mardi 4 décembre 2012

Claude Léveillée 63



Un genou en vrac, je profite de cet isolement mécanique pour m'accrocher goulument à mes étagères discographiques, l'occasion de plonger dans l'alignement vertical des vinyles qui sentent bon la vieille pochette. Et Claude Léveillée tourne et tourne au son des crépitements du saphir et l'autre genou va bientot plier à son tour. Ou bien peut être est-ce le bruit des buches mourantes, ou le clapotis des averses glaciales sur le toit automnal de la verrière ?
Et j'entends à nouveau mon disquaire de la rue des écoles me parler de ces auteurs, cette bande de poètes dont on ignore la substance par flémme et qui prennent la parole. Je l'entends encore, ému, me dire que ce vinyle là est dans le noir, au fond du placard en dessous des bacs disponibles depuis des années. Columbia, Gilles Vigneault en binôme, ces gueulards guidés par l'amour des proches, des sentiments, des choses simples, de l'amour tout simplement.
Il est un peu usé le 33T, certes, mais authentique et la photo d'André Lecoz, la garantie en haute-fidélité et le monorale en FL 303.
Très peu d'autres indications sur la pochette d'époque, noir et blanc. Claude est beau dessus, fier et léger, Vigneault se devine à travers, « tiens je te le donne » finit par lâcher mon disquaire. Quelques galettes dans le sac, j'ajoute celle-là pour laquelle j'aurai pu laisser quelques kopecks. Et je pense à Gérard, mon oncle peintre qui aimait tant Léveillée, avec qui j'aurais pu pleurer de revenir au port ainsi heureux comme un marin après une pèche miraculeuse. Mon disquaire me l'a tendu, et je veux le partager. Allez, plongez avec moi, laissez-vous embarquer vers ces poètes meurtris, vers ce 33T rare que j'ai cueilli, comme on part toucher du bout des doigts cette pierre ultime d'un pèlerinage poétique nimbé de mélodies .. « comme rivière à source défendue, ou guitare à la corde cassée .. un cœur à l'amour s'est pendu ».

Plus que jamais les chansons prennent aux tripes. Les cascades de piano nous dégoulinent sur le vague à l'âme comme une symphonie de chansons francophones terriblement humaines. « Ne dis rien » pourrait inviter Brel, mais aussi Maurice Fanon. Et sans jamais tendre vers un auteur ou un autre, Léveillée est un artiste unique, comme sa voix et son humilité.
J'aimerai bien aller chez François comme Henri Tachan, ou chez Frédéric pour me foutre du monde entier à parler de nos 20 ans, comme j'aimais aller chez Gérard.



« Claude Léveillée » 1963, son deuxième 33T, en collaboration direct avec Gilles Vigneault engagé au « Chat noir », la boîte à chansons dont Claude est directeur artistique.



Claude Léveillée 1963 « Claude Léveillée » label : columbia









2 commentaires:

La Rouge a dit…

Quelle trouvaille! C'est bon à lire de chez vous.

charlu a dit…

Viii merci .. quand je pense qu'il a fricoté avec Piaf... beurk :D

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