Des petits matins chafouins que rien ne peut guérir, « Wait
and see » dégouline sur le carreau. Le temps pleure. La buée
des paupières.
Quelques âmes de carotène tombent, de
doux agiles tourbillons « comme des toupies ».
Christine s'est volatilisée.
« Christine Perfect » est absolument unique.
C'est un point de bascule, une
transition, du Chicken Shack et du Fleetwood Mac, intersection, et la flûte de
« Wait and see » me fait du mal.
Son timbre mat m'abîme, ce disque est une
tendresse, un objet précieux, sa mine de pureté est touchante, je
suis toujours resté amoureux de cette grande artiste indispensable.
La pâleur de sa peau innocente m'attendrit. Cette pochette est une merveille,
un soleil blafard baisse les tons devant cet abandon
mélancolique et l'osier croustille. Elle s'est réfugiée
discrètement au creux de l'histoire, son influence sourde deviendra
incontestable. Mettons bout à bout toutes ses chansons du Fleetwood
pour imaginer la grandiose révélation.
Je danse collé slow avec « I'd rather
go blind », je respire comme on fond en larme. C'est une reine
qui s'en va. Un sanglot long.
Peter Green s'est barré, la brèche
s'est ouverte pour un groupe à géométrie variable. Christine va
venir marquer de son étoffe la vie du mastodonte.. « When you
say » en pure merveille est là comme une passation, un album
1969, juste avant d'épouser une autre Vie, fulgurante, à Mac2, la
tornade Fleetwood. Le blues de Green colmaté par madame Perfect,
blueswoman auparavant.
« No road is the the right
road », rares les femmes sur ce terrain là.
A quel point elle fait partie de ma vie
sonore sans pour autant en être conscient, c'est un peu ça
Christine, indélébile dans la plus charmante discrétion. Le piano
chiale, je remets « Wait and see » et déjà le jour
n'est plus, l'automne est bien trop long, de plus en plus, le
prochain hiver se fera sans elle.
Christine Perfect 1969 « Christine
Perfect » sur Blue Horizon
Dès la première note, Andrew Bird. Un
certain bonheur météorologique. Sa voix confirme, ses airs, son
sifflet qui embaume l'écriture.
L'élégance pop ne l'a jamais quitté
et les six minutes d' « Underlands » introductif
insuffle un bonheur qui ne vous lâche plus. La discographie
s'allonge et depuis « Weather Systems » la joie d'écouter
un opus du Bird reste inébranlable. Allègre et radieux, une petite
joie palpable illumine ces compositions là. Plein de subtiles
morceaux de styles bâtissent la nouvelle virée d'Andrew Bird.
Discrètement au sommet d'une année
surpeuplée de nouveautés.
Andrew Bird 2022 « Inside
Problems » sur Loma Vista
C'est l'apocalypse des temps nouveaux,
la kyrielle de couleurs. Roger et Brian ont crée un nouveau
nuancier.
Ça plane un max chez les frangins, des
myriades de nuances, il suffit de passer le couloir laiteux de la
Manche pour décoller dans le vaisseau Eno. Toutes les altitudes sont
permisses, on peut très bien raser de quelques mètres des plaines
verdoyantes quittant les falaises de craie, prendre de la hauteur et
noyer les landes brunes dans une brume ouatée, aplanir les teintes,
monter encore, prendre la verticale pour laisser flamboyer l'horizon
et se noyer dans le nacre pastel d'un haut ciel vierge. À peine
quelques étoiles apparaissent. Tous les paliers, toutes les
dimensions, plus aucune échelle, des apnées, des dilatations, de
lentes et profondes respirations.
Un globe se dessine, du néo-classique
est peint avec les machines, les claviers palpitent, les continents
défilent, on caresse le duvet des champs juste avant de replonger
dans les abysses.
On connaît leurs destinations, juste
fermer les yeux, aucune empreinte carbone, kaléidoscope moelleux,
palette calfeutrée et fauvisme dilaté. « Mixing colours »
c'est le marbre des océans et l'eau du ciel, des notes suspendues
sur le drapeau des vents.
Roger Eno ad Brian Eno 2020 « Mixing
colours expanded » label : Deutsche Grammophon
La journée colle un peu aux cuisses,
odeur d’échauffourée dans les sinus qui persiste, réunions
plénières un peu partout, même dans la rue, des fatigues à
pleuvoir qu'il faut récolter, y'a qu'à tendre les bras. Ce lundi va
laisser des ecchymoses.
Ça bataille dans ce troupeau
d'imbéciles. Faut un truc pour se faire du bien, éteindre le
brouhaha, couper leur son, une pommade à la maussaderie. Se
soustraire. Laisser les humeurs rager. Quelques cliques, une grande
respiration, une vague idée, la récompense, on ouvre la fenêtre, on
est kidnappé.
Des bouts de Baltazar viennent soulever
le loquet. Il est pourtant question d'une rupture dans ce disque, c'est peut-être
ça inconsciemment, cette rancœur avec le genre humain.
Rien pour le crâne en tout cas.. le
corps et la cage thoracique réclame du groove, la chaloupe, beaucoup
d'élégance. Warhaus comme une saignée .
Benjamin me retombe sur la couenne par
surprise, avec « A tell a fly » en 2017 il avait dispersé
ma passion fulgurante que j'avais eue pour « At least for
now ». 2014 et cette fulgurance, ce tourbillon bouleversant. Plus de miracle,
plus de déception, la tète bien vissée sur les épaules je
déguste ce magnifique album comme une évidence. Comme si j'avais toujours su
qu'il reviendrait.
Je disais un peu ça à l'époque....
C'est un artiste qui fait des merveilles avec nos émotions, le
retour de Benjamin Clementine.
Et voilà, ça y 'est elle a 18 ans.
Dans son art majeur, mon amour, ma princesse. Je la kiffe comme pas
possible. Je les kiffe comme pas un. Déjà ses aînés, ma reine
Charlotte et mon roi Julien ont fêté leur 18 ans il y a une bonne
poignée d'années.
Pauline ma princesse donc a eu 18 ans
hier, jour pour jour. Rien ne change en vérité, rien n'est inébranlable,
tout est indiscutablement cellulaire. C'est juste symbolique, comme ça en
passant un petit coup derrière la casquette, ils sont beaux, elle
est belle, tout ce qu'elle frôle vaut le détour, sa force, sa portion
d'amour, une part du cœur et un gros morceau de mon cerveau.
Bin voilà, l'orage est passé, j'ai encore la tronche dans
le sac, quelle fête mes amis !!.. compenser de boissons les larmes
perdues n'est pas chose facile.. mais l'osmose fut là avec la
puissance tellurique des gens qui se touchent et se prennent dans les
bras.
Je
me suis perdu au creux du « Chemin de la vallée ». Tout du long,
guidé par les peupliers laissant chacun à leur pied un rond jaune
flamboyant comme des lampadaires.
Des
heures perdues me soignent, je pars du silence, je m'offre le luxe du
déshabité et je m'entortille à travers ce vallon joufflu qui avale
la flèche du village, l'église St.Vincent d'en haut à peine
dévoilée. De grands arbres roux les pieds dans l'eau narguent le
clocher et tentent de leurs cimes de voir l'horizon. Le petit bourg
enfoui, c'est Voise, la source. J'aime plus que tout ces heures qui
flottent, 11h en semaine, extrait du trafic, pas âme qui vive, des
véhicules dorment, les autres sont partis depuis des heures. Je fais
le tri dans mes pensées, je farfouille tout ce que j’aurais pu
oublier, tout ce qu’il me reste à faire. Je tente de tout
accorder. Je me réunis.
Plus
haut la plaine quadrillée de départementales laisse glisser un vent
de caractère qui s'engouffre et m’accompagne. Pas de musique, que
le chant des houppiers, le drone du vent. Pourtant, une poignée
d’albums viennent à la surface, toujours des pochettes, des airs
d’hymnes à la nature et le son en fond comme une résurgence.
Encore
engourdi d'un lourd sommeil d'automne je serpente et me nourrit,
épouse La Voise qui prend source au creux de ses dômes de limon.
Plus loin, nous sommes rejoints par la petite vallée de
Saint-léger-des-Aubées et nous fondons sur Roinville. La Bonde en
halte claire où je croise deux personnes, je ne suis pas seul pour
quelques minutes.
C'est
à la naissance d'autres heures mortes que je rejoins le dédale de
ruisseaux où se perd mon ruisseau, des disques dans ma tête
s’affirment, je les convoquerai à mon retour.
Je
tente de garder le débit mou de son flot visqueux, je me pose à
nouveau à Angle, puis au bas creux du Gué-de-Longroi. Déjà la
nationale et l’autoroute gronde un peu plus haut, il suffirait de
gravir cette côte raide de Longreau pour revoir les artères
nerveuses et surpeuplées. Je préfère passer sous le pont et
changer de vallée. Je sens au-dessus de moi vrombir L'Océane, un
drone de soupapes enragées. 14H30 perdu encore au fond d'une journée
décharnée, je passe près du Petit Trianon de Catherine, j'ai perdu
ma Voise, la vallée s'est élargie, les trembles sont moins anxieux,
des aulnes leur tiennent compagnie, les chemins s’estompent et la
rue Du Font Matou se dessine devant moi.
Tout
semble baroque, grave, je suis détourné du chemin par un panneau
fluo « Attention danger, exploitation forestière ». La
dévastation donc, des troncs de ligneux ancestraux sont allongés.
Pour qui et quelles raisons ? Plus j’avance, plus de grandes
parcelles sont ravagées. Quelques musiques certaines se détachent,
j’ai ma petite idée déjà. Dramaturgie des paysages, la nature
sombre dans la désolation, bruit des forêts, isolement.
Plus
loin, au pied de mes pénates, en contrebas de mes étagères à
musique, je retrouve ma rivière, plus grosse, plus large, tout aussi
molle, ambitieuse, fermement décidée d'aller rejoindre l'Eure sous
les arcades de Maintenon, cette idée folle d'aller mourir dans la
Seine et rejoindre la mer, se troubler des eaux parisiennes pour
aller longer plus tard les quais tintamarresques du Havre.
Sur
les hauteurs d'Honfleur, je me suis accoudé au bout de la rue
Charrière de Grâce. Tout en bas, la plage du Butin, j’imagine
toute ces fortunes de mer échouées là depuis des siècles.
Estuaire est laiteux, dessus flottent des navires de toutes tailles.
Les vieux dockers en face défigurent le paysage. Il n’y a plus de
vent, un slow-core de vase glisse sur le relief. Je surplombe
d'autres peupliers, un monstrueux navire de croisières repart et se
laisse emmener par un tout petit morceau infime et dilué de La
Voise.
Je
sais définitivement quel disque je vais écouter. Après « Le
Monde Réel », « The Great Awakening » comme un
esprit de paradis.. « Quel animal fermera le bal, s'éteindra
le dernier ? ».
Abasourdi par l'anthracite tombé comme
une enclume, je prends l'automne comme une grosse baffe bien
mouillée. Ce midi encore le soleil comme un vieux pote avait sa main
chaude sur mon épaule. Dernier jour d'octobre. Mon train s'enfonce
dans la nuit, une pluie soutenue flagelle les vitres, nuit noire sur les
quais sur lesquels les parapluies remplacent les ombrelles. Voyage
dans le temps .. Je me souviens d'un autre Black Midi,
l'époustouflante révélation. Puis d'une "Cavalcade" fauve. Free-jazz
déjanté, folie furieuse sous les cranes. Grande excitation.
Changement d'heure, nuit à grande
vitesse, la saison tire le rideau, terminé la rigolade, la tète
dans le sac pour quelques mois, dehors des créatures de toutes
sortes s'agitent de danses macabres. Sang carmin sur orange vif,
dents affamées, l’œil livide et souffle putride. La mort
dégouline et amuse, les cimetières sont en fêtes, des plateaux
bariolés de bonbons parfument la nuit guimauve.
Dans mon casque « Hellfire ».
Il fallait bien ça pour mettre en musique cette soirée plombée aux
visages maquillés. Une nouvelle fois la pochette parle, le son est
raccord, des odeurs en tout genre. Le démoniaque Black Midi est de
retour, les dents vont claquer.. tremblez pauvre petits mortels.
C’est souvent ainsi dans mon
ciboulot, des liaisons permanentes qui relient mon œil à mes
oreilles, en passant par les souvenirs. Juste une lumière suffit,
une onde, un paysage, un souffle, une impression.
Tout s’enchaine et le choix des
musiques quand je rentre se fait naturellement. La nuit cuivrée y
fut pour beaucoup quant à ce choix-là, l’absence de vent, le
débit mou des hauts nuages, l’astre froid qui se laisse vêtir et
une voix fantôme qui m’a suivi.
Aussi, une fois
réfugié dans mon huis clos encore grisé par les senteurs moites,
Susanne est venue chanter mon chemin, dire l’harmonie. Sa
chevelure automnale pour ne rien laisser dehors. Nous avons ranimé,
j’ai tout laissé entrer, ses compositions, sa voix, des textes,
son octobre. Elle est devenue ma saison, ce carotène dingue qui
enflamma la douce soirée tiède d’où je venais à là d'où je
suis.
Tout est suspendu, percusion,
flugelhorn et harmonium, même figé le temps défile. L’alentour
est endormi, je me laisse sombrer, l'haleine de ma fenêtre entrouverte, ce parfum chaud des feuilles à terre.
Comment dire, depuis le temps que le
barrage retient tout, comment développer alors que les vannes se
sont ouvertes, la tète hors de l'eau comme on peut, une branche, des
respirations, les turbines devenues folles, une berge qui glisse, une
barque qui nous échappe des mains, la brasse en vain, des rochers à
éviter, on se débat, les poumons appellent à la rescousse, il nous
faudrait des branchies, si tout va bien on arrivera à l'océan dans
quelques jours à condition que le débit se calme, le contre-courant
même pas en rêve, c'est trop tard, on est dedans, faut se laisser
porter, lutter contre les fonds, baisser la tète sous les ponts,
John revenu a ouvert les vannes, depuis le temps qu'ils l'attendent,
de l'autre côté le niveau se vide, ici, plus bas, dans le bouillon,
les rapides, des chutes, des cascades, des riffs, un rythme
insoutenable, glissade fauve, faut s'accrocher ou se laisser porter, qui à parler
d'oublier l'abondance, de fuir l'opulence, la pente est Red, tout est
lâché, fallait pas s'y baigner, play c'est trop tard, aucune bouée,
on est dedans, trop rapide pour les amarres, écarter les membres et
attendre le sel, le calme d'un estuaire, puis de la planche en étoile
se relever, s'échouer, attraper le sable et remonter la pente,
revenir à la rétention, là-haut au pied du barrage, sauter à
nouveau pour un énième manège, une autre descente pour d'autres
berges, d'autres branches loupées, d'autres rochers à esquiver, la
même chute, les mêmes riffs, le rythme identique dans la
respiration … à condition de la garder.
Red Hot Chili Peppers 2022 « Unlimited
Love / Return of the Dreal Canteen »
Je ne me souviens plus qui a dit qu'il
valait mieux une guitare 12 cordes que la discorde.
Le son de cet instrument est pour moi
une thérapie.Des accord qui s'égrainent comme on
s'aime. De l'objet il est amoureux, Seb Martel depuis bien longtemps
est en accord avec sa guitare, ici et un peu partout, son jeu se
pose, inspire et construit.
Un album tombe du ciel, aucune couleur,
que des nuances, des contrastes, une pluie de lueurs. Des cordes comme il peut en tomber dans
un doux déluge de pluie fine, de bruine fantastique, de tendre
averse, un crachin amoureux.
L'objet entre les main devient
météorologique, délicat, il accompagne la toile et martèle nos
sensibilités, longe les inspirations cellulaires, embrasse les
cœurs. Plein de monde avec lui, des collaborations, dans les
galeries, partout des guitares, celles du Musée de la Musique qu'il
utilise ici, innombrables, unique collection à sa merci. Même
celles enfouies dans la réserve ont été enlacées par ce musiciens
hors-norme.
En pleine pandémie, Seb Martel s'est
recroquevillé à la Philharmonie sous des pluies de cordes pour
créer cette œuvre où ne chantent que des guitares de tout temps et quelques
invités de maintenant.
Le lierre d'Irlande au dessus des
Cyclamens épouse les nuances de rose. Même le cèdre a déjà
aspergé sa lourde poudre jaune, la saison du pollen touche à sa
fin. Du séminal, du vital, la reproduction par les airs font des
plantes des espèces supérieures. Depuis le temps qu'on nage, qu'on
rampe à la recherche d'un liquide pour se répandre, se reproduire,
patauger vers l’œuf.
Des muqueuses, le pollen s'en branle,
lui c'est le vent .
Le séminal dans les airs, un peu comme
la musique en fait, se nourrir sans cesse des notes et des verbes,
des ondes et des vibrations. Jouir des harmonies. Nos cellules se
multiplient non pas dans les airs mais sous des airs, sous
influences, faut trouver le liquide.
Il n'est pas impossible que quelques
mélodies, quelques phrases superbement alignés aient caressées mes
brins en hélice, mon escalier vrillé de bases azotées qui n'en
finit pas.
Quand j'écoute Bertrand Burgalat, il
me ramène sans cesse vers Pierre Barouh. Le timbre, la voix, le
chant certes .. mais pas que. L'esprit sûrement.
Et là je me dis, le pollen a fait son
boulot..il flotte et féconde. Tout est cyclique, ressac, hélice,
elliptique, tout tourne, tout revient, danse perpétuelle, pas rond
totalement.
Des semences, rien n'a jamais été
totalement pur, vierge de toute influence, toujours une trace de
protéine qui traîne, un nucléotide qui se ballade, des tronches de
cultivar qu'on semble avoir déjà vu quelque part, une situation
déjà vécue, ou rêvée, un album comme une arborescence qui ouvre
sur d'autres cosmos, des choses qui flottent inertes, d'autres qui
exhalent, exaltent, qui se posent et font renaître.
Du pollen partout où que ce soit.
Saravah, pollinisateur.
Il fallait que je franchisse le marbre
au seuil, passe sous la voute de pierres de la belle boutique Art et
Musique, un des disquaires de Chartres, pour que je puisse écouter
« Animals ». Oui, à l’époque il y avait plusieurs
disquaires dans cette vieille ville à clochers ; « La Pie
qui chante », « Leguay », Pierrot et ses bacs
d’occasions « Abbey Road » et puis « Art et
Musique » donc, Hi-Fi dès l’entrée, vinyles et cassettes au
sous-sol. Au beau milieu du temple dans lequel mes poches se vidaient, au dos d’une grande femme brune
à cheveux courts et bouclés, une cabine en verre pour écouter un
opus avant de l’acheter était ouverte à tous.
Mon cerveau
subjugué par la pochette, mes oreilles affamées réclamaient. Les
lycéens de mon espèces se bousculaient et ça grouillait de
passionnés, ébullition musicale, l’œil curieux et l’esgourde
aux aguets. C’est au bout de la troisième écoute à la troisième
semaine, que la belle dame de la cabine me lança en rangeant la
galette dans sa pochette « eh mon gars, c’est la dernière
fois.. la prochaine tu l’achètes. Eh.. j’te dis ça comme ça,
y’a du monde, juste y’a plein de nouveautés et je n’ai qu’une
seule cabine ». C’est vrai que c’est elle qui avait le
saphir en main et que pour cette troisième écoute je lui avais
demandé la face B… histoire de faire le connaisseur, le dubitatif,
histoire d’éviter d’acheter une daube…. Sauf que je crevais de
devoir attendre quelques caillasses de plus pour pouvoir me le payer
ce beau vinyle à l'usine cochonne. Pas un rond, tellement de disques sur ma liste, et
cette merveille qui me nargue, ce son unique, déjà j’ai séché la cantine pour
grimper vers le centre et cette cabine en verre… J’en rêve la
nuit, je suis pas bien, « Animals » on est mal, cet album
d’un de mes groupes que je mets au pinacle, bien au-dessus de tout…
On ne détrône pas le culte de l’adolescence. Il sera en
définitif, mon album préféré du groupe.
50 balais bien tassés, je passe vite
fait à la FNAC Montparnasse il y a quelques jours, et sans trop
réfléchir je prends le Remix 2018 d’ « Animals »,
sans lire, ni écouter, une petite jubilation mais totalement
retenue, un contrôle de quinqua quoi. Je suis effectivement dans le
déni d’émotion, pourtant Roger et David sont toujours dans la
chamaille, comme à la belle époque. Des gosses .. comme moi.
Qu’est devenue cette dame à la
cabine remplacée par mon téléphone Spoti à l’écoute illimité
sans aucun mérite, ma cabine plate et minuscule, la bave aux lèvres en moins, le slip tout sec,
les artères ramollies et la rage au fond des groles.
Je n’écouterai ce disque qu’une
fois arrivé chez moi, sur ma chaine, à travers mes enceintes
grandes comme des placards, comme un rituel, comme si je
découvrais la chose inabordable à l’époque, solennellement, en
pensant à cette cabine de verre alléchante, ce vaisseau formidable,
cette alcôve fantastique au creux de laquelle je décollais quelques
minutes avant de dégringoler à nouveau la rue Saint Pierre pour mon
cours de physique de 13h30, bredouille et affamé. Je lui aurais mangé la bouche à cette grande et belle dame des vinyles pour qu'elle me remette "Pigs" une quatrième fois. Je crois bien en plus que je l'ai acheté en grande surface entre la charcute et le surgelé pour 10 balles de moins.
Comment ça ?? Arnaque ?
Fumisterie ? buziness ? une pièce réchauffée de plus ?..
peut-être, j’m’en fout royalement...laissez-moi tranquille,
j’essaye d’être gosse à nouveau, je convoque mon adolescence
chevelue.. pour une soirée. Je vous laisse, j’ai un CD Remix 2018
sans bonus à la pochette transformée à écouter, comme dans une
autre vie .. ce soir je suis adulescent au milieu des chiens, du mouton et des cochons.
Mourir d'amour c 'est des
conneries, ça ne veut plus rien dire, un truc naguère de poètes
des temps reculés. Addiction, fixation, obnubilé en vain écroulé
au pied de ce temple sans cesse farfouillé, le groin fixe à la
recherche des fragrances, des poésies. Plus beaucoup de sentiments à
la foi.
Et l’athée reste pétri d'émotion
immergé dans cette nef, en pâmoison au creux de l’édifice
religieux, le souffle court étourdi par les voûtes, abrité par les
blocs, noyé par le volume silencieux. « Ce que nous disent les
roches mon amour ». Et l’ardoise en flèche traverse le
cobalt nuageux.
Le tourisme est un fléau, une nuisance
biologique du troupeau affamé d’hôtels clinquants et de vols
faciles, catalyseur de destruction lente, de bruyants épicentres
nauséabonds, tous donnaient en haut en bas, et même sous la
surface. Impossible de bouger son cul du canapé, de sortir de ses
plaines courtes, l’horizon en fantasme, le sédentaire dévore sur
son écran la moindre invitation au voyage. Tout voir, s’émouvoir
sans se mouvoir.
« Le monde réel » commence
comme un Mark Hollis, tout est suspendu au silence. Il flotte comme
une mélopée jazz boréal, la belle chanson d’ici sur des ondes de Bed à la
Burello. « Nous n’irons loin qu’avec les autres »
boxe avec la misanthropie du voyageur immobile, la foi disparue du
vieil agnostique. L’amour, c’est juste une question d’échelle,
d’angle.
L'amour à en crever ne serait qu’un
fantasme, un trompe l’œil.. je suis là à tes côtés, rassuré à
l'idée de te longer au quotidien, pétrifié cent fois par tes
gestes, comme on visite une église, comme on jouit d'un grand voyage
lointain et immobile émerveillé par cette danse, allongé. Les
semelles collées à la grasse terre brune, le cerveau a déjà
quitté l’air respirable.
Vivre d’amour. Et les jours défilent.
Tout respire nous.Regarde tout ce monde, vois, il n’y a
personne. Septique des lettres majuscules, je bois à ton bénitier,
je scrute tes landes, tes marées et toutes tes dunes. Isolons-nous
du bruit mon âme, le tumulte est pour les farfouilleux, laborieux et
peinge-culs, le bétail abasourdi. Mords ma peau, accroche-toi à
l’écorce, ne nous délayons pas dans cet amas, je te tiens, tu me
tiens pas nos belles fossettes.
On a pris un sacré coup d’automne
sur la couenne depuis une poignée d'heures. Des peaux qui pèlent à
la pelle s'envolent comme du pollen. Nos haleines fatiguées avec. Ça
souffle chaud vers ces bas nuages océaniques à la rescousse de la
croûte asséchée.
Ecchymoses à bout de bras sur les
branches, la cellulose a des allures de pierre. La paume sur le
tronc, comme on console un vieux pote, le remord de lui avoir dérobée
son futur. Si nos larmes pouvaient arroser.
Alors dans mes bras aussi, je laisse
mes enfants venir cogiter, le temps d'un éphémère abandon.
Suffisamment lourd pour que le fluide magnétique passe et que l'on cause des astres.
Il est possible de faire le crustacé,
de rester là, éberlué pour une louchée de secondes éternelles à
contempler parmi les crabes, oubli le désastre. Tel un bulot bucolique, une fois la
marée débinée, je reste à prendre l'air. Tel.
Les corbeaux me ramènent à ma Beauce,
peut-être avec le bordel climatique un jour le Goéland viendra
bouffer nos bloches sur ma motte. Déjà les mouettes blanchissent la
coulée verte, des sardines dans le réservoir de Montsouris ?
j'y crois pas une seconde.Rien a changé, un nouveau Manset
quoiqu'il arrive. Quoique l'on puisse penser. Ne rien lire, ni
appréhender. Le prendre comme une respiration ou pas, on a beau
déboiser, expirer, replanter comme on va à confesse, les graines
séculaires enfouies guettent nos égards, notre légèreté, notre
fuite. La patience inébranlable du revivifiable, quitte à passer
par l'irrespirable, sourde.
En attendant, le facultatif s'étend,
nous respirons timidement, la demi-molle du plexus fait rage.
Gérard Manset 2022 « Le Crabe
aux Pinces d'Homme »
« Fiston, méfie-toi des
Mephisto » m'a soufflé un vieux sage, « éloigne-toi du
clan Campbell » appuya-t-il ricanant. Baird alors, tout brûle
dehors faudrait pas qu'on laisse la strato se taire. Rick &
Thunderbird en stratosphère, lunette ronde à se faire bannir la
raie sous un haut de forme, le père Fouras en surfeur retraité a
quitté son fort en paddle pour s'échouer sur la cote comme un vieux poulpe. « J'ai
vu de la lumière » a t-il bavé.
Ian Gillan chante du Mellencamp,
Escovedo sort suffoquant des flots avec son tuba en cuivre, les vieux
berniques se dandinent autour d'un feu de palettes. Plus haut dans sa
résidence des dunes, Bob Seger ricane face au vent.
Les cendres sucent le sel du sable, un
feu follet menace les astres, tous les branleurs radinent. Anders
attend son solo, au milieu comme surgi des flammes Dan riffe la
sécheresse comme un diable, les cous perlent, les plèvres morflent,
la génuflexion rode. Le brasier lève son drapeau rouge, ne pas se
noyer, « On my way » et la biafine coule à flot. Tous
sur le qui-vive pour faire fuir la moindre biquette et ses joufflus
en intrusion.
Les arthroses hurlent à la mort, si
les langues pendent c'est pas pour fredonner « Sympathy for the
devil », on va plutôt mettre le chapeau de Tom Petty, puis ses
lunettes aussi, danser du chamanique et se laisser cuire le cul.
Chapeau les mecs.
Dan Baird 1996 « Buffalo Nickel »
label ; American recordings
Je n’ai pas vu le Poa du temps
passer. Ma platine ne demande qu’à cracher, ma plaine a le crâne
rasé, le chaume sur le haut du caillou des âmes. Les graines
perdues des récoltes ont grillées sans le moindre espoir de pouvoir
germer à nouveau. Cuites à peine tombées. Hécatombe arboricole,
un « été de canadairr ».
Et la foule affamée en partance.
Accélération des artères, AVC d’autoroute, la fourmilière
pousse, la transhumance suffocante des bipèdes en congés.
Rendez-vous tous au même endroit, vous nous avez tellement manqués.
Nous allons avec vous. Nous reviendrons tous ensemble.
Un carré de sable salé pour quatre,
un névé disparu dans la nuit âpre, la méga lune yeute anxieuse le
bleu en boule, pourvu qu’ils ne viennent pas me bousiller mes mers
(ou mémère. Au choix).. « Arrêtez-vous toutes les 2
heures », obligé pour Mars il y aura une aire de repose sur
ma poussière cendrée. Il faudra installer des bornes
électriques pour charger le véhicule intersidéral. EDF on the
moon. Les vacances de monsieur Bezos. L’espoir du Yak, l'homme
moderne reluque la planète rouge.
Des colonnes de fumée sur tout le
trajet, la profonde Lusitanie brûle, comme la Castille y Léon,
Brocéliande, les Landes, le bel Aveyron, Zamura, même la fraîcheur
anglaise se parfume des odeurs d'incendie .. le thermomètre de la
bagnole fait le grand huit, Salamanque, San Sebastian, Guarda,
Poitiers, puis mes pénates beauceronnes aux allures texanes.. le
regard hagard de mes merles comme un Mad-Max Hitchcokien d’une
planète de charognards, près à gober un œuf pour une goutte
d’eau… Bientôt le déluge … ?? pour moi, ou pour nous ..
allez, juste un déluge (Décidément Belin très présent).
Les péages défilent, les paysages se
se débinent, dans les portières, le rond de membrane tremble. Tom
Petty me manque, Mike Campbell est là et crache son « External
Combustion » tout neuf. Monstres de feu, l’inéluctable
flamme, lave des enceintes.
Toutes les contrées traversées ont
eues raison des graminées, libres ou fauchées. Des arbres aussi.
Les conifères crépitent comme des vieux microsillons . La cuisson
des herbes folles, toujours droites, et fières , l’alopécie
précoce des horizons. L’automne en août. Et dire que ma
grand-mère nous rabâchait qu’il n’y avait plus de saison sa
bonne dame. Mémé, viens voir la gueule du truc, on va danser tous
les deux sur « Dirty job » crénom d’un chien.
J’ai mis les persiennes, les degrés
grimpent quand même, j’ai chaud dedans, je sue dans mes murs, à
mon avis Mike y est pour quelque chose.
Mike Campbell & the Dirty Knobs
2022 « External Combustion » label : BMG
Entre l’ours et les aigles Daniel
plane en solitaire. Des arpèges, des coins du monde au gré des
chauds courants sous le ciel cuivré, une vague idée de libre jazz,
un étourdissement sans peine aucune, et si la direction est
improbable, l’atterrissage se moquera du décollage.
L’effet persienne se fout des murs
caniculaires, je suis au creux de mon alcôve abbatiale en parpaings avec ses
ricochets sonores, sa résonance, son écho, l'aspiration..
Les doigts fourmillent, grattent les
cordes progressivement vers la fuite récurrente des monotonies.
« You Belong There » est une partance extraordinaire vers
mon imaginaire surchauffé, le refuge aux froideurs alentours, avec
sous sa couche d’algues sombrement fluorescentes une lueur boréale
qui dégouline.
Des ombres, des lueurs, un espace a ne
plus savoir quoi en foutre, des accords dans l’ivresse, une belle
bouffée à méditer, en huis-clos.
Daniel ROSSEN 2022 « You Belong
There » label : Warp
Comme les rides au milieu du front, il
y a des chouchous sur ce blog. Hors de question de montrer du doigt,
ça ne se fait pas. Le récurent dévale sur l'obsession, et des tics
à TOC naissent, des automatismes, des bouffés rassurantes, la
bouée, des phares, de l'Auvergne à Provins, et puis la Bretagne
s'est immiscée, a dégringolé avec ses cycles, ses coefficients de
vagues. De celles qui nous submergent la glotte. Crooner ou pécheur,
de quelle lignée venons-nous ?
La magie du shaker génétique, la
brouette au cul ou l'idée de pouvoir s'en sortir, il faut voir nos
trombines.
Des préférés armés se faufilent
irrémédiablement, terrassent et bétonnent. Je ne dérogerais pas,
voici la vision tambour bâtant de Bertrand. Le nouveau récurent
Belin, l'incontournable attaché.
Des plumes sur le carreau, du plomb
dans les ailes, lente invasion avec la fougue du canasson, je me
laisse grignoter.
« Couteau Calme » est
inespéré. Il m’embarque vers les saveurs Saravah, au psyché
chamanique de la révolution rock hexagonale.. à l’époque ils se
nommaient Maajun, Heldon, Pinhas, Catherine Ribeiro dans la montagne,
Triangle, Gong ... je suis bien là.
Cheval Fou, c’est une apparition en
1994, et ce superbe retour délirant l’an passé. « Seminal
French psychédelic, dans le space prog rock ».. qu’ils
disent sur discogs… pas mieux.
Au fond, des sons
troubles à reculons, comme avant avec Holden. Ça tombe bien Armelle
est là en équilibre sur la bête. Michel Peteau ce fou cheval sans
fouet ni cravache tient les rênes, règne, chevauche sur des terres
vierges, ou plutôt sur des horizons irradiés.
Mon édredon en plumes m’attend, il
va falloir que le hamac me lâche un peu.. salopard de toile tendue
en glue sous les feuilles en pleine puberté.
Vachement addictif ce truc. Quel
œuvre !!!! je la dévore, l’estomac dans l’étalon.
Cheval Fou 2021 « Couteau Calme »
label : Marelle Music
C’est pourtant pas l’automne, ça
débourre même à tout va, les touffes de l’horizon se teintent de
vert tendre. Les parfums sont indécents, les feuilles se pavanent.
L’autre week-end pleines sont tombées, bleu sale recyclé, vides
de sens, toutes chargées de haine perplexe, de doute. Puis des
légères comme l’air, à la merci du moindre courant d’air pour
fuir, rater la fente, esquiver, prendre la tangente, légère comme
tout, la plus belle représentation du néant des douze apôtres qui
veulent grimper à l’arbre.
J’ai serré très fort ma feuille
recroquevillée, mon bleu terne plié, vide, pour ne pas qu’il
s’envole. Viser juste, faire l’automne dans l’urne, un nouveau
cycle, d’autres saisons pour rien. Je l’ai vu virevolter, planer
tanguer, pas pressée de toucher le monticule. L’autre week end,
c’était l’automne, le frimât des âmes en file indienne, la
queue des autres, des regards en berne, le devoir des désespérés,
des convictions par procuration, des souffles courts, le devoir est
devenu un fardeau, un cercle vicieux.
Bientôt l’été
et ces feuilles qui tombent, tout ce vides sous les discours bruyants
et incohérents qui ne devraient pas cesser, je suis retourne vers
mes horizons, allégé du vide de ma feuille bleue sale
industriellement pliée. Le temps était clément, doux, à peine
venteux, la lumière devenue crâneuse, je fis une petite pause dans
mon parc. Dans les oreilles, PARK, post-rock inattendu d’un
François and the Atlas étonnant et de Lysistrata que je découvre. C’est lourd
de son, plombé de sens , puissant enfin, ça décrasse comme une
tempête sous un crane.. dehors tout était léger volage et sans
intérêt, plein de personnages s'affairent, vont et reviennent
rapides le temps d'une feuille qui tombe, c’est un printemps de
tendre mois d’avril. Déjà révolu.
Tu préfères Bowie ou les Pixies ??
de « Cactus », la reprise ou l’original ??
Impossible personnellement de me prononcer. Puis RED arrive, enfin,
DER et un nouveau cactus, celui en question. Je suis dans le RER et
j’écoute le der de DER enfin la nouveauté d’Olivier Lambin,
alias RED que je suis depuis le début du nouveau siècle et son
« Felk » irréversible.
Des collaborations, des omniprésences,
des scènes qui tremblent, et puis mon chevet avec dessus tout le
temps son « Social Hide and Seek » .. mais je ne vais pas
ressasser, sauf peut-être pour rabâcher et redire que le
dithyrambique et la visibilité pourraient quand même le choper au
passage de ce nouvel opus Lo-Fi merveilleusement sec et fou. Red is
not dead, Der is here, et mon rocking chair me brûle les reins,
super son dans ma tête.
Je reformule ma question .. de
« Cactus » des Pixies, tu préfères la version DER ou
BOWIE ??
DER 2022 « Supersound »
label : Beast / Bisou records.
Beaucoup trop de lumière couve les
œufs, Pâques au balcon, juin au salon. Les rayons aux volets tapent
dur, dehors c'est aveuglant, dans les jardins c'est chocolat, à
l'ombre des arbres, a-t-on déjà vu fondre une cloche aux creux des lourds sillons d'une grasse matinée ?
J'ouvre mes volets, je tire la
persienne, le café diffuse. Ce n'est pas que le radieux me rebute, non,
bien au contraire, me lever aux horreurs sera pour après demain.
J'ai mal aux yeux, mes pensés de granit alourdissent mes savates,
mes gestes sont volontairement ralentis, je suis ébloui.
Cerné d'illuminations, je prends une
belle bouffée d'air frais à l'ombre de la marquise. Des parfums de
prunus, de lilas et d'humus trempé connectent mes circuits lymphatiques.
Immédiatement je me dirige vers
l'étagère « Geographic » du collectif, une envie d'ondes pastels me
saisit, nacre huileuse et brise délétère, je respire à pleine
gorge.
Dehors c'est chocolat donc, beurre de
cacao mêlé aux effluves de colza. Derrière moi c'est caféiné.
Les écossais de The Pastels
m'accompagnent. L'album, celui illuminé sombrement par les teintes
de chocolat au lait, blanc, et mon petit serré qui coule. Je plane
vaporeux, une pop lumineuse me cajole à l'intérieur, alentours et
au dessus de pas mal de choses. Je suis tendrement injecté par leur
intimité, par les frileuses guitares planantes, à peine froides.
Conquis à nouveau, subjugué une fois de plus, je vais laisser
traîner cette matinée de printemps estival au son sublime de leur
illumination parfaitement bancale, fragile et touchante.
Pastels pascal chocolaté, comme la pochette pleines de
lueurs.
The Pastels 1997 « Illumination »
label : UP/Domino/SubPop.
Perforé au flan, un point de côté en
plein spleen, je marche plié en deux, « The ballad of .. »
me fait mal, j'émerge et pleure la levée du jour. La bouée Lo
garde la tète de Pete hors de l'eau et c'est beau, on touche au
sublime, on tangue, la magie opère, on croit couler mais on flotte
et glisse sur cette huile tourmentée à peine philharmonique.
S'il n'y avait que celle là, à peine
la joue sèche, le fantôme Syd Barett se pointe avec le poignant
« Yes I wear a mask ».
Même dès la première note, Pete et
Fred nous attirent à travers la fraîcheur visqueuse de ce
bouleversant disque noir et blanc... « The ballad of.. »
j'y reviens et retourne comme le ressac.. c'est sûr le manoir sous
le ciel cendré est à quelques enjambées du littoral.
La combinaison est parfaite, la fusion
troublante, Lo'Do et je me demande pourquoi cela a moins fonctionné
avec Bill Pritchard, "Rendez-vous Streets" était pourtant pas mal.
Deux albums solo pour chacun d'entre
eux. « Hallelujah! » le dernier de Lo est passé inaperçu
et pourtant on devine l'écriture, le sens de la mélodies et des
harmonies. son CV est tout chargé de collaborations et
d'arrangements, quant à Do, on ne revient plus sur son passé.
Je l'ai vu un peu partout,
dithyrambique il part comme des petits pains, un certain succès
s'est accaparé de cet opus miraculeux. J'en suis, 12 chansons, entre
2 et 3min50, plié, insolent, talentueux, racé, mélancolique, 37min
tout séché, romantisme à la française, élégance à la british..
in the pocket ou plutôt dans la Manche.
Peter Doherty & Frédéric Lo 2022
« The Fantasy Life of Poetry a Crime »
Voilà une autre belle chose
extraordinaire qui valait l'effort. L'objet fantastique qui m'a
plongé dans le manque d'écrire et de donner envie, transmettre dans
ma sphère, proposer. L'automatisme d'écriture à chaque écoute
s'est envolée et à l'écoute de ce Parcels les phalanges m'ont
démangées. Et puis je suis resté engourdi à le ressasser pour
comprendre, sans écrire à sa sortie. Comprendre comment il était
encore possible de créer de tel chef d’œuvre musical alors qu'au
fil des ans, j'ai l'impression que tout a déjà été inventé, la
surprise devenue obsolète. Et bien, nenni, certes, les étiquettes
s'accrochent en guirlande autour de ce clair/obscur lumineux, mais
sous ce « Day / Night » jouissif j'ai l’impression
d'être bien ailleurs, un poil au dessus de tout, avec cette
plénitude, cet espace totalement rempli, du planant, du disco, du
prog, du groove, de la fraîcheur, de l'harmonie, du jazz, des
remugles Daft Punk, du Steely Dan avec la voix de Sinkane, une épopée
mélodieuse, un double album cinématographique. Subtilement
complexe, évidence solaire, Owen Palette aux arrangements.
Je sais, il est déjà caché des
vitrines, rangé des bagnoles cet album important, mais il faut quand
vous dire qu'hier il a neigé sur le colza en fleur, blanc saupoudré
sur le jaune à peine pétant, comme un œuf mimosa qui réveille les
papilles.. alors avec quelques larges lopins et vastes arpents
devant mon vis-à-vis, je reviens sur ma frustrations à l'achat de
ne pas avoir eut le courage d'écrire et de vous poser là, sur mon
zinc, cet opus complet, ce double album définitivement adopté.
J'ai l'affligeante impression qu'il est
déjà digéré, assimilé et régurgité ce disque. Pas plus mal du
coup de pouvoir en parler des mois après les ondes médiatiquement
dithyrambiques. L'éphémère du plébiscite, l'ingratitude des
applaudissements quand tous à peine silencieux passent à autre
chose et pourtant il résonne encore.
Ils sont très jeunes, ils sont
australiens, « Day / Night » est leur deuxième album,
comment se retenir de déambuler joyeux et sérieux sur les avenues,
sentes ou autoroutes à l'écoute ce grand bijou.
Parcels 2021 « Day / Night »
label : Because music
Il s’agit de savoir si on peut encore
être un branleur la 60ène collée aux hanches !! La preuve que oui
ici donc. Du jaune qui pète et le rose stabilo font suite au
clown à l’huile chiadée et cramoisie que j’ai écouté en boucle des
semaines entières. Aucune perte de charge, aucun pâlissement ici,
bien au contraire, toutes les forces de frottement se sont répandues,
ça glisse easy, c’est même devenu prévisible avec ce vieux
lascar indécrottable. Le cap est maintenu, l’altitude tenue, John
Parish est revenu souffler du chaud dans le E-Zeppelin,
histoire de garder le niveau bien haut et monter plus encore.
Quelques opus me
piquent à vouloir causer sur ces pages perdues, comme on revient
depuis un bail dans sa cabane hors saison d’un littoral perdu où
le sable est plus fidèle que la verve. Le vert tendre à nouveau
sous les dents affame et le bourgeon poisseux titille l’hibernation.
Difficile de trouver les mots sous ce
jaune énorme ensoleillé du 14ème album du E. La pêche
l'habite, ce Mark Oliver..quel beau branleur.
Eels 2022 « Extreme Witchcraft »
sur E Woks records.