Les décennies défilent et rien n'y
fait, un parcours sans faute aucune celui de Lavilliers. Les albums
apparaissent au fil du temps avec la fidélité d'un homme, de son
talent que rien ne corrompt. Sûrement le social dégueulasse le fait
avancer, les vies qui se salissent sous l’œil vitreux en bronze
des gentilshommes de fortune. Prédateurs capitalistes.
Rien n'a jamais fléchi, droit dans ses
tiags, jamais un seul coup de mou dans sa discographie, depuis 1968
Decca, jamais je n'ai faibli depuis que je suis entré dans son monde
en 1986, « Voleur de feu » et son double « If ».
Travelling arrière « O Gringo »,
« Etat d'Urgence » et sa violence froide, « Solo »
et « Clair Obscur » et tout le reste.. tout me va. « On
n'est pas d'un pays, on est d'une ville ». Je suis fondu dans
la mienne, il fait beau après une nuit de pluie, j'écoute
Lavilliers 2017, toutes tripes et glandes lacrymales dehors.
Quelquefois l'espoir revient, avec le
plaisir d'une guitare. Symphonique et groove, proximité ou exotisme,
un grand cru, comme d'habitude. 21ème album et seulement le 3ème
billet pour moi..pas impossible qu'il revienne un jour quelque part.
« 5 minutes au paradis... avant
que le diable n’apprenne ta mort... »
Bernard Lavilliers 2017 « 5
Minutes au Paradis » label : barclay »
Ça commence comme un croquis de Keith
Jarrett... et le temps s'étire sur le massif. Tout en caresse le
gris des ombres bleuit sous les notes d'une impressionniste.
Sophie Hutchings sait parler des
paysages, « Becalmed », « Night Sky », « Wide
Asleep », « Drift » et « Yonder ».
Sophie Hutchings 2017 « Yonder »
label : hobbledehoy
Les cèdres saupoudrent nos caisses,
les derniers arbres de mes collines à souffler sa poudre dorée,
marchants de sable sous les yeux malins d'un Orion tiède.
Les cèdres empoussièrent nos nuits,
tout va bientôt se taire, s'éteindre pour de longues semaines sans
pollen. Attendre le corylus des rois, la noisette pour nos narines
Verseaux.
Petite musique nocturne Eno néo-classique
automnale d'un pianiste from Le Cap.
Jason Van Wyk 2017 « Opacity »
label : home normal
Le folk dans les chaussettes, je passe
au grand son pop des groupes rock. Hallucinant la faculté de ces
mecs à aligner des disques parfaits dans le genre, celui-là plus
encore.
Un petit touché racoleur avec la
possibilité d'embarquer quelques foules.
Ils ont le sens assez ciselé de bâtir
des superbes chansons pop d'envergure, power truc ou rock machin, ça
fuse et flotte. Une précision et surtout The War on Drugs prend le
temps de poser chaque morceau, histoire de faire durer le plaisir, 6
minutes voire 12, on s'installe là dans un crane qui plane au beau
milieu d'un ciel écarlate à tel point que la dernière envie
immédiate est de se poser, deralentir et de revenir au sol.
Une fois de plus, la voix Tom Petty ou
Dylan ado chantant la pop atmosphérique se fond parfaitement dans les
claviers planants, la basse infernale et les soli guitare vaporeux.
J'aime la fulgurance de « Holding
on », de « Nothing to find » et de « In
chains », des bolides que rien n'arrête.
« Thinking of a
place », le voici le petit quart d'heure à planer pop, tout
près de « Pain » à la basse chaloupée.
Né de l'auberge Secretly Canadian, The
War on Drugs est passé direct chez Atlantic, aucun rapport surement, mais la dimension ici explose, ramasse et dépasse, tonne. Ne
pas se fier à la pochette intime, cette pop de Philadelphie est
géostationnaire. J'aime bien les disques de The War on Drugs.
The War on Drugs 2017 « A Deeper
Understanding » label : atlantic
Descendance, Neil Young en p'tit père
qui carbure sec, Iron & Wine en digne descendance avec un album
folk comme un grand retour au source. J'avais d'ailleurs perdu Sam
Beam pour s'en être éloigné, pour avoir perdu la substance de son
acoustique, « The Creek Dranke the Cradle » et « Our
Endless Numbered Days » étaient pourtant si beaux.
Il n'y a rien qui se détache dans cet
opus, il tient le cap tout le long de sa douce chevauchée poétique,
c'est un Beam épique ce « Beast Epic ». Et cette
fois-ci, la barbe est là, et la huppe.
Il faut croire que j'ai bien du mal à
lâcher le chapitre folk. Il est sûrement le son récurent de mon
quotidien, tu écoutes quoi toi comme musique ? Plein de trucs,
mais ce que je préféré entendre c'est la musique folk....reste à
définir ce genre, culture locale strictement acoustique d'un coin du
monde quelque part où il fait bon chanter la nature ou les
paysages ? Ouaih, c'est un peu ça.
Le folk est né pour chacun possédant
une guitare sèche ou autre cordes à musique, sur les terres outre
Atlantiques. Chacun certes, mais surtout les fermiers, les cow-boys.
Et voilà, c'est avant tout une musique de blanc apportées par les
migrant du vieux continent tous chargés de leurs traditions
musicales. Sur ces terre presque vierges, le blues et le jazz
brûlaient déjà les âmes du côté de la communauté noire. Le
mélange des deux et c'est le rock'n'roll qui bouleverse l'histoire
dans les 50's..le rock..etc etc. Et le folk dans son entité pure n'a
plus cessé de se renouveler tout en se répétant... et vice et
versa. Métissage musical.
Woody Guthrie, Pete Seeger, green
village, beatniks et hippies, folk anglo-saxon, traditions, son de
bois, songsters et folksinger...Laurel Canyon, Irlande et
Appalaches..et tous les continents du monde. Toutes les époques, le
folk n'a rien perdu de sa parure. Revival ?? pas sûr puisqu'il
n'a jamais dépéri, même les décennies les plus synthétiques
gardaient au chaud quelques folkeux acharnés tels Ben Chasny.....
Il y a des coins du monde où il fait
bon balader ses boiseries musicales, Glitterhouse, Acuarella,
Important records, Fonal, Kraak, Foxy Digitalis, Last Visible Dog
(fermé en 2010), Root Strata, Time Lag, même certains label
d'obédience électronique s'y sont mis, histoire de réchauffer un
poil les âmes organiques, Warp (avec Gravenhurst), Kompakt (avec
Nick Hoppner), Karaoké Kalk (avec Dakota Suite), Peacefrog (avec
Findlay Brown), How to kill the dj (avec Jason Edwards) ou Asthmatic
Kitty avec le tout jeune et nouveau Angelo De Augustine.
Quant à la barbe qui va avec, c'est
une autre histoire, c'est selon, avec ou sans, Bonnie Prince Billy ou
Bob Dylan, Devendra Banhart ou JJ Cale, Townes Van Zandt ou
Fitzimmons, John Fahey ou In Gowan Ring, Iron & Wine ou Micah
P.Hinson.... Neil Young 76. Des couples aussi, MV&EE, Angus &
Julia Stone, Johnny and June Carter, Bob et Joan....
Troubadours, chantres, malandrins,
ménestrels, bardes, trouvères.. de la musique boisée folklorique,
une guitare de nylon qui chante la terre du coin là juste en bas de
la marche en bois, il suffit juste de quitter mollement son
rocking-chair pour fouler la poussière et les belles étoiles. La
sève ? Peut être, celle des grand conifères ancestraux en
tout cas, ceux qu'il faut abattre à la lune tombante pour que le
bois sèche plus vite et que la résonance du coffre fasse
frissonner.
Dans mon bout de jardin que je bichonne
comme le cerf ses bois, je m’ébahis sans cesse au son du breuil et
du rondin.
Neil Young 76, une résurrection
émouvante, deux inédits formidables dont « Hawaii » qui
passe inlassablement. 1976, un peu de barbe juste cette année là,
pas loin de « Tonight's the night ».. Une seule nuit folk.
Neil Young 1975/2017 « Hitchhiker »
label : reprise
Après les filles, la maman. C'est une
vieille histoire de folkeuse avec au moins 10 000 maniaques amoureux
de l’acoustique à faire travailler sec les glandes lacrymales.
Natalie est très peu sur les réseaux,
je peux donc me l'imaginer rien que pour moi. Même le saxo de « She
Devil » me rend tout chose.
L'acoustique est là, l'orchestre
aussi, il en pleut des cordes, une once de jazz, du celtique, et
surtout sa voix unique.
L'automne nous nargue, rien à battre
y'a le nouveau Natalie Merchant sur la platine, des larmes
diluviennes.
Les tempes aux rives salées de Natalie
exaltent de parfums et des essences. J'ai la troublante envie
d'embrasser chaque recoin de bout de parcelle de la peau de son
visage en écoutant « Butterfly », son nouvel album.
On garde le cap, on ne change rien ou
presque, une autre fille acoustique qui fait craquer tout amoureux de
chanson parfaite à errer béa sur les sentiers folk peints de
lumières. Une once d'électricité en plus, une légère onde
tribale en moins, juste après This is the Kit, j'écoute fébrile
l'album éponyme de Bedouine.
Là, ici, il y a un orchestre en plus
et les dimensions s'envolent. Un label aussi, celui de Matthew
E.White avec Spacebomb, un toit qui a déjà fait fondre les âmes
avec Nathalie Prass, et Georgie. Pièce par pièce Spacebomb installe
doucement sa marque de qualité, et c'est cette signature là qui m'a
envoyée vers Bedouine.
Folk orchestral avec une basse et
batterie sonnant Beck, une voix, une écriture imparable, un beau et
délicat album.
Certes pas mal de filles ont déjà
proposées de la sorte, dessins, architecture, structure et textures,
racines Joni Mitchell en Siennes brûlées... mais une chose est
sûre, This is the Kit sonne dans mon ciboulot comme un disque unique
d'un presque ailleurs, pas loin d'une terre authentique, un monde à
part, un univers bien à elle, Kate Stables de Bristol.
J'ai l'étiquette fatiguée je me suis
laissé embarquer vers elle ne voyant qu'elle, facile, cohérente,
tendrement talentueuse.
Il ne faut pas non plus se fier à la
pochette, à moins que l'on aime la folie magnétique des pleines
lunes. Ce sont bien ici de belles chansons mélodieuses acoustiques
que la lumière primaire dévoile avec ses couleurs minérales
tendrement toniques. Le noir trouble est à des lustres, guidant vers
la lueur pastel chamanique. Matin, soir, on s'en fout, ce disque folk
cuivré est unique.
This Is The Kit 2017 « Moonshine
Freeze » label : rough trade
Ce mythe 90's s'est dispersé et j'ai
lâché sur les bandes-son, « The Revenant », « Atomic »
voire le truc chelou sur un footballeur dont j'ai oublié le nom.
« Mr Beast » il y a douze ans fut ma dernière aventure
avec les écossais Mogwai.
Pourquoi de mon plein gré j'ai écouté
celui-là ? Pour la pochette assurément. Et tout est revenu à
moi, malgré le départ du guitariste John Cummings, le son,
l'esprit, un rock d'esprit et d'imagination.
Ils ont beaucoup changé de label, la
phase Chemikal Underground avec « Come on die Young »
reste ma préférence. Dave Fridmann est aux manettes sonores de cet
opus là, et Abbey Road les murs du son.
Quand Steven Wilson veut s'acquitter du
rock-prog pour s'ouvrir au mainstream, Mogwai eux décolle du
post-rock pour s'installer doucement sur un rock pur bien solide,
même si du post il y en a encore, et du bon bien produit, comme
j'aime.
Ça fuzz, ça plane, ça monte
lentement très haut parfois, c'est du grand rock post-rock. Du vrai
Mogwai. Et encore une fois, quelle pochette !
Mogwai 2017 « Every Country's
Sun » label : rock action
Le mastodonte sonore emmené par le
gigantesque multi-instrumentiste Aidan Baker a canalisé sa puissance
dans l'acoustique. « Stripped » est déroutant, tout se
réveille en douceur dans la plus douce des horreurs, comme après la
tempête quand la lumière sourde à nouveau et farfouille les terres
cendrées. Une voix appelle aux derniers survivants et les fantômes
d'une flûte et d'un accordéon flotte sur l'espoir comme une arche
de braise. « Clinodactyl » est une merveille poétique
planante.
Comment imaginer notre contagion ?
Lancinant, répétitif, beau comme un
Angel of Light, un Mount Eerie, un Low ou un Ben Chasny, des cordes
en boucle sur un drone boisé, c'est sûr il reste de la vie pas
loin.
Voilà ce qu'on dit du groupe :
ambient-drone-metal, combining ambient electronics & fragmentary
vocals w/ snail-crawl, epic riffs & dirge-like percussion,
stoner, doom.... il s'agit ici de quelques morceaux dark folk de
Nadja revisité, dans un monde où l’électricité reste à
refaire.
Voilà, le gars il rencontre une fille
sublime, il tombe amoureux et elle devient sa muse pour un terrible
album 70's qui vont créer ensemble, et qui sort maintenant, là en
2017.
Orgue guitare heavy rock comme à
l'époque fulgurante du DeepSabbath avec Manzarec au clavier, ou
bien Hushpuppies produit par Burgalat avec la Juniore à la voix...
cet album est un tour de magie fantastique pour changer d'époque,
une illusion d'optique, une machine infernale à broyer les
calendriers.
Tellement de couples rock, de The Kills
à The Liminanas, en passant par The White Stripes....Doris et
Matthew posent ici et bien avant si on veut du 70's jusqu'à plus
soif, un glamour psychédélique rock sensationnel .. tiens un mot
sans age qui colle bien au son, désuet et intemporel que ce
« sensationnel », admiration, exceptionnel, remouds,
fortes impressions, et quelle belle moustache.
Dream Machine fait son numéro, ça
envoie le bois dans les rotules en titane, ça va jerker grave pour
les hanches en plastique, déboussoler les âmes.
Doris c'est les claviers, Matthew la
gratte avec un CV en béton, deux écritures, un disque bicéphale
sensass.
Dream Machine 2017 « The
Illusion » label : castle face