gronde. Notre ...