Ce n'est pas avec ce disque là que
Feist est entrée dans ma danse. C'est pourtant celui-ci qui me reste
sur l'échine ces temps-ci. La réédition sûrement y est pour
quelque chose, ou pas, aussi « The Reminder » revigore mes
soirées.
Il y avait un collectif à l'origine,
Broken Social Scene avec les tuiles Arts & Crafts canadiennes.
« The Reminder » vient après un démarrage tonitruant, « Let
it Die » en 2004, album parfait, la crème à se pavaner, et je
m'y suis vautré volontiers.
Juste après le rose magnifique
de « Pleasure » en 2017, la réédition de ce deuxième
opus plus de dix ans auparavant resplendit dans son petit jazz pop et
sa grande ballade luxuriante tout en gardant l'idée du groove
virtuose sans pour autant ravager les plate-formes à ravager.
Il fait nuit depuis belle lurette, je
me suis mis bien avec un bel album de Feist, son deuxième, un luxe resplendissant.
Aller chez le toubib comme on se rend à
la police. C'est pas que de ma faute, j'ai sniffé du méthane
oxydase en Touraine, de la nébulisation bleu fluo sur mes champs, me
suis vautré dans le formaldéhyde d'Ikéa et autres colles à
plinthe, le glyphosate dans ma betterave, je vais porter plainte.
J'ai pris des clopes à une époque, mettez-moi les menottes doc, je
vais tout dire, tout avouer, me gardez pas, j'ai rien fait,
relâchez-moi. J’arrête la viande en promo si vous voulez, je
mettrais un masque pour l’alliette la prochaine fois, je prends
trop de bouillie bordelaise et j'aime humer les fumigatus de ma boite
de pétri.. juillet 94 nous voulions notre premier enfant.
Oui, ça aussi je culpabilise, qu'ai-je fait.. pourquoi les ai-je posé ici bas, sur cette croûte
terrestre en souffrance, dans cette bouillie urbaine nocive, tout
comme mes plaines saturées de produits chimiques, comme les
cigarettes que l'on fume..j'ai arrête je vous jure, détachez-moi.
Je prends mon ticket, je fais la queue,
mon casier judiciaire à part quelques verres est rosé comme neige.
Lui en juillet 94 gravissait le
Mont-De-Grange, la Cornette-De-Bise, Bruno Tocanne à la batterie et Fred Roudet au
trouble souffle cuivré, cet album d'un autre temps
est une perfection Kanche, le son qui le prend à la gorge, celui-là
le sied à merveille. Des bandes perdues retrouvées, c'est abrasif, c'est beau
et sombre, presque sans espoir. Faut que je parle de Kanche à mon toubib.
Marcel Kanche 2018 « Juillet 94 »
label : 10h10 / l'autre distribution
J'imagine « Bleu Pétrole »
avec à la place de Cohen et Manset solitaire, les deux chansons
viscérales de Dominique A.
« Seul le chien »...
il y avait donc cette chanson là aussi, avec « Immortels ».
Qu'est ce qu'elles auraient été belles là, calées, déposées,
incrustées dans ce bleu fossile où tout repose.
Peureusement, confusément, je me cache
derrière Dominique.
Je sais ce que vous allez dire,
Knopfler c'est de la petite bière, le mec il est parti comme on l'a
pas venu venir, qu'on savait même pas qu'il était là, qu'un jour
il a inondé MTV avec son groupe de fauch'man, que je vieillis des
guibolles et qu'il me faut un truc pépère dans les oreilles pour
ménager mes rotules, qu'il est même pas question que l'on parle de
Swamp rock alors que le grand pape du genre vient de disparaître et
que même faire allusion à JJ Cale est un poil déplacé, que c'est
bateau, easy et grassouillé, patati et ….
Il s'en bat les cordes le Marko, sa
discographie solo coule doucement le long de celle qui a fait son
succès dans les années 80 et de ses musiques de films innombrables.
Parallèles fantastiques, liberté pour lui de rouler sa bosse et du
coup de sortir des petits bijoux sans que cela devienne vital. Libre
à lui de venir déposer un grain de sel, une bouffée d'iode sur son
jeu lent de swamp fast picking à lui qui vient frôler le littoral
(« Drover's road ») comme sur chacun de ses
albums.
Alors je sais ce que vous allez me
dire.. moi ces temps-ci Mark Knopfler tourne inlassablement avec un
plaisir sans précédent, parce que cet album là c'est l'explosion
de ses talents, un cru exceptionnel, quelques styles se baladent, doux, chaloupés, c'est
du 100% Knopfler dans toute sa splendeur.
J'ai une grande tendresse pour ce mec
qui ne s'affiche jamais sur ses pochettes, je vous laisse avec
« Nobody does that », il doit s'en foutre ce que l'on dit.
Mark Knopfler 2018 « Down the
Road Wherever » label : british grove
Cancre en parité, avec un peu de
recul, il faut bien avouer que je merde grave quant au partage des
genres. Je n'ai pas d'explication, pas de défense, quoiqu'il en
soit, je ne me force pas, la réalité de mes écoutes est telle.
Peut-être à ma décharge, l'intensité d'une écoute n'est pas la
même.. jamais je n'ai ressenti plus forte émotion sous les cordes
graves d'Hildur Gudnadottir, Colleen ou encore Jessica Moss.
Au creux de mon hexagone, je ne trouve
pas mon bonheur plus que ça, et mes étagères croulent sous la
galette masculine, sur lesquelles viennent rayonner Sanson, Hardy...
Carlotti, L, Keren Ann....
J'ai beau fouiller, même chez Tricatel
par exemple, il n'y a qu'Helena et April.
Ni myso j'espère, macho pour rien au monde, je pense que c'est l'offre et la place proposée. Mes écoutes féminines se
barrent souvent vers les States, le Portugal, le Québec, le made in
England, la scandinavie....
Suis-je dévié à l'idée qu'une femme
me chante ? Pourquoi ai-je dis « me » chante ? Kate
Bush mon premier amour ? Artistiquement « amour »
n'a pas grand chose à voir avec le féminin ou le masculin .. j'aime
Michael Stipe et Bryan Ferry...autant que Anna ou Polly Jean, je
suis pincé secrètement. « Show me the meaning of being
lonely » et je chute lourdement, tout comme « Man of the
world » de Green...par exemple.
Je l'ai joué un peu lège avec le
dernier album d'Anna, j'ai boudé comme un vieux bougon. C'est pas
qu'il est juste un poil en dessous, c'est moi, pourtant c'est pour le
meilleur et le un peu moins meilleur les histoires d'amour artistique. J'ai merdé, il
aurait fallu passer outre un léger coup de pâle dans mes yeux, les
siens n'ont rien perdus de leur profondeur.
Je ne vous promets pas de régler mes
lacunes en parité, il y a pourtant beaucoup de filles qui sont
venues embellir mes pages. Ternheim et l''intensité est toujours là, un concert,
un petit album ravageur, un Lp magnifique en plein milieu , le retour
d'Anna Ternheim ou plutôt la belle continuité. "Gifts of Chance" est un petit chef d'oeuvre.
Elle a beau être
une femme, je l'aime.
Anna Ternheim 2017 « All the way
to Rio » / « Gifts of Changes »
Je la craignais depuis des semaines
cette journée sans soleil, le court jour plombé de cendre qui tape
sur le crâne. L'ennui du regard se perd dans le brouillard.
Une truc puissant d'émotion pour palier, des
chansons pour s'étendre alors que tout s'éteint. Les villes
s'allument avant le soir, « Des pûmes et des ombres »
« à la fin de la saison les oiseaux déclinent ».
Pour des raisons différentes, comme
avec son premier album, je me laisse embarquer sans résistance
aucune par le nouveau Salomé Leclerc, touchant, grave et
mélancolique.
Le persistant tiendra
tète au caduque, c'est écrit. Un son d'orgue entonne dans mon
crâne.
Hier on fêtait la chair
à canon centenaire, des âmes qui sont tombées, des corps qui
chutent sans cesse, même sous les belles lumières d'une douce
journée d'automne.
La branche de laurier aux
feuilles cirées a chopé de justesse celle détachée du figuier.
Depuis le temps que leurs racines à ces deux là se causent et
s’entrelacent. Comme pour la soutenir, pour ne pas qu'elle tombe
même si c'est cause perdue, la palme ficus tangue au creux des
doigts du prunus qui persistera. Le vert bouteille n'a que faire du
carotène.
Les hortensias pâlissent
à peine, les cerisiers sont déjà à terre, de tout feu, tant de
belles journées d'automne et la tranchée grondait comme la fosse
des concerts, rien n’empêche les jours amers.
J'imagine mon fils partir
à la guerre, ou une de mes filles se rendre à un concert. Je pense
intensément à Georges Salines que je croise presque tous les jours
à mon travail, le papa de Lola. J'ai beau contempler les couleurs
du hêtre pleureur pourpre juste en face de son bureau et de notre
cour, son grand regard est une vaste émotion dans la plus profonde des
discrétions.
Pas une époque de répit,
les premières exterminations remontent à l'homo sapiens. La leçon
traîne la savate, le correctif est sans espoir. Comment les hommes
deviennent-ils fous ?
C'est tellement doux une
journée d'automne, la lumière hémoglobine ensoleille les arbres,
embarque tout. « Le monde entier est en déroute », c'est
pas demain la veille qu'il épousera la beauté. Pourtant tout est
là, déposé à nos pieds de nos belles journées mordorées. Il
suffit de cueillir, de prendre délicatement sous nos pas ce qui est
là, de respirer ce qui est sous notre nez, caresser la mousse des
monolithes, le lichen des troncs, et les arbres rougissent du sang
des innocents. Peut être devant tout le monde nous sommes en face de
nous même.
Les langues encore
engourdies doucement se délient. Lavilliers « Vendredi
13 », Murat « Interroge la jument », et
puis Alexis qui s'isole meurtri, recroquevillé chez lui pour
discuter avec « Marianne » endolorie. Qui est
cette femme triste ? Quelle douceur cette chanson, comme cette
nouvelle belle journée d'automne. Quelle « douleur..... que
rien n’efface ».
Alexis parle aussi de la
vie sans lui sur terre, du cerisier dans le jardin de son père, des
chasseurs c'est la saison, des haines quotidiennes, de la mal-bouffe
et de l'endormissement des pensées, du chien qu'il aimerait avoir
comme la fille à Pierrot même si on dit « de Pierrot »,
des trucs qu'on aimerait dire à son fiston et surtout de la solitude
des gens... mais là, « loin des superstitions des vendredi
13 », nous sommes mardi et plein de grands yeux se voilent de
larmes salines.
Alexis HK 2018 « Comme un Ours »
label : la familia/ autre direction
C'était une belle journée pour un
automne
La lumière avait la douceur de la madone
Attablé à
l'autre café Marianne doute
Elle me dit que le monde entier est
en déroute
J'aurais voulu te consoler
Te dire de ne pas te
laisser aller
Quand tes grands yeux se sont voilés
De charbon
et de larmes salés
Trouver les illusions et les intonations qui
apaisent
Loin des superstitions qui reviennent chaque vendredi
13
Et puis nous nous sommes quittés dans un soupir
D'amitié
qui depuis toujours nous fait sourire
L’après midi a déroulé
des heures douces
Devant les terrasses bondées de bières
rousses
Alors paris s'est enflammé attaqué par les loups
égarés
Quand le chaos s'est invité et que la foule s'est mise à
crier
Toutes nos illusions perdues en quelques secondes a
peine
Consumé par le feu et les larmes des hommes qui
saignent
Une douleur que rien n'efface qui nous mutile
Le sang
des innocents les traces indélébiles
C'était une belle journée pour un
automne
Oh Marianne s'est mise a pleuré comme madone
Le cheval a pris un peu plus de hauteur, du Prog il y'en a aussi un peu chez Beak, mais beaucoup moins, noyé dans du psyché synthétique tarabiscoté. Des plages expérimentales intrigantes et entêtantes, il y a quand même un bout de Portishead dedans. L'hypnotique entêtant "Allée Sauvage" est une merveille contagieuse.
Ici l'allure prend des formes floydiennes, "Abbots leight", comme si les Residents d'aujourd'hui avait marché dans le Kraut d'hier.
Beak fait du bien, écoutablement risqué, pas besoin de se cacher derrière un œil pour imaginer la liberté étiquetée, malgré cette soif de liberté musicale. "Harvester" pourrait planer sur "More".
Des remugles de Portishead entre autre, kraut prog rock expetc etc... un disque sans repère malgré tout, absolument excitant.
Pas facile d'être Rock-prog
aujourd'hui, de plus en plus chelou de brandir un album aux morceaux
de 15 min qui passe du coq à l'âne à travers des montagnes
sonores. Même Steve Wilson semble vouloir se détacher de cette
étiquette qui lui colle au bulbe. C'est pourtant un des meilleurs
artistes du genre ces dernières décennies. Un paquet de nouveautés
dans les bacs Prog comme pour hurler « on ne lâchera rien ».
J'en ai essayé quelques uns, pas mal même, mais pas à se torde le
plexus..
Tiens, si je trouve un album qui crache
bien, autant, voire mieux que Wilson, bah j'te pète un ch'val.
Crippled Black Phoenix 2018 « Great
Escape » label : season of mist
En passant comme je l'ai fait, je n'ai
pas eu l'attention suffisante pour stopper devant cet album, j'ai
continué ainsi vers les lettres U V W... Il a fallu que le premier
morceau passe dans les enceintes du disquaire pour que je revienne
intrigué au « T divers ».
Maximilien Hecker, Perry Blake, Ed
Harcourt, Tom Yorke, JJ Johanson.. Jeff Buckley ai-je pensé.
Très partagé à l'écoute de retour
dans mes pénates, j'ai balayé les clichés, oublié la pochette et
suis resté jusqu'au bout subjugué. Pop mélancolique habitée par
une voix, sirupeux avec quelques ondes arabisantes, une grande et
belle surprise finalement.
Les infos sur cet artiste sont un peu
partout, je reste fasciné par « Amir », le premier album
de Tamino.
Préparé à pas grand chose, je laisse
ce soir ma furieuse envie d'épaisseur dans les veines glisser vers
un de mes Prince préféré. Sûrement une question de peau,
d'ambiance, de timbre, de large verre au lourd cul malté.
Prés paré pour un truc de sensuelle
glissade vers la jouissance sans que l'on y soit pour grand chose.
Accroc hanche moelleux à mouver debout sur une légère houle en
ébullition. Le feu au hamac sans pour autant se choper un coma,
juste le lent mouvement des illusions caressant l’échine.
Pas envie de choisir un style, tout
prendre, côtoyer l'absolu sans pour autant y être pour quoique ce
soit. Envie de ce Prince là.
Pochette pas terrible, titre impérieux,
album fatal, j'ose à peine me lancer dans un compte rendu historique
ou technique, une timide dissection, j'en suis incapable, je suis
paré et près. Je laisse défiler médusé l'épaisseur princière
que je désirais intensément, je suis on ne peut plus contenté, je
déguste, « Musicology » me cloue le cul.