La
croûte gelée se ramollit, ventre flasque et tiède respiration. Le
ciel se charge de l’halènes des Steppes, le silence gronde.
Notre
limon cryogénique sous la bêtise des trottinant fond comme neige
au soleil, la permanence n’est plus, l'éternel a des doutes. Il
va falloir penser autrement, aimer le mou sous la semelle, comme sur
mes plaines avec cette terre amoureuse qui s’accroche vainement.
Meuble gras toussotant que nous sommes, revoir la boussole.
Chaque
lame épaisse de glace qui craque est un tissu d’âme qu’on
déchire, le bloc de gré qui s’affaisse geint et les racines
dansent. La maison Pise a une autre gueule, tout croule, tout tangue
sur la boule bleue pâte à modeler. La gorge d’outre-tombe râle
en lave baryton. Ça gronde sous nos pieds, le ventre mou qui
gazouille et croasse, des sons drones sourdent comme des
respirations, des cotes craquent, la plèvre demande la parole.
Il
y a une vie là-dessous, un moteur libéré, un souffle localisé qui
se focalise sur le rythme dilaté.Thomas Köner a organisé la fuite
sonore du pergélisol, c’était en 1993, époque où la croûte
gelée tenait encore sa permanence.
Thomas
Köner 1993/ 2010 « Permafrost »
sur Type records
Au détour d'un pavé sur
des albums par forcément dans les plus répandus des piliers de
l'histoire, je chope un article sur « Nation Time »
de Joe McPhee. Aux heures profondes où je fripouille au sein de IARR
et McCraven, le free jazz continue à me travailler le bulbe. Et je
m'enlise.
Le bouquin, c'est
« Musiques, Traverses & Horizons en 400 disques »
de Philippe Robert (sur Le mot et le reste), des albums étouffés
par d'autres, et qui méritent tout autant et même plus très
souvent. Un peu comme « L'Anti-discothèque » de
Christophe Conte.
Et tout l'univers de Joe
s'ouvre à moi. John Coltrane, Ornette Coleman.. du free et plus
encore. Pauline Oliveros, de l'expérimental, et je rejoins le
fantastique bouquin de David TOPP mangé goulûment il y a quelques
semaines.
« Nation
Time » est son entrée très politique en discographie,
1970 sur CjRecords (1971 pour discogs). La transe, le gingembre dans
le cortex, c'est un brûlot classique complètement dévergondé.
Coincé entre IARR et
Coltrane ou Davis, je découvre au fil d'une belle lecture affamée
un album « culte » à la pochette sublime, avec des
morceaux qui collent à « la révolte de la communauté
afro-américaine » d'alors. Le trompettiste saxophoniste fou en
quête d'unité de peuple fait rugir son instrument.
Joe MCPHEE
1970 « Nation Time » sur CjRecord
production
J’ai
mis à belle veste orange pour sortir grimper sur le chemin qui
surplombe le village. C’est pas trop pour qu’on me distingue ou
qu’on ne me cartouche pas, nan, c’est juste que je l’aime bien
cette vieille pelure roussie quand l’automne traîne l’été sous
ses godasses. La gadoue porte encore en elle les averses estivales,
le soleil cucul éponge, la citrouille est cuite, la gueule grande
ouverte tuée par les guirlandes et les boules de Noël. Un jour on
va la tartiner de frangipane. Pourquoi vouloir toujours accélérer,
s’engouffrer dans le tunnel toujours plus vite.
Potiron
poltron, châtaigne en cendre, cèdres délavés, Potron Minet,
l’eau est là, partout, à poil les branches, plus aucune gêne
et le foutre en flotte les chatons s’agitent. Aurons-nous de la
neige cette année ? je vais laisser mes géraniums dehors, à
force.
« Le
ciel plonge depuis des semaines…. » le vivant pionce, les
arbres ne sont plus qu’arborescence. On va savater mou et
laisser traîner le pas, le blues des ploucs que la glaise braise. Le
rouge aux joues pour mettre à jour l’humeur du matin je reviens du
coteau tout crotté l’air heureux et harassé. J’ai quelques
bûches aux creux des bras la braise glaise attend mon foyer, mes
croquenots terreux ont des cailloux collés avec des feuilles et des
asticots. Ma belle veste orange rebelle fume, c’est le mois sans
tabac. Mon plan de cuisine cucurbite assez la cardamone et les
topinambours m’attendent, tout est nuit, la hache courbaturée sur
la chèvre est cuite, les trois petits cochons sont toujours dans le
bois. Dick n'à de garde que de faire vibrer la poésie.
Quand l'outremer du bleu
vient dévorer son cobalt il est fort à parier que la houle va
manger nos plaines. Limon ensablé et Raoul salé se pare des habits
du Calexico mais pas que.
Depuis quelques années
le chêne argenté de cet artiste à la Lee moustache m'intrigue. Son
marbre à eu raison de moi. Comment peut-on longer de tels artistes
de par chez nous sans les embarquer pour arpenter les espaces ?
« Miracle argenté » je disais en 2017.. que dire
aujourd'hui, « Shadow Bands » est une belle
lumière automnale, je le passe en boucle depuis des jours et lui
valse dans la glaise. Tous les ciels fatigués ont défilé sans
bouger, clay en main, les cieux engorgés se sont tenus à
carreaux pour quelques accords d’artefacts désossés.
Depuis hier, la pluie a
mangé le brouillard, l'horizon est revenu, « Brimstone
Skies » est juste à quelques jets de mon talus, le vaste
avec lui, une trouée dans le bleu intense ensablé. Le haut des
bâtiments s'est dévoilé enfin et les clochers bandent à nouveau.
Le marchand de sable a déposé une belle couche de
poussière ocre sur la lune à l’hallali Hazlewood endormie.
Et si pour une fois la
lumière venait d'en bas. Colline éblouissante par en dessous, le
sablier décolle et la dune abat-jour rayonne. Le fibre molle des
grains de sable qui s'entreposent laisse jaillir l'éveil capillaire
des insomniaques. Raoul Vignal fait des miracles.
Avant-hier, sur le seuil
du big-bang, la densité de l'univers naissant était telle qu'un son
mélodieux circulait. Cette musique a catalysé la genèse, la
berceuse. J'aime l'idée que nous sommes là grâce à elle. L'onde
fertile, ma croyance. La musique sauverait l'homme donc... sans
déconner.
Apparemment il ne
l'écoute pas assez. Plutôt que de l'entendre ramoner, ramenons
toutes nos émotions sur la note et l'harmonie. Captons. Table rase
avec cette portée d'oiseaux qui chantent, ces notes sinusoïdales
sur les branches parallèles qu'un vent hydrogène fait tanguer.
Loin des mitrailles
sulfatés, la portée sur le vitrail de l'histoire mets en champs la
création, le chant de bataille et chaque pensée à condition
qu'elle soit à disposition pour laisser la peau frissonner sur un
accord.
Il suffit de lever les
yeux pour voir le ciel beau, puis le regarder avant de le contempler.
Sucé et adsorbé près du Sun Ra. C'est ici, là que le nuage
commence à fredonner et les feuilles chanter. Une fois au sol, elles
deviennent douces percussions de verre sous nos pas syncopés, semées
sur un sol de ciel absorbé qui a gardé le silence de son chant
reculé, juste au dessus de nos tètes retournées.
La menace de l'horizon
est un roulement de tambour, les rives ordinaires frissonnent à
peine, les mots sont emprisonnés, peu importe la musique est
toujours là, muette, mais sûr d'elle, de nous avoir rendu possible la vie
avant-hier. Le silence dans un liquide amniotique avec ce brouhaha
lointain ouvre les yeux et la respiration fait valser nos cellules.
Les tablatures surgissent comme un sens exact, un acte naturel
inépuisable. Lourd de vitalité, accoucher la programmation du
plasma.
En bas de chez moi le
ruisseau chante, plus loin un moteur toussaille, le portail municipal
en fer graillonne avec la bourrasque, le Kronos Quartet va lancer son
opéra rock, un houppier oscille et grince tout en haut avec son
voisin, un moteur de clim d'usine ronfle au loin à peine
perceptible, trois petits oiseaux et le vent dans leurs gorges
s'emballe, les instruments sont là. C'est la fête.
Kronos
Quartet 2024
« Outer
spaceways incorporated Kronos Quartet & friends meet Sun Ra »
Issue éclaboussante et
lampe frontale pour avancer, les étoiles sont tissées. Je suis
passé par Sainte-Eulalie-d'Olt pour gindre mon chant monotone. La vallée
du Lot, les enfants et les marmottes, des crues sans nom et des
chairs à vifs. La cantilène des marmots et ses niveaux
mélancoliques soulignés au marqueur indélébile, errer le long du fleuve de Saint-Geniez et imaginer l'eau bien au dessus de la tète qui
défile, comme la marée."Mourir comme un chien crevé dans le fleuve.."
La planète est une femme
fontaine, une simple bricole pour elle, un jaillissement doux, une
goutte sur la joue, une vallée inondée et tellement de larmes de
fond, des peines à remplir en bennes à jouir. Albouefera.
Brigitte est là, sous de
grandes lumières enluminanasées, tellement bien sapée avec eux, et
si tous nous nous embrassions à la gloire de cette grande dame noyée
de poésie ?
Pauvres errants,
crevards miteux, chiens galeux et autres peigne-cul reculottés,
cette égalité sur les starting-block, des faux départs tout le
temps, la toile est tissée, qui à l'arrivée ? L'eau monte, le
ciel nous scrute et les gris en n'ont rien à foutre. Sur ce fleuve
gonflé, le cobalt n’arrive plus à se poser, et l'ocre des coteaux
avale tout même les lingots d'or. Les parapluies inutiles s'envolent, les Mary Poppins sont
restées dans l'eau. Si seulement certaines avaient pu s'envoler
comme cette conne.
Une corde pincée hurle à
la mort, un tronc miaule et toutes les branches chialent à mourir,
les feuilles flottent déjà sur le salé. La roche sur la fougère ne pipe
mot, lessivée elle câline la mousse sous les aisselles. Et tout
s'entasse sous les ponts.
L'erre est au pébroc, le
bipède botté se dépatouille avec la glaise et l'endotoxine prend
son bain. La planète chiale, allons créer des richesses. L’œil
du journaleux est Trumpé, pas de bol pour les trempés, et "la mer qui aide les collines couvertes d'oliviers" recueille.
Brigitte, la nique à
tous les voisins de promontoire, on en a Cure des Aubert affligeant
Indochinés et autres vulgarités. La Fontaine vient poser son rose zob
à tire la Rigole. Je l'aime aussi ce "Divin Blasphème". Embrassons-nous.
Le Rouge-gorge s'est posé
sur la branche comme on tape sur le diapason. La délicatesse tintant
comme du cristal dans le gris, le rameau vibre encore et l'onde
résonne.
Un peu pétrifié à
l'écoute de cet opus, avant de réaliser et m'extraire de ma
torpeur. Les versions dépouillées ont laissé planer le doute avant
que j'aille directement me poser sur « Crystal ».
Ils m'ont cueilli, sans
aucune somation. Cet hommage est tombé du ciel sans que je puisse
imaginer la moindre reprise de quiconque de cet opus que je chéris
depuis que les Fleetwood ont mis le grappin sur ma discographie.
Buckingham / Nicks
1974, Cunningham / Bird 2024 et le ciel aplanit tous
les reliefs. Les oiseaux font des réserves, aucun relief ne résiste
au ciel qui nous tombe sur la tète. Il y a bien le vert tendre à
mes pieds et ce cramoisie à portée de bras, mais mes yeux sont
embués, et mes lunettes ruissellent à pleurer de joie à l'écoute
de ce duo.
La voix d'Andrew
calmement aux côtés de Lindsey, l'esprit Stevie que Madison happe.
Et « Crystal » qui s'installe.
Andrew Bird m'a mis le
grappin dessus avec son « Weather systems» au
début du siècle. Je suis resté fidèle. Et voici qu'il me perturbe
avec Madison Cunningham plongeant à travers ce chef d’œuvre de la
branche USA venue se greffer aux British Fleetwood, au beau milieu
des 70's.
Un paquet d'étiquettes
viennent s’engouffrer dans ce quartet irrésistible. Le truc qu'on
aurait pu dire qu'il s'agissait d'un nouveau groupe de petits
branleurs en herbe à la sauce revival comme il y en a à la pelle. Le
délire a pour noms Malkmus, Sweeny, White (en Jim) et Kelly, s'il
vous plaît. Du coup, on déchire les étiquettes de cette vieille
fringue chopée en circuit court, et on se mange ce brûlot pop à la
casquette rock bien trempé et vice versa.
Vieux branleurs donc et
un batifolage total, une grosse addiction guette quand on chérit
tout ce beau monde qui gravite et s'entrechoque autour des quatre
vieux garçons dans l'avant. Toujours aussi frais .. si si, ou alors
c'est moi, nous, eux, ne pas vieillir. Mûrir ouaih tant qu'on nous
emmerde pas avec le « O » du même mot, « Kill
by death ».
C'est une belle petite
saloperie qui tombe du ciel, un truc parfait pour se foutre de
presque tout, d'aller pointer, de la raideur de ses lombaires, du
gris du ciel qui s'installe pourvu qu'on n'ait plus la flotte, des
magasins qui dégueulassent les citrouilles de boules et de
guirlandes à sapin, des actualités et de mon transat que je n'ai
toujours pas rangé couvert de mousses et de moisissures.
Les étiquettes arrachées
jonchent mon lopins de boue, elles gigotent au milieux des feuilles mortes à
l'appel. Non je suis pas vieux, The Hard Quartet aurait pu
être des gamins à rétroviseur en manque de super son de tout
temps, genre les troublants The Lemon Twigs pour ne citer
qu'eux.
Super groupe qu'ils
disent.
Très très bon album en
boucle infernale.
Mûrir oui, mais sans le
« o ».
The
Hard Quartet 2024 « The
Hard Quartet » .. disque de l'année.
La brume mange la moitié
du paysage, à cette hauteur de château d'eau on ne voit pas à
100m. Il faut redescendre à hauteur d'arbuste pour voir s'allonger
devant soi les parterres de cyclamens. Le brouillard va si bien à la
chlorophylle qui se barre, la pluie dégueulasse est d'une lâcheté.
Brouillard, brume et bruine, un vrai petit temps à explorer la
discothèque.
Et ça tombe bien, je
viens de recevoir un coffret 5 vinyles, un truc que j'ai mis plus de
20 ans à me rappeler que je n'avais jamais pu mettre la main dessus.
À l'époque, souvent des champs de batailles pour aller pécher des
sorties, des sous à trouver pour de beaux objets rétrospectifs.
Aujourd'hui, s'ajoute au streaming, les sites d'échanges où l'on
peut quasiment se démerder entre nous. Vinted des fringues ??
pas que. Qui m'a conseillé ce site pour compulser les vieux
disques ? Pour quelques kopecks je clique des coups secs
jubilant, secoué de petits soubresauts compulsifs et vieux toc
d'acheteur d'opus que je croyais disparu.
En 1988 je n'avais pas
encore découvert Jethro Tull. Lorsque je mis la pogne dessus, les
« 25th anniversary
1968 - 1993 » sortaient dans une boite à cigares.
Obligé, je lorgnais sur la grosse compilation sortie 5 ans
auparavant. Je venais de jeter au feu mes sapes de bidasses avec dans
le fond des poches la volonté d'y jeter du morlingue dès que
possible. Tant d'années après, Vinted depuis quelques semaines
seulement pour moi et l'idée utopique d'y trouver « 20
years of Jethro Tull ». Loin des cotes, la foire à
tout, on veut se débarrasser. Une aubaine. Venez à moi la décote, une demi-molle rien qu'avec la rétine.
En ce week-end maussade
du ciel, je m'enferme avec mon adolescence pour causer un peu avec
mon impatience d'alors, ma frustration de jadis, ma faim de naguère.
La folle flûte en transe pour me souffler qu'il est mieux
appréciable aujourd'hui. D'ailleurs les 2 derniers opus CD sont là
aussi avec toute la discographie, mais il est question de 20 ans
aujourd'hui, de ma puérilité guillerette très mature (du coup) à
tenir dans les mains un objet que je n'avais même jamais vu en
rayon, promontoire ou moult brocantes maintes fois visitées. Mais je
cause, j'ai encore 3 galettes à écouter avant de ressortir la boite
à cigares pleine de CD.
Compact Disk pour les 25
ans, la version vinyle pour les 20 donc, et ces inédits, surtout
celui-là, le « Part of the machine » très
construit, à la limite du heavy celtique et du prog médiéval.. bah
l'étiquette du Tull en fait. Et du coup, j'en découvre d'autres à
jamais n'avoir osé le peer to peeré, « Coronah »
par exemple. Un truc d'ancien, les Anderson's guy ne soulèvent plus
beaucoup d’intérêt depuis pas mal de temps. Balec, je ne lâcherai rien,
je jubile sur une patte.
Tiens, il fait nuit plus
tôt aujourd'hui, le ciel retombe de plus belle, une purée sans nom.
Les salauds, ils ne m'auront pas, la buée sur les vitres, à moins
qu'il ne s'agisse du brouillard, de la bruine ou de la brume, je
patauge dans mon Tull comme on danse sur les pointes ou fabrique sa
moustiquaire.
Jethro
Tull 1988 « 20 Years of Jethro Tull »
sur Chrysalis
Les canards ont envahi
les champs. Les maïs ont les pieds dans l'eau. Anatidés tout
étonnés de zigzaguer entre ces graminées.
La terre est endolorie,
comme une noyée qu'on a sauvée, étendue sur la berge, le teint
blême, les cheveux plaqués, toutes les fringues lessivées.
L'ultime averse de pluie a fait déborder l'évasé.
Mon paysage est un
rescapé, l'automne est tiède et tout embué. On respire mieux en
haut du coteau, on voit les canards qui flottent sur ces nouveaux
lacs. Les champs s'étendent et brillent de ces milles morceaux de
verre cassé éparpillés qui reflètent. Le limon soiffard cuve
comme il peut. Va falloir sevrer tous ces angles et soigner les
lopins avant la prochaine douche.
À quelques traits de
ciel d'ici, un autre déluge fait frémir la surface de l'eau. Quelle
frustration pour une goutte de pluie de tomber dans la mer. Quel
gâchis, à quoi bon. Un coup rien, la corde raide dégringole dans
l'immense flotte qui ondule, découragée, disparaître et attendre à
nouveau un autre tour pour remonter là-haut, un autre plongeon pour
un bourgeon, poussé par le vent. Se faire déguster par une cellule,
pousser la floraison, se faire butiner, s'envoler puis planer pour
remonter sur un courant d'haleine chaude.
Hier, j'ai acheté une
nouveauté, « Fuckin'up » de Neil Young.
Sacralisé, sacré Graal.
Une telle évidence.. « Au revoir mon amour »
sonnait déjà comme cette chose haute en émotion. La mémoire est
intacte, avec en plus une couche par dessus, l'envergure, le platine,
la grande maturité déracinée pas piquée des pâquerettes.
Le noir bleu intense est
resté accroché au monde réel. Un rayon sur le crane, entre de
beaux bouleaux verruqueux, la chemise s'est nappée d'un beau
vert-olive, et la lumière tape. Une nouvelle. Le tout en haut,
tout condensé en cinématographique, pas le droit à l'erreur,
l'envergure, l'acoustique, l'émotion. Tellement évident.
Dominique dans les
grandes plaines, au pupitre, intime et symphonique, sur les ondes, le grandiose,
chevauchons l’histoire. Indélébile comme l'encre. Se permettre,
s'oxygéner, rétroviser comme sur un écran géant à voir défiler. En
cascade depuis des mois, Memento, Rezvani, Gabriel Auguste, H-Burns, Hugues Pluviose...partout, constant.
Consécration, je suis
totalement remué d'émoi. Ébranlé. Les beaux reflets du monde
réel, on grimpe un peu plus dans le flagrant. L'éclatante ballade
de Domnique A.
Tous les bovins de la
prairie se sont abrités sous le grand saule. Le Salix est
seul à régner au beau milieu du carré vert. Ses longues branches
larmoyantes semblent caresser l'échine blanc poilu des taures
immobiles. Elles sont soyeuses d'ici et la lumière les encercle.
On entend le vent
qui s'engouffre dans le houppier qu'octobre a cuivré. Un son
mélancolique de sax ondule jusqu'aux orées.
On dirait une île que
berce le son d'une basse flûte volage ou d'un hautbois endormi. Une
trompette solennelle les fige, avachi sur ma barrière je les
observe sans être pour autant écorniflé par l'idée du Cow-boy.
Lassé sans lasso je laisse les bêtes accrochées à leur île, je
rebrousse chemin, l'air des Crimson dans la tète, un nuage de voix
lactée dans le sifflet.
La
baume n’a pas suffi la pluie est venue jusqu'à moi. Gouttant et
ruisselant dans ce mince abri j’ai vu la plaine se mettre à
l’envers. Du cobalt dans la chaume, l’abscisse désordonné et le
gris argenté qui fait trembler les peupliers. J’ai laissé passer
la nuée longue d’une demie révolution. Le vernier a perdu son
roulement, je n’ai plus l’échelle du temps, tout s’est
enraillé et ma cachette s’est immergée.
Le
débit des eaux a pris mes jambes à son coup, de la crème dans les
flaques, un généreux café au lait coule dans le lit, tout est
clapotis, gorgé et saturé. Mes pensées boueuses se diluent, la
moindre envie est endormie.
À
mes côtés, la Picride fausse-épervière me murmure de douces mélodies jaunes, tout est doux et tiède, j'attends la dernière
goutte pour sortir, sûrement au petit matin.
« L'ambiant est
la musique sans rythme, allant de Terry Riley aux interludes des
disques de hip-hop ; une musique tribale où les tambours
lointains se superposent aux bruits de la forêt, au sonore ambiant,
où les cris d'animaux distordus se mélangent au grincement des
insectes nocturnes ; c'est une trame qui s'inscrit, comme les
chansons des tribus aborigènes, dans le paysage, avec la nature. Un
circuit tracé comme un cri, qui se répète en boucle de sampler,
déformée et granuleuse..... L'ambiant comme fourre-tout de la
musique intelligente, provocante. Une musique anti-club à jouer dans
les clubs, comme transition, comme épice, comme acte de résistance
et de subversion, un défi. »
Une fois n'est pas
coutume, je propose ici les mots de Raphaël VALENSI, un bout de sa
préface pour « Ocean of Sound » de David
TOOP. Ce recueil sur la musique ambiante est une fantastique épopée,
une immersion totale dans le genre, un témoignage sur ce son qui a
ondulé depuis plusieurs décennies, avec des creux, des hauts, des
retours en force dans les années 2010 avec des couleurs et des
lumières différentes. J'ai eu ma grosse période ambiante dans les
années 2000, je flottait en haut de cette vague, TRAXX ou TSUGI sous
le bras. Je louais tout, achetais les opus conseillés et je me
laissé happer par tous ces field recordings, ces tableaux sonores
allant de l'insecte à l'orage, les nappes sous les drones, les
crépitements sur les claviers, ces tranches de vie dans les micros,
les oiseaux dans la neige de Watson, le bruit moléculaire d'un
matériau...
J'ai une caisse de
galettes avec tout un univers chantant sans mélodie, je sors des
trésors de rêves de tout horizon, le « Texture in glass
tubes and reed organ » de Minoru Sato ; le « Seven
year silence » de Ronnie Sundin ; le témoignage
sonore de l'exploration polaire de Simon Turner Fischer « The
great white silence »; l'intrusion forestière d'Aaron
Martin « Worried about the fire »,
l'abrasif Thomas Köner sur Type « Nunatak – Teimo -
Permafrost » ; Eno dans son aéroport ;
« Musique pour statues-menhirs » chez les
anciens Arbouse recordings ; les ouvres d'Eleh ; Fabio Orsi
et tous ces confrères italiens ; ou encore le « travail
sur la visualisation du son et l'oscillation des ondes sonores en
relation avec les forces de la nature... le son et l'imagerie des
phénomènes naturels tels que les mouvementz du soleil, des nuages,
de lamer et du vent » de Ducan Nilsson-Pinhas et Per
Svensson (sur Galerie Jeune Creation Edition en 40 exemplaires). A
nouveau d'autres mots inscrits au dos de ce dernier opus :
« Le son d'une
mer en furie couvre la totalité du spectre sonore : c'est le
bruit blanc, addition de toutes fréquences. Cependant ce spectre
semble changer constamment ; parfois les vibrations profondes
dominent, puis ce sont les sifflements aigus. Lorsque la mer se fait
inoffensive, le rythme remplace le chaos. Elle expire enfin à
l'horizon dans un murmure, se mêlant au plus douces musiques ».
C'est un monde
fantastique qui s'ouvre sur des mots, un mouvement inépuisable qui
prend ses racines chez Debussy, infini. Allia édition aussi sait en
témoigner : « L'art du bruit » de
Luigi Russolo ; « Modulations, une histoire de la
musique électronique » de Peter Shapiro ou encore « La
révolution digitale dans la musique, une philosophie de lamusique »
d'Harry Lehman. Des océan de mots sur des ondulations. De quoi
s'armer pour passer l'hiver.
Il est question d'un
livre à la base. « Ocean of sound », puis
d'un monde discographique qui dégringole, étourdissant. De mes
écoutes je me concentre sur Toop du coup et j'aurais pu vous parler
de l'abyssal « The shell that speaks the sea »,
ou du musical « Apparition paintings », du
parlé « Field recording and fox spirits »,
mais je suis resté ankylosé par le chamanique et planétaire
« Sound body » enregistré en 2006 lors de
son passage chez David Sylvian et Samadhisound. Instruments, voix et
machines. Expérimentations, collages, flûtes et oscillations,
textures et délicatesse. Hypnotique, contemplatif les yeux fermés,
un voyage surdimensionné.
Rebecca Rose et Franklin
sont venus ensorceler ma soirée d'octobre au coin du feu. Toutes les
flammes les plus diaboliques pour assécher la sueur des yeux et le
crachin du ciel. Samana est une découverte impromptue, des airs de
Yorke - Perry Blake - Other Lives au coin du feu quand l'automne
qu'on ne désire pas s'invite en chien.
Le buée sur les vitres
est une distillation lacrymale, la chiale alambiquée qu'on foule
avec des bottes, à défaut de prendre une grosse allevasse dans la
trogne. La cloche sonne en bas du bourg, les fusils résonnent dans
les plaines, il va falloir passer l’hiver. Toute est goutte, le
sauvage imbibé gicle comme on bave devant la beauté du monde.
« Into the wild » qu'ils disent. « An
album that explores notions of ceremony, the transposing of grief,
the subconscious mind and the philosophy of dream-time »
qu'ils disent aussi.
Françoiz et Dominique
pour tirer ma charrue. Glitterhouse aussi, et surtout Carla et Chris.
Au début, l’œuvre
aurait dû s'appeler « Songs from Continental Europ ».
Des reprises, et ce chef d’œuvre s’appellera « Train
Leaves at Eight ».
Des guests et le groupe.
The Walkabouts, s'il vous plaît. Outre Atlantique d'ici à la sauce
Americana, « Cowboy in Sweden », les
Calexico avec Amor et Thomas, cet album est une pépite.
Lo-Fi sec, un régal, y'a
même du Brel dedans, en blind test pour des soirées éventuelles.
Inépuisables de Seattle découvert pour moi avec « Ended
up a Stranger ».
Je viens de survoler
quelques frontières, cultures et couleurs, plaines et massifs, nord
et sud, vertes et cuites, toujours les mélodies qui nous relient et
des groupes qui les relisent.
The
Walkabouts 2000 « Train Leaves at Eight »
sur Glitterhouse
La nuit tout est vrai.
Bientôt la lueur tricheuse. Et si la nuit tombait en plein jour, mes
dents et mes enjoliveurs organiques se rougiraient de bonheur. Mentir
la nuit, la triche du menhir dans le noir c'est un leurre en friche.
Masque monolithique et fausseté, à poil sous la voûte éclairée
dès qu'une cellule s'approche, Orion dessus le crâne et tout
réaliser.
Les yeux perdus sont
huilés, la véracité mijote et la réalité abyssale se dresse
devant l'insomnie de nos pieds qui font les cent milles pas.
Le jour dissimule tout,
le soleil dans les yeux aveuglé comme pour avouer ce que l'on a vu
de nu sous la grande Ourse.
Je n'ai pas dormi une
fois encore. Je sais tout du presque rien qui m'habite. Je n'ai que
des doutes. Je vibre dans cette vérité à se taire. Je vais garder
le secret de ce piètre néant et repartir de plus belle et fermer
mon groin une fois de plus. A qui parler puisqu'il fait nuit ?
Il fait grand jour
maintenant, un peu froid, tout le monde dit n'importe quoi comme
rassurés par je ne sais quoi. J'irais bien éteindre la lumière
avant qu'elle ne sombre dans quelques battements de paupières. Gil &
Pierre ont orangé ma nuit. Toute la vérité a dansé avec mes
doutes, en boucle le « Palindrome fantôme », j'ai monté
le volume avec le jour s'élevant, Ultra Orange à fond pour
camoufler les mensonges du grand jour. Je suis blindé, armé comme
un fou, ils sont de retour et l’addiction guette pour chaque
nouveau jour que la semaine fera.
Ultra
Orange 2024 « Palindrome Fantôme »
sur Ultra Orange Records
Staples is Staples. C'est tout ce qu'on
demande. Depuis quelques jours je fais mes courses musicales sur
Tinder-sticks. Les palpitations sont les mêmes, le rendez-vous est
là, plus encore. Quatre chansons par face, quarante minutes tout lavé, le format
idéal, la crème au seuil, tout ce que je réclame sans publicité.
A quel moment ils sont devenus une
référence, une étiquette, avant qu'on en dise « mais ça me
rappelle Intel ou celui-là. ». Tindersticks à part entière
qu'on désigne, je n'entends plus qu'eux dans leur palier
ascensionnel, je grimpe avec, c'est tout un monde qui s'élève plus encore. Sidonie Osborne Staples
en feutre ouaté pour la belle pochette gris cobalt qui épouse le
son. Je
voulais du Tinder.. j'en ai à me rouler par terre en pleurant toute
ma respiration.
Tindersticks 2024 « Soft
Tissue » sur City Slang / Lucky Dog
L’énergumène disait sautiller sur
les plaines. Le désert, les grands espaces. J’avais pourtant
l’impression qu’il était là, à mes côtés, vautré
brindezingue comme désossé là par une murge dantesque. Il avait
beau rugir, ses palmes fuchsia le dénonçaient, il n’avait pas
bougé d’un tibia depuis la veille.
« The cellar song »
a retenti des heures à faire frémir toute la carne du quartier ((I
was drunk at the ) pulpit). La viande à la cave, cuite dans le
torchon. Imbibée. Rien du tout les grands espaces, le lion doré à
l’ocre moustache du Kentucky macère sur le plancher névrosé de
ma cabane. Y’a quand même des gars qui jouent, banjo claudiquant,
cordes molles, percussions percluses, un autre monde. Celui-là
débute, le Palace Brothers, Will propulsé à sa vitesse, son propre
débit en prince.
Pas l’impression qu’ils souffrent
malgré la complainte de ses nylons. Pas vu le moindre manque des
vastes étendues sudistes qui déroulent juste sous cette vieille
porte en bois ajourée. On sent le vent chaud qui passe en dessous,
le soleil aussi, l’odeur cury des plantes cuites, du sable
poussiéreux et un ciel découragé par des procrastineux.
Quelle aventure
ce « There is no-one what will take care of you »,
ou pas.
Palace
Brothers 1993 « There is no one
what will take care of you » sur Domino 2012
Exploration de fond en comble, IARC, ma
nouvelle agence de voyage. Après McCraven, DePlume, je m'attarde et
prospecte du côté de Jeff Parker le guitariste. Parker, quel nom idéal pour œuvrer dans le jazz. Quelques pièces sur International
Anthem Recording Company donc, avec une ouverture sur sa large
discographie et d'autre labels (Blacksmith Brother, Aguirre,
Rogueart, Clean Feed, Vent du sud...) c'est dire le champ de vision
de cet artiste à corde de Hampton, Virginie.
En attendant tout le reste, je patauge
et me pamoisonne dans IARC, en physique, sur les enceintes, c'est une
pure jouissance. Cette pièce-ci, c'est « Forfolks »
sorti en 2021. Il est tout seul avec son élément et ses cordes
tendues. Il y a du classique avec « My Ideal » de
Whiting/Chase/Robin. Il y a un Thelonious Monk et le « Ugly
Beauty », le tout entrecoupé de ses paysages à boucles
presque expérimentaux. Deux jours de prises en Californie, un
packaging de classe, un son cristallin, un moment intime partagé, un
profond voyage entre ciel et terre. Quel son préparé. Quel instant
de frissons ankylosés.
« Something so wright ».
Je ne connais pas de plus belle compilation. Madeleine? Sûrement, le
double vinyle ado passait en boucle, et cette chanson à un age où
le romantisme collait à la peau grasse et les idées volages à
l'âme.
Par pur plaisir ce midi, j'ai embarqué
en support physique laser cette simple compile du coup, juste pour
que ma chaîne numérique goutte à ce petit plaisir universel sans
crier dans la gare, ni même rembourser la mine de rien. Je vais me
délecter dans une autre pièce de mon huis clos avec cette vieille
connaissance, ce vieux son qui me va comme un gland. J'aime beaucoup
Paul Simon, même son dernier album dont pas grand monde n'a causé.
Et « St Judy's Comet »..
« Have a good time ».. à qui le dis tu mon Paulu,
« Still crazy..... »
En fait « Neogociations and
Love Songs »... » aurait pu être son album, ou
même une compilation.
« Rene and Georgette.. et
cette version sur « In the Blue Light »
J'oublie toute sa discographie, les répartitions, je n'aime pas trop
les compilations en général, celle-là est précieuse et
terriblement addictive , perdre ses repères, et s'en remettre à. Je
ne me suis jamais vraiment remis de cet objet acheté sans imaginer
l'effet à l'époque de sa sortie, je ne m'en suis jamais vraiment
remis.
Tiens, Paul Simon a discrètement
beaucoup compté dans ma vie musicale.
Le laser disc fraîchement acheté ce
midi défile sans que j'aille retourner la moindre galette. Là-haut,
à l'étage, il y a son habit de vinyle dans sa pochette cuivre et
noir, comme « Sensual World » de Kate Busch.
Tiens, un autre plaisir.. je vous laisse.
La période bleue du J.White comme
Pablo, une récréation, un mouvement avant le retour à l’écarlate.
Période bleue comme une marque pour les soli. Le sanguin avait fui,
la gratte au repos, l’ambiant pop en guise de Rage against the
Zeppelin avait éteint en moi le feu râleur d’une urgence
éraillée. Nenni, le bleu éclate, devient profond et clignote,
intense et abyssal à souhait injectant la rétine jusqu'au bulbe.
Bleu célibe, avec des remugles intenses de rouge et blanc,
David en voice, Sidsel en vocal, pas vu
le soleil depuis deux jours. Il me fallait un papier peint. De ceux
qui nous prennent la main, en passe-muraille pour franchir l'herbier
fantastique, les bijoux cuivrés. Franchir. Les samples de Jan et
Erik pour le scintillement, les ondes cuivrées d'Arve pour planer,
je traverse sans qu'aucun de mes os n'abdiquent. De pièce en pièce
j'explore le fantomatique, jusqu'ici les mots sont restés
silencieux, j'ai les miens dessus, l’histoire prend forme sur la
position précise du cuivre dilaté, la voix guide, les cordes
appellent vers la chambre voisine.
Dehors il pleut.
La symphonie de chambre ferme toutes
les portes de la grande maison ancienne. C'est par les murs que l'on
passe. Bras dans le mou, crane sur la cellulose, happé. Tout le reste y passe.
Colliers et nervures, cendres nacrées,
feuilles mortes animales, mycélium de placoplâtre j'avance englué.
Jan Bang, Erik Honoré, David Sylvian,
Sidsel Endresen, Arve Henriksen 2012
Une fâcheuse odeur d'automne a embuée
mes chemins ce matin. Le soleil a démarré sa descente il y a deux
mois déjà. Pas envie de lutter, je vais garder le sombre des
sous-bois, ce parfum de moisissures qui fait gigoter l'humus imbibé,
de toute façon le ciel n'a rien lâché de bleu, à quoi bon se
débattre, dans quelques heures le crépuscule.
Un cognac, lumière tamisée sans les
stores, le vent tiède ne changera rien à ma décision, les pôtes
de Mark Eitzel sur « The Golden Age »avec ce son délectable dans un écrin, vont
mettre en son tout ce merdier, on verra pour la suite.
The American Music Club
2008 « The Golden Age » sur Cooking vinyl
Je tends mon hamac de tout mon poids,
harassé. Au dessus, les branches de mon Cercis ont pris des
allures de bouquets bruissants de chips vertes. Des pétales cuites
au wasabi chantent et craquellent sous le vent doux. Il suffit de
marcher sur celles tombées pour entendre le bruit des fines tranches
frites.
Un frémissement des pensées au rythme
du chant des petits lobes cordés tous secs abusent de moi. Je suis
parti avec elles. Elles sont saisies et moi aussi. Je n'ai pas la
force d'aller retourner le vinyle, et le saphir en butée croustille
en boucle après le dernier sillon. La fin d'une histoire. Le début
dans les ramures d'une autre saison qui se dessine. La sève ne monte
plus, la face B meurt en silence comme la neige sur l'écran et le
ligneux commence à dénigrer son lot de feuilles.
J'ai foulé la terre chaude qui
exhalait des parfums de pain cuit sur Makaya. Je me retrouve sous les
feuilles chips qui chantent, IARC envahi tout , j'avance lourdement
immobile, sûrement. Des flammes partout, de l'or toujours, je
balance sous le souffle caniculaire d'Alabaster DePlume. Il est
saxophoniste, mais aussi poète engagé qui psalmodie, compositeur de
free jazz mancunien.
Il est ambiant dans son cuivre soufflé,
me transporte très loin, musique cosmopolite, la moutarde de mes
champs révolus se change en wasabi avec « To Cy &
Lee » 2020, prend des allures africaines avec « Come
with Fierce Grace » 2023, je suis couvert de dorure sur
« Gold » que j'ai trouvé dans les bacs.
Quel objet !!
Mon arbre de Judée croustille, je vis
le monde. En attendant, IARC, ma nouvelle agence de voyage.
Alabaster
DePlume 2022 « Gold
- Go Forward In The Courage Of Your Love »
Les crocs de herses lacère la chaume,
un nuage de poussière ocre pose une petite ambiance qui me plaît
bien. Des fumigènes sur une scène épique pour le chant des
cailloux sur l'acier qui trace. L'odeur de la terre bouillante rayée
à peine retournée diffuse des parfums indécents. Cette musique pue
le sexe. Plus loin la moissonneuse termine la parcelle, les épis
sont révolus. C'est la fête, une envie de danse tribale derrière
ce chalutier des champs qui lutte contre le courant du limon . La
sueur prend tout et la peau du front, des bras et des épaules se
maquille de milles grains de paille et de sa poussière qui défile
comme un carnaval.
Le soleil tape, tout est doré, les
corps, l'horizon et les vanneaux huppés déjà viennent glaner les
grains perdus.
Makaya McCraven ensorcelle ce fou
carnaval des fins de moisson. Il n'y a personne sur cette cuite
étendue, juste moi et les engins. Mon casque suit la herse, tous ces
lopins de blé partout sur le globe, les récoltes, le séminale dans
la motte, des rituels et des vies qui s'alignent. Il faut nourrir.
« Universal Beings » est un brûlot de BO
pour danser entre les ballots au rythme lancinant et torride des
greniers qui se remplissent.. une foule de gens avec moi, foulons
sous un sniff d'escarbille.
Je suis immergé par IARC depuis
quelques mois, je fouille je découvre, je fais mon chemin free jazz
ambiant qui me parle comme j'ai pu le faire avec ECM, je capte des
tonnes de couleurs, j'avance dansant sur la terre chaude de
quelque-uns de ses protagonistes..je tripe sur la terre fatiguée,
récoltée et griffée. Makaya me fascine. Il est batteur, « In
the Moment » est sorti en 2015, noir de monde dans les
crédits, une fête de jazz libre sur un label de renom. J'explore,
je moissonne, le mercure grimpe, les champs ont une coupe rase. La
pochette couleur blé grillé insuffle en moi le torride des jams de
cet extraordinaire album augmenté en 2016.
Makaya
McCraven 2026 « In the Moment »
Deluxe Edition sur International Anthem Recordings Co.
Le déclic d’un bouquin. Des conflits
historiques, une histoire sans fin, Waters v/s Gilmour (Le mot et le reste). Aussi au
milieu, des plus timides, des qui n’ont pas les épaules pour
lutter contre le court des choses, les fleuves, des lignes d’accords
ambiants se dessinent. Qu'aurait été Richard Wright sans le Floyd ?
Romantique apathique.
Et je pense à George Harrison. Dans la
queue de la comète. Rick la tète dans les nuées à planer sur ses
nappes, le gars sympa, des influences. En accords d'architecture
sonore, il a étroitement collaboré avec David Gilmour. Entente
parfaite. A eux deux ils n'ont pas renverser la dictature
Watersienne. Doucement, il a lâché prise. Pendant que Roger œuvrait
en solo sous le nom de Pink Floyd, David et Richard, ainsi que Nick
Mason sortaient leurs albums solo.
1978, sous Harvest, derrière Hipgnosis
à nouveau, Wright a sorti « Wet Dream ».
Assez floydien, comme ceux de Gilmour. J'ai moins accroché les
délires de Mason qui viennent d'être réédités. Imaginons un
Waters cool ( à la place du Waters prof) et tout ce matériel
mélangé pour un ou deux opus du Floyd en plus. Tout comme on
pourrait imaginer l'album monumental si « The Division
Bell » mélangé à « The Endless River »
avait rencontré « Amused to Death » au
milieu des 90's. Dans le même délire, Dave et Rick auraient
sûrement transcender « Radio KAOS »
quelques années plus tôt. Je suis un peu resté ado, j’effleure
souvent l'idée d'un autre chemin utopique de la grosse machine une
fois le mur tombé. Le bouquin a tout ravivé.
Il est gentil Rick, il est sympa,
démissionnaire, pas trop d'idées à apporter au sein du groupe
après « Animals », noyé, en vacances il
rejette « The Final Cut ». Évincé,
licencié, il faudra attendre 1996 pour le deuxième album solo.
C'est Steve Wilson qui s'occupe de restaurer les bandes, 2023 sous
une autre pochette, « Wet Dream » reparaît.
J'ai une tendresse pour cet album, pour ce mec largué. C'est pas
« All things must past » certes, mais y'a
de cette idée. Snowy White à la guitare, Mel Collins des Crimson au
sax, et lui aux claviers et chant.
Rich Wright a disparu dans la plus
grande des discrétions en 2008, « More »,
Syd, ses nappes, sa vie artistique a fondu après « Wish
you were here » quand il avait avec David encore une
once de pouvoir dans la baudruche. Je gardais ce disque enfoui
quelque part, gravé et enregistré en cassette (c'est tout lui ça).
Cette résurrection est une aubaine. Un autre truc sur Richard, chez
les disquaires, il est rangé à la lettre « W », et non
à « Pink Floyd » comme Mason.
« Le vinyle est
un objet d’art pour les pauvres ». Cette phrase d’époque
entendue au creux d’un documentaire sur Hipgnosis a claqué dans
mon cerveau. L’importance de la pochette qui appâte l’écoute.
La musique dématérialisée est un carré d’agneau sans os.
Il faut fouiller les bacs
pour retrouver cette idée d’outre-tombe. Le vinyle neuf est devenu
un produit pour thuné. Il suffit de retourner une vieille galette
d’occasion pour voir au dos l’étiquette Rallye d’origine avec
dessus estampillé 42 francs. Ces mêmes 42 sont affichés derrière
à la réédition 180g toute fraîche.. mais en euros. J’enfonce
des portes ouvertes certes, mais ce doc artistique qui colle à la
musique incarnée m’a plongé dans un abattement et un vague à
l’âme qu’on finit par assimiler et noyer dans le quotidien. Les
bacs à vinyles neufs hors de prix débordent et dégueulent de
partout, il faudra les brader un jour. Un nouveau fiasco.
J’ai rêvé de bacs à
disques cette nuit. Un rêve bizarre, je fouillais, farfouillais et
sortais les galettes d’ocass dans mes préférences. Bob
Seger..tiens que des albums inconnus, BJH..merde c’est quoi cette
pochette « Octoberon », Murat, il est où le
ventre de Dolorès ? Aucune pochette connue. Je reprends
« Octoberon » pour voir la date de cette
réédition, rien, c’est l’original. Je sors la pochette blanche
intérieure, et là-dessus, mes inscriptions à moi. Oui, il y a pas
mal d’années, j’écrivais à l’intérieur, date, impression,
contexte d’achat. J’ai donc acheté ce disque il y a qq temps, et
l’ai revendu. Je ne revends jamais les albums de Barclay James
Harvest, ni les autres vinyles d’ailleurs. Y’a un truc qui
cloche.
« Dark Side
of the Moon », « « Axis, Bold as
Love », « Love Supreme »..
rien à voir avec nos empruntes rétiniennes de pochettes officielles
qui font du bien à chacune de nos écoutes. La pochette d’album
est une chose vitale, ça parait évident à dire comme ça, écouter
« The greatest » des Wings et imaginer
l’ascension enneigée dans l’Himalaya, le cliché de la statue
là-haut posée sur la cime blanche, offrir le vinyle au saphir et
ouvrir le poster en matant les crédits.
Il me faut un vinyle
rassurant pour me consoler. « Wish you were here »,
pochette mythique plus que la normale, « Have a cigare »
avec au chant Roy Harper en invité. De fil en aiguille 1977, une autre pochette
Hipgnosis travaillée en retouche pour Harper, album au contexte historique particulier, toute une histoire avec ceux qui ont créé la
pochette de « Bullinamingvase ». J'écoute
les pistes, scrute les sillons et le macaron Harvest jaune et vert
qui me parle, mate la pochette et lis les paroles. J'aime beaucoup
Roy Harper, quand la pochette ajoute et augmente, c'est une autre
dimension.
Il fallait que je vous
le dise, dans une vie parallèle, ils ont les mêmes disques que nous,
mais les pochettes sont différentes.