samedi 23 septembre 2023

Don & Françoiz


 

On m’avait prévenu, avec un nom pareil, la P’tite Annick, tu fonces vers le naufrage. Autant, j’ai toujours eu une attirance pour la petite agitation, l’ondulation facile, la tendre houle et les embruns sur les yeux, autant je fuis la tempête. La bave aux lèvres et la mousse fouettée sur les rochers c’est pas pour moi.

La P’tite Annick en laissait de l’écume sur la chaloupe. Ça éclaboussait par gros coefficient, lunatique, lunaire, c’était ma petite fontaine d’ici, ma sirène punk aux gros postillons, sauf que voilà, ça finissait toujours par cabaner, des tasses à prendre, et moi comme Jack dans l’eau gelée je m’accrochais au bat-flanc qui flotte.

Dès le début les gars m’avaient prévenu, « laisse ficher le camp cette jolie carlingue, tu vas finir au fond. Cette agace-pissette c’est pas pour toi ». Sauf que les p’tits gars, ils ne savaient pas que ma P’tite Annick il fallait lui mettre du son, des belles chansons d’un peu partout. Sa spécialité, les reprises, ça la calmait direct. Ça tanguait encore dur sur sa frimousse, mais je mettais calmement des chansons dans la tempête, un peu comme Roger Bricoux qui s’acharne à jouer avec son trio sur l’épave en devenir, et hop, elle se laissait happer. Le vent cessait, les moutons des vagues du grand large se barraient, l’huile sur la mer au fil des chansons. « Tiens, je suis sûr que tu l’as pas celle-là.. hein.. vas-y..c’est quoi ??  … ‘ouahh t’es trop forte ». Le ciel s’éclaircissait.

Ce soir-là, un gros vent entamait l’océan, un truc trainait comme un solstice divers en plein été, des creux mes aïeux comme dans un parc d’attraction, moi qui déteste les grands 8, sauf quand il s’agit d’écouter un disque Prog. Nous voilà bringuebalés comme de vieux pécheurs burinés, je vieillissais à vue d’œil, j’étais le vieil homme et sa mémère. In petto, j’ai sorti cet album tout neuf avec dedans mes chouchous de bien longtemps déjà, Françoiz Breut et Don Nino (Nicolas Laureau qui aimait l’idée de Domino pour son alias). Je n’avais qu’une idée en tête depuis mon retour ce tantôt, écouter « Cover Songs in Inferno ». L’aubaine.

C’est quand même vachement bien foutu la musique, elle a adouci les heurts en quelques minutes. Annick prise au piège dans sa phase descendante, moi confiant avec le livret dans les mains .. « Oh la vache celle-là, je l’adore. Jefferson Airplane… tu te souviens, ce sublime lapin blanc, folk celtique habité, et Grace Slick foutre Dieu, et Françoiz…. si nous partions sur la côte, je prends tous les Jefferson et quelques Breut.. nous dormirons dans la bagnole ».


Nous avons fini la nuit blottis partagés entre le calme retrouvé et l’excitation du blind test retournant des cartons de disques à la recherche de l’original. Le naufrage n’est pas pour aujourd’hui. Nous irons chez le disquaire demain, nous partirons nous deux, à la recherche des originaux. 

 



Don & Françoiz 2023 « Cover songs in inferno » sur Prohibited Records

lundi 14 août 2023

Casagrande

 


Chaque instant est posé sur Kodachrome, une pochette diapo, on gardera cet instant des « Villes sauvages » comme la photographie d’un moment de doux bonheur mélancolique. Un album délicieux défile, une soirée photo, des gens que l’on aime dessus, devant de beaux paysages nostalgiques. Notre enfance est déposée au pied d’un arbre, le vent se lève, les oiseaux laissent chanter les herbes.

Tout ce que j’aime cette discrète apparition, ces touchantes ballades. Sur la même étagère que Franck Monet, Albin De La Simone, JP Nataf, Bertrand Louis, Fabien Martin, Thierry Stremler, je déposerai Casagrande. Se poser et écouter le sépia sur l’écran de projection blanc déroulé. De belles personnes sont là, des sourires, de grandes respirations, des paumes qui se touchent, des joues qui se collent, quelques éclats, une larme, des moites odeurs sur un silence rempli de prunelles. L’histoire défile, les anecdotes reposent.

C’est cuivré, c’est l’hyper intimité déposé, les sentiments ondulent douillets. Les cordes graves dansent et se déhanchent comme Jeff Halam, les claviers sont légers, Fabien Martin colle sont papier peint. Armelle Pioline est là, Zoé Colotis aussi. Oh les belles chansons de par ici.

Tous confinés à s’aimer, un puzzle de 8000 pièces, des baraquements à s’isoler, mes murs sont pleins de « Villes sauvages ».

Noir de souvenirs, gorgé de campagne, l’ensauvagement des villes nous ramène à l’humus. Et dire que je suis né sous Pompidou… ah mais nan, sous De Gaulle, à qq jours près. 

Casagrande 2023 "Villes sauvages" label : Littoral records

https://casagrandemusic.fr/

jeudi 3 août 2023

PJ Harvey - 2023

 


La table de coupe a mangé l'horizon. Les moissonneuses ont quadrillé. Tout alentour chuinte couine et rechigne. La chaume est étendue. Un malingre coquelicot semble avoir été épargné. Il est là à danser debout jaillissant de la paille allongée.

Il n'est pas fier plus que ça, d'avoir échappé aux dents du mastodonte. Il est juste là, à danser, entier sans être altier.

Tous les cœurs palpitent encore, le gibier s'affole, la terre rasée, tout est à nue.


L'acier a ébarbé. Sous un sirocco de poussières de blé l'ocre s'est allongé. Tremblez bromes et pavots, les grosses machines à dents grondent.



Une branche érodée sous un soleil cuisant, albédo sur sable blanc, sol de titane bouillant, tous les enfants questionnent. Des sons sourdent, des acoustiques lancinants luttent. Un coquelicot survit, sauvé des faux. Orphelin des euphorbes et des bleuets, sans aucune fierté, il tangue lucide, le rouge aux joues, tous les jours suivant seront des contentements. Et Août chante.


Août imbibé plante son automne, vermillon Papaver se dandine plus encore. Il repeuplera la prochaine saison de ses graines noires tombées sur la terre d'une année qui dépérit.


Qui d'autre que Polly Jean pour crâner humblement devant les dents de la table de coupe des grandes élagueuses.


Tranquille ce soir entre les murs blancs, les parfums vont revenir à nouveau, un genou à terre sur le ponton. PJ23 sera mon code de flottaison sur les grands horizons ras de paille, le divin coquelicot.


PJ Harvey 2023 « I Inside the Oldyear Dying » sur Partisan records.

samedi 17 juin 2023

Jean-Louis Murat


 

 

« Si je m'attendais ».. il était pourtant question de « Rester dans le monde »


Ce blog est parti d'une idée de partage avec comme parrain virtuel Dominique A. Je me disais il va longer ma motivation, me tenir par la menotte, me guider. Il fallait à tout prix que je divulgue et partage le monticule discographique. Toujours il me faut un point de fuite.


Plein d'autres ont déboulé.

Des artistes à tire-larigot.

Jamais trop, je me suis senti happé, tout s'est bâti autour d'eux.


Au fil des billets, le paysage en outil s'est installé, il a pris les commandes. Tout s'est lentement habillé d'horizon, de matinées nacrées en crépuscule vallonné. C'est un socle fertile d'être au service des beaux artistes. Le vertige labyrinthique d'ouvrir les vannes, de se laisser porter. Tout convergeait vers le motif.. j'écoute imbibé de nature quelque soit la saison. Une approche météorologique des écoutes est devenue une obsession, une sorte de phénologie musicale.


J'ai une confiance absolue en mes paysages irréversibles foudroyant notre anecdotique passage. Le globe n'est pas en danger, c'est juste le bipède dessus qui flippe sa race pataugeant dans ses glaires. Il croit tout maîtriser, et la patience des arbres devant la panique des ânes est la chose la plus rassurante que je connaisse.

Un jour, tout reprendra sa place, à son échelle, sans le nuisible bipède. L'équilibre biologique inébranlable perdu l'espace d’à peine quelques siècles, reviendra. Des molécules nouvelles et transformées subsisteront en nano stigmates, un poil de cul dans l’Amazonie, une vulgaire trace balayée d'une simple éruption. Nous, sur la planète, juste une petite gène.

L'infiniment petit préoccupe, une prise de conscience tardive. Il reste encore à se retourner, et prendre quelques minutes la considération du cosmos. On va encore rester quelques instants, puis on laisse tranquille. Désolé pour la gène occasionnée. L'être humain ne sera qu'une anecdote.

Un jour le paysage nous accueillera. Quelle idée rassurante que nos cellules éphémères aillent rejoindre tôt ou tard le moléculaire de la croûte. Un risible passage, une petite gène que notre déambulation énervée.


Dans tout ça, il reste l'amour et la poésie. Depuis quelques mois j'étais dans une très forte vague du gars qui nous parle de l'ancien monde réel. J'ai été cueilli par celui qui est allé rejoindre les cailloux. Je crois que c'est ça la principale différence entre Dominique et Jean-Louis, l'un peint les êtres humains, l'autre les paysages.


Un de mes récidivistes, un autre récurent, ils partent et sonnent le glas. Je me disais, Dominique A pourrait clore ce blog un jour, s'il arrêtait de me suivre, s'il venait à démissionner. Je marchais sur deux pattes, me voilà unijambiste. Ça va pas être facile de continuer à cloche-pieds


Une cime de poésie se fige. La foule s'ankylose de son plain gré.

Je suis tombé de vélo, abasourdi de gnons, brinquebalé et abattu. Je ressasse plein d'idées larmoyantes. Quel autre endroit ici pour causer de ça ? La disparition de Jean-Louis Murat. Je me suis bâti une vague idée d’idéale autour de son art, un refuge qui marie à merveille l'artiste et l'humain d'un même individu. J'ai beau me dire qu'il faut à tout pris rester dans ce coin de campagne qui jute toute les musiques que j'aime, mais les remontées inévitables à la surface médiatique me giflent l'âme, il faut voir tout ce qu'on nous donne à écouter.

Si je m'attendais. La marge de sa fraîche plaie à peine coagulée est à nouveau flanquée de dédain. Replongeons.


Voilà, c'est la fin du parcours pour lui, on n'imagine pas l'impact de certaines choses. L'architecture fragilisée d'un blog déjà anémié. Toujours quelque chose me laissait la foi, des albums à brandir comme on gravit un col. Il en reste combien des artistes fondamentaux . J'ai l'impression d'avoir fait le tour, que tout est dit, d'être devenu une momie mentalement. Quelles idées pour rester, quelle étincelle pour continuer, ne pas se laisser bouffer. Lutter.Comment le peuple a t-il pu passer à côté du "Grand lièvre", "de "Toboggan", de "Morituri".....


« Enfin démissionnaire » disait Dominique A, continuer à s'exprimer dans le vide, celui abyssal qui gangrène le quotidien, un déclic pour continuer à nager dans cette fausse à purin qu'est devenue la culture chez nous, je parle de musique, de poésie là où il n'y en a plus, dans un paysage qui se ride. Tiens donc... « Suicidez-vous le peuple est mort »..


Pour le moment, je laisse glisser et s'agiter les alentours, je me recueille dans un sirop carmin, juste s'engluer dans un sommeil mou, des rêves rouge .. sous la lampe. Je me recroqueville à écouter solennellement, rattraper toutes ces années bâclées.


Accueille-nous paysage


samedi 11 mars 2023

Chris De Burgh 1980

 


Il y avait quelques tires qui traînaient dans ma mémoire, complètement perdus à travers le flou d'un artiste qu'on a jamais eu véritablement envie de brandir. Une chose délicate, fragile avec une belle mélodie à la « The year of the cat ». Tiens, Al Stewart, un autre artiste camouflé qu'un seul morceau a propulsé. Je pense aussi à Billy Joël.


 

Pas mal d'années creuses pour lui, première partie de Supertramp en 74, un succès qui ne vient pas, « High emotion » enfin, beaucoup plus tard, puis à nouveau la discrétion. En Europe c'est en Allemagne qu'il récolte le plus d'estime, comme Barclay James Harvest... tiens donc, encore des mal aimés.

Chris De Burgh, c'est pas des disques qu'on achète, il en a pourtant vendu 40 millions dans sa carrière. C'est pas un artiste qu'on entend souvent, il a pourtant 16 albums studio dans le cornet... alors il se passe quoi avec ce british à la voix crémeuse aux belles envolées ? C'est définitivement pas désagréable à écouter, même touchant par moment, ses petites épopées élégantes.


Pourquoi cet album ? Le son me plaît bien, John Helliwell est au sax, surement la vieille connaissance de 1974... difficile de parler de lui.

J'ai depuis retrouvé les chansons d'antan qui m'avait embarquées, ses débuts, son insuccès, elles sont même sur le premier album, « Spanish Train & other stories », pourquoi d'ailleurs je n'ai pas parlé de cet opus 75, de ce romantisme britannique à fleur de peau ? J'avais dû louer Chris De Burgh à l'époque, sans le garder pour autant, en rade de cassette vierge ? Il a glissé comme ça sans que je puisse le retenir, ou alors c'est son hit dans les radios qui me gonflait. Peut être aurait-il dû faire parti d'un groupe, la rame en solitaire est plus dur que la galère.


Je viens d'acheter quelques albums de Chris De Burgh qui manquait dans mes étagères, pour pas grand chose, je veux dire par là, qu'il fallait que je comble ma mémoire, illustrer mes souvenirs. Plein de bons moments, de la sincérité je pense, une tendresse particulière pour ce cru à la jolie pochette.


Chris De Burgh 1980 « Eastern Wind » sur A&M

mardi 28 février 2023

George Harrison 1973


 

1973 est l'année où George Harrison a créé « The material world charitable foundation ». C'est aussi la sortie de son quatrième album solo « Living in the material world ». J'ai longtemps cru à un album posthume tellement il fut absent des promontoires que je visitais. J'ai toujours été un peu perdu avec cet opus, même ma réédition 2014 ne mentionne pas la date authentique. Quelle fâcheuse manie d'estampiller la date de résurrection dans les crédits.

1973 donc et il aura fallu digérer la montagne..que dis-je la chaîne de cimes de « All Things Must Pass », les bottes en caoutchouc, la mort des Beatles et les nains de jardin. Une grande respiration plus tard, toujours chez Apple, George après trois ans de « silence » reprend sa discographie, il n’arrêtera pas jusqu'en 1982.

C'est un joli et troublant disque cette confirmation solo. Son monde à lui se bâtit. J'ai encore « Beware the Darkness » dans l'échine et tout le temps j'aurai du mal à lâcher ses bottes de jardin. Pourtant, j'écoute souvent cet objet touchant coincé entre le chef d’œuvre « Red Rose Speedway », la daube « Mind Games » et l'affligeant « Ringo ». « Band on the Run » pointe son nez et les scarabées tiennent le cap avec le bleu et le rouge. C'est dire qu'il va falloir se frayer une visibilité...ou pas. Et on oublie tout le reste, cet Harrison 1973 au casting infernal est là. Une garden party noire de monde sans nains (quoique), la liste est longue, même s'il n'est attablé que 6 apôtres.

Je suis resté un peu boudeur avec la suite, l'effet Beatles se dissipant, je me suis contenté de l'excellente compilation 89 « Best of Dark Horse 76/89 ». Je répète ici, « All Things Must Past »1970 et « Cloud Nine » 1989 sont mes sommets Harrison.


Comment se débarrasser des odeurs Apple sur le manche de la guitare en 1973. C'est pourtant et sûrement le début du reste de sa vie artistique à George.


George Harrison 1973 « Living in the past » sur Apple

jeudi 16 février 2023

Nils Frahm - 2021

 


A mes pieds, un bourdon vient déguster la bruyère. Ce petit buisson bas d’Éricacée est en fleur depuis la fin de l'automne, nectar d'hiver. Si la nuit blanchit nos aurores, mon après midi tiède à des allures de printemps. Du coup, je suis installé au soleil pénardos avec un bouquin, et juste une pelure à capuche pour pas me peler le caillou. Cette pause réparatrice extérieure me manquait comme jamais.


Le temps est déposé, tout se recroqueville pour s'ouvrir plus beau. Des remugles de confinements viennent effleurer mes chimères. Y'a pas si longtemps ce truc, comme une hallucination. C'était bien ce doux délaissement, ce temps superbe allongé à regarder le ciel sans avion, un entracte au tumulte, ce délassement. Sentir comme le brouhaha qui tombe, le gibier s'approcher pour nous susurrer sans rancune la compassion alors qu'ils pourraient se foutre de notre trombine et nous becqueter les yeux.

C'était bien les ravagés du bulbe cloîtrés, le monde feutré, les poumons libérés, le dos posé. Tout est tellement reparti trop vite qu'on a l'impression que ça fait belle lurette qu'on tentait de réapprendre à vivre. Suffoqués à remettre les gants, courbaturés, y aller comme si de rien n'était, et on nous dit qu'il faut en plus s'en acquitter. Finalement rien n'y fera tant que tous ces culs n'iront pas se faire cuire.


Depuis quelques mois, il m'est devenu légion de pouvoir m'ankyloser les roustons, de me passer une nappe de néo-classique sans qu'aucun chuchotement ne vienne froisser ce flottement divin. Je vais quand même pas me foutre la tronche dans un plastron, me faire greffer des paupières pare-balle.. une heure de tranquillité à me délecter, ça leur arracherait la gueule !!! me vautrer sous un chaud soleil lunaire avec le bourdonnement diablotin d'un maître butineur en voix de disparition, juste là, près de mes godasses.


Nils Frahm « Old friends new friends »sur Leiter

Don & Françoiz

  On m’avait prévenu, avec un nom pareil, la P’tite Annick, tu fonces vers le naufrage. Autant, j’ai toujours eu une attirance pour la peti...