dimanche 29 octobre 2017

Thelonious Monk 2017



Je me suis retrouvé dehors comme pour fuir la maison trop calme. Un brouhaha taiseux m'envahissait le crane m’expulsant d'un huit clos trop pesant.
Mon village hors saison n'avait pourtant rien pour calmer ma panique sourde. J'ai erré dans la ouateur tiède d'un gris qui picore les paupières. Il a beau être loin des circuits touristiques, le village a des allures apocalyptique. Mais une apocalypse détendue, le genre d’événement qui permettrait de rayer de la carte toute pollution industrielle, humaine, une fraîcheur subite totalement improbable. D'autant plus qu'aucun tremblement ni explosion n'a précédé cette douce mélasse dérivante. 


Rue de la Herse, personne, rue du Croc salé pas âme qui vive, je vais prendre la rue Raide pour voir si le gris se dissipe, voir si le haut de ma tour se dévoile une fois avant la tombée de la nuit.
Vide la rue de la poulaillerie, il y a pourtant un boulanger dans cette étroite ruelle que les pompes funèbres accueille.

Je suis perdu sur mon pays, j'ai besoin d'un son de quelque chose qui me guide, de pas d'ici, de pas très jeune, un truc un peu nouveau quand même, un truc pas dégueulasse. Une envie de me faire alpaguer par un grand connaisseur pour que je puisse me laisser emmener vers les fonds grouillants et séminaux.
Je descends la rue du Marché au Blé, je me dirige vers le Fief des Marmousets, vers ces poutres du bois qui a pompé toute l'histoire de ce coin là, le bois du pied de la flèche et de ma tour qui commence à se perdre mangée par le ciel lourdingue.
Le 16ème siècle est devant moi, le bois reste muet, rien à part quelques petites notes de musiques au loin. Le seul son qui sourde de ces rues désertes, je m'avance, je hume le parfum.. voilà c'est ça, c'est ce son là celui qui happe mon inconscient depuis tout à l'heure.. pas un bruit alentours, que ces notes de piano comme un film, je rêve peut être d'une liaison dangereuse, d'une rencontre folle.


C'est sûr un fou de jazz habite là, un mec qui passe des vinyles à longueur de journée. Mélodies imparables..
J'aimerais bien être le gars qui monte les escaliers happé par la musique, frapper à la porte, et tomber sur deux malades de jazz qui écoute un vinyle rare de Thelonious Monk, ce disque-ci qui m'a attiré jusque là. Les écouter refaire le monde et y être invité quelques instants en sirotant un pastis glacé, devant les yeux vagues et les seins nus de la fille qui tricote sur le lit. C'est sûrement Nelie son prénom. Une vieille mansarde, des disques et des potes.


Je vais pas refaire le chemin à l'envers, je ne suis pas loin de mes pénates. La nuit est tombée une heure plus tôt, j'aime pas cette entourloupe d'automne, ce glas pour l'hiver. Je vais rompre le silence de mes murs et écouter ravagé par le spleen d'un village qui se meure, un vieux Thelonious ressurgi des bandes des sessions pour la BO du film qui ne gardera que les notes d'Art Blakey. Jazz, libertinage, cinéma, Thelonious à torde les restes d'un dimanche langoureux.. dehors tout dort.


Thelonious Monk 2017 / 1960  « Les Liaisons Dangereuses » 
label : sam records / saga / zev feldman




3 commentaires:

cabinoffear a dit…

La tour, le retour. Quand l'automne glisse vers l'hiver. Thelonious Moine brasse dans les enceintes.

charlu a dit…

Yep T, tu crois pas si bien dire, me suis tapé une St Feuillien en rentrant pour déguster ce Monk.

DevantF a dit…

Superbe!! Je parle de la promenade dans ton village

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