Le grand estuaire où le Tage se dévide a craché sur la petite capitale de collines saillantes. C'est la première fois que j'arpente ses rues de belles pentes sous le crachin. Même ce ciel dévorant la ville a du mal à faire taire les couleurs lumineuses de Lisbonne. À peine rincés les petits pavés glissants s'allument et le blanc se répand comme le fado tristeza qui résonne dans les bas fond dégringolant vers le bras de mer.
Des nuances de jaune sur quelques façades se diluent et les bougainvillées empourprent encore. La place du commerce est toujours aussi belle avec ses petits clapotis de vague tout en bas. Alors je pense à Pesoa une fois de plus :
« Tout l'entassement irrégulier et montagneux de la ville m’apparaît aujourd'hui comme une plaine, une plaine de pluie. Où que s'étende mon regard, tout est couleur de pluie, d'un noir pâle. J'éprouve des sensations bizarres, toutes également froides. Il me semble parfois que le paysage essentiel est tout entier de brume, et que les maisons cette brume qui le voile ».
Je vais m’engouffrer dans l'Alfama et déguster quelques tentacules grillées avec des grenailles à l'huile d'olive. Quand même, il ne pleut pas des journées entières ici, les entrées maritimes avec le fleuve éventré crachent doux et puis c'est tout. L'onde est une fête mélancolique qui bruine et ternit à peine la grande lumière de Lisbonne. Le vent pleure Ferdinand sur la Plaça da figueira. J'imagine sa présence au creux de cette nouvelle ville pour lui, savoir ses yeux neufs, connaître ses pensées nouvelles, ce timide fonctionnaire. Je suis à peine attaqué par cette grise angoisse, je suis de la Beauce quand même et les fines pluies canadair toussotant qu'elles sont, me lustrent le cortex.
Bien loin d'ici, sous le fracas d'une chanson révolutionnaire « Grândola, Vila Morena » d'une dictature qui va disparaître, au château d'Hérouville, José Afonso enregistrait son album mythique « Cantigas do maio ». Dans les murs du studio de Magne 1971, Christian Padovan, Michel Delaporte, Branis et Granier avec quelques autres musiciens portugais œuvraient pour cette pépite historique, poignante et sacrée.
José Afonso 1971 « Cantigas do maio »
8 commentaires:
C'est vrai qu'avant d'écouter je m'attendais à des chansons de "révolution" pour ne pas dire révolutionnaires, je faire écouter tout ça à ma belle-sœur qui est de là-bas et qui me guidera dans la découverte des textes, merci pour cette présentation.
Un clin d'oeillet ?
Je pense à tous ces artistes qui disparaissent sous la dictature qui tremble de leurs textes et popularité. Un post là dessus dans 48 heures ...
Son Bella Ciao a lui, c'est Grandola..faut vraiment l'écouter solennellement. Qd on l'écoute là-bas c'est poignant..tt le monde chante avec les yeux embués. Faut voir le film avec Maria De Medeiros aussi. Le plus doux des renversement de dictature.
Marrant ce truc.. pas vu un seul oeillet là-bas. Ma belle famille est arrivée en France en 71 pour fuir la dictature et la Pide. L'histoire sans fin. Ils sont retournés labas après une vie de travail. C'est un peuple fort et doux humble et respectueux, je me ressource un moi par an chez eux 😋
Marrant cette faute de frappe bienvenue
se ressourcer un MOI , ça marche aussi bien que un mois ...
Une belle émotion, qui rejoint une série, une humeur du moment. Agnes Jaoui a fait aussi découvrir Mercedes Sosa qui elle aussi s’est engagée et quand tu vois ce qu’est l’Argentine aujourd’hui… Je mets le lien ici si vous voulez découvrir. J’attends la proposition de Sorgual. En écoutant Fabrizio De Andre et en plongeant dans la synthèse « Fascisme 2.0 » de la revue AOC me revenait le commentaire de mon ami KASERIO qui se disait Anar. « Je n’aime pas ce gouvernement, mais tant qu’il n’intervienne pas dans nos libertés aucune raison de sortir les armes enterrées dans le jardin » Un journaliste comparait notre époque à la théorie de la grenouille que l’on plonge dans l’eau froide et que l’on fait bouillir doucement.
https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/c-est-une-chanson/c-est-une-chanson-du-mercredi-23-juillet-2025-6857828
:)))))
J'adore Agnès..j'avais pas trop suivi ses prouesses musicales.. tiens dis donc, j'évite Biolay au cinoche aussi :)))
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