vendredi 1 décembre 2023

Marcel Kanche 2023


 

Il fallait palier à ces jours de néant. Tellement de corps autour à gigoter, à brasser grave pour que dalle, des artisans du chaos. L'envie de charger la mule j'ai pris la tangente, je pars m'acheter des disques je me suis dit, comme on va prendre des verres.

Je suis allé glaner du son et des mots. J'ai pris mon temps, le disquaire, la priorité du moment.

L'idée a mûri sur la ligne 27 orangée direction Saint-Michel, la faim au cerveau, l'ordre des bacs à explorer. Aller acheter un disque comme un aguerri, la mission du jour et je me souviens de cette addiction collée au cortex à batifoler tout azimut. Des heures entières à fouiller partout les caisses et les promontoires les esgourdes habitées, les mains nerveuses et les phalanges affûtées.

International, français, indie, jazz ou prog, les jambes téléguidées et l’œil chasseur, je me vautrais en compulsif jamais rassasié. J'ai pesé mon addiction, calmé mes ardeurs, l'achat est devenu sobre et solennel. 


Ce midi, j'ai pris la tangente, j'ai élagué la routine pour aller perquisitionner Gibert. Sans idée précise aucune je suis allé marcher sur la canopée des arbres indigènes et j'ai pioché Séverin, Daniel Darc par Frédéric Lo, « Forêt » d'Antoine Bataille, Marc Delmas et sa « Superficie du ciel » .. Et puis je suis tombé comme une certitude, sur ce diamant brut, un de ceux qu'on ne contemple pas en streaming. Je l'avais dans les mains, je me suis redressé, le reste de la visite ne fut que ronronnements et réflexes .. j'ai barboté crâneur, compulser un peu dans le tout-venant, suis reparti assouvi.



« Elle dit regarde les arbres, ils boivent toutes nos larmes... et les fleurs portent tous nos drames ».

A peine exploré, « Un nid » est devenu cellulaire, impacté d'emblée par la pochette, les couleurs roussies de l'automne, un baume à l'âme. Les titres lus, les textes bus, je n'avais plus qu'à enclencher.

Ténébreux à balayer la mélancolie.. je vais me traîner des journées entières à cabotiner des vieilles idées, à me ressourcer au Kanche qui me gifle depuis des années, deux décennies déjà. Sa bio s'épaissit, il est le vieil arbre noueux régnant dans mon jardin.


Cet album est tellurique, sombre et vital, un banc brûlé à l’orée d'une forêt noire qui nous verra disparaître, enchevêtré dans un soir enténébré, nous dansons mou diaboliquement comme des fardeaux que nous sommes, que nous avons toujours été. Et puis « Figure » de Bertrand Belin ajoute à ma génuflexion crépusculaire. Le son de celui-ci est magistral avec quelques fulgurance post-rock, « Un passage » sur un texte de Despentes. « Un nid », comme un Bashung avec des parfums de Ferré Manset Burger .. à déguster à main nue, seul absolument.


https://www.marcelkanche.com/


Marcel KANCHE 2023 « Un Nid »


5 commentaires:

RanxZeVox a dit…

Le plaisir d'aller chiner chez les disquaires était tellement quotidien que jamais je n'aurais imaginé qu'il puisse devenir si rare. Je trouve tout ce que je cherche sur internet, mais seulement ce que je cherche. Tu m'as motivé, je vais me faire un après midi toulousain d'ici peu pour piocher au pif dans les bacs.

DevantF a dit…

Comme Chris "Donnez nous notre Frenchy quasi hebdomadaire" Amène....
Plus hanté que sombre. Sacrément prenant. Les autres albums furent tes conseils d'ailleurs. L'artiste que je regrette de survoler, encore un.
J'adorrre le banc vide. Me fait penser à son interview dans le lien que tu nous as donné. Ces petites choses et l'imagination fait le reste.
Dis moi, je n'ai pas réussi à l'oreille à me prononcer sur le titre composé - parole? musique? - par Belin? Et celui de "son" poète discret et aussi le titre titre de Despentes.
Ciao comme on dit au quatrième étage de mon immeuble

DevantF a dit…

"Elle Dit ça" pourrait être de M. Belin... Je fonds à l'écoute "Je te suivrai" la voix féminine arrive comme un verre d'eau fraiche après la boisson forte et amère de M. Kanche.

Charlu a dit…

Yes, je suis englué dans le frenchy ce derniers temps, enfin le besoin d'en parler, mes écoutes n'ont pas trop changé. Et pour Kanche le Toine, tu as trouvé le mot exact, "hanté". Et cette pochette !! j'ai fouillé son CV au Marcel, impressionnant ses collaborations, son histoire. Un marginal magnifique. Sinon oui, c'est une compo Belin, et paroles Despentes. Sa voix féminine.. c'est K comme Kanche.

Charlu a dit…

Pareil Hugo, pour moi ça s'est arrêté d'un coup, il fallait trouver un moyen de ralentir ces pulsions, ça ne ressemblait plus à rien. J'ai réduit mon temps de travail pour m'imposer cette sobriété. Du coup j'ai plus de temps pour écouter tout ce que j'ai acheté :D Ceci dit, la jubilation est tjrs la même, même si les bacs ont vachement dégraissé depuis qq années.

Thomas Köner 1993

  La croûte gelée se ramollit, ventre flasque et tiède respiration. Le ciel se charge de l’halènes des Steppes, le silence gronde. Notre ...