L'air du matin est musqué, le grain
Canabaceae du charme-houblon n'est pas encore dans l'air,
pourtant j'ai la bouche amère, et déjà la douce meringue
éphémère fond sur cet or qui crépite. Allongé je guette à
nouveau les avions par hasard, y'en a pas, qu'est ce qu'il se passe
en bas ?
Étendu par pur hasard, je vois les
petites feuilles pourpres de mon cotinus balayer le pur azur.
J'apprends à doser mes gestes, millimétrer mes mouvements en
écoutant le bruit sourd de cette page que je tourne, de cette brise
perdue dans le feuillage. Je murmure ma lecture pour toucher les mots
sous le son loin du concert des oiseaux, et la fragrance de lilas en
raffut dans mon cerveau. Je suis au plus creux de mon isolement, je
prends des mélopées sous une canopée, la petite mienne. Mon
jardin, c'est pas la Patagonie, il en fait des caisses, pourtant je
lui dit que le monde tente une agonie, que j'y suis pour rien, je
laisse décanter et qu'il a raison de s'en battre les branches.
Je vais de temps en temps voir ma
bicyclette, elle sait elle qu'une vie sans machine n'est pas
envisagée. Des rayons comme des notes, des boucles comme la jante
qui tourne, lancinant moteur des pensées qui s’effondrent dans le
doute.
J'ai touché le silence en écoutant la
couleur de ma page, les notes blanches de Sylvain Chauveau, une fois
de plus. L'apesanteur des âmes, réalité voilée.
Sylvain Chauveau 2020 « Life
Without Machine » label : Flau