vendredi 22 novembre 2024

Thomas Köner 1993

 



La croûte gelée se ramollit, ventre flasque et tiède respiration. Le ciel se charge de l’halènes des Steppes, le silence gronde.

Notre limon cryogénique sous la bêtise des trottinant fond comme neige au soleil, la permanence n’est plus, l'éternel a des doutes. Il va falloir penser autrement, aimer le mou sous la semelle, comme sur mes plaines avec cette terre amoureuse qui s’accroche vainement. Meuble gras toussotant que nous sommes, revoir la boussole.

Chaque lame épaisse de glace qui craque est un tissu d’âme qu’on déchire, le bloc de gré qui s’affaisse geint et les racines dansent. La maison Pise a une autre gueule, tout croule, tout tangue sur la boule bleue pâte à modeler. La gorge d’outre-tombe râle en lave baryton. Ça gronde sous nos pieds, le ventre mou qui gazouille et croasse, des sons drones sourdent comme des respirations, des cotes craquent, la plèvre demande la parole.

Il y a une vie là-dessous, un moteur libéré, un souffle localisé qui se focalise sur le rythme dilaté.Thomas Köner a organisé la fuite sonore du pergélisol, c’était en 1993, époque où la croûte gelée tenait encore sa permanence.


Thomas Köner 1993/ 2010 « Permafrost » sur Type records

mardi 19 novembre 2024

Joe McPhee - Nation Time 1970

 


Au détour d'un pavé sur des albums par forcément dans les plus répandus des piliers de l'histoire, je chope un article sur « Nation Time » de Joe McPhee. Aux heures profondes où je fripouille au sein de IARR et McCraven, le free jazz continue à me travailler le bulbe. Et je m'enlise.

Le bouquin, c'est « Musiques, Traverses & Horizons en 400 disques » de Philippe Robert (sur Le mot et le reste), des albums étouffés par d'autres, et qui méritent tout autant et même plus très souvent. Un peu comme « L'Anti-discothèque » de Christophe Conte.

Et tout l'univers de Joe s'ouvre à moi. John Coltrane, Ornette Coleman.. du free et plus encore. Pauline Oliveros, de l'expérimental, et je rejoins le fantastique bouquin de David TOPP mangé goulûment il y a quelques semaines.

« Nation Time » est son entrée très politique en discographie, 1970 sur CjRecords (1971 pour discogs). La transe, le gingembre dans le cortex, c'est un brûlot classique complètement dévergondé.

Coincé entre IARR et Coltrane ou Davis, je découvre au fil d'une belle lecture affamée un album « culte » à la pochette sublime, avec des morceaux qui collent à « la révolte de la communauté afro-américaine » d'alors. Le trompettiste saxophoniste fou en quête d'unité de peuple fait rugir son instrument.


Joe MCPHEE 1970 « Nation Time » sur CjRecord production

samedi 16 novembre 2024

Dick Annegarn 2005


 

J’ai mis à belle veste orange pour sortir grimper sur le chemin qui surplombe le village. C’est pas trop pour qu’on me distingue ou qu’on ne me cartouche pas, nan, c’est juste que je l’aime bien cette vieille pelure roussie quand l’automne traîne l’été sous ses godasses. La gadoue porte encore en elle les averses estivales, le soleil cucul éponge, la citrouille est cuite, la gueule grande ouverte tuée par les guirlandes et les boules de Noël. Un jour on va la tartiner de frangipane. Pourquoi vouloir toujours accélérer, s’engouffrer dans le tunnel toujours plus vite.

Potiron poltron, châtaigne en cendre, cèdres délavés, Potron Minet, l’eau est là, partout, à poil les branches, plus aucune gêne et le foutre en flotte les chatons s’agitent. Aurons-nous de la neige cette année ? je vais laisser mes géraniums dehors, à force.

« Le ciel plonge depuis des semaines…. » le vivant pionce, les arbres ne sont plus qu’arborescence. On va savater mou et laisser traîner le pas, le blues des ploucs que la glaise braise. Le rouge aux joues pour mettre à jour l’humeur du matin je reviens du coteau tout crotté l’air heureux et harassé. J’ai quelques bûches aux creux des bras la braise glaise attend mon foyer, mes croquenots terreux ont des cailloux collés avec des feuilles et des asticots. Ma belle veste orange rebelle fume, c’est le mois sans tabac. Mon plan de cuisine cucurbite assez la cardamone et les topinambours m’attendent, tout est nuit, la hache courbaturée sur la chèvre est cuite, les trois petits cochons sont toujours dans le bois. Dick n'à de garde que de faire vibrer la poésie.


Dick Annegarn 2005 « Plouc » sur tôt ou tard

mardi 12 novembre 2024

Raoul Vignal 2024


 

Quand l'outremer du bleu vient dévorer son cobalt il est fort à parier que la houle va manger nos plaines. Limon ensablé et Raoul salé se pare des habits du Calexico mais pas que.

Depuis quelques années le chêne argenté de cet artiste à la Lee moustache m'intrigue. Son marbre à eu raison de moi. Comment peut-on longer de tels artistes de par chez nous sans les embarquer pour arpenter les espaces ? « Miracle argenté » je disais en 2017.. que dire aujourd'hui, « Shadow Bands » est une belle lumière automnale, je le passe en boucle depuis des jours et lui valse dans la glaise. Tous les ciels fatigués ont défilé sans bouger, clay en main, les cieux engorgés se sont tenus à carreaux pour quelques accords d’artefacts désossés.

Depuis hier, la pluie a mangé le brouillard, l'horizon est revenu, « Brimstone Skies » est juste à quelques jets de mon talus, le vaste avec lui, une trouée dans le bleu intense ensablé. Le haut des bâtiments s'est dévoilé enfin et les clochers bandent à nouveau. Le marchand de sable a déposé une belle couche de poussière ocre sur la lune à l’hallali Hazlewood endormie.

Et si pour une fois la lumière venait d'en bas. Colline éblouissante par en dessous, le sablier décolle et la dune abat-jour rayonne. Le fibre molle des grains de sable qui s'entreposent laisse jaillir l'éveil capillaire des insomniaques. Raoul Vignal fait des miracles.


Raoul Vignal 2024 « Shadow Bands » sur Talitres

samedi 9 novembre 2024

Kronos Quartet 2024


 

Avant-hier, sur le seuil du big-bang, la densité de l'univers naissant était telle qu'un son mélodieux circulait. Cette musique a catalysé la genèse, la berceuse. J'aime l'idée que nous sommes là grâce à elle. L'onde fertile, ma croyance. La musique sauverait l'homme donc... sans déconner.

Apparemment il ne l'écoute pas assez. Plutôt que de l'entendre ramoner, ramenons toutes nos émotions sur la note et l'harmonie. Captons. Table rase avec cette portée d'oiseaux qui chantent, ces notes sinusoïdales sur les branches parallèles qu'un vent hydrogène fait tanguer.

Loin des mitrailles sulfatés, la portée sur le vitrail de l'histoire mets en champs la création, le chant de bataille et chaque pensée à condition qu'elle soit à disposition pour laisser la peau frissonner sur un accord.

Il suffit de lever les yeux pour voir le ciel beau, puis le regarder avant de le contempler. Sucé et adsorbé près du Sun Ra. C'est ici, là que le nuage commence à fredonner et les feuilles chanter. Une fois au sol, elles deviennent douces percussions de verre sous nos pas syncopés, semées sur un sol de ciel absorbé qui a gardé le silence de son chant reculé, juste au dessus de nos tètes retournées.


La menace de l'horizon est un roulement de tambour, les rives ordinaires frissonnent à peine, les mots sont emprisonnés, peu importe la musique est toujours là, muette, mais sûr d'elle, de nous avoir rendu possible la vie avant-hier. Le silence dans un liquide amniotique avec ce brouhaha lointain ouvre les yeux et la respiration fait valser nos cellules. Les tablatures surgissent comme un sens exact, un acte naturel inépuisable. Lourd de vitalité, accoucher la programmation du plasma.


En bas de chez moi le ruisseau chante, plus loin un moteur toussaille, le portail municipal en fer graillonne avec la bourrasque, le Kronos Quartet va lancer son opéra rock, un houppier oscille et grince tout en haut avec son voisin, un moteur de clim d'usine ronfle au loin à peine perceptible, trois petits oiseaux et le vent dans leurs gorges s'emballe, les instruments sont là. C'est la fête.


Kronos Quartet 2024

« Outer spaceways incorporated Kronos Quartet & friends meet Sun Ra »

mardi 5 novembre 2024

Brigitte Fontaine 2024

 


Issue éclaboussante et lampe frontale pour avancer, les étoiles sont tissées. Je suis passé par Sainte-Eulalie-d'Olt pour gindre mon chant monotone. La vallée du Lot, les enfants et les marmottes, des crues sans nom et des chairs à vifs. La cantilène des marmots et ses niveaux mélancoliques soulignés au marqueur indélébile, errer le long du fleuve de Saint-Geniez et imaginer l'eau bien au dessus de la tète qui défile, comme la marée."Mourir comme un chien crevé dans le fleuve.."


La planète est une femme fontaine, une simple bricole pour elle, un jaillissement doux, une goutte sur la joue, une vallée inondée et tellement de larmes de fond, des peines à remplir en bennes à jouir. Albouefera.

Brigitte est là, sous de grandes lumières enluminanasées, tellement bien sapée avec eux, et si tous nous nous embrassions à la gloire de cette grande dame noyée de poésie ?

Pauvres errants, crevards miteux, chiens galeux et autres peigne-cul reculottés, cette égalité sur les starting-block, des faux départs tout le temps, la toile est tissée, qui à l'arrivée ? L'eau monte, le ciel nous scrute et les gris en n'ont rien à foutre. Sur ce fleuve gonflé, le cobalt n’arrive plus à se poser, et l'ocre des coteaux avale tout même les lingots d'or. Les parapluies inutiles s'envolent, les Mary Poppins sont restées dans l'eau. Si seulement certaines avaient pu s'envoler comme cette conne.

Une corde pincée hurle à la mort, un tronc miaule et toutes les branches chialent à mourir, les feuilles flottent déjà sur le salé. La roche sur la fougère ne pipe mot, lessivée elle câline la mousse sous les aisselles. Et tout s'entasse sous les ponts.

L'erre est au pébroc, le bipède botté se dépatouille avec la glaise et l'endotoxine prend son bain. La planète chiale, allons créer des richesses. L’œil du journaleux est Trumpé, pas de bol pour les trempés, et "la mer qui aide les collines couvertes d'oliviers" recueille.

Brigitte, la nique à tous les voisins de promontoire, on en a Cure des Aubert affligeant Indochinés et autres vulgarités. La Fontaine vient poser son rose zob à tire la Rigole. Je l'aime aussi ce "Divin Blasphème". Embrassons-nous.


Brigitte Fontaine 2024 « Pick up »


samedi 2 novembre 2024

Andrew Bird & Madison Cunningham -


 

Le Rouge-gorge s'est posé sur la branche comme on tape sur le diapason. La délicatesse tintant comme du cristal dans le gris, le rameau vibre encore et l'onde résonne.

Un peu pétrifié à l'écoute de cet opus, avant de réaliser et m'extraire de ma torpeur. Les versions dépouillées ont laissé planer le doute avant que j'aille directement me poser sur « Crystal ».

Ils m'ont cueilli, sans aucune somation. Cet hommage est tombé du ciel sans que je puisse imaginer la moindre reprise de quiconque de cet opus que je chéris depuis que les Fleetwood ont mis le grappin sur ma discographie.

Buckingham / Nicks 1974, Cunningham / Bird 2024 et le ciel aplanit tous les reliefs. Les oiseaux font des réserves, aucun relief ne résiste au ciel qui nous tombe sur la tète. Il y a bien le vert tendre à mes pieds et ce cramoisie à portée de bras, mais mes yeux sont embués, et mes lunettes ruissellent à pleurer de joie à l'écoute de ce duo.

La voix d'Andrew calmement aux côtés de Lindsey, l'esprit Stevie que Madison happe. Et « Crystal » qui s'installe.

Andrew Bird m'a mis le grappin dessus avec son « Weather systems» au début du siècle. Je suis resté fidèle. Et voici qu'il me perturbe avec Madison Cunningham plongeant à travers ce chef d’œuvre de la branche USA venue se greffer aux British Fleetwood, au beau milieu des 70's. 

 

Madisson Cunningham / Andrew Bird 2024

mardi 29 octobre 2024

The Hard Quartet - 2024

 


Un paquet d'étiquettes viennent s’engouffrer dans ce quartet irrésistible. Le truc qu'on aurait pu dire qu'il s'agissait d'un nouveau groupe de petits branleurs en herbe à la sauce revival comme il y en a à la pelle. Le délire a pour noms Malkmus, Sweeny, White (en Jim) et Kelly, s'il vous plaît. Du coup, on déchire les étiquettes de cette vieille fringue chopée en circuit court, et on se mange ce brûlot pop à la casquette rock bien trempé et vice versa.

Vieux branleurs donc et un batifolage total, une grosse addiction guette quand on chérit tout ce beau monde qui gravite et s'entrechoque autour des quatre vieux garçons dans l'avant. Toujours aussi frais .. si si, ou alors c'est moi, nous, eux, ne pas vieillir. Mûrir ouaih tant qu'on nous emmerde pas avec le « O » du même mot, « Kill by death ».

C'est une belle petite saloperie qui tombe du ciel, un truc parfait pour se foutre de presque tout, d'aller pointer, de la raideur de ses lombaires, du gris du ciel qui s'installe pourvu qu'on n'ait plus la flotte, des magasins qui dégueulassent les citrouilles de boules et de guirlandes à sapin, des actualités et de mon transat que je n'ai toujours pas rangé couvert de mousses et de moisissures.

Les étiquettes arrachées jonchent mon lopins de boue, elles gigotent au milieux des feuilles mortes à l'appel. Non je suis pas vieux, The Hard Quartet aurait pu être des gamins à rétroviseur en manque de super son de tout temps, genre les troublants The Lemon Twigs pour ne citer qu'eux.

Super groupe qu'ils disent.

Très très bon album en boucle infernale.

Mûrir oui, mais sans le « o ». 

 


The Hard Quartet 2024 « The Hard Quartet » .. disque de l'année.

dimanche 27 octobre 2024

Jethro Tull - 1988

 


La brume mange la moitié du paysage, à cette hauteur de château d'eau on ne voit pas à 100m. Il faut redescendre à hauteur d'arbuste pour voir s'allonger devant soi les parterres de cyclamens. Le brouillard va si bien à la chlorophylle qui se barre, la pluie dégueulasse est d'une lâcheté. Brouillard, brume et bruine, un vrai petit temps à explorer la discothèque.

Et ça tombe bien, je viens de recevoir un coffret 5 vinyles, un truc que j'ai mis plus de 20 ans à me rappeler que je n'avais jamais pu mettre la main dessus. À l'époque, souvent des champs de batailles pour aller pécher des sorties, des sous à trouver pour de beaux objets rétrospectifs. Aujourd'hui, s'ajoute au streaming, les sites d'échanges où l'on peut quasiment se démerder entre nous. Vinted des fringues ?? pas que. Qui m'a conseillé ce site pour compulser les vieux disques ? Pour quelques kopecks je clique des coups secs jubilant, secoué de petits soubresauts compulsifs et vieux toc d'acheteur d'opus que je croyais disparu.

En 1988 je n'avais pas encore découvert Jethro Tull. Lorsque je mis la pogne dessus, les « 25th anniversary 1968 - 1993 » sortaient dans une boite à cigares. Obligé, je lorgnais sur la grosse compilation sortie 5 ans auparavant. Je venais de jeter au feu mes sapes de bidasses avec dans le fond des poches la volonté d'y jeter du morlingue dès que possible. Tant d'années après, Vinted depuis quelques semaines seulement pour moi et l'idée utopique d'y trouver « 20 years of Jethro Tull ». Loin des cotes, la foire à tout, on veut se débarrasser. Une aubaine. Venez à moi la décote, une demi-molle rien qu'avec la rétine. 

En ce week-end maussade du ciel, je m'enferme avec mon adolescence pour causer un peu avec mon impatience d'alors, ma frustration de jadis, ma faim de naguère. La folle flûte en transe pour me souffler qu'il est mieux appréciable aujourd'hui. D'ailleurs les 2 derniers opus CD sont là aussi avec toute la discographie, mais il est question de 20 ans aujourd'hui, de ma puérilité guillerette très mature (du coup) à tenir dans les mains un objet que je n'avais même jamais vu en rayon, promontoire ou moult brocantes maintes fois visitées. Mais je cause, j'ai encore 3 galettes à écouter avant de ressortir la boite à cigares pleine de CD.


Compact Disk pour les 25 ans, la version vinyle pour les 20 donc, et ces inédits, surtout celui-là, le « Part of the machine » très construit, à la limite du heavy celtique et du prog médiéval.. bah l'étiquette du Tull en fait. Et du coup, j'en découvre d'autres à jamais n'avoir osé le peer to peeré, « Coronah » par exemple. Un truc d'ancien, les Anderson's guy ne soulèvent plus beaucoup d’intérêt depuis pas mal de temps. Balec, je ne lâcherai rien, je jubile sur une patte.


Tiens, il fait nuit plus tôt aujourd'hui, le ciel retombe de plus belle, une purée sans nom. Les salauds, ils ne m'auront pas, la buée sur les vitres, à moins qu'il ne s'agisse du brouillard, de la bruine ou de la brume, je patauge dans mon Tull comme on danse sur les pointes ou fabrique sa moustiquaire.





Jethro Tull 1988 « 20 Years of Jethro Tull » sur Chrysalis

jeudi 24 octobre 2024

Neil Young 2024

 


Les canards ont envahi les champs. Les maïs ont les pieds dans l'eau. Anatidés tout étonnés de zigzaguer entre ces graminées.

La terre est endolorie, comme une noyée qu'on a sauvée, étendue sur la berge, le teint blême, les cheveux plaqués, toutes les fringues lessivées. L'ultime averse de pluie a fait déborder l'évasé.

Mon paysage est un rescapé, l'automne est tiède et tout embué. On respire mieux en haut du coteau, on voit les canards qui flottent sur ces nouveaux lacs. Les champs s'étendent et brillent de ces milles morceaux de verre cassé éparpillés qui reflètent. Le limon soiffard cuve comme il peut. Va falloir sevrer tous ces angles et soigner les lopins avant la prochaine douche.


À quelques traits de ciel d'ici, un autre déluge fait frémir la surface de l'eau. Quelle frustration pour une goutte de pluie de tomber dans la mer. Quel gâchis, à quoi bon. Un coup rien, la corde raide dégringole dans l'immense flotte qui ondule, découragée, disparaître et attendre à nouveau un autre tour pour remonter là-haut, un autre plongeon pour un bourgeon, poussé par le vent. Se faire déguster par une cellule, pousser la floraison, se faire butiner, s'envoler puis planer pour remonter sur un courant d'haleine chaude.

Hier, j'ai acheté une nouveauté, « Fuckin'up » de Neil Young.

mardi 22 octobre 2024

Dominique A - 2024


 

Sacralisé, sacré Graal. Une telle évidence.. « Au revoir mon amour » sonnait déjà comme cette chose haute en émotion. La mémoire est intacte, avec en plus une couche par dessus, l'envergure, le platine, la grande maturité déracinée pas piquée des pâquerettes.

Le noir bleu intense est resté accroché au monde réel. Un rayon sur le crane, entre de beaux bouleaux verruqueux, la chemise s'est nappée d'un beau vert-olive, et la lumière tape. Une nouvelle. Le tout en haut, tout condensé en cinématographique, pas le droit à l'erreur, l'envergure, l'acoustique, l'émotion. Tellement évident.


Dominique dans les grandes plaines, au pupitre, intime et symphonique, sur les ondes, le grandiose, chevauchons l’histoire. Indélébile comme l'encre. Se permettre, s'oxygéner, rétroviser comme sur un écran géant à voir défiler. En cascade depuis des mois, Memento, Rezvani, Gabriel Auguste, H-Burns, Hugues Pluviose...partout, constant.


Consécration, je suis totalement remué d'émoi. Ébranlé. Les beaux reflets du monde réel, on grimpe un peu plus dans le flagrant. L'éclatante ballade de Domnique A.


Dominique A 2024 « Quelques Lueurs » sur Cinq7

jeudi 17 octobre 2024

King Crimson 1971

 



Tous les bovins de la prairie se sont abrités sous le grand saule. Le Salix est seul à régner au beau milieu du carré vert. Ses longues branches larmoyantes semblent caresser l'échine blanc poilu des taures immobiles. Elles sont soyeuses d'ici et la lumière les encercle.

On entend le vent qui s'engouffre dans le houppier qu'octobre a cuivré. Un son mélancolique de sax ondule jusqu'aux orées.

On dirait une île que berce le son d'une basse flûte volage ou d'un hautbois endormi. Une trompette solennelle les fige, avachi sur ma barrière je les observe sans être pour autant écorniflé par l'idée du Cow-boy. Lassé sans lasso je laisse les bêtes accrochées à leur île, je rebrousse chemin, l'air des Crimson dans la tète, un nuage de voix lactée dans le sifflet.


King Crimson 1971 « Islands » sur Island records

 

mardi 15 octobre 2024

Max Richter - 2024

 


La baume n’a pas suffi la pluie est venue jusqu'à moi. Gouttant et ruisselant dans ce mince abri j’ai vu la plaine se mettre à l’envers. Du cobalt dans la chaume, l’abscisse désordonné et le gris argenté qui fait trembler les peupliers. J’ai laissé passer la nuée longue d’une demie révolution. Le vernier a perdu son roulement, je n’ai plus l’échelle du temps, tout s’est enraillé et ma cachette s’est immergée.

Le débit des eaux a pris mes jambes à son coup, de la crème dans les flaques, un généreux café au lait coule dans le lit, tout est clapotis, gorgé et saturé. Mes pensées boueuses se diluent, la moindre envie est endormie.

À mes côtés, la Picride fausse-épervière me murmure de douces mélodies jaunes, tout est doux et tiède, j'attends la dernière goutte pour sortir, sûrement au petit matin.


Max Richter 2024 « In a Landscape » sur DECCA

mardi 8 octobre 2024

David Toop - 2006 - "Ocean of Sound" 1995

 


« L'ambiant est la musique sans rythme, allant de Terry Riley aux interludes des disques de hip-hop ; une musique tribale où les tambours lointains se superposent aux bruits de la forêt, au sonore ambiant, où les cris d'animaux distordus se mélangent au grincement des insectes nocturnes ; c'est une trame qui s'inscrit, comme les chansons des tribus aborigènes, dans le paysage, avec la nature. Un circuit tracé comme un cri, qui se répète en boucle de sampler, déformée et granuleuse..... L'ambiant comme fourre-tout de la musique intelligente, provocante. Une musique anti-club à jouer dans les clubs, comme transition, comme épice, comme acte de résistance et de subversion, un défi. »


Une fois n'est pas coutume, je propose ici les mots de Raphaël VALENSI, un bout de sa préface pour « Ocean of Sound » de David TOOP. Ce recueil sur la musique ambiante est une fantastique épopée, une immersion totale dans le genre, un témoignage sur ce son qui a ondulé depuis plusieurs décennies, avec des creux, des hauts, des retours en force dans les années 2010 avec des couleurs et des lumières différentes. J'ai eu ma grosse période ambiante dans les années 2000, je flottait en haut de cette vague, TRAXX ou TSUGI sous le bras. Je louais tout, achetais les opus conseillés et je me laissé happer par tous ces field recordings, ces tableaux sonores allant de l'insecte à l'orage, les nappes sous les drones, les crépitements sur les claviers, ces tranches de vie dans les micros, les oiseaux dans la neige de Watson, le bruit moléculaire d'un matériau...

J'ai une caisse de galettes avec tout un univers chantant sans mélodie, je sors des trésors de rêves de tout horizon, le « Texture in glass tubes and reed organ » de Minoru Sato ; le « Seven year silence » de Ronnie Sundin ; le témoignage sonore de l'exploration polaire de Simon Turner Fischer « The great white silence »; l'intrusion forestière d'Aaron Martin « Worried about the fire », l'abrasif Thomas Köner sur Type « Nunatak – Teimo - Permafrost » ; Eno dans son aéroport ; « Musique pour statues-menhirs » chez les anciens Arbouse recordings ; les ouvres d'Eleh ; Fabio Orsi et tous ces confrères italiens ; ou encore le « travail sur la visualisation du son et l'oscillation des ondes sonores en relation avec les forces de la nature... le son et l'imagerie des phénomènes naturels tels que les mouvementz du soleil, des nuages, de lamer et du vent » de Ducan Nilsson-Pinhas et Per Svensson (sur Galerie Jeune Creation Edition en 40 exemplaires). A nouveau d'autres mots inscrits au dos de ce dernier opus :

« Le son d'une mer en furie couvre la totalité du spectre sonore : c'est le bruit blanc, addition de toutes fréquences. Cependant ce spectre semble changer constamment ; parfois les vibrations profondes dominent, puis ce sont les sifflements aigus. Lorsque la mer se fait inoffensive, le rythme remplace le chaos. Elle expire enfin à l'horizon dans un murmure, se mêlant au plus douces musiques ».

C'est un monde fantastique qui s'ouvre sur des mots, un mouvement inépuisable qui prend ses racines chez Debussy, infini. Allia édition aussi sait en témoigner : « L'art du bruit » de Luigi Russolo ; « Modulations, une histoire de la musique électronique » de Peter Shapiro ou encore « La révolution digitale dans la musique, une philosophie de lamusique » d'Harry Lehman. Des océan de mots sur des ondulations. De quoi s'armer pour passer l'hiver.


Il est question d'un livre à la base. « Ocean of sound », puis d'un monde discographique qui dégringole, étourdissant. De mes écoutes je me concentre sur Toop du coup et j'aurais pu vous parler de l'abyssal « The shell that speaks the sea », ou du musical « Apparition paintings », du parlé « Field recording and fox spirits », mais je suis resté ankylosé par le chamanique et planétaire « Sound body » enregistré en 2006 lors de son passage chez David Sylvian et Samadhisound. Instruments, voix et machines. Expérimentations, collages, flûtes et oscillations, textures et délicatesse. Hypnotique, contemplatif les yeux fermés, un voyage surdimensionné. 

 

David Toop 2006 « Soud Body » sur Samadhisound

lundi 7 octobre 2024

Samana 2024

 


Rebecca Rose et Franklin sont venus ensorceler ma soirée d'octobre au coin du feu. Toutes les flammes les plus diaboliques pour assécher la sueur des yeux et le crachin du ciel. Samana est une découverte impromptue, des airs de Yorke - Perry Blake - Other Lives au coin du feu quand l'automne qu'on ne désire pas s'invite en chien.

Le buée sur les vitres est une distillation lacrymale, la chiale alambiquée qu'on foule avec des bottes, à défaut de prendre une grosse allevasse dans la trogne. La cloche sonne en bas du bourg, les fusils résonnent dans les plaines, il va falloir passer l’hiver. Toute est goutte, le sauvage imbibé gicle comme on bave devant la beauté du monde. « Into the wild » qu'ils disent. « An album that explores notions of ceremony, the transposing of grief, the subconscious mind and the philosophy of dream-time » qu'ils disent aussi.



Samana 2024 « Samana » sur

https://www.samanaroad.com/music

https://samana.bandcamp.com/

samedi 5 octobre 2024

The Walkabouts- 2000

 


Françoiz et Dominique pour tirer ma charrue. Glitterhouse aussi, et surtout Carla et Chris.

Au début, l’œuvre aurait dû s'appeler « Songs from Continental Europ ». Des reprises, et ce chef d’œuvre s’appellera « Train Leaves at Eight ».

Des guests et le groupe. The Walkabouts, s'il vous plaît. Outre Atlantique d'ici à la sauce Americana, « Cowboy in Sweden », les Calexico avec Amor et Thomas, cet album est une pépite.

Lo-Fi sec, un régal, y'a même du Brel dedans, en blind test pour des soirées éventuelles. Inépuisables de Seattle découvert pour moi avec « Ended up a Stranger ».

Je viens de survoler quelques frontières, cultures et couleurs, plaines et massifs, nord et sud, vertes et cuites, toujours les mélodies qui nous relient et des groupes qui les relisent.


The Walkabouts 2000 « Train Leaves at Eight » sur Glitterhouse

dimanche 22 septembre 2024

Ultra Orange 2024


 

La nuit tout est vrai. Bientôt la lueur tricheuse. Et si la nuit tombait en plein jour, mes dents et mes enjoliveurs organiques se rougiraient de bonheur. Mentir la nuit, la triche du menhir dans le noir c'est un leurre en friche. Masque monolithique et fausseté, à poil sous la voûte éclairée dès qu'une cellule s'approche, Orion dessus le crâne et tout réaliser.

Les yeux perdus sont huilés, la véracité mijote et la réalité abyssale se dresse devant l'insomnie de nos pieds qui font les cent milles pas.

Le jour dissimule tout, le soleil dans les yeux aveuglé comme pour avouer ce que l'on a vu de nu sous la grande Ourse.

Je n'ai pas dormi une fois encore. Je sais tout du presque rien qui m'habite. Je n'ai que des doutes. Je vibre dans cette vérité à se taire. Je vais garder le secret de ce piètre néant et repartir de plus belle et fermer mon groin une fois de plus. A qui parler puisqu'il fait nuit ?


Il fait grand jour maintenant, un peu froid, tout le monde dit n'importe quoi comme rassurés par je ne sais quoi. J'irais bien éteindre la lumière avant qu'elle ne sombre dans quelques battements de paupières. Gil & Pierre ont orangé ma nuit. Toute la vérité a dansé avec mes doutes, en boucle le « Palindrome fantôme », j'ai monté le volume avec le jour s'élevant, Ultra Orange à fond pour camoufler les mensonges du grand jour. Je suis blindé, armé comme un fou, ils sont de retour et l’addiction guette pour chaque nouveau jour que la semaine fera.


Ultra Orange 2024 «  Palindrome Fantôme » sur Ultra Orange Records 

 

vendredi 20 septembre 2024

Tindersticks 2024

 


Staples is Staples. C'est tout ce qu'on demande. Depuis quelques jours je fais mes courses musicales sur Tinder-sticks. Les palpitations sont les mêmes, le rendez-vous est là, plus encore. Quatre chansons par face, quarante minutes tout lavé, le format idéal, la crème au seuil, tout ce que je réclame sans publicité.

A quel moment ils sont devenus une référence, une étiquette, avant qu'on en dise « mais ça me rappelle Intel ou celui-là. ». Tindersticks à part entière qu'on désigne, je n'entends plus qu'eux dans leur palier ascensionnel, je grimpe avec, c'est tout un monde qui s'élève plus encore. Sidonie Osborne Staples en feutre ouaté pour la belle pochette gris cobalt qui épouse le son. Je voulais du Tinder.. j'en ai à me rouler par terre en pleurant toute ma respiration.


Tindersticks 2024 «  Soft Tissue » sur City Slang / Lucky Dog


samedi 14 septembre 2024

Palace Brothers 1993



L’énergumène disait sautiller sur les plaines. Le désert, les grands espaces. J’avais pourtant l’impression qu’il était là, à mes côtés, vautré brindezingue comme désossé là par une murge dantesque. Il avait beau rugir, ses palmes fuchsia le dénonçaient, il n’avait pas bougé d’un tibia depuis la veille.

« The cellar song » a retenti des heures à faire frémir toute la carne du quartier ((I was drunk at the ) pulpit). La viande à la cave, cuite dans le torchon. Imbibée. Rien du tout les grands espaces, le lion doré à l’ocre moustache du Kentucky macère sur le plancher névrosé de ma cabane. Y’a quand même des gars qui jouent, banjo claudiquant, cordes molles, percussions percluses, un autre monde. Celui-là débute, le Palace Brothers, Will propulsé à sa vitesse, son propre débit en prince.

Pas l’impression qu’ils souffrent malgré la complainte de ses nylons. Pas vu le moindre manque des vastes étendues sudistes qui déroulent juste sous cette vieille porte en bois ajourée. On sent le vent chaud qui passe en dessous, le soleil aussi, l’odeur cury des plantes cuites, du sable poussiéreux et un ciel découragé par des procrastineux.

Quelle aventure ce « There is no-one what will take care of you », ou pas.


Palace Brothers 1993 « There is no one what will take care of you » sur Domino 2012

 

samedi 7 septembre 2024

Jeff Parker 2021


 

Exploration de fond en comble, IARC, ma nouvelle agence de voyage. Après McCraven, DePlume, je m'attarde et prospecte du côté de Jeff Parker le guitariste. Parker, quel nom idéal pour œuvrer dans le jazz. Quelques pièces sur International Anthem Recording Company donc, avec une ouverture sur sa large discographie et d'autre labels (Blacksmith Brother, Aguirre, Rogueart, Clean Feed, Vent du sud...) c'est dire le champ de vision de cet artiste à corde de Hampton, Virginie.

En attendant tout le reste, je patauge et me pamoisonne dans IARC, en physique, sur les enceintes, c'est une pure jouissance. Cette pièce-ci, c'est « Forfolks » sorti en 2021. Il est tout seul avec son élément et ses cordes tendues. Il y a du classique avec « My Ideal » de Whiting/Chase/Robin. Il y a un Thelonious Monk et le « Ugly Beauty », le tout entrecoupé de ses paysages à boucles presque expérimentaux. Deux jours de prises en Californie, un packaging de classe, un son cristallin, un moment intime partagé, un profond voyage entre ciel et terre. Quel son préparé. Quel instant de frissons ankylosés. 

 


Jeff Parker 2021 « Forfolks » sur IARC

 

mardi 3 septembre 2024

Paul Simon - "Negotiations and Love Songs"

 


« Something so wright ». Je ne connais pas de plus belle compilation. Madeleine? Sûrement, le double vinyle ado passait en boucle, et cette chanson à un age où le romantisme collait à la peau grasse et les idées volages à l'âme.

Par pur plaisir ce midi, j'ai embarqué en support physique laser cette simple compile du coup, juste pour que ma chaîne numérique goutte à ce petit plaisir universel sans crier dans la gare, ni même rembourser la mine de rien. Je vais me délecter dans une autre pièce de mon huis clos avec cette vieille connaissance, ce vieux son qui me va comme un gland. J'aime beaucoup Paul Simon, même son dernier album dont pas grand monde n'a causé.

Et « St Judy's Comet ».. « Have a good time ».. à qui le dis tu mon Paulu, « Still crazy..... »

En fait « Neogociations and Love Songs »... » aurait pu être son album, ou même une compilation.


« Rene and Georgette.. et cette version sur « In the Blue Light » J'oublie toute sa discographie, les répartitions, je n'aime pas trop les compilations en général, celle-là est précieuse et terriblement addictive , perdre ses repères, et s'en remettre à. Je ne me suis jamais vraiment remis de cet objet acheté sans imaginer l'effet à l'époque de sa sortie, je ne m'en suis jamais vraiment remis.

Tiens, Paul Simon a discrètement beaucoup compté dans ma vie musicale.


Le laser disc fraîchement acheté ce midi défile sans que j'aille retourner la moindre galette. Là-haut, à l'étage, il y a son habit de vinyle dans sa pochette cuivre et noir, comme « Sensual World » de Kate Busch. Tiens, un autre plaisir.. je vous laisse.


Paul Simon 1988 « Negotiations and Love Songs »

samedi 31 août 2024

Jack White - 2024

 


La période bleue du J.White comme Pablo, une récréation, un mouvement avant le retour à l’écarlate. Période bleue comme une marque pour les soli. Le sanguin avait fui, la gratte au repos, l’ambiant pop en guise de Rage against the Zeppelin avait éteint en moi le feu râleur d’une urgence éraillée. Nenni, le bleu éclate, devient profond et clignote, intense et abyssal à souhait injectant la rétine jusqu'au bulbe. Bleu célibe, avec des remugles intenses de rouge et blanc,

J’ai chaud à la gueule, Jako est de retour.


Jack White 2024 « No Name »

dimanche 25 août 2024

Jan Bang, Erik Honoré, David Sylvian, Sidsel Endresen, Arve Henriksen

 


David en voice, Sidsel en vocal, pas vu le soleil depuis deux jours. Il me fallait un papier peint. De ceux qui nous prennent la main, en passe-muraille pour franchir l'herbier fantastique, les bijoux cuivrés. Franchir. Les samples de Jan et Erik pour le scintillement, les ondes cuivrées d'Arve pour planer, je traverse sans qu'aucun de mes os n'abdiquent. De pièce en pièce j'explore le fantomatique, jusqu'ici les mots sont restés silencieux, j'ai les miens dessus, l’histoire prend forme sur la position précise du cuivre dilaté, la voix guide, les cordes appellent vers la chambre voisine.

Dehors il pleut.

La symphonie de chambre ferme toutes les portes de la grande maison ancienne. C'est par les murs que l'on passe. Bras dans le mou, crane sur la cellulose, happé. Tout le reste y passe. 

Colliers et nervures, cendres nacrées, feuilles mortes animales, mycélium de placoplâtre j'avance englué.


Jan Bang, Erik Honoré, David Sylvian, Sidsel Endresen, Arve Henriksen 2012

« Uncommon Deities » sur Samadisound

lundi 19 août 2024

The American Music Club 2008

 




Une fâcheuse odeur d'automne a embuée mes chemins ce matin. Le soleil a démarré sa descente il y a deux mois déjà. Pas envie de lutter, je vais garder le sombre des sous-bois, ce parfum de moisissures qui fait gigoter l'humus imbibé, de toute façon le ciel n'a rien lâché de bleu, à quoi bon se débattre, dans quelques heures le crépuscule.

Un cognac, lumière tamisée sans les stores, le vent tiède ne changera rien à ma décision, les pôtes de Mark Eitzel sur « The Golden Age »avec ce son délectable dans un écrin, vont mettre en son tout ce merdier, on verra pour la suite.


The American Music Club 2008 « The Golden Age » sur Cooking vinyl

samedi 17 août 2024

Alabaster DePlume 2022

 


Je tends mon hamac de tout mon poids, harassé. Au dessus, les branches de mon Cercis ont pris des allures de bouquets bruissants de chips vertes. Des pétales cuites au wasabi chantent et craquellent sous le vent doux. Il suffit de marcher sur celles tombées pour entendre le bruit des fines tranches frites.

Un frémissement des pensées au rythme du chant des petits lobes cordés tous secs abusent de moi. Je suis parti avec elles. Elles sont saisies et moi aussi. Je n'ai pas la force d'aller retourner le vinyle, et le saphir en butée croustille en boucle après le dernier sillon. La fin d'une histoire. Le début dans les ramures d'une autre saison qui se dessine. La sève ne monte plus, la face B meurt en silence comme la neige sur l'écran et le ligneux commence à dénigrer son lot de feuilles.


J'ai foulé la terre chaude qui exhalait des parfums de pain cuit sur Makaya. Je me retrouve sous les feuilles chips qui chantent, IARC envahi tout , j'avance lourdement immobile, sûrement. Des flammes partout, de l'or toujours, je balance sous le souffle caniculaire d'Alabaster DePlume. Il est saxophoniste, mais aussi poète engagé qui psalmodie, compositeur de free jazz mancunien.

Il est ambiant dans son cuivre soufflé, me transporte très loin, musique cosmopolite, la moutarde de mes champs révolus se change en wasabi avec « To Cy & Lee » 2020, prend des allures africaines avec « Come with Fierce Grace » 2023, je suis couvert de dorure sur « Gold » que j'ai trouvé dans les bacs. Quel objet !!

Mon arbre de Judée croustille, je vis le monde. En attendant, IARC, ma nouvelle agence de voyage. 

 




Alabaster DePlume 2022 « Gold - Go Forward In The Courage Of Your Love »

sur International Anthme Recordings Company.


mardi 13 août 2024

Makaya McCraven - 2015


 

Les crocs de herses lacère la chaume, un nuage de poussière ocre pose une petite ambiance qui me plaît bien. Des fumigènes sur une scène épique pour le chant des cailloux sur l'acier qui trace. L'odeur de la terre bouillante rayée à peine retournée diffuse des parfums indécents. Cette musique pue le sexe. Plus loin la moissonneuse termine la parcelle, les épis sont révolus. C'est la fête, une envie de danse tribale derrière ce chalutier des champs qui lutte contre le courant du limon . La sueur prend tout et la peau du front, des bras et des épaules se maquille de milles grains de paille et de sa poussière qui défile comme un carnaval.

Le soleil tape, tout est doré, les corps, l'horizon et les vanneaux huppés déjà viennent glaner les grains perdus.


Makaya McCraven ensorcelle ce fou carnaval des fins de moisson. Il n'y a personne sur cette cuite étendue, juste moi et les engins. Mon casque suit la herse, tous ces lopins de blé partout sur le globe, les récoltes, le séminale dans la motte, des rituels et des vies qui s'alignent. Il faut nourrir. « Universal Beings » est un brûlot de BO pour danser entre les ballots au rythme lancinant et torride des greniers qui se remplissent.. une foule de gens avec moi, foulons sous un sniff d'escarbille.


Je suis immergé par IARC depuis quelques mois, je fouille je découvre, je fais mon chemin free jazz ambiant qui me parle comme j'ai pu le faire avec ECM, je capte des tonnes de couleurs, j'avance dansant sur la terre chaude de quelque-uns de ses protagonistes..je tripe sur la terre fatiguée, récoltée et griffée. Makaya me fascine. Il est batteur, « In the Moment » est sorti en 2015, noir de monde dans les crédits, une fête de jazz libre sur un label de renom. J'explore, je moissonne, le mercure grimpe, les champs ont une coupe rase. La pochette couleur blé grillé insuffle en moi le torride des jams de cet extraordinaire album augmenté en 2016. 

 



Makaya McCraven 2026 « In the Moment » Deluxe Edition sur International Anthem Recordings Co.


dimanche 11 août 2024

Rick Wright 1978

 


Le déclic d’un bouquin. Des conflits historiques, une histoire sans fin, Waters v/s Gilmour (Le mot et le reste). Aussi au milieu, des plus timides, des qui n’ont pas les épaules pour lutter contre le court des choses, les fleuves, des lignes d’accords ambiants se dessinent. Qu'aurait été Richard Wright sans le Floyd ? Romantique apathique.

Et je pense à George Harrison. Dans la queue de la comète. Rick la tète dans les nuées à planer sur ses nappes, le gars sympa, des influences. En accords d'architecture sonore, il a étroitement collaboré avec David Gilmour. Entente parfaite. A eux deux ils n'ont pas renverser la dictature Watersienne. Doucement, il a lâché prise. Pendant que Roger œuvrait en solo sous le nom de Pink Floyd, David et Richard, ainsi que Nick Mason sortaient leurs albums solo.

1978, sous Harvest, derrière Hipgnosis à nouveau, Wright a sorti « Wet Dream ». Assez floydien, comme ceux de Gilmour. J'ai moins accroché les délires de Mason qui viennent d'être réédités. Imaginons un Waters cool ( à la place du Waters prof) et tout ce matériel mélangé pour un ou deux opus du Floyd en plus. Tout comme on pourrait imaginer l'album monumental si « The Division Bell » mélangé à « The Endless River » avait rencontré « Amused to Death » au milieu des 90's. Dans le même délire, Dave et Rick auraient sûrement transcender « Radio KAOS » quelques années plus tôt. Je suis un peu resté ado, j’effleure souvent l'idée d'un autre chemin utopique de la grosse machine une fois le mur tombé. Le bouquin a tout ravivé.

Il est gentil Rick, il est sympa, démissionnaire, pas trop d'idées à apporter au sein du groupe après « Animals », noyé, en vacances il rejette « The Final Cut ». Évincé, licencié, il faudra attendre 1996 pour le deuxième album solo. C'est Steve Wilson qui s'occupe de restaurer les bandes, 2023 sous une autre pochette, « Wet Dream » reparaît. J'ai une tendresse pour cet album, pour ce mec largué. C'est pas « All things must past » certes, mais y'a de cette idée. Snowy White à la guitare, Mel Collins des Crimson au sax, et lui aux claviers et chant.

Rich Wright a disparu dans la plus grande des discrétions en 2008, « More », Syd, ses nappes, sa vie artistique a fondu après « Wish you were here » quand il avait avec David encore une once de pouvoir dans la baudruche. Je gardais ce disque enfoui quelque part, gravé et enregistré en cassette (c'est tout lui ça). Cette résurrection est une aubaine. Un autre truc sur Richard, chez les disquaires, il est rangé à la lettre « W », et non à « Pink Floyd » comme Mason. 

 



Rick Wright 1978 « Wet Dream » sur Harvest



mercredi 7 août 2024

Roy Harper - 1977


 

« Le vinyle est un objet d’art pour les pauvres ». Cette phrase d’époque entendue au creux d’un documentaire sur Hipgnosis a claqué dans mon cerveau. L’importance de la pochette qui appâte l’écoute. La musique dématérialisée est un carré d’agneau sans os.

Il faut fouiller les bacs pour retrouver cette idée d’outre-tombe. Le vinyle neuf est devenu un produit pour thuné. Il suffit de retourner une vieille galette d’occasion pour voir au dos l’étiquette Rallye d’origine avec dessus estampillé 42 francs. Ces mêmes 42 sont affichés derrière à la réédition 180g toute fraîche.. mais en euros. J’enfonce des portes ouvertes certes, mais ce doc artistique qui colle à la musique incarnée m’a plongé dans un abattement et un vague à l’âme qu’on finit par assimiler et noyer dans le quotidien. Les bacs à vinyles neufs hors de prix débordent et dégueulent de partout, il faudra les brader un jour. Un nouveau fiasco.

J’ai rêvé de bacs à disques cette nuit. Un rêve bizarre, je fouillais, farfouillais et sortais les galettes d’ocass dans mes préférences. Bob Seger..tiens que des albums inconnus, BJH..merde c’est quoi cette pochette « Octoberon », Murat, il est où le ventre de Dolorès ? Aucune pochette connue. Je reprends « Octoberon » pour voir la date de cette réédition, rien, c’est l’original. Je sors la pochette blanche intérieure, et là-dessus, mes inscriptions à moi. Oui, il y a pas mal d’années, j’écrivais à l’intérieur, date, impression, contexte d’achat. J’ai donc acheté ce disque il y a qq temps, et l’ai revendu. Je ne revends jamais les albums de Barclay James Harvest, ni les autres vinyles d’ailleurs. Y’a un truc qui cloche.

« Dark Side of the Moon », « « Axis, Bold as Love », « Love Supreme ».. rien à voir avec nos empruntes rétiniennes de pochettes officielles qui font du bien à chacune de nos écoutes. La pochette d’album est une chose vitale, ça parait évident à dire comme ça, écouter « The greatest » des Wings et imaginer l’ascension enneigée dans l’Himalaya, le cliché de la statue là-haut posée sur la cime blanche, offrir le vinyle au saphir et ouvrir le poster en matant les crédits.

Il me faut un vinyle rassurant pour me consoler. « Wish you were here », pochette mythique plus que la normale, « Have a cigare » avec au chant Roy Harper en invité. De fil en aiguille 1977, une autre pochette Hipgnosis travaillée en retouche pour Harper, album au contexte historique particulier, toute une histoire avec ceux qui ont créé la pochette de « Bullinamingvase ». J'écoute les pistes, scrute les sillons et le macaron Harvest jaune et vert qui me parle, mate la pochette et lis les paroles. J'aime beaucoup Roy Harper, quand la pochette ajoute et augmente, c'est une autre dimension.

Il fallait que je vous le dise, dans une vie parallèle, ils ont les mêmes disques que nous, mais les pochettes sont différentes.


Roy Harper 1977 «  Bullinamingvase » sur Harvest.


Thomas Köner 1993

  La croûte gelée se ramollit, ventre flasque et tiède respiration. Le ciel se charge de l’halènes des Steppes, le silence gronde. Notre ...