jeudi 24 février 2011

Tim Hecker



« My love is Rotten to the core » est venu perforer ma docilité musicale en 2001, m'attirant, happé et subjugué, sur les terres lourdes et sombres de l'ambiance drone. Ce disque, c'est l'apparition discographique de Tim Hecker seul, il venait alors de glisser des Godspeed vers Subtractive records, une arborescence d'Alien8recordings, elle-même branche toujours bourgeonnante de Constellation. Ce mini album est venu exprimer son vrombissement humain électroniquement métissé d'Aphex Twin avec lequel il a collaboré. Quel chamboulement, quel choc et je ne devais plus quitter ce paysagiste ténébreux, ancien membre du groupe électro-ambiant Jetone. « Mirages » (superbe album) en 2004 est venu confirmer irréversiblement le pacte.

Timothy.D Hecker est canadien et son dernier album « Ravedeath, 1972 » sort ces jours-ci, l'évènement est de taille et l'émotion palpable. Si Barn Owl oeuvre dans les sphères cosmiques, Tim Hecker lui reste à portée d'écorce terrestre. Ses nappes sont urbaines, venues d'un monde parallèle proche. Tout en imposant une altitude et une teinte, il laisse juste ce qu'il faut de liberté pour se procurer son propre paysage, ses propres fantômes.


Tout part d'un trouble, d'un nébuleux endroit obscur, puis peu à peu tout se structure, s'affine et devient plus net. Les nimbes se dissipent et nous voyons dans la pénombre, nous entendons les orgues vibrer. Une éclaircie passagère, puisque tout se brouille à nouveau et pénètre le monde abyssale de Nadja ("in the fog III").
De ce groupe, il y a cette preuve voisine d'avoir tonné sous le même toit, mais aussi cette emprunte co-écrite avec un autre paysagiste moribond et leader de Nadja , Aidan Baker. Fantsama parastasie»). Le noir se reflète et brille dans cette encre visqueuse musicale que seuls quelques timides réverbères éclairent outrageusement. Un peu plus haut, « hatred of music » happe en géo-stationnaire, avant de replonger dans les abysses brûlants « analog paralysis, 1978 ».



Une véritable cathédrale sonore perfore les enceintes, et c'est sur l'intro de « no drums» que les esprits sont les plus lucides. Chaque album monte en puissance et le drone apoastre tient tète à toute force naturelle. Combat titanesque avec les éléments. Une musique abstraite pour un monde qui ne l'ai pas tant que ça. Les instruments sont discernables, ils flottent dans cette texture lourde et épaisse. Le drone est une science musicale qui promène ses degrés aussi bien sur une échelle pondérale qu'en altitude. La vitesse aussi entre en compte, celle centrifuge qui plaque le son en mouvement métallique contre les parois d'un puit profond, une prospection circulaire, haute et pesante.


Tim Hecker depuis trois albums Harmony in ultraviolet » et « An imaginary country ») semble se plaire chez Kranky, un label qui lui va bien, laissant Alien8 à ces nouvelles turpitudes trash et aux fraternelles textures d' Aidan Baker qui vient de sortir un époustouflant « liminoid/lifeform ».

Il est question de brouillard, de suicide, de paralysie et d'air : "Ravedeath, 1972", la bande son.


Tim Hecker 2011 "Ravedeath, 1972" label : kranky


échelle de richter : 8,88
support : téléchargement
après 3 écoutes.






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