Il y a eu John Fahey, Bobbie Basho, et
voici Peter Walker que je découvre. Ces références absolues du
finger pickling ont fait les beaux jours de Ben Chasny et la
naissance de Six Organs of admittance.
Cette belle musique tonique et
technique d'une tradition américaine provenant du flamenco et du
raga indien, fait fleurir le rocking chair et réchauffe l'échine.
Delmore recording society de Nashville,
fait ressurgir cette prise de 1970, sépia, avec une roulotte en bois
tirant un alambic encore chaud. Incantation des cordes.
Peter Walker 2013 « Has nybody
seen our freedoms? » label : Delmore
Quelques mois il m'aura fallu pour
avouer, penaud et fébrile, cette aubaine artistique qui m'a figée
les os et amouraché le cerveau.
C'est un peu à peu près tout ce que
j'aime.
Lorsque j'ai lu quelques lignes sur la
beauté de cet album, sur la gémellité d'avec le A, je me suis
précipité au premier comptoir de chansons d'ici, histoire de poser
une colle au conseiller bien souvent bredouille et désabusé dès
que ça se complique.. exercice de plus en plus facile.
Pas compliqué pourtant, un des plus
beau disque de l'année passée, Orso Jensenska qu'un disquaire
devrait brandir, hurler.. se gober une burne pour le
montrer..passionnément, voire même professionnellement.
Pas de trace physique de cette œuvre
bouleversante me dit-on, quelle hérésie, quelle dégueulasserie
cette invisibilité. Alors, penché sur mon ordi, coiffé d'écouteur,
je crois bien que j'ai mouillé l'azerty, il a bruiné sur le
clavier, un joli crachin d'émotions, un peu comme quand je erre sur
mes chemins de campagne et que la plaine de froment frais s'étale
devant moi, brossant un ciel bleu et blanc, un peu comme on sent le
bonheur d'être triste, comme ça, pour rien, pour une complainte,
une note, un accord, des mots simples..un paysage humain sans
personne.
Je triture et décortique ce « Courage
inutile » depuis quelques mois, je suis englué. Il est tombé
sur ma mélancolie un soir de novembre et s'est immiscé depuis, à
travers mes jours démissionnaires. Ma bande son des jours pour rien
où la tète est ailleurs, pleine de courage.
A peu près absolument tout ce que
j'aime définitivement.
Je ne laisserai jamais plus Orso me
filer entre les doigts, mon étourderie de lacune incompétente.
J'aimerais bien moi aussi fuir le monde qui craint de s'effondrer.
Il est pas interdit qu'un jour, ce
miracle chanté devienne aussi troublant qu'un petit creux de joue,
aussi culte qu'une fossette.
Une fois n'est pas coutume, je pose ici
deux liens de chroniques histoire de compléter, d'appuyer ma
sincérité, de me ranger auprès d'eux, de voir ce monde, ces
artistes qui gravitent autour d'Orso Jesenska..et puis merci à
Antoine (chips et rosé, que je n'ai pas remercié depuis très
longtemps) pour la découverte:
Richard Swift est un cerveau arrangeur
habité de quelques gadgets pop et idées musicales merveilleuses. Il
est sous le même toit artistique que Damien Jurado depuis un bail et
vient de prendre en main son dernier album « Brothers and
sisters of eternal son ».
Depuis longtemps ces deux là se
connaissent et agrémentent leur discographie respective chez
secretly canadian. Le folk Jurado habité par la foi, a laissé libre
cours aux idées sonores de Swift, et a laissé l'envergure prendre
en charge sa texture, son écriture et sa vision musicale, sans pour
autant perdre de sa superbe. Il y a même un mellotron qui lui donne
de l'altitude, et la voix de Jurado prends alors des chemins
aventureux séduisants.
Ma première nouveauté 2014 met la
barre très haute, de la forme sur une très belle intelligence
d'écriture, même si j'affecte un goût particulièrement appuyé
pour tous ses travaux depuis 1997. C'est une pièce de plus dans son
épopée discographique quasiment colossale, teintée ici d'une
légère tendance.
Je ne pouvais pas demander mieux comme
nouveauté, fracassante.. le pilier Jurado s'acoquine avec l'outsider
Swift pour un album qui peut déjà s'inscrire dans l'histoire.... ça
y 'est ça me reprend..je danse, en transe sur « Silver
Donna »..... soul, pop, folk..chamanique.. parfait.
J'ai découvert Damien Jurado avec son
grand virage folk 2003 « Where shall you take me ? »..j'ai
reculé dans sa discographie, et depuis j'avance avec lui.
Damien Jurado 2014 « Brothers
and sistrs of eternal son » label : secretly canadian
Un album totalement dominical, un petit
bijou de pop avec le guitariste anglais Labi Siffre. C'est un poète,
c'est le début des 70's, ça sonne un peu Simon Garfunkel
quelquefois, c'est beau comme un album qui sonne le début d'une
grande carrière. Même si les succès vont résonner un plus loin
(75), nous sommes en 1970, le premier album de Labi Siffre, avec
entre autre, une superbe reprise de « Words » des Bee
Gees et plein de ballades habitées par la lumière, Van Morrison,
Tim Buckey, des mecs de l'époque... de la poésie folk, titillée de
pop enchantée. Rare.
Eh..je suis raide dingue de cet album.
Labi Siffre 1970 « Labi Siffre »
label : pye international
Oh le bel album tout plein de fraîcheur
que nous propose Kevin Morby en ce début d'année où les nouveautés
peinent à venir.
Une belle légèreté comme Adam Green,
avec une voix plus Doherty. De séduisantes petites balades pleines
de légèreté, avec un matériel mélodique sérieux et des guitares
gentilles qui tiennent bien la route deviennent au fil des écoutes
très contagieuses.
La pochette est grise, comme dehors
dans nos campagnes, nous ne sommes pas au printemps et pourtant
« Harlem River » en a tout l'air, ces petits hymnes pop
nous apportent direct une poignée de rayons de soleil.. brûlons le
calendrier, l'air est printanier. Kevin Morby que je découvre avec
cet album est d'un naturel déconcertant, une facilité pertinente et
une efficacité évidente. Le pièce principale éponyme de 9 min,
est une vraie petite tuerie de cool blues à faire rester
indéfiniment sur le chemin de traverse, sans jamais s'arrêter.
Kevin Morby 2013 « Harlem River »
label : woodsist
Il pleut de la limaille de fer sur mon
crane en taule. Le souffre m'arrache la gorge et le souffle sombre du
cœur des monts métalliques m'asphyxie. On peut à peine voir dans
la pénombre, quelques lueurs seulement laissent agoniser la rétine
et le poumon. Les membres sont lourds, impossible d'avancer dans ce
lourd sirop boueux.
Je m'écroule et reste collé à la
tourbe acide, avalé, aveugle, phagocyté. Il grouille des êtres
vivants dans ce composte où je me dilue.
Rafael Anton Irisarri élabore un
nouveau décor apocalyptique au milieu duquel on ne peut plus lutter.
Imparable, angoissant et beau.
Rafael Anton Irisarri 2013 « The
Unintentional sea » label : Room40
Le pianiste américain R.Andrew Lee
s'est approprié l'interprétation remodelé des six heures mythiques
de « November », unique pièce minimale de l'artiste
Dennis Johnson datant de 1959.
Réorganisé en quatre mouvements d'une
heure et dix minutes chacun, il a retracé, corrigé cette
mystérieuse œuvre narcotique pour piano. On parle d'avant gardisme
pour l'époque, quand le rock'n'roll prenait sauvagement racine sur toute la planète.
La carrière musicale de Dennis Johnson
fut éphémère, elle a pris fin en 1962, et même s'il a essayé de
refaire surgir cette profonde immersion dans le silence joué dans
les 70's, « November » ne reverra le jour que 40 ans plus
tard, via la vision respectueuse de R.Andrew Lee.
D'une simple bande audio ce pianiste de
Kansas City ressuscite toute la substance des premiers travaux de
musique minimale de l'histoire.
Répétitif, résonnant, étude de
tonalité comme on dessine l'océan......... mon cerveau est piqué.
1959..... la preuve que la musique est
intemporelle, cette pièce là affichée « avant-garde »
d'alors pourrait se répandre sur le "néo-classique" d'aujourd'hui.
Tellement de pianistes se sont absorbés de ce son suspendu,
engouffré dans des paysages nus. Tellement de lumières
ont vibrés depuis avec quelques nuances de plus ou de moins. Je pense à Nils
Frahm, Sakamoto, Satie, Keith Jarrett.....
C'est le calme absolu, l'introspection
la plus profonde, l'isolation et le désir de se retrouver quelque
part, seul, sans jamais avoir besoin de justifier sa présence,
devenir un contemplatif définitif pour se diluer sans force, comme
un nuage en haute-pression.
L'hiver est une erre frigide et janvier
habité de rien. Novembre est derrière très loin quand quelque
chose bougeait encore. Un autre est à venir en passant par la
lumière et la turgescence végétale. J'écoute « November »
au milieu de rien, à attendre, me souvenant encore.
Je rentre ce soir avec sous les yeux,
le premier coucher de soleil avant novembre prochain. Cette
demi-balle magmatique mirage sur la chevelure canopée de la forêt
de Meudon. Mon wagon fuse, comme pour rattraper le temps perdu d'une
lourde journée pour rien. Tout s'allume, s'enflamme, le sol détrempé
happe l'horizon comme le capillaire, il n'y a plus de ciel, le sépia
brûlé dégringole avant le noir froid et humide. L'automne ce soir,
n'aura duré que quelques minutes miraculeuse, comme ce rappel
fantastique d'outre-tombe.. « November », étalé
sur plusieurs heures de dérive, une éternité.
Dennis Johnson (aka R.Andrew Lee) 1959
(2013) « November » 4xCD
Il faudrait trouver une musique
vieillotte, traditionnelle, terreuse pour aller avec mon bourbon du
vendredi soir. Un truc genre Moriarty, celtique, country mais orienté
folk blues, avec une touche de ragtime/rockab. De l'acoustique de
toute façon, une voix mais pas celle de Leon Redbone, un petit swing
amerloque à déguster dans un rocking-chair.
Il s'impose à cette heure-ci, la
bande-son d'une fin de semaine que l'on torchée à la force d'une
fatigue enclume qu'il faut purger.
En fait je bluffe, le bourbon est déjà
servi, et surtout la musique je l'ai déjà qui tourne dans les
enceintes.. je me la suis gardée pour ce soir, quelques jours à me
dire: nan..je me la garde pour vendredi. C'est pas un jour pour la
découverte, le bouleversement musical.. juste un petit truc bon,
comme quand le bourbon désinhibe les lourdeurs.
Tiens, Leon Redbone.. longtemps que
j'ai pas mis « Sugar ».. il sera le prochain..s'il reste
de l'essence dans la boutanche.
« Goodbye old friend »...
bah voilà, pas mieux pour finir tranquille la semaine... je la passe
en boucle comme on respire à plein poumon. Ces gentils californiens
nous font le coup de la vieille Amérique boisée.
The Devil Makes Three 2013 « I'm
a stranger here »
Pénétrer la ville, s’immiscer aux
travers des architectures pour bouffer du gris anthracite et entendre
la complexité des âmes en cage. Attiré par le bruit ambiant on se
dirige doucement vers la complainte mélodieuse de ceux qui se
battent dans le visqueux silence du quotidien.
Collé à la tristesse urbaine, on se
faufile dans les méandres underground comme des fantômes, dans de
longues avenues interminables, avant de tomber sur un carrefour
croisant d’autres artères infinies.
C’est le journal intime d’une
banlieue, les aveux d'un quartier artistique, de la dentelle urbaine
et la noirceur d’une nuit à errer. J’écoute cette bande-son à
chaque fois que l’envie de me diluer me prend à la gorge. Il y a
un risque, celui de se perdre dans le labyrinthe, le blues cambouis
d’asphalte mordorée qui chante. Au loin on aperçoit le fleuve
orange, coiffé d’ usines désaffectées, et de longues façades
débouchant sur des hangars, des silos. Les no man’s land sont
percés de réverbères timides et enfumés. Le monde parallèle
n’est pas loin, juste à portée d’humeur.
Nous sommes des martyrs modernes à
vouloir survivre dans l’agglomérat, le son d’un carnaval funèbre
fredonne nos états d’âme et on avance, nous pénétrons dans ce
nouveau monde de trépassés aux cervelles parpaings. C’est une
belle virée à des heures très tardives, une longue marche avec des
flashs, des images accélérées, des bruits ambiants, une épopée
urbaine monstrueusement belle à travers des immenses façades à
fenêtres, éclairées ou pas.
Cet opus 2003 est une pièce importante dans le collectif, 13 musiciens "en ayant peu ou pas dormi, avec des niveaux variables d'intoxication, et dans un confinement physique"
Set Fire to Flames 2003 « Telegraphs
in negative / mouths trapped in static »
Je crois bien avoir mis le pied dans la
musique d’avant-garde sous les paysages sonores de ces artistes
hébergés par une arborescence de Constellation, Alien8recordings.
Un clavier électronicien David
Kristian, un acoustique spécialisé dans l’Oud Sam Shalabi, et un
contre bassiste électronicien Alexandre St Onge se partagent
l’affiche sur cet album sorti en 2001. Chacun œuvre en parallèle
pour sa discographie respective, ils se retrouvent ici pour un sombre
voyage auditif, un moment unique.
Malheureusement, le label alien8 est
révolu (ainsi que Fancy, une autre branche), il ne reste plus que la
maison mère montréalaise avec sa politique artistique radicale. Cet
opus précieux est devenu extrêmement rare.
La substance, ce sont des ambiances,
des souffles et des drones pour la lumière, et quelques jeux
acoustiques pour les couleurs. Quelques scratch appuient les
contrastes. Les instruments sont préparés, triturés et torturés..
des bruits d’objets, des expérimentation captées sur le vif, une
grande réflexion sonore. Cette profonde exploration unique est un
grand moment de musique nouvelle suspendu au dessus du vide.
L'avantage avec les rééditions Deluxe
des bluesmen, c'est qu'ils offrent en bonus un live inédit d'époque.
Ricochets de blues blanc live
rebondissant de 1970 à 1984 en léchant 1977.
Des cratères en surfusion, du crachin
plein le front... des standards ressurgis sur scène, du gros gras
grand blues blanc..ce que j'appelle là le 3G bb, juste histoire de
prendre en pleine poire des représentations directes de quelques
opus cultes qui font l'unanimité, même si j'entends ici et là
quelques propos mous sur Slow Hand.
Certes le 3G est révolu, eux, c'est la
rafale et jets illimités qu'ils pratiquent, avec des techniques
différentes, mais toujours avec la même pertinence, efficacité et
puissance. Chacun à leur degré : The spectrum le 17 aout 84 pour
SRV; The Royal Albert Hall le 17 avril 70 pour Johnny Winter, et le
Hammersmith Odeon au 27 avril 1977 pour Clapton.. rien n'est à
négliger, quelques degré de température oscillent.
Monstrueux.
Tous les musiciens qui gravitent autour
de ces trois là imposent le respect, ils ont suivi l'irruption, le
flot, le cyclone. Ils ont tenu bon.
Mes K7 audio gardent encore l'emprunte
des studios d' époque loués à la bibliothèque du coin, et
mes rejetons se souviennent encore des séances de location, quand
ils passaient des heures à lire de beaux bouquins en haut au rayon
enfant, pendant que moi, je chipais les vinyl/cd de Stevie Ray
Vaughan/Clapton/Johnny Winter pour graver, enregistrer..garder.
Les caisses d'occas bradées et hyper
dégraissées proposent en numérique grassouillette ces pièces de
blues indispensables avec bonus live..juste 3 pour le prix d'1.. du
3G.
Certes, ça fait un peu révision des
grands classiques mais si c'est bon, c'est à prendre...révisions,
découvertes, prises live d époque. Insistance. Persistance.
Trois indispensables avec une grosse préférence sur le cyclone
« Couldn't stand the weather », avec un live
époustouflant.
Johnny Winter 1970 « Second
winter » label : columbia
Eric Clapton 1977 « Slowhand »
label : polydor
Stevie Ray Vaughan and the double
trouble 1984 « Couldn't stand the weather » label : sony
Une basse roublarde roule sa bosse sur
la route tracée d'un jazz-soul de derrière les fagots. Tout vient
s'agglutiner autour, grossir la marche entêtante et incessante..les
peaux, les percussions, la guitare jazz, flutes, sax, trompettes,
clavinet et organ. Billy Cobham, Grover Washington, Marvin Cabell,
George Davis... tous dansent autour de Lonnie Smith sur ce petit
album rarissime et remarquable.
Sony en 2001 a eu la bonne idée de
remettre en circuit ce sixième album de l'organiste, « Mama
Wailer » sorti en 71 sur kudu kudu, nouveau label jazz d'alors.
A ne pas confondre avec Lonnie Liston
Smith, un autre claviériste du Cosmic echoes.
Le notre ici, Dr LS, se fera surnommer
par la suite Turbanator, changement de look pour une grande carrière.
En attendant, un petit bijou de soul-jazz de dimanche matin, un
itinéraire précieux, relax, totalement 70's.
Lonnie Smith 1971 « Mama wailer »
label : kudu kudu
Quelques heures de marches plus loin, la vallée a limé ses galbes, la lumière s'est tue et les formes se sont dilatées dans la turbidité sonore. L'échine est douloureuse, les muscles raides, la sueur perle toute chargée d'angoisses et de toxines. Des jours de marche sur la charpente.
La nuit, le bruit de la nature ou de la ville est décuplé, le silence impose, la musique se met à hurler jusqu'à la sirène d'une tronçonneuse, et si le corps est à nouveau exclu de la symphonie, le crane lui est calé sur un tronc noueux.
Le voyage n'est pas fini chez Touch, Mika Vainio & Joachim Nordwall reprennent la cordée. Le rêve continue, à la limite du cauchemar, n'ayez pas peur, puisque vous avez la tète bien posée sur l'écorce d'un tronc billot immense dont on ne voit pas la cime. La température a repris de la hauteur, des claviers sont dilatés, des larsen requinqués..l'ambiant est dégluti par les esprits vagabonds du fantomatique terrestre menaçant.. celui qui rampe et brûle, juste parce qu'il est possible d'échouer sur une mégalopole éteinte et qui gronde au loin.
Dans une forêt de sapins, lorsque la
température descend sous les -40°C, l'écorce claque net sous la
pression du tronc qui bombe le torse. Un concert de percussions
résonne alors dans le silence blanc d'une large vallée enneigée.
Le jazz improvisées du grand nord.
Éveillé, je n'aime le silence que la
nuit ou en pleine nature, au beau milieu de nulle part, plongé au
cœur de son silence, là où toutes les musiques naissent. Le
moindre clapotis, ruissellement, le plus petit froissement de
feuilles est un chant. Le vent donne sa gorge en drone étourdissant
et les bruits d'animaux en boucle entonnent des sérénades vastes et
intimes, noyées dans de vertigineuses résonances.
J'imagine ce bruit anhydre d'écorces
cédant, ce concert acoustique et boisé qui engourdi et émerveilles
comme un chant de sirène.
Chaque Field recording dans mon casque
me rappelle à ces rêves, pour jouer avec le silence de ma boite
crânienne, l'injecter, juste ce qu'il faut pour laisser les bruits
alentours chanter et jouer avec mon imaginaire, même un petit
souffle urbain lointain peut apporter quelques touches analogiques.
C'est une invitation au rêve.
Le corps est paralysé, exclu et le
subconscient embrasé, impliqué. Si les rêves sont incontrôlables,
les rêvasseries, flâneries et autres partances surréalistes elles,
me sont palpables, juste à l'écoute d'une bande sonore, ou d'un
refuge au cœur d'un paysage vierge ou reculé.
Ma vallée m'enchante et si je veux à
nouveau frôler sa substance, j'écoute un album Touch records, cet
épicentre rêveur de son envoutant.
Si Patrick Watson est un maître en la
matière, Bruce Gilbert est au même titre et sous le même toit, un enchanteur sonore.
Merde, un pigeon ce midi, m'a jeté un
morceau de pain. Je passais là, près de lui et son groupe de
hardeurs au cou déjanté, et pof, d'un coup de bec sec il m'a envoyé
cette mouillette immonde sur les grolles.
Je dois vraiment avoir une tète de
clochard aujourd'hui, ou alors les pigeons ont pitié de nous, le
monde à l'envers, un peu comme ma soif croissante de vieux disques.
Alors que les bacs se chargent d'une pléthore de nouveautés, moi je
suis à l'affut de vieilleries, de raretés, et j'arpente, fouille et
fouine dans les caisses poussiéreuses. D'ailleurs, j'ai incrusté
pour la première fois un bilan rééditions, coffrets, résurrections
musicales.
Il n'empêche, avec ce top 2013, j'ai
discrètement dépassé la 1000 ème chronique en 6 ans de labeur :D
Bon, on arrête les synthèses, les
congrasturbatoires, et on repars au turbin.
Et bien justement, en parlant de rétro
et de trésor déniché, un petit cru pas dégueux d'une grande
année, et en hommage à mon Pap's, mon fournisseur officiel de
disques 69. Des caisses entières par hélico je vous dis.
Je devais avoir de grosses esgourdes à
la naissance, je bouffe des brouettes d'opus de cette année
sextraordinaires.
Ted Nugent, le fantastique guitariste
de Detroit, en est à son troisième album avec le groupe The Amboy
Dukes. 1969, l'album « Migration » est magnifique, bien
au dessus du lot.
Ça commence par un instrumental
sublime « Migration », un rock blues façon BJH first
avec un son Mike Oldfield, des idées prog en substance, un poil
heavy, du Sabbath, du Cream à la papa..cool.
« Prodigal man », on taille
dans le vif, riff, gimmick, heavy et il ne reste plus que le Sabbath,
Led Zep, et pourtant, ils gardent une petite touche à eux, son,
prog, solo, Ted œuvre et Rusty Day à la voix assure un max.
« For his namesake », bim,
les pattes d'eph, orgue, basse en folie, des vocalises à la Beach
Boys, et toujours l'endiablé Ted avec sa guitare aiguisée...puis
derrière les mecs, c'est pas des manchots.
« Good natured Emma »,
funky torride, ils emballent et racolent...délire et liberté,
sérieux et pro.. j'aurais jamais cru tomber sur une perle de ce
calibre quand je suis allé racler les fonds de caisses, juste avant
me prendre le morceau de pain du pigeon insolent.
« Inside the outside »
retour au Cream,
« Curb your elephant »
glisse vers la soul...un très grand disque du genre, y'a de tout
dedans, Stones, Rare Earth.... de la grande liberté live brut et
inconsciente.. du 69 quoi.
En attendant les cargaisons de
nouveautés pour la nouvelle année, je me perds sur quelques disques
perdus.. The Americain Amboy Dukes 1969 sur Mainstream records, 1991
sur Repertoire réédition... Les débuts de Ted Nugent avec un album
collectif magmatique et dévastateur.
69..poil au dent.
The Amboy Dukes 1969 « Migration »
label : mainstream/repertoire.