Les hallucinations gothiques et
romantiques se répandent comme une expérimentation diabolique en
pleine cathédrale. Les peurs et les angoisses, comme des
lamentations acoustiques gracieuses et fantomatiques. C'est un
baladin fou des contrées abandonnées par les corps que les esprits
ont chassé, pour leur épargner la beauté d'un paysage qu'il faut
mériter, un paysage qui peut d'un instant à l'autre sombrer dans
l'apocalypse. Le chant du bien et du mal.
«
Where the long shadows fall »,
la première pièce inédite du premier cd, s'étalent sur 18
minutes, c'est une lente complainte sur un son de grande dimension.
Une voix de femme en boucle semble sortir d'outre-tombe, d'un vieux
phonographe que personne ne peut empêcher de tourner. Une basse très
lente et une guitare inquiétante sont les serviteurs de la voix
spectrale de
Tibet.
« All the pretty horses »
est la pièce discographique central et officielle de cette session 96, « All
the pretty little horsies » et la chanson éponyme sont une des plus belles complaintes
néo-folk de Tibet.
La guitare sèche, la flute, tout
chante, danse et provient d'un siècle que l'on a oublié. C'est un
carnaval sombre avec des lueurs d'espoir.
C'est un album concept, un opéra
gothique et acoustique, et toujours derrière, comme un papier peint
ancestral usé qui se décolle, une onde de berceuse pastorale comme
un drone de nappe sur laquelle des visages valsent.
« Le vert de l'herbe et le bleu
du ciel sont immenses et terrifiants... et les oiseaux tombent autour
de nous ».
Murmures ou chants inquiets, D.Tibet
habite ses écritures dark-folk. La paranoïa touche à son comble
sur « The inmost light » et « Twilight twilight
nihil nihil » rempli de revenants. Logorrhée mortifère sur un
drone putride à la Swans. Le cauchemar est en route, mais il
sait aussi nous consoler avec cette chanson éponyme et Nick Cave à la voix. Il est comme ça le cerveau de Current 93,
il endort, vous engourdit, vous effraie et vous console, un suceur de
cerveau, un briseur de rêve d'enfant, un embellisseur d'enfer.
Un tableau paradisiaque avec des arbres
morts qu'on finit de contempler sous des chants grégoriens.
Le troisième album, cette autre pièce
dantesque inédite de 22 minutes, est une célébration nostalgique,
une incantation grouillante d'esprits et bourdonnantes de field
recordings, avec la voix de la femme du phonographe qui revient dans
un écho encore plus lointain. Sommet d'introspection, « The
stars are marching sadly home » vous emmène sur des chemins au
retour incertain, chutant sur une berceuse angoissante de Shirley
Collins.
Le dehors est un gris glacial sans vie,
le sourire denté de Mogwai m'a dirigé vers les abîmes 90's de
Tibet, vers cette pièce rare rééditée en 2007, l'œuvre intégrale
de ce qui s'appelait en 1996 « All the pretty little horses ».
Les facultés du corps sont gelées, l'esprit taupe creuse et
farfouille dans les galeries labyrinthiques de mon cerveau. Pas
d'autre moment que celui-ci pour que les émotions abondent à
l'écoute de ce triple album diaboliquement paradisiaque. Un grand
moment
Current 93 1996 / 2007 « All the
pretty little horses » / « The inmost light »
label : durtro
à Régine ma marraine et Guy mon parrain (...qqchose - 2014)