vendredi 22 novembre 2024

Thomas Köner 1993

 



La croûte gelée se ramollit, ventre flasque et tiède respiration. Le ciel se charge de l’halènes des Steppes, le silence gronde.

Notre limon cryogénique sous la bêtise des trottinant fond comme neige au soleil, la permanence n’est plus, l'éternel a des doutes. Il va falloir penser autrement, aimer le mou sous la semelle, comme sur mes plaines avec cette terre amoureuse qui s’accroche vainement. Meuble gras toussotant que nous sommes, revoir la boussole.

Chaque lame épaisse de glace qui craque est un tissu d’âme qu’on déchire, le bloc de gré qui s’affaisse geint et les racines dansent. La maison Pise a une autre gueule, tout croule, tout tangue sur la boule bleue pâte à modeler. La gorge d’outre-tombe râle en lave baryton. Ça gronde sous nos pieds, le ventre mou qui gazouille et croasse, des sons drones sourdent comme des respirations, des cotes craquent, la plèvre demande la parole.

Il y a une vie là-dessous, un moteur libéré, un souffle localisé qui se focalise sur le rythme dilaté.Thomas Köner a organisé la fuite sonore du pergélisol, c’était en 1993, époque où la croûte gelée tenait encore sa permanence.


Thomas Köner 1993/ 2010 « Permafrost » sur Type records

mardi 19 novembre 2024

Joe McPhee - Nation Time 1970

 


Au détour d'un pavé sur des albums par forcément dans les plus répandus des piliers de l'histoire, je chope un article sur « Nation Time » de Joe McPhee. Aux heures profondes où je fripouille au sein de IARR et McCraven, le free jazz continue à me travailler le bulbe. Et je m'enlise.

Le bouquin, c'est « Musiques, Traverses & Horizons en 400 disques » de Philippe Robert (sur Le mot et le reste), des albums étouffés par d'autres, et qui méritent tout autant et même plus très souvent. Un peu comme « L'Anti-discothèque » de Christophe Conte.

Et tout l'univers de Joe s'ouvre à moi. John Coltrane, Ornette Coleman.. du free et plus encore. Pauline Oliveros, de l'expérimental, et je rejoins le fantastique bouquin de David TOPP mangé goulûment il y a quelques semaines.

« Nation Time » est son entrée très politique en discographie, 1970 sur CjRecords (1971 pour discogs). La transe, le gingembre dans le cortex, c'est un brûlot classique complètement dévergondé.

Coincé entre IARR et Coltrane ou Davis, je découvre au fil d'une belle lecture affamée un album « culte » à la pochette sublime, avec des morceaux qui collent à « la révolte de la communauté afro-américaine » d'alors. Le trompettiste saxophoniste fou en quête d'unité de peuple fait rugir son instrument.


Joe MCPHEE 1970 « Nation Time » sur CjRecord production

samedi 16 novembre 2024

Dick Annegarn 2005


 

J’ai mis à belle veste orange pour sortir grimper sur le chemin qui surplombe le village. C’est pas trop pour qu’on me distingue ou qu’on ne me cartouche pas, nan, c’est juste que je l’aime bien cette vieille pelure roussie quand l’automne traîne l’été sous ses godasses. La gadoue porte encore en elle les averses estivales, le soleil cucul éponge, la citrouille est cuite, la gueule grande ouverte tuée par les guirlandes et les boules de Noël. Un jour on va la tartiner de frangipane. Pourquoi vouloir toujours accélérer, s’engouffrer dans le tunnel toujours plus vite.

Potiron poltron, châtaigne en cendre, cèdres délavés, Potron Minet, l’eau est là, partout, à poil les branches, plus aucune gêne et le foutre en flotte les chatons s’agitent. Aurons-nous de la neige cette année ? je vais laisser mes géraniums dehors, à force.

« Le ciel plonge depuis des semaines…. » le vivant pionce, les arbres ne sont plus qu’arborescence. On va savater mou et laisser traîner le pas, le blues des ploucs que la glaise braise. Le rouge aux joues pour mettre à jour l’humeur du matin je reviens du coteau tout crotté l’air heureux et harassé. J’ai quelques bûches aux creux des bras la braise glaise attend mon foyer, mes croquenots terreux ont des cailloux collés avec des feuilles et des asticots. Ma belle veste orange rebelle fume, c’est le mois sans tabac. Mon plan de cuisine cucurbite assez la cardamone et les topinambours m’attendent, tout est nuit, la hache courbaturée sur la chèvre est cuite, les trois petits cochons sont toujours dans le bois. Dick n'à de garde que de faire vibrer la poésie.


Dick Annegarn 2005 « Plouc » sur tôt ou tard

mardi 12 novembre 2024

Raoul Vignal 2024


 

Quand l'outremer du bleu vient dévorer son cobalt il est fort à parier que la houle va manger nos plaines. Limon ensablé et Raoul salé se pare des habits du Calexico mais pas que.

Depuis quelques années le chêne argenté de cet artiste à la Lee moustache m'intrigue. Son marbre à eu raison de moi. Comment peut-on longer de tels artistes de par chez nous sans les embarquer pour arpenter les espaces ? « Miracle argenté » je disais en 2017.. que dire aujourd'hui, « Shadow Bands » est une belle lumière automnale, je le passe en boucle depuis des jours et lui valse dans la glaise. Tous les ciels fatigués ont défilé sans bouger, clay en main, les cieux engorgés se sont tenus à carreaux pour quelques accords d’artefacts désossés.

Depuis hier, la pluie a mangé le brouillard, l'horizon est revenu, « Brimstone Skies » est juste à quelques jets de mon talus, le vaste avec lui, une trouée dans le bleu intense ensablé. Le haut des bâtiments s'est dévoilé enfin et les clochers bandent à nouveau. Le marchand de sable a déposé une belle couche de poussière ocre sur la lune à l’hallali Hazlewood endormie.

Et si pour une fois la lumière venait d'en bas. Colline éblouissante par en dessous, le sablier décolle et la dune abat-jour rayonne. Le fibre molle des grains de sable qui s'entreposent laisse jaillir l'éveil capillaire des insomniaques. Raoul Vignal fait des miracles.


Raoul Vignal 2024 « Shadow Bands » sur Talitres

samedi 9 novembre 2024

Kronos Quartet 2024


 

Avant-hier, sur le seuil du big-bang, la densité de l'univers naissant était telle qu'un son mélodieux circulait. Cette musique a catalysé la genèse, la berceuse. J'aime l'idée que nous sommes là grâce à elle. L'onde fertile, ma croyance. La musique sauverait l'homme donc... sans déconner.

Apparemment il ne l'écoute pas assez. Plutôt que de l'entendre ramoner, ramenons toutes nos émotions sur la note et l'harmonie. Captons. Table rase avec cette portée d'oiseaux qui chantent, ces notes sinusoïdales sur les branches parallèles qu'un vent hydrogène fait tanguer.

Loin des mitrailles sulfatés, la portée sur le vitrail de l'histoire mets en champs la création, le chant de bataille et chaque pensée à condition qu'elle soit à disposition pour laisser la peau frissonner sur un accord.

Il suffit de lever les yeux pour voir le ciel beau, puis le regarder avant de le contempler. Sucé et adsorbé près du Sun Ra. C'est ici, là que le nuage commence à fredonner et les feuilles chanter. Une fois au sol, elles deviennent douces percussions de verre sous nos pas syncopés, semées sur un sol de ciel absorbé qui a gardé le silence de son chant reculé, juste au dessus de nos tètes retournées.


La menace de l'horizon est un roulement de tambour, les rives ordinaires frissonnent à peine, les mots sont emprisonnés, peu importe la musique est toujours là, muette, mais sûr d'elle, de nous avoir rendu possible la vie avant-hier. Le silence dans un liquide amniotique avec ce brouhaha lointain ouvre les yeux et la respiration fait valser nos cellules. Les tablatures surgissent comme un sens exact, un acte naturel inépuisable. Lourd de vitalité, accoucher la programmation du plasma.


En bas de chez moi le ruisseau chante, plus loin un moteur toussaille, le portail municipal en fer graillonne avec la bourrasque, le Kronos Quartet va lancer son opéra rock, un houppier oscille et grince tout en haut avec son voisin, un moteur de clim d'usine ronfle au loin à peine perceptible, trois petits oiseaux et le vent dans leurs gorges s'emballe, les instruments sont là. C'est la fête.


Kronos Quartet 2024

« Outer spaceways incorporated Kronos Quartet & friends meet Sun Ra »

mardi 5 novembre 2024

Brigitte Fontaine 2024

 


Issue éclaboussante et lampe frontale pour avancer, les étoiles sont tissées. Je suis passé par Sainte-Eulalie-d'Olt pour gindre mon chant monotone. La vallée du Lot, les enfants et les marmottes, des crues sans nom et des chairs à vifs. La cantilène des marmots et ses niveaux mélancoliques soulignés au marqueur indélébile, errer le long du fleuve de Saint-Geniez et imaginer l'eau bien au dessus de la tète qui défile, comme la marée."Mourir comme un chien crevé dans le fleuve.."


La planète est une femme fontaine, une simple bricole pour elle, un jaillissement doux, une goutte sur la joue, une vallée inondée et tellement de larmes de fond, des peines à remplir en bennes à jouir. Albouefera.

Brigitte est là, sous de grandes lumières enluminanasées, tellement bien sapée avec eux, et si tous nous nous embrassions à la gloire de cette grande dame noyée de poésie ?

Pauvres errants, crevards miteux, chiens galeux et autres peigne-cul reculottés, cette égalité sur les starting-block, des faux départs tout le temps, la toile est tissée, qui à l'arrivée ? L'eau monte, le ciel nous scrute et les gris en n'ont rien à foutre. Sur ce fleuve gonflé, le cobalt n’arrive plus à se poser, et l'ocre des coteaux avale tout même les lingots d'or. Les parapluies inutiles s'envolent, les Mary Poppins sont restées dans l'eau. Si seulement certaines avaient pu s'envoler comme cette conne.

Une corde pincée hurle à la mort, un tronc miaule et toutes les branches chialent à mourir, les feuilles flottent déjà sur le salé. La roche sur la fougère ne pipe mot, lessivée elle câline la mousse sous les aisselles. Et tout s'entasse sous les ponts.

L'erre est au pébroc, le bipède botté se dépatouille avec la glaise et l'endotoxine prend son bain. La planète chiale, allons créer des richesses. L’œil du journaleux est Trumpé, pas de bol pour les trempés, et "la mer qui aide les collines couvertes d'oliviers" recueille.

Brigitte, la nique à tous les voisins de promontoire, on en a Cure des Aubert affligeant Indochinés et autres vulgarités. La Fontaine vient poser son rose zob à tire la Rigole. Je l'aime aussi ce "Divin Blasphème". Embrassons-nous.


Brigitte Fontaine 2024 « Pick up »


samedi 2 novembre 2024

Andrew Bird & Madison Cunningham -


 

Le Rouge-gorge s'est posé sur la branche comme on tape sur le diapason. La délicatesse tintant comme du cristal dans le gris, le rameau vibre encore et l'onde résonne.

Un peu pétrifié à l'écoute de cet opus, avant de réaliser et m'extraire de ma torpeur. Les versions dépouillées ont laissé planer le doute avant que j'aille directement me poser sur « Crystal ».

Ils m'ont cueilli, sans aucune somation. Cet hommage est tombé du ciel sans que je puisse imaginer la moindre reprise de quiconque de cet opus que je chéris depuis que les Fleetwood ont mis le grappin sur ma discographie.

Buckingham / Nicks 1974, Cunningham / Bird 2024 et le ciel aplanit tous les reliefs. Les oiseaux font des réserves, aucun relief ne résiste au ciel qui nous tombe sur la tète. Il y a bien le vert tendre à mes pieds et ce cramoisie à portée de bras, mais mes yeux sont embués, et mes lunettes ruissellent à pleurer de joie à l'écoute de ce duo.

La voix d'Andrew calmement aux côtés de Lindsey, l'esprit Stevie que Madison happe. Et « Crystal » qui s'installe.

Andrew Bird m'a mis le grappin dessus avec son « Weather systems» au début du siècle. Je suis resté fidèle. Et voici qu'il me perturbe avec Madison Cunningham plongeant à travers ce chef d’œuvre de la branche USA venue se greffer aux British Fleetwood, au beau milieu des 70's. 

 

Madisson Cunningham / Andrew Bird 2024

Thomas Köner 1993

  La croûte gelée se ramollit, ventre flasque et tiède respiration. Le ciel se charge de l’halènes des Steppes, le silence gronde. Notre ...