Des coins du monde inspirent, des
épicentres culturels injectent, Arman est allé chercher l'âme de
son troisième projet outre Atlantique au creux du Laurel Canyon. Son écriture n'est plus à
défendre, il n'est pourtant pas souvent dans les nominations, il
faudra un jour aussi à leur tour que des Dieux croient en nous.
Une belle viscosité mélancolique
dégouline de mes enceintes.. de l'espace, un autre ciel poétiquement désespéré, sombre aux
mélodies d'yeux de hiboux.
Plus je l'écoute au fil des ans, plus
je pense à David Eugene Edwards du Colorado et ses 16 Horsepower.
Des cavaleries de spleen sauvage s'abattent des hauteurs, la nuit va
être chouette. Une armée de prunus enivre la contrée, le vent fort
embarque sa poussière vitale. Cavalcade silencieuse des gamètes
dans l'air, les vastes complaintes d'Arman.
Une pluie de marée basse compose un
air visqueux sur la lourde terre détrempée. Aucun vent, le ciel
s'égoutte tranquille, haut et lourd, j'écoute le clapotis sourd et
moelleux sur les mottes brunes et c'est joli. Tout est calme et
nacré, pas moyen de s'abriter sous les arbres émondés, le dos calé
sur l'arrondi d'un château d'eau, je fais une pause histoire de plus
près voir ce ciel laiteux et engourdi qui postillonne, à moins
qu'il ne pleure. Pas encore l'ombre d'une obscénité
chlorophyllienne dans les branches, juste une idée que les ligneux
ont commencé à pomper, les herbes à sucer, alors la giboulée de
connivence vient asperger plus que de raison.
Les ravines sont pleines, les routes
flanquées de flaques, dedans elles pareil, les ocres et les cobalts
mous se sont fondus, des « miroirs dans la boue ». Et des
corbeaux sautillent sur la marmelade des champs jadis labourés.
Le tempo du bruit des gouttes
s’accélère, il semblerait bien que la marée monte, d'ailleurs
les cyprès commencent à danser.
Des tonnes d'eau stockées au dessus de
ma tète, ils sont beaux les châteaux d'eau de mes plaines comme des
clochers à sec. La voûte se charge aussi de la flotte vitale à
distribuer, le ciel cède à la danse folle des plantes assoiffées,
ça va usiner en haut en bas, je suis coincé au milieu de ce coït
biologique inondé. Les songeries à son comble je reluque et hume,
tandis que la sueur capillaire de mon fauteuil d'herbe me remonte le
long du dos, je termine la profonde écoute de « As Days Get
Dark », le nouvel abyme merveilleux des sombres écossais, et je reprends ma
route vers la vallée où les fables sont belles, au dessus à peine
de laquelle je dors quand le silence est total et que le noir vient
me caresser le cerveau.
Arab Strap 2021 « As Days Get
Dark » label : Rock Action