Il fallait bien que je m'y attende un
jour, être parmi la liste du pourfendeur d'injustices artistiques.
J'ai reçu un de ces soirs, une enveloppe, un billet manuscrit
énigmatique déposé sous la porte de mon adresse IP, une
provocation anonyme de prime abord, un challenge que je croyais
insoluble allait me tomber dessus.
Le craft ocre croustillant qui enrobait
le mot était accompagnée d'une carte de visite orangée et paraphée
e-w. Au recto une photo trouble. Au verso, une grifouillade « The
Best BB ? ».
La paranoïa était pendu à mon porte
clés qui du coup hésitait à emmancher l'orifice de la serrure, mon
cerveau vrillé crachait un film improbable comme un documentaire mal
foutu, des tonnes d'images comme des indices, des questions et des
mecs chelous en filature. Une fois écroulé sur ma lucidité acide,
j'ai planché sur ces 3B avec dans la fosse à angoisse les fans des
2 Be 3..puis l'odeur de la marée au fond de l'enveloppe, ce ressac
immobile à bulot qui m'embarquait vers le littoral.. 2B ? Benjamin
Biolay, c'est pas un maritime, y'avait bien Brigitte Bardot appuyé
fortement par les remugles de vieille marée basse du craft taché,
mais la photo au recto, c'était un vieux cliché de surfeur sépia
sur fond gris de mer mitigée.. j'ai tout de suite compris... tout a
dévalé, l'Everett et ses obsessions.
Il s'agissait bien de trouver et de
diffuser ce qu'il fallait que je crois deviner et qui serait être le
meilleur album des Beach Boys.
Autant dire que je me trouvais alors
devant une montagne de fromage de brebis à gravir au piolet..
quasiment comme une poule devant un pot de rillettes. Qu'à cela ne
tienne, bulbeuse billevesée il fut décidé que je gravisse. Comment
faire.. avec quel critère, une véritable série B que ce truc
malsain.. et il a quand même fallu que je me bouffe de la plage au
kilomètre..que j'en écoute des chœurs primesautiers, la mélodie
ensablée et de la complaisance ice-cream outre-atlantique.
Donc, simulant une gueule de bois
dantesque, je suis allé chez un vieux pote normand, l'homme
grenouille gris du débarquement, le crapaud cendré qu'on
l'appelait, là où les BB étaient venus tenter de lutter contre nos
Beatles dans les 60's..lui savait, il avait vécu le débarquement et
voulait rester vivre près d'Omaha Beach. C'était un homme brave,
impartiale, je savais que je pouvais compter sur lui via la mer
laiteuse et historique. Il surfait des heures pas loin de Caen, le
Brice de Nice de la Manche collé à ses rouleaux comme la rombière
à ses bigoudis. Illico, une dose de Glen de cowboy entre les mains,
j'ai visité sa discothèque en tisant comme un anglais.. c'était
pas gagné. J'ai tout écouté, on a discuté des lunes entières.
Mais rien, jusqu'à ce qu'il sorte de sa maie encaustiquée, un vinyl
improbable, juste après lui avoir prononcé « orange ».
Un disque qu'on ne voit pas dans les bacs.. pas le truc qu'on réédite
exprès pour donner du charbon au récalcitrants... comme moi. La
troisième gueule de bois comme ma barbe journalière est arrivé
quand le son est paru tellement bon que j'ai cru qu'il venait d'un
autre groupe. « Fais voir la pochette » je lui ai
demandé...
Merveilleuse pochette, trois nuits à
écouter les garçons ensablés, une céphalée carabinée.. pourquoi
ne pas avoir sorti celui là en premier ? Les bouton d'or et l'herbe
verte était sur sa gueule innocente et enchantée.. « mais tu
connais pas cet opus là ? ».. bah nan.. mais je comprends.. la
pochette..le titre.. « Holland ».. leur drapeau orange,
exactement l'étiquette obus Evrett avant qu'il ne l'enlève pour
mieux brouiller les pistes..ça aussi c'est bien une preuve. Il
fallait à tout pris que je prenne une douche.. trois jours à
bavasser, à picoler..je sentais la biquette à plein nez.
Je l'avoue, ça marche, même si je
tombe sur une récidive « The trader» horrible ou encore
« California saga/California » ..mais bon, y'a plus des
masses de vague on dirait, normal, là nous sommes au Pays Bas.. y'a
même quelques slide Pink Floyd sur « Steamboat » et une
sublime valse harmonica et pedal steel « .. Big sur ». Le
disque sonne comme une bouteille à la mer qui ne franchira
l'Atlantique difficilement..et Warner est en pétard.. « We got
love » n'est pas assez « plage » alors en urgence,
on travail pour trouver un hit qui n'en sera jamais un.. « Sail
on, Sailor » arrive pour locomotiver l'opus dont personne ne
croit, même pas les USA.
Bon, il faut dire, juste pour me
rassurer moi, que nous sommes dans les 70's..ça change tout..qu'il y
a du sang neuf (Chaplin et Tataar), et que Brian Wilson est sur le
banc de touche..présent, mais ravagé en retrait, absent, ce qui
laisse une grande liberté aux autres plagistes. Il a même un projet
avorté qu'on voudra bien ajouter comme un bonus Ep à « Holland »
qui ne ressemble à rien.. « Mount Vernon and Fairway ».
L'histoire, le contexte me vient après,
Brice de Caen encore affublé de son moule bite en écailles de
maquereau me dévoile tout et je commence à prendre du plaisir à
l'écoute de « Holland », comme une menace depuis des
années. « Leaving this town » passe superbement comme un
Billy Joel, Al Stewart, Eagles ou Elton John .. refile moi du Glen.
Le disque se traine, pas bien placé
aux chart.. A cette époque, Paul lui était bien loin des rivalités
Pepper/biquette, il arrive aux sommets des ventes planétaires avec
« Red rose speedway ». Le nouveau départ et le deuil de
son groupe d'antan, celui qui a déglingué Wilson.
Il n'empêche.. un week end de trois
jours, aidé de mon vieux pote salé comme un marin, de l'iode à
perte de glotte, des bulots et du boulot, des rasades terribles de
whisky anglais.. des débats, des accolades, un tas de disques
entassés, sans leur pochette.. et cet album qui tourne en boucle ..
j'avais compris la leçon.. et je suppose que l'anonyme e-w lit ses
pages pour avoir oser me pourrir la platine ainsi.. Je me suis
enfoncé dans le sable, j'ai la raie en toile émeri et le scrutum
comme un oursin..j'ai souffert, j'ai failli me noyer et j'ai bu
maintes tasses, mais j'ai trouvé.. le meilleur album BB .. c'est le
cru 73 des Beach Boys « Holland »... c'est du moins le
mien, celui qui passe, celui avec lequel on m'a mis sur la voie.
« Only with you »..
superbe.
Bon, même si c'est pas encore
l'apothéose.. je le garde ce disque et le laisse à disposition,
pour le cas où les grandes marées des Pays Bas me manqueraient à
nouveau.
Evrett.. la saga californienne orange
est top, mais ils sont loins de chez eux, Brian est calciné.. et au
blind test, j'aurai perdu..
MERCI :D
Beach Boys 1973 « Holland »
label : reprise/brothers
ps..mon dieu le site..on dirait une pub
de courrier indésirable d'agence de voyage low cost.. :D