vendredi 30 septembre 2022

Pink Floyd (2018 Remix) 2022


 

Il fallait que je franchisse le marbre au seuil, passe sous la voute de pierres de la belle boutique Art et Musique, un des disquaires de Chartres, pour que je puisse écouter « Animals ». Oui, à l’époque il y avait plusieurs disquaires dans cette vieille ville à clochers ; « La Pie qui chante », « Leguay », Pierrot et ses bacs d’occasions « Abbey Road » et puis « Art et Musique » donc, Hi-Fi dès l’entrée, vinyles et cassettes au sous-sol. Au beau milieu du temple dans lequel mes poches se vidaient, au dos d’une grande femme brune à cheveux courts et bouclés, une cabine en verre pour écouter un opus avant de l’acheter était ouverte à tous.

Mon cerveau subjugué par la pochette, mes oreilles affamées réclamaient. Les lycéens de mon espèces se bousculaient et ça grouillait de passionnés, ébullition musicale, l’œil curieux et l’esgourde aux aguets. C’est au bout de la troisième écoute à la troisième semaine, que la belle dame de la cabine me lança en rangeant la galette dans sa pochette « eh mon gars, c’est la dernière fois.. la prochaine tu l’achètes. Eh.. j’te dis ça comme ça, y’a du monde, juste y’a plein de nouveautés et je n’ai qu’une seule cabine ». C’est vrai que c’est elle qui avait le saphir en main et que pour cette troisième écoute je lui avais demandé la face B… histoire de faire le connaisseur, le dubitatif, histoire d’éviter d’acheter une daube…. Sauf que je crevais de devoir attendre quelques caillasses de plus pour pouvoir me le payer ce beau vinyle à l'usine cochonne. Pas un rond, tellement de disques sur ma liste, et cette merveille qui me nargue, ce son unique, déjà j’ai séché la cantine pour grimper vers le centre et cette cabine en verre… J’en rêve la nuit, je suis pas bien, « Animals » on est mal, cet album d’un de mes groupes que je mets au pinacle, bien au-dessus de tout… On ne détrône pas le culte de l’adolescence. Il sera en définitif, mon album préféré du groupe.


50 balais bien tassés, je passe vite fait à la FNAC Montparnasse il y a quelques jours, et sans trop réfléchir je prends le Remix 2018 d’ « Animals », sans lire, ni écouter, une petite jubilation mais totalement retenue, un contrôle de quinqua quoi. Je suis effectivement dans le déni d’émotion, pourtant Roger et David sont toujours dans la chamaille, comme à la belle époque. Des gosses .. comme moi.

Qu’est devenue cette dame à la cabine remplacée par mon téléphone Spoti à l’écoute illimité sans aucun mérite, ma cabine plate et minuscule, la bave aux lèvres en moins, le slip tout sec, les artères ramollies et la rage au fond des groles.

Je n’écouterai ce disque qu’une fois arrivé chez moi, sur ma chaine, à travers mes enceintes grandes comme des placards, comme un rituel, comme si je découvrais la chose inabordable à l’époque, solennellement, en pensant à cette cabine de verre alléchante, ce vaisseau formidable, cette alcôve fantastique au creux de laquelle je décollais quelques minutes avant de dégringoler à nouveau la rue Saint Pierre pour mon cours de physique de 13h30, bredouille et affamé. Je lui aurais mangé la bouche à cette grande et belle dame des vinyles pour qu'elle me remette "Pigs" une quatrième fois. Je crois bien en plus que je l'ai acheté en grande surface entre la charcute et le surgelé pour 10 balles de moins.

Comment ça ?? Arnaque ? Fumisterie ? buziness ? une pièce réchauffée de plus ?.. peut-être, j’m’en fout royalement...laissez-moi tranquille, j’essaye d’être gosse à nouveau, je convoque mon adolescence chevelue.. pour une soirée. Je vous laisse, j’ai un CD Remix 2018 sans bonus à la pochette transformée à écouter, comme dans une autre vie .. ce soir je suis adulescent au milieu des chiens, du mouton et des cochons.

Pink Floyd (1977/2016/2018/) 2022 « Animals »

vendredi 16 septembre 2022

Dominique A 2022

 

Mourir d'amour c 'est des conneries, ça ne veut plus rien dire, un truc naguère de poètes des temps reculés. Addiction, fixation, obnubilé en vain écroulé au pied de ce temple sans cesse farfouillé, le groin fixe à la recherche des fragrances, des poésies. Plus beaucoup de sentiments à la foi.

Et l’athée reste pétri d'émotion immergé dans cette nef, en pâmoison au creux de l’édifice religieux, le souffle court étourdi par les voûtes, abrité par les blocs, noyé par le volume silencieux. « Ce que nous disent les roches mon amour ». Et l’ardoise en flèche traverse le cobalt nuageux.

Le tourisme est un fléau, une nuisance biologique du troupeau affamé d’hôtels clinquants et de vols faciles, catalyseur de destruction lente, de bruyants épicentres nauséabonds, tous donnaient en haut en bas, et même sous la surface. Impossible de bouger son cul du canapé, de sortir de ses plaines courtes, l’horizon en fantasme, le sédentaire dévore sur son écran la moindre invitation au voyage. Tout voir, s’émouvoir sans se mouvoir.

« Le monde réel » commence comme un Mark Hollis, tout est suspendu au silence. Il flotte comme une mélopée jazz boréal, la belle chanson d’ici sur des ondes de Bed à la Burello. « Nous n’irons loin qu’avec les autres » boxe avec la misanthropie du voyageur immobile, la foi disparue du vieil agnostique. L’amour, c’est juste une question d’échelle, d’angle.

L'amour à en crever ne serait qu’un fantasme, un trompe l’œil.. je suis là à tes côtés, rassuré à l'idée de te longer au quotidien, pétrifié cent fois par tes gestes, comme on visite une église, comme on jouit d'un grand voyage lointain et immobile émerveillé par cette danse, allongé. Les semelles collées à la grasse terre brune, le cerveau a déjà quitté l’air respirable.

Vivre d’amour. Et les jours défilent. Tout respire nous.Regarde tout ce monde, vois, il n’y a personne. Septique des lettres majuscules, je bois à ton bénitier, je scrute tes landes, tes marées et toutes tes dunes. Isolons-nous du bruit mon âme, le tumulte est pour les farfouilleux, laborieux et peinge-culs, le bétail abasourdi. Mords ma peau, accroche-toi à l’écorce, ne nous délayons pas dans cet amas, je te tiens, tu me tiens pas nos belles fossettes.

Dominique A 2022 « Le Monde Réel » label : Cinq7

vendredi 9 septembre 2022

MANSET 2022


 

On a pris un sacré coup d’automne sur la couenne depuis une poignée d'heures. Des peaux qui pèlent à la pelle s'envolent comme du pollen. Nos haleines fatiguées avec. Ça souffle chaud vers ces bas nuages océaniques à la rescousse de la croûte asséchée.

 Ecchymoses à bout de bras sur les branches, la cellulose a des allures de pierre. La paume sur le tronc, comme on console un vieux pote, le remord de lui avoir dérobée son futur. Si nos larmes pouvaient arroser.
Alors dans mes bras aussi, je laisse mes enfants venir cogiter, le temps d'un éphémère abandon. Suffisamment lourd pour que le fluide magnétique passe et que l'on cause des astres.


Il est possible de faire le crustacé, de rester là, éberlué pour une louchée de secondes éternelles à contempler parmi les crabes, oubli le désastre. Tel un bulot bucolique, une fois la marée débinée, je reste à prendre l'air. Tel.


Les corbeaux me ramènent à ma Beauce, peut-être avec le bordel climatique un jour le Goéland viendra bouffer nos bloches sur ma motte. Déjà les mouettes blanchissent la coulée verte, des sardines dans le réservoir de Montsouris ?  j'y crois pas une seconde.Rien a changé, un nouveau Manset quoiqu'il arrive. Quoique l'on puisse penser. Ne rien lire, ni appréhender. Le prendre comme une respiration ou pas, on a beau déboiser, expirer, replanter comme on va à confesse, les graines séculaires enfouies guettent nos égards, notre légèreté, notre fuite. La patience inébranlable du revivifiable, quitte à passer par l'irrespirable, sourde.

En attendant, le facultatif s'étend, nous respirons timidement, la demi-molle du plexus fait rage.


Gérard Manset 2022 « Le Crabe aux Pinces d'Homme »

vendredi 2 septembre 2022

Dan Baird 1996

 


« Fiston, méfie-toi des Mephisto » m'a soufflé un vieux sage, « éloigne-toi du clan Campbell » appuya-t-il ricanant. Baird alors, tout brûle dehors faudrait pas qu'on laisse la strato se taire. Rick & Thunderbird en stratosphère, lunette ronde à se faire bannir la raie sous un haut de forme, le père Fouras en surfeur retraité a quitté son fort en paddle pour s'échouer sur la cote comme un vieux poulpe. « J'ai vu de la lumière » a t-il bavé.


Ian Gillan chante du Mellencamp, Escovedo sort suffoquant des flots avec son tuba en cuivre, les vieux berniques se dandinent autour d'un feu de palettes. Plus haut dans sa résidence des dunes, Bob Seger ricane face au vent.

Les cendres sucent le sel du sable, un feu follet menace les astres, tous les branleurs radinent. Anders attend son solo, au milieu comme surgi des flammes Dan riffe la sécheresse comme un diable, les cous perlent, les plèvres morflent, la génuflexion rode. Le brasier lève son drapeau rouge, ne pas se noyer, « On my way » et la biafine coule à flot. Tous sur le qui-vive pour faire fuir la moindre biquette et ses joufflus en intrusion.

Les arthroses hurlent à la mort, si les langues pendent c'est pas pour fredonner « Sympathy for the devil », on va plutôt mettre le chapeau de Tom Petty, puis ses lunettes aussi, danser du chamanique et se laisser cuire le cul.

Chapeau les mecs.


Dan Baird 1996 « Buffalo Nickel » label ; American recordings

Thomas Köner 1993

  La croûte gelée se ramollit, ventre flasque et tiède respiration. Le ciel se charge de l’halènes des Steppes, le silence gronde. Notre ...