Juste quelques petites
infidélités, un autre ciel discographique de temps en temps, moi je
ne connais Chesnaux que sous un ciel constellé. « Say
Laura » est un instant particulier plus encore. Son
jazz décortiqué, volage et éthéré, l'Epiphone lui va si bien.
Des cœurs d'éponges en douces émulsions de basalte. L'intimité
s'est installée, j'ai arrêté tout ce que je faisais et j'ai
contemplé. C'est comme un tableau qu'on ne voit jamais de la même
façon, un Nick Drake ondulé. Chaque écoute change la lueur et de
lumière. Oblique ou en applique elle prend tout et nous farde, « Say
Laura » plus que les autres, tellement de choses
ressenties.
C'était il y a trois
ans, rien à changé et tout s’acclimate. Juste avant de sortir
prendre la moiteur d'un été au vestiaire, plus beau encore qu'un
paradis alangui, « Say Laura ».
Eric
Chesnaux 2022 « Say Laura » sur
Constellation
La voûte se démantibule,
la cogite s'attise et finalement cet automne de mi-août a son petit
charme. Toutes ces feuilles jaunes tombées sans calendrier, les
mêmes feuilles à terre qu'aux étés de la Saint-Martin, mais
croustillantes ici, cuites en plein vole. Paysage inattendu.
Le sol chips se gausse un
peu des grillons fatigués, les pas saccadés crépitent et rythment
la tiédeur molle, une belle musique anachronique voltigeante voile
la bouillante rondelle jaune, le ciel devient synthétique émoustillé
par les clapotis des libellules qui barbotent. Les vesces se
trémoussent sous mes pas craquants « Est ce que tu
dors ? ».
Ce duo m'enchante, entre
le monde de Burgalat et les rêves organique de Tellier.
Toutes ces feuilles qui
jonchent déjà. Moi, bien loin d'une « Crise
d'aaaangoisse » je danse dedans, il faut se faire à
l'idée, il va falloir écoper un moment donné, je reste dans leur
bulle, je suis accaparé et intrigué. « Maréeternelle »
est un instant fantasmagorique, Citron Citron une découverte.Et quelle pochette !!
Clarinette sur le bilan,
costard dans les graminées, un peu too much le lapin sur le piano.
Aucune fleur bleue dans les hautes herbes, pourtant je le suis à
fond sur cette chanson, depuis un paquet d'années. Pourquoi l'impact
de celle-là ? J'en sais rien, mais elle m'embarque toujours,
flon-flon et re-flon-flon en cuivres gras et petit orchestre pop de
bal musette quand tout le monde est presque rentré depuis quelques
lampées d'une niôle locale qui rend fou. Le jour a beau mettre
minable les derniers lampions qui vacillent et bavassent, tout n'a
pas été résolu.
Pas grand chose à
retenir de cet album, il est d'époque, et y'en a tellement des
« Lucile », peut-être « La musique se
lève à l'ouest ». Je n'ai aucune idée de la répercussion
de Chamfort à ce moment-là, « L'amour tsé-tsé »
.. insupportable. Lui aussi, souvent.
« Mariage à
l'essai », rien que celle-là, Chamfort aux notes, Rivat à
l'écriture. Un vieux mariage, je suis fou, je déteste l'idée des
unions administratives et religieuses, j'ai joué le jeu début 90's,
c'est passé comme on attend son tour pour valider son ticket de
loterie. J'aime bien l'idée aujourd'hui, de cette journée pénible,
ce truc qu'il fallait abroger le jour suivant pour mieux s'unir, ce
vieux bois qu'il faut lasurer tous les jours, ce sentiment d'être un
ancien combattant et d'aimer quelque soit le métal et la pierre. Ce
n'était finalement pas une mauvaise idée.
J'ai une troublante
anecdote avec ce vinyle. Aucune raison au début des 90's, qu'il soit
dans le garage de cette famille-là, immigrée depuis 20 ans, à Lucé
en Eure-et-Loir. Un Johnny encore, ou un Eddy, mais Alain !! Je
n'ai jamais su d'où il venait, pourquoi il était là. Quand mon
beau-père a disparu en 1992, nous avons perdu la trace de ce
33tours. Je demande souvent ce qu'il est devenu, le disque, qui l'a
chapardé, revendu ou gardé précieusement pour la nostalgie. Il
n’empêche depuis, je dors toujours auprès de sa fille avec mes
vieux rêves.
Je viens de trouver sur
Vinted le 1er des 3 coffrets pour autant d'euros que d'années de
mariage pour moi et la fille du garage d'Augusto à Lucé avec dedans
entre autre, le deuxième LP d'Alain Chamfort. Il a disparu avec lui,
qu'est ce qui foutait là.. le disque. J'y pense souvent. J'écoute
uniquement cette chanson de cet album. Elle est belle. Je fais tout pour que la fête continue même si
tout le monde dit qu'on est fou.
On se recroqueville
derrière des cicatrices, quelques chansons belles comme des
amulettes tournent comme les saisons. On repasse tout, je cherche la
faille, je me vautre et lutte contre les amours en fuite. Des leçons
à farfouiller mes déraisons, je me mets des coups de savates dans
l'âme comme on brame le glas, je m'enlise dans le déni.
Spleen de Tristan en
longues heures de tristesse. Je ne m'y ferai jamais.
J'écoute, je me noie, un
morceau m'échappe, il tape dans la poitrine, je vérifie d'où vient
« La prière », mon
streaming chiale et je fouille parmi mes galettes. « Marlène »
appelle à la génuflexion, foutre de crénom. Le flot amer pour quelques notes se
dissipe, comme une nouveauté, j'écoute cette chanson bonus cachée
de Jean-Louis Murat. Lourd comme une âme en peine, grinçant comme
la cruauté, je jubile en triste sujet, il fait un peu plus jour, je
découvre un JLM.
Ma salive en plein
estivage, j'ai le goût de la chaume dans le naseau rien qu'à
regarder la poussière des herses s'envoler. Le soleil est déjà
dans sa descente, la sève à bout de souffle. Les prunus passent à
autre chose.
La chair de guigne est un
souvenir, le noyau attend la pluie. J'écoute « The
Kind » en boucle, toutes mes cellules en transhumance
dévalent sans rien déballer. Je fais de la rétention d'émotions,
j'hésite à dévoiler. Il n’empêche, tout s'est figé et le
Panic-pied-de-coq chante à crête rabattue ses épis plumés de
haute gorge à dévaler sous le vent-là vital et tonique.
Descendre des alpages,
amener en bas l'altitude sous ses paupières et toutes les écritures
d'en haut pour faire un disque. Sommet de poésie.
Bouffée de chaleur sur
les joues, la tempe offensive et les yeux plissés je dévore
« Moisturzier » à moitié urgé. Ça gicle
affolé solidement développé. Je me suis dit dans un premier temps,
ouaih, y'en a des tonnes des groupes ainsi à faire du bruit.
Ce beau brelan m'ébranle, les deux filles ont trouvé trois zicos du
tonnerre, la recette fonctionne, je suis pris au jeu.
L'accroche racole et me
colle au casque. Âpre et sec complètement boumer je me dandine.
J'ai loupé l'apparition
virale de 2022, on me la fera pas sur cette confirmation proposée
aussi en cassette.
10 balles la nouveauté,
rien que pour faire jouir ses baffles et tremper le carrelage. Petit
coup de gingembre dans mon ciel gris, filles caféines, je tiens plus
en place.
Le
temps des lilas disparu est un leurre, un autre celui des Indes
fleurit quand tout est grillé. Plus intense en couleur, moindre en
odeur. De l’autre côté de la palissade, les Robiniers sans épines
tapissent
les trottoirs de leurs confettis crèmes. On dirait un lendemain de
carnaval. Sophora et Lagerose sont à la fête. C’est exactement
l’image qui m’est venue à la vue de cette sublime pochette. Une
dominante de couleurs qui apaise.
Il
fallait aussi que je tombe sur de la chanson nébuleuse, légèrement
bancale et fragile tout en
gardant
l’idée que je déambulais déboussolé au beau milieu de l’été
qui avait déjà connu la brûlure. Un ciel vaseux, un thermomètre
moelleux, météorologiquement intemporel avec alentours les teintes
qui ne laissent aucun doute sur l’instant. Il pleut un peu sur les
ardoises. J’ai laissé cette aubaine musicale diffuser comme on
enfile une pelure au petit matin d’un été qui reprend son
souffle.
Les
abeilles butinent au sol les fleurs tombées du Sophora japonica
avant d’être piétinées. Le rose
intense
des fleurs de mousseline du lilas d'été, ce sera pour ce soir quand
les fleurs s’allumeront. « Out
of sight» est un nectar délicieux qui me perd un peu
dans l’air, dans l'émoi et le calendrier.