Je suis entré dans cette surdimension
en 1999, j'affecte particulièrement les albums de Godspeed et de
Silver Mt Zion, surtout au début. D'ailleurs, les premiers albums
respectifs son assez similaires, la même texture sombre et poétique,
des ambiances aux même lueurs.
Au fil du temps, ils ont appuyé leur
particularité.. tralala d'un côté, vrombissement de l'autre.
Nous sommes, en cet automne frileux,
coincés entre le dernier Godspeed et le Silver à venir.
Indélébile, un tatouage cérébral.
Revenons à 1997, sur le carton
bordeaux au verso est inscrit en lettre d'argent cst003. Troisième
pièce du catalogue Constellation, bouleversant. Une poésie à
foutre par terre, de l'acoustique, les accords de Moya, et puis les
douces envolées du collectif: Thea, Jesse, Thierry, Bruce, Colin,
Efrim.... douces les envolées, pas encore les puissances de
réacteurs. Une musique belle, des idées de post prog ambiant,
expérimentation dans l'écho, la résonance. Le collectif est en
partance pour des espaces ténébreux, mais beaux.
Ici, on entend du Floyd Meddle,
Ummagumma, du Cerberus Shoal des débuts, mais surtout une patine,
une signature unique, un esprit qui va gonfler au fil des années,
prendre de l'altitude, gronder plus encore, faire frémir et vrombir
les cranes. C'est d'autant plus émouvant, que sur ce disque, les
Godspeed sont juste un groupe de bouche à oreille, qu'ils s'élancent
pour décoller irréversiblement.
C'est un isolement, un recul intime
vers la source; xylo, violon, voix, ukulélé, cornemuse, véritable
épopée habitée, un moment particulier dans l'histoire de la
musique.
Je dis ça , car j'ai trouvé dans un
bac, au hasard, le vinyle bordeaux en question, avec dedans, une
enveloppe, des documents, un penny écrasé par un train, dont la
locomotive est dessinée dedans sur un craft d'ocre brûlé. Sur la
loco inscrit « For the reverend Gary Davis ». Les rails
sont tordus devant, impasse ferroviaire, sans issue. Sur la pochette,
une photo unique est collé en plein centre. La mienne, les essieux
de la loco.
Je dis ça parce que je suis en train
d'écouter les deux faces noires de «f♯ a♯ ∞ »
et que je suis à des années lumière de mon cerveau, ou alors j'y
suis encore et c'est lui qui se fait aplatir comme un penny qui
s'envole en ovni.
Qui était le vendredi 1er octobre 99
au théatre de l'Olympia de Montreal pour voir décoller le zinc ?
C'était à 1004 Sainte Catherine à 20h, pour 10 dollars..une nuit
seulement.
Je fouille, je plonge dedans, je m'y
transpose...avec que le saphir sur l'infini, se pose sur le dernier
sillon et colle le son à perpétuité, lancinant, paralysé, une
onde industrielle d'une banlieue... le corps est lourd, le cerveau
vidé, le saphir tourne à jamais.
Je suis un fidèle de Godspeed, même
si j'ai une tendresse particulière pour les premières créations.
Je suis sorti du disquaire comme un gosse qui vient de gagner
l'ultime bataille d'une fin du monde virtuelle.. dans sa tète. Je me
suis fait porter pâle aujoud'hui, je suis resté collé à mon
saphir.
Godspeed you black emperor ! 1997 «f♯
a♯ ∞ »
label : constellation