vendredi 31 mai 2024

King Hannah - 2024

 


À croire que plus il pleut, plus les filles aiment à me consoler. Françoiz loin d'être Beth a laissé place à un tourbillon féminin qui m’inonde régulièrement, même si la fréquence de mes billets n’obéit pas visiblement à mes émotions récurrentes. La météorologie des faims artistiques. La phénologie de mes addictions.

C'est une évidence dans ma vie, je me vautre apaisé auprès des féminités. Toujours ma hiérarchie, mes collègues, amis mélangés et sous mon toit, des dames surnuméraires. Sur ma parcelle fleurie et sur ma plaine, tout est femelle, tout m'éveille et me soigne. Ma platine.


Pas plus loin qu'une joue tracée d'encre de Chine, Alela Diane il y a quelques minutes me susurrait des envies rouges dans un folk dream des plus envoûtant (Headless Heroes 2008). Les îles britanniques ont pris le dessus et King Hannah m'a alpaguée par le colback. Avec sa grisaille et sa raillerie de côtes en furie elle m'a ensorcelé. Sec et Lo-Fi, du ciel plombé et un vent furax en rafales. Il suffit pourtant de descendre au creux de la corniche pour trouver l'accalmie. L'air iodé est en accord mineur, les riffs sont la houle, et si tout semble posé, la pluie continue de tromber.

Ça ressemble à une dérive solitaire, un instant long cendré et perdu au creux d'un abri granité ou bétonné pas loin d'El Paso, les pieds et le front sont à la merci des eaux.. et puis soudain..une main. La tienne.


Ça dégouline de partout, la nature gicle comme pas possible, les basses pressions ne laissent aucun coin sec, ton ventre est un marécage mon aquamanile, aucun répit pour l'aridité et je patauge comme un âne après avoir un peu mouru si près de la noyade. Des miroirs dans la boue à se mettre à genou, des flaques pour se bigler en fermant les yeux, génuflexion hébétée devant la cascade, des ruissellements sur la nuque pour respirer. Qu'est ce qu'on ferait pas pour l'eau.


Tiens, bizarre, au bout de ma lecture sonore de « Big Swimmer » de King Hannah, le stream algorithmique en branle me propose « New World »..le nouveau single de Tindersticks. Groupe habité par la féminité depuis la nuit des tempes, malgré dans le clip le santon à moustache qui danse et reluit des temps, verni qu'il est.


King Hannah 2024 « Big Swimmer » sur City Slang

mardi 28 mai 2024

Françoiz Breut 2024

 



C'est une vague idée à moi qui perdure et me rassure. Véronique et Michel. De l'épistolaire musical par ondes radiophoniques qui gardent les sentiments. Messages personnels sur des amours éloignés. Du vif comme un reflet d'un monde lointain. La terre et les arbres comme lien pareil au mycorhizes des racines du ligneux qui par onde de survie biologique envoie des haleines d'attentions affectives.


L'instinct des plantes, l'improvisation expérimentale des artistes qui se rencontrent en huis clos pour déposer des idées à développer. Laisser mûrir, faire les choses. Pousser le mycélium pour que la canopée inspire. Des mots, de l'eau, un rayon de soleil et quelques notes. Un buisson fougueux au milieu d'un parterre de ray-grass rasé, des harmonies élastiques avant d'aller caresser le lichens joyeux au dessus des bouquets animaux qui palpitent. Arbres séculaires chatouillés de microfaune, le monde réel se heurte au siècle et les chansons pleuvent plus encore.


J'aime l'idée de filaments secrets qui gardent les sentiments flottants. Un souffle lent. Somme-nous plus cons que les arbres. Je crains bien que oui, eux qui s'aiment par les racines et le vent. L'effet papillon des tendresses comme un voile tiède dans le cou, à des kilomètres. Rien ne se défait jamais, entièrement, d'un filet de bave au rêve chimérique, ces deux là s'aiment encore, par disques interposés. J'en suis persuadé, c'est mon idée, celle que je caresse en écoutant ce petit bijou Breut, chatouillé par mon gazon sans hélice, chatoyé par les airs et la voix de Françoiz.

La journée dégringole, je suis grisé par cet album où les choses du paysage d'un monde réel sont incarnées avec une élégance folichonne. Je vais aller fouler les sous-bois, l'appel de la forêt sans cesse, faire craquer les branches mortes des grands sapins et attendre la nuit en fredonnant à vif !.


Françoiz Breut 2024 « Vif ! » sur 62 Records


vendredi 24 mai 2024

Beth Gibbons - 2024

 


Tiens, un boîtier plastique à « l'ancienne ». Sobre.

Du noir mate dessus avec des lettres en cuivre doré, comme le lin cuit. Comme la pièce de monnaie de la pochette Villagers. Noir et lettres cuivrées et je pense au sublime « Sensual Word » de Kate Bush, un autre amour d'un autre temps. Ça part dans tous les sens et lie toutes mes écoutes.

Tant attendu, tant annoncé, rousse chevelure, comme le chien au pieds du tabouret, guitare nylon posée sur l'herbe cuite, travelling des visages comme pour couvrir des ères de vides entre ses deux chef d’œuvre, 2002/2024.


Et je me dis, le front collé à la vitre embuée d'eau salée, que c'est un album hors saison. Ou peut-être à déguster au plus plombé d'une nuit estivale qu'un gras orage printanier aura empourpré l'astre froid cuivré et flou tournant là haut à grande vitesse ralentie.

De toute façon il y a des violons. Et des sons extraordinaires, le lin va cuire sur les nuit cuprifères à venir. Toujours, et je me répète.


Des guitares « Animals » d'un Floyd féminin viennent m'enlever la moitié du cortex alors que je commençais à m'imbiber et me détendre. « Lost Changes » en valse apocalyptique. C'est foutu, je suis perdu. Je connais mes faiblesses, je savais que ma fébrilité allait m'enlever la jugeote.


Tellement prévisible.. jamais je n'ai eu de rencard avec les émotions. Du cuit d'avance.

Et je me suis rué dessus, à cause des autres, des médias, des océans qui peuvent te mettre un vent en une seule vague, se noyer en plein voyage. Noyage. Mais peu importe, j'y serai allé.

L'impression d'être resté là des semaines entières, mon âme fort sale, et alors .. Et puisqu'on nous prive de soleil je vais plus encore m'enliser dans ce voyage. Mes billets étaient réservés depuis un bail déjà.

Tiens, je dors je crois, quelque chose dégouline sur moi, un hydromel tiède que j'avale par petite gorgée.. l'amour chuchote et je flotte. La fin du monde tellement de fois annoncée, le bug de l'an 2000, Yellowstone, les hautes crues qui guettent, l'astéroïde n'est pas pour demain.

Vendredi dernier, le deuxième album de Beth Gibbons est sorti. Je ne sais pas où je suis.


Beth Gibbons 2024 « Lives Outgrown »

jeudi 16 mai 2024

Villagers - 2024

 


La Céanothe tangue pas loin de mes arcades. Sa couleur me rassure, comme celle du lin à quelques fossés de là et je hume cette étendue Noirmoutier de mes champs. Je me suis laissé embarquer par la dream pop sirupeuse de Villagers. Qu'est venue foutre sous mon hamac la lointaine presqu'île qui montre du doigt l'Irlande. Ce bleu apaisant, ce tangage chrysalide qui fait oublier le poids des os. Le lin, une fois cuit par le haut soleil, juste avant la récolte, se change en belle tige cuite et dorée d'un cuivre envoûtant.


Je tangue moi aussi sous cette pâle embellie saccharosée des écritures sonores de Conor J.O'Brien. Chanceux de pouvoir déguster cet instant chrysocale, je laisse le miel s 'époumoner sur les nappes. Plus posé qu'à son habitude, Villagers après un rêve fiévreux 2021, soumet ici son meilleur album. Effet papillon sur moi, je voyage entre la fleur du lin et le cuivre doré qui l’attend. Ce bleu est éphémère, l'âme cuprifère de cet album restera.


Villagers 2024 « That Golden Time » sur Domino


dimanche 12 mai 2024

Caled Landry Jones 2024

 


J'ai vu le jaune des champs dégringoler, comme le rose Judée de mon Cercis. Tout par terre. L'horizon s'est échinulé, le trait droit de l'eau tremble là-bas, comme la plèvre des mes enceintes. Des vagues à l'âne j'ai bourlingué sur la lande de sable en hennissant le sabot embelli. Sur la houle un troupeau de moutons gambade, avec eux je danse pieds nus et me vautre dans ma Barque Mystery Tour les narines magiques pleine de poivres. Le vent s'est levé.

Mes poils succulents ne captent plus, je rampe aveuglement vers la grève. Je suis au piquet. J'ai le poulpe faible, du sel plein les rétroviseurs, mais où est la mer ? Des sons de moult ailleurs viennent à mes branchies. Il a plu tout à l'heure ou c'est mes yeux ? Mon arrière crane est trempé et le cobalt écarlate m'éblouit. Il ne faudrait pas que ma palette se découpe le sel.


Sur la plage de limon donc, juste avant la haute marais de lin, j'ai croisé Lennon la gueule pleine de moutarde à mâchouiller les crucifères. Il avait un Tee-shirt de Bowie en orange fushia piqu en bleu de Noirmoutier. Il se claudiquait les hanches en hurlant des airs de Luke Haines.


  • Tu connais « The Bonzo Bargain » ?

  • Pour sûr j'ai répondu.. déjà en 2020 « Il Dig the Dog » man.

  • 2020, sacré bon album déjà.. quel label, quelle pochette... quel artiste. Il pleuvait de la chantilly sur Sacred Bones et Katya dansait. « Hey Gary, Hey Dawn » et toutes les araignées des arbres synchronisent leur défilé.


Il a plu je te dis, j'ai le pylore qui prend l'eau, le sable n'a pas pris, il va falloir attendre que ça sèche. C'est pas Lennon là-bas qui s'éloigne ?? Si ce n'est lui c'est donc son fils, et tous les violons dansent sous des guitares enjolivées par l'air safrané. Le soleil a embaumé mes oreilles ensablées, les dunes embaument le cury, je vais rentrer sniffer de la Biafine, j'ai trop bu l'océan. De petits marais salants se dessinent sur mon torse oval.. finalement je vais attendre l’évaporation pour rentrer me dépoivrer le Gadzook.


Caled Landry Jones 2024 « Hey Gary, Hey Dawn » sur Sacred Bones


Thomas Köner 1993

  La croûte gelée se ramollit, ventre flasque et tiède respiration. Le ciel se charge de l’halènes des Steppes, le silence gronde. Notre ...