jeudi 30 juin 2011

Marissa Nadler

Un jour Marissa a quitté sa colline pour aller faire un tour du côté des lumières artificielles. Elle a traversé les vallées de chlorophylle, foulé pieds nus les sentes de feuilles mortes pour voir si les néons maquilleraient ses chansons de paillettes et de visibilité, laissant les nymphes et les lucioles orphelines des mélodies cristallines qui en faisait la douce maîtresse grège des futaies inconnues. Loin des fleurs de mai, des cœurs diamants, quittant Virginia, Annabelle, Silvia et Rachel, elle a enfilé son fameux imperméable bleu pour danser avec les rats des villes.
Les petits enfers des villes devait lui allouer les éloges, quelques promesses et des moyens dignes de son art. Marissa s'emballa d'artifice, un orchestre pop, de l'électricité, un troc à sa fragilité qui faisait la beauté de ses mélodies... avant.

Marissa est revenu.. toute seule, avec ses étoffes d'antan et son tulle de lichen. Des mélodies à pleurer « in your lair, bear »; « Mr John Lee revisited » ou encore le superbe « little king ». Les étoiles son revenus et les chrysalides brillent à nouveau.
Elle est revenu, sur les mêmes sentes, avec des souliers cette fois-ci et un peu d'électricité, histoire de décrire, de présenter ce qu'il y a derrière la colline. « baby i will leave you in the morning » sonne comme un hymne pop jamais vu dans les forêts.. et c'est beau ..aussi, les lucioles émues dansent à nouveau. « the sun always reminds me of you », « puppet master », mêmes hauteurs, et malgré les souliers neufs, on sent encore les feuilles craquer, les mélodies retrouvées sont saisissantes, comme avant, partie pour mieux revenir.

Le nouvel album de Marissa Nadler sort cette fois-ci dans la discrétion la plus auto-produite qu'il soit. Sous son propre toit, l'épique psyché-folkeuse amie de toujours Orion Rigel Dommissee à ses côtés, Marissa, via Kemado va attirer une foule de personnes dans son antre vierge où la constellation d'hiver Orion brille de tout feu. Orion.. c'est Rigel, Betelgeuse, les trois rois .. et Marissa. C'est un peu l'hiver, mais le frimât n'a jamais été aussi doux.

Marissa Nadler 2011 « marissa nadler » label : box of cedar records..(première pièce du catalogue)


www.boxofcedarrecords.tumblr.com

échelle de richter : 8,6
support cd
après 5 écoutes



mardi 28 juin 2011

Kreng





















Un bordel mou toxique souffle dans mes veines. Ça pulse, ça bleuit. Une tachycardie noie ma rétine de sang, juste avant qu'il ne soit dévié vers le spongieux. « Rouge est mon sommeil »...mou.























Je suffoque à l'idée de ne plus être irrigué. Sang ou cerise, fruit que l'on mord en perle de groseille, pétale de rosa canina en guise de présentation, juste avant les lèvres coquelicot. Bistre ambiant solennel, l'aigre airelle accroché à sa dentelle m'invite sous un violoncelle abyssal. Les touches de piano sont des larmes de sang qui chantent quand elles touchent le sol, et la voix soprano furtive se dessine en orgasme qui transcende le trouble oxydé du drone papier peint.
Le cœur réduit à n'être qu'une glande qui suinte, palpite, et plus rien ne me retient. Je suis happé par un fantasme sulfuré, un rêve de cinabre de limule coagulant au moindre danger, un gel de tanin tiède. Et sans pouvoir bouger, j'avance et me dirige dans le désordre le plus total, sucé par l'appel oxydé d'une lumière rouge diable. Aucun désire de marchandage pour le commerce de l'eau, je prends deux jerricanes de cyprine pour m'immoler.


« Ventre affamé n'a pas d'oreille », je suis tendu, j'ai faim, lourd comme une épave gorgée de sucs et enivré de canneberges, je suis mûre et griotte sans noyau. La saignée urge. Le sambucus me surine à gorge déployée.. et j'avance, je vais vers ce verger humide de cassis tumescents pour m'empiffrer, me salir la bouche. Des airs médiévaux d'un opus d 'Arcangelo Corelli transporte, avec des arborescences à n'en plus finir. « La vie n'est que mouvement, sentir le rouli sous nos pieds », et pourtant nous n'aspirons qu'à « figer ce bonheur dans une morbidité ». Je suis figé et roule vers cet antre brûlant sans savoir si j'en reviendrais.


Kreng sort chez miasmah son deuxième album, un voyage mystérieux dans le monde du rêve. Ambiance ensorcelée, les collages classiques se noient dans l'ambiance cryptique. Nils Fraham est au piano, incarne un Satie ou Chopin fantasmagorique. Labyrinthe sonore pour ramper dans cette expérimentation visqueuse et théâtrale. Svarte Greiner est le tenancier du label expérimental, Kreng se faufile entre Jacasczek, Greg Haines entre autre, et surtout Elegi, dont le superbe album m'a plongé dans le blanc cette fois-ci, il y a deux ans.









Pour « Grimoire », c'est le gris de la pochette, mutant immuablement vers le rouge via une photographe sublime Kristamas Klousch. Ricochets artistiques surfant des mots vers la peinture en passant pas la musique et l'image.
Mutant vers le rouge, ou plutôt vers La Rouge, du fauvisme verbal m'a embarqué sur ce disque, comme sorti d'un rêve étrange, assit sur le divan rouge. Ça hurle, c'est volcanique, c'est beau et douloureux, cru et raffiné..ça fouette. En boucle à boire les mots, a écouter ce disque, j'ai accepté l'invitation.



Merci La Rouge pour ce magma.


Kreng 2011 « Grimoire » label : miasmah
www.miasmah.com
www.myspace.com/krengmusic

échelle de richter : 8,6
support cd
après 6 écoutes.

http://ellachambrerouge.blogspot.com

http://kristamas.net/home.html

Les rouge : huiles sur toiles juin 2011







dimanche 26 juin 2011

Jozef Van Wissem




















Incunabulum est le label chez qui Jozef Van Wissem a sorti deux albums. Important a récuré ce joueur de Luth baroque pour un nouvel enchantement médiéval ambiant. « The joy that never ends » est un point de ralliement entre l'historique de l'instrument et le finger picking de quelques guitaristes contemporains (John Fahey, Jack Rose, Ben Chasny). Aussi beau, aussi celtique que la dernière virée Kora de Stranded Horse.
Jeanne Madic murmure quelques paroles en français comme si elle venait de Movietone, et Jim Jarmush vient brancher sa guitare, très discrètement.
Un petit moment de recueillement intemporel en 12 cordes.

Jozef Van Wissem 2011 « The joy that never ends » label : important
www.importantrecords.com
www.jozefvanwissem.com

échelle de richter : 7
support cd
après 2 écoute

samedi 25 juin 2011

Esmerine






Une plage ambiante rythmée par un xylophone, une mélancolie néo-classique belle à crever, Constellation, Beckie (Rebecca) et Bruce en protagonistes. Et puis des artiste de l'hotel2tango qui gravitent. Et toujours ce violon, ce xylo, ce plomb contemporain qui injecte, anesthésie et fait danser dans un évanouissement heureux.
Quelque chose morigène outre atlantique, des grands espaces libres, des nappes naturelles impossibles à retranscrire ici, dans nos contrées étriquées. Un langage, des paysages d'horizons sombres et de quiétudes inquiétantes. Des ciels tourmentés sans que nous puissions l'avouer. Esmerine le joue, l'interprète sereinement. « Aurura » nerveux et flou se cherchait après le prodigieux premier album 2003. Dix ans après, les contours se redessinent, s'ajustent, plus calmes, plus troublants, plus graves encore.


Harris Newman n'est plus aux manettes, Patrick Watson est invité au piano, à la voix, et à l'enregistrement. Pour ce troisème album, Sarah Pagé harpiste et Andrew Barr percussionniste sont venus renforcer la formation.
Esmerine a encore pris de la hauteur, tout en humanisant son art. La voix cristalline d'homme romantique est incarnée à deux reprises par Patrick Watson. Il vient ici, dans sa ville natale, prêter un peu de sa vision poétique. Les moments tendus sont là aussi, comme à son habitude. Bruce Cawdron est batteur, il emporte tout avec lui sur « little streams make big rivers »... les cordes dansent autour, ainsi que le cuivre de Colin Stetson, et le débit gonfle, déborde.. avant l'arrivée du crépuscule, juste après, "sans laisse".


Bruce Cawdron a sorti en compagnie de Harris Newman un superbe disque chez madrona records, sous le ,nom deTripple Burner en 2006. C'est aussi un membre de Godspeed, comme Efrim, et a joué sur Set Fire to Flame, Fly Pan Am, HRSTA... cette grande famille de Montreal.


Cet opéra pop contemporain flotte sur des nimbes ambiantes exotico-celtique. Du coup, en l'espace de quelques jours, ma chronique sur Machinefabriek/Peter Broderick est déjà obsolète. Qui pourra dépasser la beauté des cordes de « La lechuza » ? 2011 livre ici le plus bel album néo-classique ambiant contemporain, et Constellation sa plus belle pièce depuis « If only sweet surrender to the nights to come be true »... d'Esmerine déjà.




Lhasa De Sela chante encore, elle est là dans un trouble absolu. Sa voix, une chanson perdue avec Rebecca et Bruce en 2008, qui ressurgit d'outre tombe. Puis Watson qui se confond sur « snow day for Lhasa ». Aussi troublant que l'hommage à Vic Chesnutt chez Efrim. Ces deux là accueillis, ont brûlé l'hotel des deux tango. Et l'on valse à la mémoire, on danse et l'on pleure. A la mémoire de deux artistes irremplaçables, à la mémoire de ce disque épique. Le silence habille, la délicatesse règne, des fantômes se rencontrent.

Esmerine 2011 « La lechuza » label : constellation
www.cstrecords.com
www.esmerine.com

échelle de richter : 9
support cd
après 6 écoutes






Efrim Manuel Menuck















Un point commun entre Godspeed you black emperor! et The silver mt zion memorial orchestra, c'est Constellation certes, mais c'est aussi Efrim Manuel Menuck.




On reconnaît la voix du tra la la band, mais en moins opulente, puisque seule. Il y a aussi cette vision folle de l'expérimentation, une aliénation propre à lui qu'il exprime tout seul pour la première fois sur « High gospel ». On zoom, ça se précise. On y voit plus clair, il dévoile ici son influence sur les deux groupes mythiques respectifs. La tendance est plus vers The Silver qu'au Gospeed.



D'ailleurs, l'oiseau qui chante sur « chickadee's roar pt.2 » c'est peut être celui de la pochette de « Born into trouble as the sparks fly upward ». Ce merle sur fond rouge qui m'a obsédé pendant tant d'années.. et encore maintenant. D'ailleurs, le Silver Mt Zion n'a jamais retrouver autant de profondeur depuis, sauf ici peut être. L'intro de « heaven's engine is a dusty ol'bellows » rappelle énormément cette période inoubliable, ce sommet post rock 2001.
« a 12-pt program for keep on keepin' on », une fois de plus pourrait figurer sur « Ummagumma studio ». « heavy calls & hospitals blues » superbe chanson introvertie au piano, "our lady of parc extension and her munificient sorrows" rappel Low quand ils sont en pleine puissance....



Je reste assez désemparé , cet album me jette dans un trouble indéfinissable, des instantanées très parlants, un condensé de ses collaborations interprété seul, comme un disque de raretés qui ressurgiraient des faces B de ses groupes... une introspection profonde et libre extrêmement collée à l'hotel2tango.
Montreal est un fantasme. Toujours ces pochettes en carton recyclable, la même qualité de graphisme, la même odeur dedans. 78ème pièces au compteur, un catalogue qui me tient en haleine depuis99 (oublions Pat Jordache). Véritable œuvre d'art riche et complète, il faut juste aimer les ciels constellés.
Thierry, Nadia, Jessica et David... les choeurs pour pleurer Vic Chesnutt, comme une prière juste après une intro post rock sombre et abyssale. « kaddish for Chesnutt ». Le trouble est total, ce coin du monde garde sa puissance culturelle intacte, une ligne de conduite politique inébranlable.

Efrim Manuel Menuck 2011 « High gospel » label : constellation
www.cstrecords.com/efrim-manuel-menuck
échelle de richter : 8,4
support cd
après 4 écoutes









chickadees' roar pt. 2 by Constellation Records






our lady of parc extension and her munificent sorrows by Constellation Records

chronique multi-média ici

vendredi 24 juin 2011

Bon iver






















Plus besoin d’alibi pour Bon Iver, l’expérimentation pop n’est plus dissimulée sous Volcano choir. Justin Vernon sort, loin de ses épopées folk majestueuses initiales, un sacré beau disque de pop organique complètement partagé avec son batteur Sean Carey qui lui aussi a lâché l’année dernière sa vision de la musique avec un superbe album solo abrité chez Jagjaguwar.


Bloeufant, magnifique, et à contre courant de ce que l’on attendait de lui. Il rompt sa ligne de conduite malgré la pochette superbe qui habillerait très bien un nouvel opus de Fleet Foxes.
Superbe affiche, énormes promesses, Bon Iver braque, bifurque et étonne, même si Volcan Choir laissait entrevoir ses désires d’expérimentations et son ouverture. Et si certains regretteront le virage et ne trouveront pas le folk transcendé espéré, d’autres verront l’intelligence artistique d’une totale liberté.
Des fuites internet auront eu raison de l’effet de surprise, ajouté à cela une chronique un mois avant le sortie dans Magic ! qui annonce la couleur. Il n’empêche, à l’écoute de «Bon iver », on est interloqué agréablement, la feinte est rare mais possible, encore une preuve. Un disque de bravoure, courageux et très ambitieux. Bon Iver, le nouveau songwriter polyvalent inspiré qui emmène l’auditeur plutôt que de la suivre.















Plus organique , ça ne veut pas dire qu’il a perdu de son envergure. La trame de l’auteur est là, exposée sous une lumière belle et différente, tout aussi pastorale. Des hymnes pop sous une voix de tète.
En 2010, Peter Gabriel a repris « flume », peut être une des plus belles chansons de « For emma, forever ago » du premier album 2008 de Bon Iver. Ce n’est sûrement pas un hasard. On peut apercevoir quelques teintes de « Car/Scratch/Melt/Security », les quatre premiers albums à thème du Genesis en fuite. Aussi « wash » aurait pu figurer sur ce « Scratch my back » divin.. « no drum no guitar », même si la symphonie est remplacée par un clavier.


Plus fort que CassMcCombs, plus puissant que Thurston Moore, Bon Iver offre depuis quelques jours le plus gros ravissement pop semestriel qui rompt avec les habitudes.


Bon Iver 2011 « bon iver » label : jagjaguwar
www.jagjaguwar.com
www.boniver.org

échelle de richter : 7
support mp3
après 4 écoutes


chronique multi-média ici

James Yorkston and Friends 2025

  L'ombre pyramidale s'allonge sur les asters. L'aulne au dessus de ma tète a déjà montré ses chatons avant de pioncer pour quel...