Ce garçon, en dehors de
refaire le son des papys prog genre Tull and Co, Caravan, Elmer etc,
sort très régulièrement des opus sonores aboutis, puissants et
très chiadés avec toujours la même dégagement alentours.
C'est un énième drapeau
brandit du genre, car si la tiquette Kokalane vibre encore
sous les décombres de quelques acharnés, il est des acteurs qui se
battent et ne lâchent que dalle, défendent et guerroient sans
barouder. Ian Anderson à l'Olympia... Steven Wilson à Pleyel. Bref.
Ça bataille à manger un toit, étoiles abyssales au plafond.
C'est une belle
transition en apothéose pour les disques avec un morceau long sur
chaque face. J'adore, je prends les 2 côtés d'un bloc, ou en deux
fois..j'adore et récidive.
Ce mec là travaille
non-stop. C'est un style, un genre, une famille..que dis-je..un
monde. Steven Wilson envoie sans cesse.
Autre duo paysagiste,
Grubbs & Connors. La palette devient marécageuse, les notes se
morfondent, il n'est pas question de performance, mais de création
avec recul et cogitation, pauses et introspection. Nuancier en berne,
apesanteur ou profondeur, les instruments sont aussi travaillés. Oui
je sais, mis il fait aussi nuit au printemps. Piano effets,
somnambulisme en pleine journée, grattes hyper mises en rêve.
C'est une lumière
précise à ce juste endroit. Un équilibre d'entités sous les
tuiles de Room40, s'il vous plaît.
David
Grubbs & Loren Connors 2024 « Evening
Air » sur ROOM40
Guitare et batterie
farfouillées, le méditatif est cinglé. Les cordes et les peaux
sont travaillées au corps jusqu'aux mânes. Du vieux jazz psyché
réunit les deux âmes en fusion. C'est un live, une performance
minimale, harmonieuse battle explorée, deux faces de 25 minutes
environ, j'adore ça. Ça pourrait être une heure sur un seul
morceau. « Beginning » et « Conclusion »
c'est pas la même chose. Shulze, Tubular.... The Necks.. j'adore ça.
On a le temps de
s'immerger et on va pas se gêner. L'impression qu'ils sont plus
encore. L'expérimentation vivante avec un filet d'acidité des 70's
quand les piliers du jazz abaissaient leur pH.
Je connais Ambarchi et
ses balades chez Hapna, Tzadik, Touch, Editions Mego, Textile, Drag
City, Staubgolg et Rune Grammofon... ce duo est une découverte,
deuxième trace physique pour eux.
Le son est jouissif, la
pochette me tue. « King Regards » objet
physique extraordinaire.
Oren
Ambarchi & Eric Thielmans 2025 « King
Regards » sur AD93
Félicia repasse par ici.
Elle est cyclique, instrumente mes pensées. De nouveau les montagnes
avec un bleu. Elle arrive et à nouveau me prends la tète entre ses
mains, me murmure l'engourdissement de mon ressort, éponge mon
agitation. Mon corps tout entier est passé par le siphon, moi qui ne
prend jamais de bain.
Une saignée des tendons,
bavardage siphonnée, je me laisse prendre par le sable de mon
fauteuil et je grimpe à nouveau dans mes souvenirs, sur les flans
obliques du ravin de Méouille, au creux des combes du Pelat.
Il y a bien longtemps, je
me suis assis sur la roche grise du mont Pelat. Tout en haut. Le
grand vide d'un côté, la vallée dévalant de l'autre avec le lac
d'Allos en contre bas, l'espace ne s'est pas arrêté.
Elle est avec moi et tant
d'autres avec, je revis mon Mercantour d'alors avec le vertige en
plus, juste le corps qui parle et la pensée à la merci de tout, la
sensation inoubliable susurrer là par cet album. Grimper d'un pas
lent écouter son espace, tout regarder au ralenti, l'horizon montre
les dents, le ciel se fonce, le vent dans la capuche chante, et mes
godasses sur la molle terre éponge déneigée depuis quelques
semaines seulement suggèrent le battement. C'est le son de mes pas
lunaires. Sans bouger, Félicia est venue farfouiller ma tète à
nouveau.
Félicia
Atkinson 2024 « Space as an Instrument »
sur Shelter Press
Le rock à Billy pas pour
moi, le Wock'n'Woll à la rigueur, mais de moins en moins. Elvis à
très petite dose, par contre Gene Clark.....
Et voilà ma douleur. Je
découvre en pleine poire, un album de Gene Vincent que je pensais
rangé dans les gaufrettes du Rock'n'Roll à Billy. Cliché.
Dès la première note je
glisse. « Sunshine », personne ne m'a rien dis,
jamais. Bravo les amis. Ce morceau, c'est Vincent, pas Clark du coup,
et pourtant. Du Mickey (Newbury) aussi, plus que de l'Elvis. et
l'album défile. Certes du Rock'n'Roll quand même, mais vachement
grignoté par les 70's et le Western. Le pavé tombe avec dedans une
sensation Rory Gallagher, « Slow Times Comin' ».
Quasi 10 min, quel pied.
Cajin Colinda câline qui
cajole au violon de saloon. Mais je ne danse pas, alors assis sur le
tabouret du fond, la « Geese » me récupère.
Retour au Gene,
« 500miles »..en mode à nouveau Clark et Newbury
(Mickey).
Je découvre, ou plutôt
je n'écoute volontiers Monsieur Craddock que depuis quelques jours. Avec
ce vinyle extraordinaire éponyme à la belle pochette, son avant-dernier.
Et de descendre de
l'étage sous le charme de ce bon son, ma compagne ajoutant, « c'est
joli ça, on prend un truc ? Tu veux un Gin Vincent ? »
(dédicace au Toine).
J'ai scarifié la
croûte, il a beaucoup plu, le cou tendu luttant de la pâquerette
sacrifiée a rangé ma ferraille. Il fallait bien un peu sacrifier.
J'ai abdiqué. Ma sueur sur le lombric, le merle s'est régalé. Vers
salés, vers quelle solitude la narcisse sort de la boue. La
perce-neige fait la moue, révolue déjà et pourtant tout renaît.
Le crocus et les crocs, l'impatience. Je suis rentré m'abriter.
Pas envie d'être
zigouillé dans le Zigourrat, alors je zigzague et cherche. La
musique est ma religion quand la plaine ne veut plus de moi. Je
fouille et far-fouine. Je connais, c'est déjà entendu. C'est frais,
j'adore, je réchauffe. Les étiquettes à la corbeille
j’approfondis, ça me plaît. Les clichés oubliés.
Découverte sur des
terres remâchées. C'est vachement bien ce disque. Des radios en
tète, des ondes qu'on sait déjà et surtout ce tantôt à chercher
du son à écouter, un truc nouveau pas très neuf. Assis sur mon
lino, Bony brame et chante, il règne sur mon oisiveté.
The Bony
King of Nowhere 2024 « Everybody Knows »
sur Unday Records
Il s'agirait plutôt de
causer de la disparition des abeilles.
Un discours martial, un
siècle disparaît. Les tracteurs épandent toujours autant …
certes, concourt de chibre planétaire et menace nucléaire … la
rengaine, mais creuser des tranchées à nouveau sans pour autant
semer, on rêve mon cher Watson. Le bipède s'est dressé avec un
silex dans les paluches pour faire du feu et récolter. Pour égorger
aussi. Les réseaux sociaux.
Mes parents sont nés en
1943 sous le bruit des bottes et des obus. Je les ai embrassé ce
midi encore en leur lâchant. « eh merde, si ça s'trouve vous
allez vous barrer avec le même bruit, sans les abeilles ». Leur boucle, les
cycles, une spirale.
J'ai toujours été
partagé entre le rejet et la haine. Au moins avec la misanthropie on
peut développer quelques intelligences écrites en laissant pleuvoir
les squelettes blancs et couler le sang délavé.
Alors, je n'ai pas dit
que la pluie ça mouille, elle inonde aussi à notre échelle. Pour
l'instant elle donne des couleurs rosées à mes saxifrages qui se
réveillent. Du coup, le reste …. question d'échelle.
J'ai la bêche en feu, le
plantoir en rut. Le ciel est silencieux et le pollen féconde le
vent. L'Est et l'Ouest ont la même odeur, la terre tourne.
Une envie de m'enfoncer
l'asticot dans l'humus. Et je n'ai pas parlé de faire l'autruche.
Juste se faire du bien dans la taupinière, accepter la terre, avoir
conscience du cosmos et embrasser la gorge des myopes souterraines.
Sombre glorihole à plat
ventre la tronche dans les Véroniques tendrement bleutées et la
Cardamine en joue prête à catapulter ses graines, biner un peu pour
revivre, tenter le bulbe assoiffé dérangeant la chrysalide enfouie
et tomber sur un obus des années 40. Je kiffe le monde.
Eméraldine en cime, la
dîme jazz sur nos âmes. Une étendue dark cyan jusqu'au dôme
pointu blanc suce la calebasse. On s'accroche et on descend, suspendu
sous le plafond. Les parallèles sont arrondies et la rivière
remonte vers le bleu céleste. J'ai des doutes sur les sens. Et l'endroit où je
suis. C'est un jazz que j'aime particulièrement. Il est bleu, free,
expérimental, tendu et un poil post-rock, détendu et imaginé à
l'envers, la neige au bout tout en bas, la boule à flocons que l'on
renverse dans son huis clos. Sax cordes et peau, la délicatesse
acidulée des altitudes, éminence azur.
C'est un point de vue
extraordinaire sur l'inimaginé calé sur cet endroit unique.
Dénovali est un univers
parallèle. The Kilimanjaro Darkjazz Ensemble est son jazz affect.
The
Kilimanjaro Darkjazz Ensemble 2006 « The Kilimanjaro
Darkjazz Ensemble » sur Denovali
Je nage comme je
peux au milieu des moutons. Plantés, les grands arbres à hélices
ne sont pas des phares, ils donnent juste le sens du vent. Il y avait pourtant les moutons. Mais où
sont les falaises ? Les poteaux de craie ont des reflets
d’outremer, les abysses sont peut-être plus proches que la côte,
j’ai pas mon tuba. Anémones à terre, éoliennes de mer, je suis à
bout de souffle. Ventilons. Ces pâles pales qui tournent allument
l’ampoule du phare que je n’arrive plus à voir. Quelle connerie,
tourner en fond. Mon angoisse est palpable, dans quel sens nager ?
Tranche de hasard définitif, mon front hagard sent les récifs,
« étouffer les sirènes ».
Quel drôle de
rêve avant d’aller à nouveau me plonger dans ce bain de fadaise
d’entretemps. J’ai la trombine salée et mes draps sentent le
varech. J’ai pas regardé le 7-0 on s'en foot, la rade ne prendra
jamais l’eau. Quelques tempêtes seulement. Les rades en zinc. La troisième mi-temps
dans la troisième dimension, une mise en bière animale avec les
matins assassinés. « Miossec, tonnerre de Brest »
invitation au voyage en ARTE, et voilà mon déclic citrate. Foutu terre du Finistère
qui tangue sous mes quatre fers. « Boire »
en boucle du coup, pour les souvenirs, l'album contagieux, ça m’apprendra,
la prochaine fois j’écoute « Baiser ».
Et Sheffield me tombe sur la peau. A
force de me faire cracher dessus par ce ciel vérolé, l'idée d'être
aspergé par moult giclées cellulaires m'est venue comme une averse.
Tant que les ligneux ne suceront pas la terre, la boue nous collera
toujours cette moue tenace. Bientôt le bourgeon, la pompe vers les
cieux, débourrage et envies d'y ajouter sa gomme arabique, en
attendant la peau duveteuse sur le velours du sofa, toujours
l'espoir.
La ville est sale, les tronches sont
dégueulasses, des fantômes font la marelle sur les auréoles
mordorées d'hydrocarbure, bitume la grise, des yeux sur la rivière
de caniveau, le gargouilles entendent tout. J'ai un chef d’œuvre
dans la tète. Des cuivres graves, de la grave Brit bien lourde avec
accent et chœurs, J.Cocker de Sheffield, pas Joe, mais Jarvis, la
chaloupe timbrée, la pochette Roxy, l'idée de tanguer sur de la pop
sensible bien bâtie, les violons sur des claviers crachins, 1997 en
apothéose. Ma fille avait 2 ans, mon fils naissait, j'avais quand
même le temps de bouffer de l'opus sonore dans sa plus belle
texture, danser un slow sur « Dishes » et de me
bouffer la « Sylvia » dans sa flotte. Quel
disque !!
L'intro à la Arab Strap du titre
éponyme a toujours tendance a faire vriller mon attitude et mes
gestes dans mon huis clos qui passe du sérieux au sulfureux, cuivres
zombies, Jarvis incarne au maximum, double pavé, monument.
Toujours dans les gros
films sensationnels, quand un zinc passe dehors au dessus, l'acteur
dans son salon regarde le plafond. Il sait qu'il ne verra pas l'engin
pourtant son regard suis la trajectoire suggérée. C'est un peu ce
que j'ai vu quand les Victoires sont passées sur l'écran. Une
charpente avec tuiles et cheminée comme écran. Opaque et pas que.
Mes yeux éberlués. Au dedans de mon huis clos, Ignatus lui était
bien là, histoire de retrouver la vue.
Tiens l'herbe grasse,
1997, « L'air est différent ». Se vautrer
dans la grass dodue comme Perry Blake ou The Necks qui a
déclenché quelques souvenirs gras minés.
Sa voix rassure et
ricoche sur tous ses albums, la poésie où il y en a presque plus,
saisissons. Sa danse en douce tranche du pastel embaume,
rouflaquettes et de jolies choses chantées. Ma jeunesse aussi se
réveille, avec des corps de murs en cailloux, des odeurs de silex et
d'humus labouré. Torchis. Des chansons comme les siennes de terre me
renvoient toujours à ce que je fus, ce que je suis à l'écoute de
« Dans les virages », dedans ses croquis
humains à travers lesquels il faut zigzaguer comme on empoigne sous
les ombres.
La grimace aussi pour mon
premier verre de vin. Ma première cuite accidentelle à cinq ans a
dû imposer le processus de rejet. Un quart de siècle après
pourtant, c'est devenu une découverte, un délice, tanin tannant mes
mots retrouvés.
« Dans les
Virages » m'apaise. Il est délicieux cet album, on est
bien, sous un ciel taquin, avec un verre de vin et beaucoup de mots
divins.
Dans la catégorie plus
beau chansonnier... « L'ombre » plus que tout.
Dream pop enclenchée. En
plus sombre, la guitare dépitée, 90's, j'avance en tâtonnant
j'attends l'effet. Il n'a pas traîné. Il n'est plus question de
flotter mais de surnager. C'est une pépite d'effondrement stoïque,
l'angle est souffreteux, et la fuite visqueuse. « I wait »
me tabasse. Tout me saigne. La lucarne empoignée, je cherche de
l'air à respirer. Vasistas entrouvert la tasse à boire, et je reste
accrocher, tant qu'on a de l'air on garde la mémoire.
C'est tellement beau, on
dirait être un survivant de tout.L'épaisseur vrille la note, le
Jack mou et le batteur torché et sans cesse ce héron qui me fixe.
Milan Warmoeskerken entre dans mon obscurité. Et ça danse en
apesanteur, ça tourne et défaille, autre sublime découverte.
Décidément, la
nouveauté ne me lâche pas. Envie d'avancer encore un peu plus dans
l'année histoire de fuir, d'aller fleurir.
Un appel au temps
clément, une prière à la nuit paisible éclatante et dégagée, et
je plane un peu sur cette gracieuse apparition.
Bucolique à rester figé
devant un miracle de lumière lunaire chialant un ligneux nu. Il y a
de l'écho dans cette pénombre immobile. Des chants suspendus, des
notes flottantes, tout s'évapore. On en oublie cette air frais qui
tombe sur les épaules. L'haleine en buée floutant cette prairie,
duc en curiosité, brocard cloué, quelques branches craquent et les
synthés s'allongent.
Une grande fratrie
patauge dans la dream pop, berceuse contemplative, des murs palpitent
et les teintes sont belles.
Pas humain cette
flagellation glaciale sur la face, blizzard, frimât et rafales
d'aiguilles en pleine poire. Qui va interdire d'aller au taff sous
des températures négatives ? On n'est pas des pingouins !!
Déjà les forceps au réveil, si on te jette dans l'eau glacée en
plus, comment faire pour aimer les gens après.
De même, quand il fait
beau et soleil, quand le ciel est clément avec des ondes tièdes à
faire se balader les plus lourds canapés, on devrait rester dans son
jardin et sur les chemins.
Et la pointeuse dans tout
ça, cette bote noire de nos fatigues récurrentes, la fente vicieuse
de nos acidités. Il fait cendre, le vent n'a aucune ambition, le
mercure végète sans prendre de décision, mes pompes sont trempées
alors qu'il ne pleut pas.. alors on bosse. À quoi se raccrocher,
même pas envie d 'aller pisser, faire péter un troisième café, à
quoi bon être énervé, de toute façon ça se saurait si là
j'étais en train de créer des richesses. Assis sur mon steak je
matte la mouscaille, je pavane mon ciboulot et regarde mes paluches
automatisées gesticuler. Quoi écouter ? Il me faudrait un truc
légèrement sucré avec une pointe de sel, léger en tout cas, pas
gai, surtout pas, mais pas déglingué de la jovialité non plus,
neutre comme cette absence de temps. On va pas sautiller, ni
s’effondrer, juste se mettre bien dans ce cambouis ambiant.
C'est doux, ça plane, ça
croustille dans la mélancolie, je me souviens des belles heures de
Static Caravan Records, il y avait ce groupe délicieux qui faisait
frétiller les paupières, from London. Tunng 2005. L'époque où je
me vautrais dans ce style, l'auberge Morr Music, Fonal aussi et tant
d'autres.
Tunng, tiens, j'ai lâché
après la « Turbines ». Qu'est ce que j'ai
aimé « Mother's Daughter and Other Songs ».
« Love you all over again » 2025 est tout comme il faut,
fidèle à cette douce électronica sur de belle mélodies folks. 20
ans en arrière, tout ce qu'il me fallait. Tiens, une éclaircie.
Tunng 2025
« Love You All Over Again » sur Full Time
Hobby
On fait un tour de table.
Je vais passer le micro pour que chacun se cause de lui. Oui on se
connaît tous, et même votre tète me dit quelque chose, mais il
faut qu'on tourne autour de la table ovale, c'est cyclique, c'est
ainsi, elliptique comme la terre, il le faut je vous dis. On se
croise, la tète droite et le regard oblique, peut-être on s'oublie
des fois, alors tournons tordus elliptiques en toc. Et causons de
nous nom d'un chien.
J'ai un doute sur toi,
ton regard vide me dit quelque chose. Toi passons, je te connais, le
doigt en l'air. Passe à ton voisin. Ah lui j'ai aucune idée de ce
qu'il est ou ce qu'il fût, enfin si, ou plus, mais le son de sa voix et sa façon
de prendre le micro avec sa photo sur la fiche signalétique scolaire
m'embrouille. « Allez dikituhais et pourquoi téla, même
si tu es invité..fais un effort merde, tu penses quoi du ciel ce matin ?». Tu ne diras rien ? il
faudra bien que tu dises quelque chose. À toi. Calme-toi, j'ai pas
demandé un CV non plus, l'A4 plié te colle à la paume ?!!
détends-toi on voit d'ici ta feuille vierge avec ton nom en flou.
Passe à ton voisin..le micro foutre dieu, le micro. Bonjour. Ok passe à
ton voisin. Tu as déjà parlé toi, on a fait combien de tours
ovales ?? ah quand même..vous avez paraphé la feuille de
présence, même avec le tour de table pas très rond, on ne
sait jamais si vous êtes là avec vos yeux de limande ou
pas..l'A4, elle est collé sur les paluches de l'ote fiac..
t'es qui toi au fait ?? bon, on refait un tour de table.
L'ordre du jour est
reporté à la prochaine réunion... on se dit à demain matin 10h30
dans la salle « Rhododendron », on pourra organiser un
groupe de travail pour la semaine 19 et voir comment on pourrait
arrondir cette table ligneuse ovalée de réunion pour mieux
finaliser l'ordre du jour prochain en optimisation circulaire pour
bilan qui n'en finit pas de tourner à l'ovale. Qui rédige le compte
rendu ?
Shannon, pas la
peine de prendre le micro, tout le monde te connaît ici,
« Honeybee », province et secret du sang,
oranges in the wool .. un cercle vicieux. Tu te souviens de Yann
TIERSEN Shannon ?? il prenait le micro comme personne. Et puis
ses cordes et son souffle t'allaient si bien.
Je crois bien qu'on va te
donner les clés de cette année qui démarre dans la vase pralinée
qu'un glacier n'avait pas anticipé. Un gros caillou est tombé. Pas
sur nos cranes, c'est déjà ça. Un bloc en pavé, Cat Power et Beth
Gibbons peuvent se porter pâle.
Première importance de
l'année, Shannon Wright, plus belle que jamais.
Et toi, comment tu
t'appelles ?? et qui fait quoi au fait?? intitulé ? Amour si terne.
Shannon
Wright 2025 « Reservoir of Love »
sur Vicious Circle
Quel déluge, Lennon ensorcelé sur une autre planète, l'opulence a du bon et même s'il
faut trier, à ce niveau là, prenons tout. Géniale démence pleine
comme une outre, une ampleur dans le cœur d'une ferme, basse-cour
noire de bestioles à potage qui s’entremêlent et se mélangent.
Jusqu'à plus soif une cassette gonflée à bloc, une grosse brouette
fauve de chansons psychédéliques, rock en botte pour une hémorragie
insolente souterraine qui gronde sous nos corps secoués.
Pas grand monde ne bouge
dehors, bande chrome mystérieuse qui a surclassé tout le monde, le
truc le plus fou de l'an passé, le génie de Caleb en profusion,
plénitude exubérante, pas une seconde d'ennui, essoufflé, quel
pied.
Caleb
Landry Jones 2024 « Ruth Mc William »
sur Sacred Bones Records
Gamin, je crois bien
n'avoir jamais eu envie de sauter dans les flaques. Je suis resté
enfant. Briser un miroir, ne plus voir le ciel dedans, pas envie de
faire râler non plus.
Me rouler dans l'herbe
plutôt, je me souviens de cette envie permanente. Ou encore aller
fouler un champs grillé à me dorer quand l'herbe fatiguée me
boudait la peau.
Graminées ma madeleine,
mon cerveau manœuvre quand la touffe grasse danse. Dans l'ordre
esthétique des choses, un paysage sans herbage est un désert qui
m'angoisse. Même la dune a son Oyat.
Le crane rasé de Perry
Blake dans la « Still Life » est une idée
lustrale qui me remue. La caresse d'une prairie.
Mes plaines sont des
marées de chlorophylle. Je rumine. Mes mâchoires s'agacent et mes
paumes réclament. The Necks plus ultra, ce groupe paysagiste sonore
me suis depuis très longtemps. Aucun album à l'écart, Chris
Abrahams pareil.
En attendant qu'elle
pousse, quel profond voyage au creux des herbes.
Dans le jardin, l'herbe
endolorie patauge comme des algues. La nature cabossée par un hiver
crachin est nacré d'une nouvelle vie à venir. Lumière toute
chargée d'ébauche.
Dans la cuisine, j'ai ôté
le Bas résille vert de ma courgette, c'est pas de saison et alors !!
on aime bien aussi à dos d'hirondelle en plein hiver. Sa chair a
perlé à la trancher, juste avant de la mijoter la cucurbitacée.
L'eau frémit, j'ai jeté
une poignée de gros sel. A deux pas de mon muret la rivière d'eau
douce déborde, le rouge gorge solitaire est venu picorer une fois la
horde de moineaux éloignée. J'ai l'impression qu'il me regarde sur
ses frêles petites pattes. Il me ressemble un peu, fuir la meute,
traîner dans les pattes des bipèdes malgré tout, sans crainte,
juste avec cet œil lointain et méfiant. Son recul est charmant. Sa
solitude bouleversante.
C'est sensuelle la
cuisine, les textures, les humidités, senteurs, exhalations, darnes
ou chair à pépins. Toucher. Le jardin aussi. Plonger les paluches
dans l'humus, malaxer le lobe, dénouer les racines de la motte,
humer l'épice de l'escalope. Prendre toutes les buées sur les
muqueuses.
Tiens, le soleil
éclabousse, quelle idée. Il suffit de saler l'eau qui frémit prête
à baigner mes tranches de courgettes suintantes pour que l'idée
d'embrun tape aux vitres. Ou alors c'est la terre de bruyère et mon
azalée fraîchement plantée tout à l'heure, tout près d'un
camélia en bouton qui réclame le granit.
Non, j'ai trouvé, je
suis con, c'est le « Cukoo Storm » qui
chante dans mon dos. Marry Waterson et Adrian Crowley. Le beau
celtique gris a pris tout l'espace de ma tambouille. « Heavy
wings » et la guitare écho chiale mon dos de cabillaud à
peine plongé dans le court bouillon salé.
L'océan est une grande
buveuse d'eau douce.
Marry
Waterson & Adrian Crowley 2024 « Cuckoo
Storm »
On dirait que le parquet
penche, rien n'est bancal pourtant ici près du grand piano. Juste le
temps qui passe avec dans les poches des petits bouts de papier avec
dessus des chansons à chanter, au hasard. Matthieu est un archipel,
et des amoureux célèbrent.
Quand on aime la musique
et les mots, le tempo et les doux rythmes déhanchés, la sérieuse
insouciance des musiques bien foutues dans sa plus belle allégresse,
on longe les morceaux de Mathieu Boogaerts sous un fauve imperméable.
Tiens, « dormir
jusqu'à demain ».. foutre sur la gueule ce cortex qui ne
débranche que dalle à n'importe quel moment de toute heure, à
moins d'écouter un disque hypnotiser les globes à tes côtés. Et
puis au crépuscule « Ne pas te dire » la blancheur de la
nuit avec la chaleur du matin comme un petit dej tropical de quelque
part, un autre continent. Chuchoter sous de douces percussions. Mon
cerveau n'écoute plus mon corps. Merde, si ça s'trouve c'est
l'inverse.
Moi j'aime bien quand
Matthieu est dans la douce coulée, comme Albin ou JP, le minimum des
mélancolies, et quand elle est vraiment là, on se met à danser
sous des frissons de perles lacrymales. Les pores d'attache. Une
giclée de citron sur la lande de bois, du basalte sienne mais qui
vole très loin ensoleillé, la lèvre en effervescence pour des
instruments, juste ce qu'il faut.
On est bien, mais tout
penche alors que non. Je suis droit mais j'ai la pensée bancale, la
tronche en biais et pourtant le jour appel au docile à quelques
jeunesses du domicile, d'une nouvelle jouvence.
On ondule encore,
toujours, depuis quelques lustres ou candélabres, avec Mathieu,
« C'est beau la vie ». Je me balade toujours avec le
« Promeneur » « Super »
« Michel » et du coup, je penche un peu la
nuque et danse bancal sur la « Grand Piano ».
Mathieu dans les bacs,
c'est un jour singulier.. une bonne nouvelle.
Mathieu
Boogaerts 2025 « Grand Piano »
sur Tôt ou tard
L'eau qui flotte dans
l'air a décidé de ne plus tomber. Ou alors la gravité s'est
barrée. Nébuleux, vaporeux, les gris laiteux sont lourds. Ma plaine
postillonne, plus rien de sec, ma pelure en serpillière j'avance et
cherche le bleu dans mes poumons.
Et puis j'entends les
notes du piano de Hania, celles qui planent comme les
micro-gouttelettes suspendues. Il est travaillé comme Nils Frahm son
piano, Olafur Arnalds, ces doux architectes qui veulent bien nous
mettre en musique ces horizons ankylosés qui nous figent et nous
brumisent les pommettes.
Et ça voltige la note,
virevolte la brume, des gris intenses avec ce trait de ciel qui
griffe la rétine, l'Outremer en plein soleil, bien loin au dessus de
cette eau qui flotte, voltige sur nos fringues mouillées.
C'est un délice à
apprivoiser, pour moi c'est fait, j'ai beau dire le gris, le plomb et
la cendre, je suis quand même un peu d'ici, sur ces plateaux de
calcaire couverts de blé permanent et de colza embellissant, j'ai
beau pleurnicher je sais que c'est ce gris pesant qui fait le charme
tarabiscoté des jours interminables d'ici. Hania n'a pas nié cette
froide vapeur qui me perle les cils et m'écourte la respiration.
Finalement, c'est de la rosée sur les fibres, des minuscules larmes
pleines de pudeur, un flou baiser dispersé sur la belle haleine au
parfum de poire mûre. La semence roupille, impatiente, au premier
rayon de soleil, un jour, avec ce trait bleu intense qui raye le gris
brûlé des plaines laiteuses, la graine sera.
Hania
Rani 2023 « On Giacometti » 2020
« Home » sur Gondwana Records
J'ai dû encore me
fracasser le crane sur un un vieux silex, à chaque rechute ça me
fait ça, je butte et bug sur un brûlot blues british pas piqué des
éperons. Tellement Taste ou Rory au choix avec un peu de crème et
de vieux Tull par dessus, ça coule tout seul, ça passe poil. C'est
souvent chez moi, je freine sec sur la nouveauté, et dans un
crissement aigu de pneus hypers usées je fuse à reculons comme un
dingue la tronche dans le rétroviseur et je stoppe net sur « Thank
Christ for the Bomb ». C'est comme une vieille bouffée
d'oxygène ancestral, quel son !! on refait le niveau d'huile
avant de repartir de plus belle comme on revient de la guerre.
Requinqué, ébouriffé,
cabossé mais rechargé à bloc, j'ai chu et chuté sur une pépite
70's, le sommet des Groundhogs. Je reste un peu par terre, je
m'accorde un bout de convalescence, « Garden » est encore
dans l'hématome, « Darkness is no Friend » dans la
gueule et « Soldier » sur ma bosse.
Qu'on me cause de Kim,
c'est quoi ce Deal, cet album fou qui revigore mes cellules. Et
comment elle me parle !! des gros sax et un Flamand rose, quelle
insolence avec ces contrastes, Liminanas en Ultra Orange avec …
quoi ?? une Breeders ?? ah ok.. Pixies !!! mais nan,
on entend effectivement.... mais c'est mille fois mieux nan ?? Rien à foutre..et qui'm'dit que Kim Deal n'est pas une autre ??
Dehors les brindilles
craquent, il gèle à pierre fendre. J'ai remis une bûche, me suis
recouché en regardant les flammes faire danser les fougères sur mon
mur. Il fait encore nuit mais le pastel commence à grignoter
l'horizon. J'ai lancé mes enceintes en sourdine avec Kim dedans,
juste pour voir au lit ce que peut ajouter d'émotion l'écoute de
« Nobody loves you more ». Et bin j'ai flotté, et
les sporanges de ma fougère ont soupiré quand « Are you
mine ? » est venu gigoter quelques remugles de peau
moite dans mon suave demi-sommeil. Pour un peu, j'y dessinerais bien
des flamands roses en plus à ce papier peint amazone sur lequel des
fougères dansent à l'écoute des flammèches de ma bûche qui se
délite sur les vieilles cendres de la veille, et à la vue de « Wish
I was » qui me déborde.
« Summerland »..
bon, va falloir qu'il me lâche un peu cet oreiller tenace et un peu
insistant sur les bords, même sur le ventre je vois une fougère qui
danse, plus timide que les autres, mais quand même avec un léger
déhanché qui laisse imaginé que le vent doux matinal s'est à
peine levé.
« Come
running »...eh oh.. calme, y'a pas la presse.. je remets
« Nobody loves.. » et j'arrive. De toute façon,
le café, il va pas venir à pied et il n'y a plus que des braises
dans le foyer.
Il fait grand jour, le
vent est tombé et la fougère s'est figée. Et Kim Deal d'ailleurs.
Juste après la fièvre,
j'ai goûté au jour ouateux. Claudiquant, des bruits de paysage et
quelques voix ont ravivé ma tète. Mes pas ont crispé la neige et
quelques guitares gelées ont flotté autour de moi.
Lourds mes bras, comme
des rondins, j'ai marché partout pour voir si la Perce-neige était
déjà là. J'ai hiberné comme un vieil ours, un quart de siècle
terré et à nouveau cet acoustique nébuleux tout brouillé de drone
et de boucles entêtantes. Le piano aussi revient à la vie dans son
éveil engourdi.
Je descends la rue des
Barbelettes et me dirige vers mon ruisseau. O'Rourke au désespoir de
ne plus l'entendre un jour avec Grubbs, et un tourbillon Gastr Del
Sol fait danser les Trembles du vallon. « The Serpentine
Similar » dans la mémoire et tout dégringole liquide
dans mes bottes de caoutchouc.
Je suis apaisé et bien
réveillé, l'air me rentre par les pores, les combes sourient avec
ses ravines herbeuses, la lumière nouvelle se teinte de jazz éthéré,
elle chasse toutes les moisissures de automne engorgé. Je vais
sûrement revenir par la rue du Moulin de Pont jusqu'à mon Épaule.
La douzaine de morceaux peuvent bien repasser à nouveau et l'heure
recommencer.
Gastr Del
Sol 2024 « We have dozens of titles »
sur Drag City
Je dors en bas, juste au
dessus du lit de mes anges...des jours entiers à les aimer. Là-haut
plus rien ne bouge. Cette nuit comme tant d'autres avec mes cent pas,
je n'ai pas dormi. Il y a bien un moment dans la journée où tout se
tait, le centre du silence, en plein milieu duquel le bipède ferme
enfin son claque merde. Pales, moteurs, verve et micro-onde.. le
point à choper, aphone.
Il est 4h du matin, je
tourne en rond, une envie de vide et d'orgies. « L'instant le
plus lourd », rien ni personne pour me soigner, tout le monde
dort. La cogite, les choix, quelques horizons à peine, la nuque se
penche et le front affronte le rien. Il va falloir sortir dans
quelques heures et déjà la première voiture du village prend son
chemin. Ils disent que le soleil va se lever, rien du tout.
La lueur première dans
quelques heures, il est 4h du matin, et dire qu'à quelques ruisseaux
d'ici, les menhirs ne dorment pas non plus. Je suis un Bernard
l’Hermite au creux du canapé. Une pince dehors, le cerveau dans le
vide sanitaire, et je bute les ouïes grandes ouvertes. « Nous
sommes des gens parfois gais », question de météo.. mon
tempérament s'effondre quand sonne l'heure vide. 4H du matin, toutes
les âmes mortes ronflent.
Mon lendemain s'en va,
hier gigote encore, tout remue, s'effondre et resurgit, c'est un beau
merdier dans ce faux tri pour la bonne mine. Dans quelques heures le
jour, et si la nuit revient, j'y s'rai pas pour grand chose. A qui
dédier tout cet ennui quotidien ? Très souvent à l'heure
creuse, je fredonne cette chanson qui me baigne et me rassure.
Julien
Clerc 1970 « Des jours entiers à t’aimer »
sur Pathé
Garder
ce sol qui s'émeut, avec son ciel abyssal. J'ai des montagnes plein
la tète et avec l'hiver toujours ce bleu hématome qui fige mes pas
et mes trapèzes nacrés. Le halo autour de la lune m'hypnotise. Un
ampli de gratte en écore d'if me démange la mâchoire. Brasero
hypnotique en plein déluge de neige hypothétique, des flammèches
voltigent et je happe n'importe quoi. Les mecs ont fait fort cette
année, Wheeldon, Joyner et Elverum donc. Tiercé bouclé, trinité
en furie, la trilogie en boucle des bandes sons cardinalo-séminales.
La
colline est bleue, le ciel ciel, aucune eau n'a quitté le ravin
depuis des mois, l'été n'a pas bu les creux, tout regorge et
pourtant tout semble évidé. La bombe de brouillard a tout flouté
les traits et les balades s’enchaînent, du bois, de l'écorce
rugueuse, le vent du poète, les odes fantomatiques en suce, et en
plus il nous chaloupe comme la nausée des fêtes et le remède qui
va avec.
L'objet
est sublime, pochette poster géant et des photos à s'y perdre.
Totalement nature, saisissant, renversant touchant parfois au
bouleversant, il abîme ou requinque..au choix. Je vis en pleine
montagne, la nuit est un royaume, « Demolition »
me terrasse et "Gleam.. " colle tellement à la réalité.