Si 2013 fut frenchy et spyché, 2014
commence sous les feu électronique dans sa phase la plus
Herculéenne. Après Swan, celle de The Notwist plus apaisée, celle
de Mondkopf me tombe sur le crane comme un missile. Projeté en
pleine guerre, je suis collé au sol avec une protéine virale qui me
traverse les bronches. Une guerre de tranchée, de la boue, du feu avec de
la ferraille qui rentre dans chaque pore.
Allongé par terre, je sens mes veines
taper, mon pouls gronder et ma respiration brûlante semble cracher
ce magma comme un exorcisme viral.
Cet album est fiévreux, il bat les
tempes et accélère le rythme cardiaque. C'est une vaste danse
macabre qui surgit d'un paysage industriel rouge sang, une
stromboscopie techno avec des airs gothiques.
Une armée d'anticorps est en guerre et
ma croûte terrestre ravagé par les courbatures est en combustion
sous les fracas des trompettes apocalyptiques. Comme un délire
fiévreux, je suis étendu, j'écoute le nouvel album « technoisy »
du Toulousain Mondkopf.
Je ne sais pas pourquoi mon regard
s’est posé sur elle, et que ma fiole a chaviré. Ses fringues
avaient l’air rafistolées, dépareillées, juste mariées par son
style à elle, à ce moment précis. De toutes les façons, je hais
les uniformes. Sa coiffure de buisson était à peine réajustée et
son parfum de giroflée sanguinolent m’a brûlé le cerveau.
L’envie de délacer ses bottes et de manger ses pieds n’a fait
qu’un tour. Je me suis laissé embarquer par ses textures, ses
amplitudes, sa voix et sa colère sourde. Elle a peint son album.
Surtout ses yeux, son regard et son
dessin racé ont laissé son intimité brinquebalante mijoter tout au
long du trajet. Ses arcades ont planté une poutre dans ma gorge et
sa silhouette ravagée mes glandes. Elle était là, devant mon
casque et mon envie de peindre, sa lippe de fierté libre insinuait
quelque fureur qu'il ne fallait pas attiser.
Tellement belle et féline dans ses
gestes que sa façon de se lever m’a rendu le sol indolore.
Quelle douance dans la mouvance. J’étais alors au sommet de mes
étanchéités, et ce n’est pas parce qu’elle m’a embrassée la
joue avant de disparaître, me laissant l’emprunte d’une bouche
parfaite, que je vais écouter en boucle son album.
« Burn your fire for no witness »
est un disque extraordinaire et sublime. « White fire »
est un bijou, véritable chef-d'œuvre. Elle invite pas mal
d'artistes sous sa guitare électrique, pas mal qui doivent rester
médusés devant autant d'habilitée et de beauté. Bien longtemps
que je n'avais pas succombé à une pièce du mythique Jagjaguwar.
Cat Power, la relève.
Angel Olsen 2014 « Burn your
fire for no witness » label : jagjaguwar.
Tom Brosseau était un élément
important du label Fat-Cat, jusqu'en 2009 où il disparut de
l'auberge, mais aussi des bacs. Invisible jusqu'à l'oublier, comme
quoi je devrais pas me laisser embarquer comme ça dans
l'inattention, il aurait fallu que je le note dans mes tablettes pour
suivre sa discrétion.
Je me suis donc rué sur « Grass
Punks » et ce label inconnu CrossBill. Ils appellent ça un Ep,
surement parce qu'il dure 28 min. Pourtant, ils sont juste deux aux
cordes sèches, lui et Sean Watkins, et nous égrainent neuf pépites
intimes, d'une beauté ravageuse, comme un album plein à craquer.
Recueillement folk, isolation artistique, du Devendra Banhart, une
pièce rare, une matinée blanche et grisouillarde, beau comme un
jour qui se lève.
C'est enregistré à la maison, en
Californie, y'a du bleu ciel-océan aussi, tout au fond, tout proche
de l'horizon.
Tom Brosseau 2014 « Grass Punks »
label : cross bill
2008, c'est la date de leurs derniers
albums, 6 ans, mais peut-on parler de retour dans une erre où les
« réguliers » sortent un disque tous les 5 ans ?
Peu importe, aujourd'hui, The Notwist
et Beck réapparaissent avec deux belles réalisations, deux albums
qui vont surement compter cette année.
Un autre point commun, mes albums
préférés d'eux, sont sortis en 2002 : « Neon golden »,
« Sea change », à tel point qu'ils sont entré direct
dans mon panthéon. (J'ai été un poil frileux sur « Odelay »).
« Close to the glass » des
The Notwist est une bouffée de fraîcheur en plein milieu de ma
tendance poussiéreuse à bouffer du rétro. Frais, mais aussi
affublée d'une large palette pop moderne des plus intelligentes. Les
représentants du genre, c'est maintenant une certitude. Pertinence,
efficacité, et perfection dans la vision presque moderne de la
mélancolie, celle qui me lie depuis des décennies à cette
formation établie.
« Morning phase » de Beck
la joue plus classique, plus soft pop sucrée, lumineuse et pastel..
une fraîche matinée avec de l'acoustique sur des nappes éthérées.
Sa voix, comme pour The Notwist est reconnaissable entre toutes, sa
production aussi et s'il varie les styles au fil des albums,
« Morning phase » à des tendances « Sea Change »
avec en plus une touche country folk qui patine sa pop sous des
vocalises généreuses. « Wave » embarque, « Turn
away » plaque comme un Crosby Stills Nash.. « Country
down »..le disque monte en puissance.
Deux idées sonores, deux valeurs
sûres, deux styles, deux belles pochettes, c'est une belle journée
pour les bacs. Des fois, ça vaut le coup d'attendre...et impossible
pour moi de dissocier les deux chroniques.
The Notwist 2014 « Close to the
glass » label : city slang
Peter Green sort tout juste des
Bluesbreakers, la fameuse école de blues british 60's, entrainant
avec lui le bassiste John McVie. Certes, il y a l’influence de
l'erre Mayall qui allait projeter le guitariste fou sur deux ans
torrides gavés de prises live à Boston, Chicago…. mais il y a
aussi le cerveau épique d’un grand bluesman progressif qui a
incorporé du rock dans ses riffs. Il y a aussi Spencer recruté sur
cette période faste, puis Kirwan vers 69, histoire de dessiner la
suite des évènements.
Spencer dans une secte religieuse,
Green chez sa mère avec les ongles qui poussent pour arrêter la
gratte, deux ans de guitare magmatique, de dégâts considérables
qui fera du Fleetwood un autre groupe dès 1970.
Fondé en 67, il y aura d'innombrables
documents accumulés pour assouvir des décennies de rééditions.
Sans cesse, les lives et les compilations qui surgissent depuis ,
sont des pièces rares et live tournant autour de trois albums ci.
« Fleetwood Mac » 67, « Mr Wondeful » 68,
« English rose » 69. Cette courte période dense aboutira
sur le chef d’œuvre blues british absolu « Then play on ».
En attendant, le monde hippie en effervescence est bouche bée devant
les prestations scéniques du Mac.
Autant de standards blues pourraient
faire croire qu’il s’agit là de reprises.. d'incontournables de
Muddy Waters, John Lee Hooker.... Ils sont d'authentiques
compositions de Green/Spencer/Adams.., à quelques exceptions près, et
seront reprises tout azimut. Peut être, mon hommage préféré à
Peter Green reste le « Blues for Greeny » de Gary Moore.
En attendant, la quintessence.
Fleetwood Mac 67/69 « Fleetwood
Mac 67 »; « Mr Wonderful 68 »; « English rose
69 ».
La première excursion électronique de l’année est une plongée extraordinaire à travers une cathédrale sonore synthétique qui brûle le cerveau. Des nappes infinies intergalactiques totalement noires, un orgue perdu dans l’immensité ténébreuse d’un ordinateur.
Des remugles de Claus Shultze s’engouffre dans un aveuglant chao magnétique et nous attire vers un trou noir, l’anti-matière d’un son hypnothique. La pochette est un chef d’œuvre, la sirène d’un univers avec entre ses bras, nos restes de cerveau en poussière de cendre.
Black Swan 2014 « Tone poetry » label : ethereal symphony
Le périple d'un môme au sein d'un
monde hippie, des histoires de marginaux, « Big wheel and
others » est un album qu'on pourrait écouter pendant une
cavale vers le grand Ouest, un double Lp 70's à bouffer des miles à
perte de vue.
Cass McCombs a baroudé son talent un
peu partout, sa vie aussi. Son americana des longs trajets est une
aubaine pour un cerveau en fuite. Il réconforte aussi, comme un
refuge sûr de folk, blues, country, rock, une diversité comme on
traverse des villes et des contrées, un paysage qu'on connait.
Depuis quelques années Cass McCombs
sort des albums solo. Ce double opus comme un itinéraire ensoleillé
est parmi mes plus beaux disques de route de l'année 2013.
Cass McComb 2013 « Big Wheel and
others» label : domino
A l'heure des congratulations
hexagonales superficielles, il est de toute première urgence de
garder un œil sur les outsiders qui font la richesse de notre
terreau.
Un paquet, y'en a une pléthore de
planqués en dessous de la croûte pour nourrir en substance.
Federico Pelligrini, le tenancier du rade nous avait depuis longtemps
excité avec les Little Rabbits, il continue à creuser au bulldozer
des galeries fiévreuses qui déservent toutes les stations du bled.
« Frensh cowboy & the one » est un grand disque rock
d'ici, urgent, buriné, trempé et musclé. Pelligrini retrouve Eric
Pifeteau pour un format duo, les Frensh Cowboy creusent encore, vers
le fond, là où ça gronde, plus proche du magma, le disque est paru
dans l'ombre.
« You wanna sing », rappel
au Rabbit, « Maico » phénoménal et décadent, un chef
d'œuvre, « Dig » comme une virée chez l'Igouane... et
l'on repisse dans la piscine.
C'est moderne, puissant, crâneux et
pertinent.. Frensh cowboy & the one est LE disque rock 2013, et
puis c'est tout.
Frensh Cowboy & the one 2013
« Frensh cowboy & the one »
Oren Ambarchi est un paysagiste
surréaliste musical précieux, le moment et l'endroit exacts où la
contemplation devient un miracle. Il suffit juste de se trouver au
point de rendez-vous, devant la désolation nocturne urbaine, un
endroit reculé, d'où l'on peut entendre les sons qui grondent à
quelques terrains vagues de là, un endroit où l'imagination errante
croise un monde à demi vivant. Il est même possible que personne ne
nous voit, ne se doute d'une présence fantomatique.
« Amulet » est une pièce
unique, un endroit isolé duquel on peut tout entendre.
Il est absolument nécessaire de mettre
le volume légèrement au dessus de la normale, et surtout de rester
immobile à saisir ces souffles, des fois qu'ils nous entendent, eux,
là-bas, les êtres d'un autre monde, d'une ville d'où l'on vient.
L'année précédente, un autre miracle
sonore est sorti chez Touch, « The just Reproach » en duo
avec le pianiste paysagiste John Tilbury. Un moment live en Islande,
tout air conditionné coupé, juste un alcôve utilisé au plus
profond de son silence pour mieux contempler les notes et les effets.
Respiration artistique, tonalités, textures, résonance, dans une
total minutie, observation millimétrée. Le piano de Tilbury rend le
voyage plus humain, même les cordes sont quelquefois triturées,
griffées. On s'est rapproché de la ville, pas loin d'ici, un
néo-classique ample et profond diffuse. Tout est suspendu, hypnotique et engourdissant.
Oren Ambarchi 2014 « Amulet »
label : the tapeworm
J'avais pourtant l'haleine avinée et
la langue asphaltée d'une sècheresse fumante. Un comité d'hygiène
et sécurité aurait imposé le masque.
Je me suis posé sur la banquette
ferroviaire de velours crasseux, elle est quand même venue me mordre
la lécheuse et laper les incisives. Le pharynx à sept sur l'échelle
de Richter, juste à cet endroit là, l'affamée a surgi pour me
licher les amygdales toxiques et me lustrer le palais, me laissant
dans un coma cellulaire affublé d'une turgescence surréaliste.
J'ai le souvenir du regard des gens,
outré, jaloux, des secousses du wagon, de mes aiguillages
soubresauts et de ma carcasse épave déposée sur un quai de
province, à chercher la direction habituelle, encore violet de
l'apnée, du plaisir.
Ah si, je me souviens aussi de la bande
son de ce contact fougueux, le dernier Bardo Pond, groupe culte à la
discographie monstrueuse (depuis 1992). J'ai découvert ce groupe de
Philadelphie avec « Dilate » en 2001. Depuis je ne lâche
rien, je prends toute leur magnificence abrasive opulente. A rock, on
peut tout leur ajouter, psy-noise-space-acid-post-shoegaze..., peut
être le seul mot d'ordre, c'est psychédélique. Et pourtant, je
ressens beaucoup de romantisme dans cette musique, surement dû à
Isobel, sa voix, sa flûte, les envolées et l'envie de me laisser
embrasser dans les pires moments de mes phases récifs.
Une pelle utopique.
Autour d'elle, un bassiste et deux
frangins gratteux, un peu comme la formation des Blonde Redhead..deux
frères autour d'une Vénus.
L'intemporalité artistique de Bardon
Pond et sa longévité, représentent beaucoup.
Not on label, Matador, Camera obscura,
ATP, Important..et depuis quelques temps Three Lobed recordings...
Bardo Pond est venu nous faire rêver au sein des meilleures
auberges.. coincé entre la beauté et la griffure.. ATP leur
tremplin, ATP, l'adénosine triphosphate, le symbole chimique de
l'énergie... la pillule All Tomorrow's Parties pour se RedBuller le
bulbe...
Elle est venue m'embrasser goulument,
m'astiquer langoureusement les tabourets de la salle à manger
sinistrée. Elle est venue manger l'intérieur de mes joues, comme on
décolle les sucs, les graisses animales et le fromage caramélisé
d'un plat à gratin. J'ai été son homme quelques minutes.
J'adore Bardon Pond, je savais pourtant
qu'il ne fallait pas que je m'assoupisse avec eux sous la boite
crânienne.
L'horloge biologique va bientôt donner
le départ de la grande succion, assécher le sol, pomper, drainer
par les racines, Illuha à attendre, molécule d'eau stockée, la
patience à attendre que tout bourgeonne et fleurisse.
Quelques âmes aux aguets, un léger
lapse de temps en avance, une bande son printanière avant l'heure,
« You must believe in spring » est une prière à la
photosynthèse, un trio solennel qui ne suinte que des parfums de
printemps. Tout est guidé par les notes du piano de Bill Evans, le
soleil, c'est lui.
Je suis tout minuscule, un bourgeon
devant sa forêt discographique, je sors la tête du limon et je
tombe sur ce printemps là, avec des idées de peinture, juste motivé
par une idée de pochette, éclaboussée par une cascade lumineuse,
blanche de soleil, langoureuse et ankylosée.
Bill Evans 1981 « You must
believe in spring » (session 1977) label : warner
Une profonde découverte, une pochette
et un titre qui disent tout, « Interstices » est une
introspection sonore abstrus, un croquis musical d'un monde
moléculaire, marbre, ardoise, ou un autre morceau reculé de la
géologie, pas très loin de la lumière.
A l'écoute de cet entre deux, quelques
part entre l'enfoui et le grand espace silencieux, j'entends
l'infiniment petit, la musique sous nos pieds, des cathédrales
souterraines, d'où s'échappe vers le grand air, un néoclassique
électro-moléculaire.
Illuha, c'est un duo, Tomoyoshi Date et
Corey Fuller, entre deux mondes, entre eux, des morceaux live captés
pour nos voyages internes.
Y'a pas d'âge pour grandir. Tout le
temps on peut prendre du poil, du plomb, de la moelle, de la cellule.
En fouillant autour du coffret Michael
Bloomfield qui vient de sortir, je me suis attardé sur la
discographie du génial guitariste passionné de blues, la toile a
tissé le reste.
C'est Al Kooper qui est à l'origine de
ce projet, un autre bonhomme à la discographie imposante, en 1968,
il organise une séance de jam dans les studios de Los Angeles. Ils
se sont rencontrés tous les deux lors de la session d'enregistrement
de « Like a rolling stone » de Dylan. Bloomfield lui, a
le respect de Buddy Guy, Muddy Waters, BB King..
Il y aura 5 prises avec l'aide du
bassiste Harvey Brooks. Puis le jour suivant, Bloomfield déprime en
Californie, il plaque tout en appelant à la rescousse quelques bons
guitaristes du moment. Le premier à répondre, sera Steve Stills
dont personne à l'époque ne sait que cet ancien Buffalo est un
virtuose de la gratte. Il saute sur l'occasion pour venir finir le
projet entamé.
Bizarre, pas fréquent un album avec
deux guitaristes différents qui se donne le relais. Al Kooper rentre
avec toutes les impros sur bande, il y ajoute ses voix, quelques
cuivres. Petit budget, court timing, le disque sort rapidement et
rencontre un grand succès.
Il n'empèche, en 68 sort les prises
live de l'album qui s'appelle très justement « Super
session ».
Il est des albums live qui peuvent être
joués sans publique, des sessions de studio, des jam en huit-clos,
du blues impressionniste. Ce Lp, en pleine période de transition
entre le 45T et le 33T, est un joyau monstrueusement bon, un défi,
un rendez-vous organisé, comme le premier boys band récréatif, une
super session d'enfer.. du terreau, de la moelle, un terrain fertile
déjà labouré dans lequel je plante mes instincts musicaux.. ce
disque là pourrait suffire, il devient le point de rencontre de deux
artistes que je connais peu, deux directions dans lesquelles je vais
m'engouffrer et reprendre la substance féconde sur mes lacunes.
Dantesque, illimité, multi-jet.
Mon casque se consume, j'écoute
« Super session » comme on regarde le soleil droit dans
les yeux et laisser la brûlure pénétrer jusque dans le noyau.
Bloomfield, Kooper & Stills 1968
« Super session »
On approfondit, on sort des prises
directes, on travaille un peu plus la gravure, on cuivre grave, on
remplace Stills et Kooper par John Hammond (voix guitare harmonica)
et Dr John (guitare piano percu) et on obtient un album studio blues,
hyper corporel, de la soul, jusque ce qu'il faut pour mouiller un
blues trempé.
La petite anecdote prétend que l'album
a failli ne jamais voir le jour.. trois monstres sacrés, trois
entités artistiques au bord du clash. Il se finira in-extremis pour
notre plus grand bonheur, même s'il reste anecdotique pour
l'histoire. Perso, je trouve que ça s'écoute bien à fond et que
c'est quand même pas un truc dégueux, que quand c'est finit, bah on
le remet.
Voilà, le bilan 2013 est tombé, avec
la rubrique électro délaissée sans approfondir, pour n'avoir
écouté que trop peu d'album cette année là. Et pourtant, depuis
hier, un brûlot froid et décadent me tombe dessus, froid comme du
Poni Hoax, chaloupé, toxique et contagieux. « Sans dormir »
est une longue descente dans une soirée glauque, un long processus
de gueule de bois assurée, le disco-rock un poil 80's se joue dans
les caves d'une boite improbable, perdue au milieu de nulle part. Pas
sûr que l'on puisse retrouver son chemin, on y est venu les yeux
bandés.
Organique, synthétique, robotique, des
variations d'un concept qui brule les veines, Air qui percute Poni
Hoax avec des touches de Daft Punk, et des petites touches
expérimentales, le deuxième album à la superbe pochette de Bot'Ox
est à coup sûr le meilleur album électro 2013. Action corrective.
« Night Stuntman » est une
ode Morriconne des temps modernes, sublime...
Adrian Corker fait une pause dans sa
filmographie musicale avec « Raise ». Pourtant, ce nouvel
opus du minimaliste britannique n'est pas moins cinématographique.
Des cordes, des cuivres et du piano, de
l'ambiant néo-classique-jazz ciblé cortex et pâmoison. Une
dentelle fine électro ajoute une touche d'expérimentation discrète
dans cette excursion imaginaire.
J'ajoute et accumule les paysagistes
sonores, un de plus, avec de la lumière encore plus belle, j'écoute
en boucle « Raise » pour faire de ma boite crânienne, un
cockpit des hauteurs à survoler des nuances extraordinaires.
La clémence de l'hiver me souffle des
envies de contemplation.. quelle lumière ce soir. J'ai trouvé une
belle bande son de quelque chose qui se passe à l'orée d'une
clairière, des teintes revigorantes et l'envie de se laisser manger
par une fatigue, de lui dire..ok, comme tu veux, vas-y prends-moi,
fais ce que tu veux..juste, laisse moi regarder ces cordes sèches,
ces petits effets adoubés. La démission du corps a des effets
extraordinaires sur la vision musicale des paysages. Ici, tout est
parfum et lueurs.
« Between you and the shapes you
take » est une promenade de plus dans l'impressionnisme musical
de deux paysagistes sonores. Il est même possible d'être happé par
la visite d'une créature à la voix hypnotisante.
Sublime petite relaxation lustrale.
Molly Berg & Stephen Vitiello 2013
« Between you and the shapes you take »
10°C au soleil à ébouter quelques
rameaux, avec des tempêtes de parfums trempés, terre, bois
champignons, bière légère au goulot, il fallait bien que cette
communion avec la terre et le soleil soit mis en musique dès le
soleil dégringolant.
C'est chose faite, l'album idéal, je
l'ai trouvé naturellement.
Des airs de printemps se dessinent avec
la majorité de Stevie Wonder. En 71, il a 21 ans et déjà un CV
artistique gonflé à bloc, et de la tune à gogo gérée par Motown.
Le voici libre d'assouvir tout les fantasmes musicaux possibles, et
les moyens avec. Dans les 70's, il va décoller et se placer
exactement sur un palier de perfection avec une poignée d'albums
terribles.
Un point culminant sur ce sommet ? Si
si...: « Songs of the key of life » 1976. Une folie ce
projet de double album. Mais Stevie est affamé, il y va franco, et
propose dans les bacs des incontournables d'alors, et cet opus solaire,
total, monstrueux.
Rien ne le freine, ni son talent
absolu, ni sa visibilité totale au mi-temps de cette décennie
fructueuse. Stevie Wonder fait tout exploser, écrit, compose, joue
beaucoup et enregistre, à tel point que le format d'un double album
ici est un strict minimum, une moindre mesure. Un ep sera même
ajouté à ce monument soul, jazz, rock, synthé. C'est même ici que
fut introduit dans l'histoire de la musique, le clavecin-funk, le
toucher extraordinaire conjugué à l'harmonica. Stevie Wonder.
Il peut tout se permettre.. moyens
techniques, invités (Herbie Hancock) .. culminant et important... et
puis une étape dans le swingbeat.. le relais R'n'B entre Ray Charles
et George Michael. Deux ans pour finaliser ce projet, un son, une
énergie, un talent, une œuvre.
Tout se consume, tout est solaire et
infernal, tellement facile.. « I wish », composé juste
après le barbecue traditionnel annuel de Berry Gordy de la Motown,
montre juste l'envergure du processus inspiré de Stevie qui vient de
faire sonner ses 26 ans.
Festif.
On dira ce qu'on veut, ce disque est
rock, une âme Beatles percutant les Earth Wind & Fire. De
l'électro aussi, du synthé, un climat, du glamour, des tubes à la
pelle pour un seul album.
« Songs in the key of life »,
jamais égalé, récurent, obligatoire pour absolument toutes les
raisons.. ensorceleur ... rien n'y est épargnée. Et que dire de
« As » ?
Numéro 1 le jour de sa sortie sans
aucun 45T dans les bacs.. double vinyl in the top of the world.
« Isn't she lovely », un
hit planétaire, sa femme Yolenda est enceinte d'une petite fille.
On respire, on s'envole et c'est hyper
terrestre, c'est une réussite absolue, corporelle et géniale. Ceci
n'est pas une compilation, mais l'opus 76 de Stevie Wonder.
J'ai taillé en prévision de
l'explosion solaire, la terre est saturée d'eau, un seul mot
d'ordre, quelques minutes de lumière en plus et tout se met à
pomper, du jour pour sucer la boue.. Stevie Wonder 76 pour écouter
le soleil de ce tantôt qui m'a grisé la joue et chauffé le muscle.
Stevie Wonder 1976 « Songs in the
key of life » label : motown