« A quoi tu penses ? »,
je pense toujours à ça quand je pénètre la sphère d’une âme
qui approche la mienne. La proximité humaine est un sport permanent,
il faut avoir bossé, appréhendé, observé, écouté pour se
glisser et longer.
J’ai toujours à mâchouiller dans
mes tablettes, un chewing-gum parfumé au solipsisme.
Rien ne transparait même frôlé, rien
ne transpire même pénétré.
Frôler, longer, jauger se dévoiler
comme appât, pas à pas, juste pour voir si, ou pas.. S’ouvrir à
reculons, phagocyter sa propre solitude, plonger et se dire que
l’unique aquilon est calfeutré au plus profond des alvéoles. Et
puis finir inéluctablement seul au fond de sa cellule biologique,
cette incarcération individuelle autour de laquelle même le plus
proche ne fera qu’effleurer le énième uppercut. Puis finir par se
les donner, s’affliger, se battre contre le vent.
Mon cerveau est un vestiaire que je
récure moi-même, je pisse le sang, l'hémostase comme serpillère à
toute épreuve, et même si mes arcades sont solides, mes reins
craignent les coups bas.
Matthieu Malon cogne, bat les bacs sans
bousculade.. et pourtant, le dithyrambique discret, comme disent les
journalistes, c’est bien fait pour ceux qui n’ont pas était
baffé par « Peut-être un jour ». 14 ans après « Froids »
que j’avais adoré, ce nouvel album de M.Malon est sorti l’an
passé, coinçant les Laudanum extraordinaires beaucoup plus répandus,
et un deuxième album autoproduit.
La piscine est vide, y’a tellement de
trucs à remplir, comme un espoir sans fond, faut juste bosser au
quotidien, convoiter, supplier, racoler, espérer ou quémander.. et
puis voir venir. C’est pas gagné d'avance. Au pire, la piscine est
vide, et même seul dedans, y’a de quoi se réfugier pour poser son
cul, son univers invisible, son alcôve secret et garder l’espoir
de se faire remplir, de se faire nourrir avec tout le temps qu’on
passe à se vider..pour les autres, comme un alibi à son propre
vide.
C’est un album trempé, bien rempli,
la rythmique est infernale, les compositions bétons, l’album
puissant juste comme il faut malgré l'intimité des textes comme par
chez Cloup ou un Wire electro de par chez nous.
On écoute « Peut-être un jour »
comme on se bagarre avec nos sentiments rageurs.
Matthieu Malon 2014 « Peut-être un jour » label : monopsome