Perdu entre le hurlement
des gyrophares et le cri des mouettes je passe au pieds des grandes
façades à fenêtres. Le temps grincheux trempé dans sa plus grise
froideur me file un bourbon Jason Molina. Plomb assourdissant, je
vais me forger une arme sous mon écharpe à triple tour pour
escorter mon épaisse avancée vers une possible embellie. J'ai faim
de soleil. Même un pâle à nacrer les réverbères ferait
l'affaire.
Je vais où il faut aller
au milieu des petites voitures essoufflées et des pigeons estropiés.
Il y a bien ces mouettes perdues que la Seine a ramenée jusqu'ici.
Attirées par le parfum avarié d'une ville à marée basse, et
l'albâtre des murs des mornes musées, elles planent au dessus du
parc de Choisy.
Je me souviens d'un bel
album perdu au milieu du grand catalogue Acuarela Discos devenu
Acuarela. Un artiste coincé entre Sr.Chinarro et Nacho Vegas, une
discographie éphémère, une pièce ressurgie des décombres de la
mélasse qui me suce le carburant. Pochette de carrelage des pays chauds, je l'ai trouvé, « Ay... », en
Espagne aussi quelquefois il fait mauvais temps.
Après un silence de
quelques années, Fabien avait annoncé la couleur en 2014. Un Ep
absolument parfait, ou plutôt un mini-album. Tellement accroc
j'étais, qu'une légère frustration devait user ma touche repeat.
Puis plus rien du « Littoral », sauf qu'il
s'agissait là d'une mise en sourdine, d'un truc fort à mijoter pour
plus tard, une mise en bouche, une étape. Puis plus rien ? pas
tout à fait, puisqu'un premier signal est venu mettre la puce à
l'oreille, « Plus rien » en bonus il y a quelques
années.
Pile entre les deux, il y
a eu un confinement, l'introspection de mes étagères musicales, cet
Ep au milieu des 33T, je n'en ai aucun autre. Un tourbillon de
musique et un recul sur les archives. J'ai tout rangé, tout trié,
des artistes restent plus que d'autres.
Depuis, Fabien a canalisé
son rivage, retrouvé les pièces égarées, d'autres tranches du
quotidien qui font chantonner les nôtres. De la jetée on voit les
grandes marées. Redescendu des montagnes, il nous emmène pour un
doux séjour au bord de la mer. J'ai encore un vieux poste à laser
dans ma guinde sans option, des disques dans la boite à gants et je
vais suivre le « Ciel de traîne ». Fabien
augmente, tout semble évident et ma frustration s'envole, la grève
est gonflée à bloc. C'est sûrement mieux ainsi, avoir laissé un
peu d'érosion sur nos tempes pour revenir plus beaux et plus forts.
En 2014 j'approchais de la quarantaine et je reprends cet album avec
mes rides augmentées, des retrouvailles dispersées avec un son
étoffé, délicieux. Fabien dans son studio Little est devenu un
producteur, un artisan du son, comme un réalisateur sur ses rôles
de composition, pour les autres aussi. Un label, une cohérence,
trois inédits inspirés et du retravaillé. J'avais un gros faible
pour cet EP, imaginez mon plaisir décuplé. Le tout revenu, peint
avec une autre palette, retoucher, décrocher le suspens.
Fabien
Martin 2025 « Littoral augmenté »
sur Littoral records
1980, une brochure
distribuée en Angleterre, c'est la guerre froide, une clé pour
survivre à une guerre nucléaire..« They tried to warm up ».
Kate Bush sortait « Breathing », son cri contre la
menace d'une guerre nucléaire.
J'ai mis une pelure pour
sortir prendre le paysage. Quelques miroitements sur des flaques en
chemin ont eu raison de mon planning. Molle escapade en bas de chez
moi pour terminer la journée tiède. Une fois de plus le temps du
ciel et la lumière dehors, comme les vanneaux face au vent.
J'ai foulé une tonne de
feuilles, le sol acoustique buvait mes pas. Toutes ne sont pas
tombées, les jeunes branches de peupliers gardent encore au bout de
jeunes feuilles jaunes qui luttent et qui veulent voir le spectacle
jusqu'au bout avant que le gel n'arrive. Les lentilles d'eau dans la
ravine jouaient à peine avec le bleu du ciel, tout frémit.
C'est au soleil disparu
derrière les grise lenticelles que j'ai rebroussé chemin. La
lumière était belle, le froid tombait avec la lueur et j'avais les
pensées qui chantaient des ondes anciennes de Dan Matz en Windsor,
ou en Birdwatcher.
L'automne mûr était
distrait, les insectes voltigeaient encore, les chrysanthèmes se
demandaient ce qu'elles foutaient là avec la rose de Noël. La
grande tiédeur fauve du soleil bas a eu raison de moi, j'ai décidé
d'écouter « Daylight Daylight » de Steve
Gunn.
Il s'agirait de prévenir
nos cœurs fragiles. Opéra pop tragique dans un écrin, la lumière
dans le plus bel affolement. Rosalia me propulse dans un autre espace
temps émotionnel. Gorge sépia quand mon grand-père écoutait de
l'opéra dans une autre langue et que seule l'émotion me muselait le
bec. Je voyais la fébrilité sans rien comprendre. Les effets je les
avais, il me semblait comprendre en frottant la viscosité des larmes
entre mes doigts. Il me reste des ondes lyriques dans le plasma.
Sinon, pourquoi « Lux » me fout par terre.
La langue aussi, celle
principalement qui sépare géographiquement mon socle de mes amours
fraternels.
Je n'aime pas les
comédies musicales, et pourtant je la vois chanter et danser avec
l'orchestre invisible dans son tourbillon à elle. Cinéma sûrement.
Almodovar des grands clochers. Une histoire d'amour dans une
hacienda. Des héros, des filles brunes, à peine une petite flamme &
Co, la grande héroïne Rosalia, comme une Amalia des contrées de
Fundao qui tient un pays debout....Andalousie, collines de la
Castilla y Leon, Salamanca le long des arêtes de la Guadarrama... ma
boussole s'emballe.
La jugulaire fébrile,
« Lux » me traverse, rien pour m'accrocher,
ni lutter, je suis au milieu de rien, à travers tout, je flotte et
chute, respire à nouveau, avant la petite apnée de son Christ
italien qui pleure des larmes de diamant. La note est atteinte,
l'opéra vibre. Nous sommes dans les loges.
Et je repars encore, tout
dans mon sillon, sans franchir la ligne de Vilar Formoso, je suis
descendu vers Badajoz. Marvao et Castelo do Vide sur mon épaule
droite, les beaux villages du bout du monde où j'aime aller déposer
mon acidité.
Poupée de porcelaine,
mon âme safran souffre sur « Memoria », un fado
avec Carminho et mes yeux ont pris tous les fleuves de la péninsule,
Duero, Tejo qui veulent l'océan aveuglément, plutôt que la mer. Chœurs lointains dans
les murs d'une église ou d'un château, je vais me rapprocher de la
Huelva et attendre que le soleil tombe pour boire la belle lueur qui
incendie l'Algarve. J'irai demain m'échouer plus haut sur Barcelone.
Post-rock à l’orée
d'une grise ville, l'haleine vrombit à l'approche des tours à
fenêtres grises mines. J'ai l'habitude d'aller voir ailleurs quand
il me manque ce genre de son. Ça rigole plus chez Ici d'Ailleurs,
après Zerö, Arnaud Fournier.
C'est âpre, un goût de
sang dans la bouche de métro, le voyage fut long, les coteaux
fleuris se délitent sur les façades éméchées. Les belles noues
en caniveaux ruisselant d’auréoles mordorées s'entortillent vers
les grands boulevards. Quai 24 à Montparnasse, la Tour se dessine en
flou, mon cou se brise, la pluie a dû crépiter toute la nuit, des
moues bistres défilent loin de mes pâturages. Avenue du Maine je
bifurque sur Froidevaux et longe ce Champ du repos à ma gauche, les
platanes ont jauni l'asphalte. J'avance vers les Catacombes. Ma ligne
de métro est fermées pour une dizaine de jours, une autre ligne
m'emmerde et les bus pataugent partout pour offrir quelques
enjambées. J'ai mon casque et mes gambas. La marée de vélos, c'est
pour dans une heure, deux ou trois noires trottinettes fulgurantes
seulement me frôlent. Le ciel est gris jaunâtre comme le pus des
yeux des fatigues que je croise. Boulevard Saint-Jacques, « New
York Belle Île » me percute, le bas des immeuble blancs au
dessus de la Butte aux Cailles apparaissent doucement, tout clignote,
artères irrespirables, record d'humidité, les articulations
dégustent. « Miroirs » attaque mes cellules. Hint
est là, les anxiétés sortent des ténèbres.
« Elle boit mes
larmes à la nuit agonisante... ». On est en pleine semaine,
c'est une chance. Bientôt le week-end, planquez vos bouteilles,
Adrian est là, et en pleine bourre. Avec qui je préfère partager
un godet pour me déboîter la gueule ? Dury fils ou Crowley à
8,6 sur l'échelle de la joie ?
J'écoute « Measure
of Joy » et je sombre, ou plutôt je m'accorde un reset
pour repartir un peu plus et garder le cap, m'accrocher à la
risette. Ma catharsis, me carcasser l'échine en s'ossant
le bulbe et traverser la meute hagard. Cet Adrian est ma Ventoline
quand il faut traverser Denfert en ruine, le musée de la libération
juste en dessous et les cranes entassés juste en face dans le Champs
du repos. Envergure dans la cave. Faut creuser encore pour cacher les
bouteilles, puis élargir, envergurer. On va finir par trouver
un coquillage à force de forer le bleu outremer et fourrer la vase
ainsi au plus profond de nos sous-sols de sanitaires à vider.
« Measure of
Joy » n'est pas un leurre, Crowley n'est pas Callahan, ni
Arab Strap et pourtant, la lie sonne l'appel du lit. Ces gars là
chantent bien nos haleines avinées et l’hallali quand il faut
entortiller la viande dans le torchon. Si on était vendredi, je ne
serais pas le même, « ivre de promesses ». Une chance.
On est jeudi, ça ne tient qu'à un fil.
Fantastique épopée
opulente et généreuse, le bilan d'une vie dans un onirisme
envoûtant, troublant, brumeux et luxuriant. Comme une biographie, ce
disque en biopic propose les images du film de sa vie. Interludes
ambiants comme pour laisser se dessiner quelques scènes que l'on
devine.
Introspection orchestrée,
la mélancolie dans la besace, on s'engouffre dans son émanation.
C'est un vertige, mes
mots sont timides, j'énumère comme ça en urgence, concis, sec, à
l'inverse de cette grande aventure.
De la buée sur mes
carreaux, ou alors sur mes lunettes, à moins que ce ne soit mes
yeux.
Totalement sous le
charme. Presque sans mot.
Andrea
Laszlo De Simone 2025 « Una Lunghissima
Ombra »
Une vielle connaissance,
une voix qui résonne. Pas rendu visite depuis 2014. J'aime beaucoup
sa façon de prendre son expression, d'interpréter follement ses
escapades pop bariolantes. La fulgurance de son groupe et la
gifle 2004résonne toujours, le cri fauve d'un cortex rock engorgé,
je voulais dire la gorge babillarde.
Je reviens à Leithauser
via cette nouveauté facile, légère, toute chargée de son
interprétation fleurie d'un léger fauvisme Dexys. Timbre toujours
aussi généreux histoire de souffler chaud sur les premiers frimas
de novembre des dernières fleurs.
Hamilton
Leithauser 2025 « The Side of the Island »
Complètement happé par
la pochette, elle me renvoie aux grandes heures du Cerberus Shoal et du
Big Blood. C'est au chapitre rock-prog, un autre projet de Steven
Wilson. Porcupine Tree main dans la main avec Opeth (Mikael
Åkerfeldt). Le résultat est stellaire, vaporeux et minéral. De
belles lumières sous des filtres clairs.
Nappes, moments
acoustiques comme Gowan Ring,une grande maîtrise dans l'apaisement
mystique.
Aucune grande envolée
tellurique, ou presque pas (« Hag »), le sanguin
amorti, une kyrielle de personnages engourdis défile et « Happy »
approche le monde inspiré de Thom Yorke.
Nylon des cordes, étendue
des claviers, le dessin des écritures est paradisiaque à sa façon.
Un bancroche éden. Je suis dans le prog jusqu'au coq.
Au détour d'une
réédition vinyle, je découvre cette autre face cachée de Steven
Wilson, histoire d'un seul album, singulière bambée à peine
déroutante.
Incroyable, fallait oser,
jusqu'au look Ozzy, je n'en demandais pas tant, des jeunots du fin
fond du phare-ouest paimpolais, je joue le jeu et plonge comme un vieux
diable addict au rock psyché heavy prog. Les nappes de synthé
affolent le couchant. Le batteur annonce la tempête dès l'intro.
Affolant.
Un papier lu (R'n'F), une
écoute accroche, et les infos tombent. Une réédition de Uriah
n'aurait pas autant déclenché d’enthousiasme chez moi, ça vient
de sortir, c'est Moundrag et j'ai les poils.
« The Caveman »
mon Dieu, dommage que je ne puisse plus me laisser pousser les
cheveux. Les étiquettes pleuvent, normal, ils côtoient le Deep
Purple, les touchent du doigt, ont fait un soir leur première
partie, il y a de la mélodie en plus et surtout un jeu à deux. Du
vivier plein les bras, une prouesse.
Je reprends mes esprits,
les frères Duvivier ont commis ce « Deux »
brûlant de jeu, de passion et d'histoire. L'est où la gratte ??!! on dirait pas mais rien du tout (j'ai pourtant
commencé à « Air guitarer » comme un bleu), un batteur,
un clavier, et un bassiste pour cet opus. La voix est raccord, l'onde est
fantastique.. King Emerson Ghost etc. Tout y est à deux .. Deep
Paimpol.
Quoi d'autre ? Bah
la pochette, absolument dans les cordes, magnifique. J'ai commandé
l'opus disponible qu'à distance pour l'instant, histoire de le
présenter à mes enceintes et de brandir bien haut cet incendie du
genre. Beau et infernal. Venez mes enfants, papa a un truc à vous
faire écouter, c'est une nouveauté, nan c'est pas british, presque,
après vous faites vos valises, on se à Quimper.
Si c'est pas du pif
sablonneux ou de l'addict subliminal ça, juste pour me dire d'aller
faire un tour de ce côté-ci, de Howe, parce qu'il se trame un truc
dingue qui vient juste de paraître. On pourrait appeler ça un super
groupe comme on a pu voir s'amuser les Travelling. Howe Gelb, M.Ward
et McKowski en toute humilité viennent de commettre un petit album
du cru, solaire et poussiéreux.
Lézarder au clair de
lune.
Il y a quelques années,
durant l'un de mes exodes chez mes frères lusitaniens, j'ai vu figé
au dessus du frigo sur le mur blanc du sous-sol, um lagarto, un Gecko
hagard. Je l'étais aussi, moi le beauceron gris éberlué. Je n'ai
rien dit, ni alarmé. Il y a un irlandais chez ces americanos
chaleureux, Mark McCausland, l'alias de McKowski. J'aime l'idée des
projectiles outre-atlantiques qui peuvent faire par exemple de
Fleetwood Mac un autre groupe (ne cherchez aucune ressemblance).
Bref, il y a une semaine
je replongeais dans OP8. Une soirée entre amis avec une playlist
Calexico et hop, l'alterégorithme.
Et puisque nous sommes
tous sur écoute, voici la dernière proposition qu'on me propose. Je
cède, je prends, je craque et j'accepte. La main tendue invisible.
Je l'adopte. Et « Black diamond » me cisaille la
veineuse.
Je veux longer les
interstices, me faufiler à travers les entre-côtes, observer figé,
embrasser les adventices, et grailler quelques insectes morts à
défaut d'aller ouvrir le frigo, juste en-dessous de moi. Plages
instrumentales assommées (« Scoundrel »), humide
balade cuivrée (« River song »), plomb texan totalement
liquide (« Botas negras »), retour à la pedal
steel (« Blame it on the ocean »).. Je suis collé
au mur blanc, pourvu juste que l'on ne m'ait pas vu.
Il a un lourd cursus en
arme bétonné. Je suis allé explorer en écoutant ce brûlot
insolent d'histoire et de facilité talentueuse.
J'avais le dernier Curtis
Harding en écoute et dans la discussion, « Déjà 2 chroniques
dessus » me dit mon pote avec qui je partage depuis des années
les nouveautés (merde, depuis 25 ans). « Écoute plutôt ça »
prenant le pouvoir sur ma Mega-Boom en surchauffe. Étonné par le
bourrichon de son geste qui pourrait passer pour du barbare, je
laisse l’énergumène agir. Il est branché Télérama certes, mais
se pique souvent de quelques fulgurances, voire de bons conseils.
« Big Money »
de Jon Batiste.
L'exalté sur mon
fauteuil en face de moi m'a tué. Plus aucune place pour le
contemplatif qui me traîne les veines depuis des semaines et que
j'ai essayé de rompre avec le super Curtis Harding 2025. Le
bucolique dans le tiroir, je me suis laissé entraîner avec
l'étincelle joyeuse d'une discographie et un monde à découvrir.
Demi-heure épatante, les 9 plages ont défilé comme on déguste un
documentaire sur l'histoire de la musique de la Nouvelle-Orléans. Le
mec invite, partage, Andra Day, Randy Newman (cette chanson!!!!)...
Son, jeux.. délicieux. Sorti en août dernier?! pas étonnant,
désolé Curtis. Je reprendrai la contemplation un autre jour,
« allez, rends-moi l'enceinte vieux, on va explorer Jon
Batiste ».
Des choses fondamentales
se diluent dans les absences, des petites perfections aux oubliettes.
Il est passé des jours entiers cet OP8, revenu ouvertement sans affres ni doute, puis dilué dans les moult écoutes au fil des ans.
Calexico augmenté. Lisa chez les garçons. City Slang, 4AD, Howe
Gelb, tout un monde.
Un point de fuite, le
pile endroit des idées qui se longent. Puis l'impact, le temps d'un
album, la magie de tout un monde qui s'abouche. On dirait un couple,
une histoire d'amour dite, le chant des inspirations regroupées.
Et mes enceintes avec
cette moue crâneuse tout en tapant la membrane, « bah ouaih
mon gars, combien de temps que tu n'as pas écouté ce chef d’œuvre
?!!! ». Émotions de très haute fidélité.
Mon rock-in-chair et mon
chapeau de paille, vous allez vous balancer à nouveau dans le plus
bel embrasement. « Perdre sa vie à chercher l'or d'un
cœur ».
La profonde couleur
bleu-nuit des bouteilles de fleur d'oranger m'a toujours apaisé. Le
contenant d'abord, ce vitrail trouble de rayonnage, et aussi le
parfum qui s'en dégageait dès qu'on dévissait le bouchon à vis.
Je faisais souvent ça quand ma mère s'adonnait aux pâtisseries, je
restais là à observer le protocole en aidant dès que je pouvais,
une pesée, garder la pâte en mouvement pendant qu'elle battait le
blanc des œufs ou tranchait la motte de beurre. Renifler la fiole de
cocagne. Quelle belle idée d'associer ce bleu avec le parfum des
oranges en fleurs, orange bleue comme la Planète. Ce petit flacon
allumait mon imagination.
Plus tard pendant mes
études de laborantin, je suis tombé sur le même verre bleu avec un
bouchon à vis, dedans c'était de l'éther. Nous nous en servions
pour endormir les souris d'élevage juste avant de les décortiquer.
Je passais les cours de biologie animale à moitié endormi avec ce
réflexe nostalgique de respirer le contenu suave de ce flacon bleu
nuit joli comme un vitrail, un autre bleu moi qui suis de la vallée
de Chartres.
Cette petite bouteille
apaise quoiqu'elle contienne, rêveries orangées ou anesthésiant
éthéré, j’aime énormément les flacons de verre de ce bleu-là,
voilés de nuit le ciel parfumé. L'épaisseur cérulé gras pour
conserver et protéger des lumières, garder intact à tout prix
cette effluve qui dompte le cerveau. Un masque bleu, ajuster le
crépuscule.
La météo dans les
dents. Avec le recul, je réalise son influence permanente sur mes
écoutes, l'envie musicale accrochée aux couleurs des arbres. Mon
humeur à la merci, aucune volonté, Orion debout, brume matinale,
alignée de peupliers jaunis, la lumière qui se nacre, j'ai ce qu'il
faut en rayon.
Conseil d'un ami, il fait
très noir dehors. L'heure avancée installe une buée grise
argentée, l'horizon se trouble et le vent s'est couché. Mais c'est
quoi cet album !!
Exactement comme je
l'avais envisagé, la matinée est flamboyante et fraîche. Il a
fallu que le vent lâche sa grasse matinée pour chasser le
brouillard. Tout s'est incendié. Mon arbre boule de neige est rouge
sang et ça tombe bien, j'ai rendez-vous avec « Blight »
de The Antlers. Je me langui et le café gargouille. Le carnage dans
mes douces émotions mélancoliques. Mise en scène. Inconsciemment,
la veille j'ai presque tout programmé. Ce n'est en tout cas pas un
hasard. Je suis assis dans ma verrière à contempler dehors le
nuancier qui chante comme un bouquet final avant extinction des
lumières et le règne interminable des gris.
Les petits bonbons
violets de mon Callicarpe s'allument un par un, le soleil montre le
lierre qui s'adonne aux derniers butineurs d'octobre. « Blight »
distille, c'est une merveille, c'est tout ce que j'aime quand les
champs fument et que les toiles d'araignées sont parées de perles
brumisées. Plus tard j'irai explorer ces gars-là. En attendant je
déguste.
Folk carotène, un Musée
Mécanique Low Eliott Smith qui sent le bois de chauffe. Les jours
raccourcissent certes, mais il fait tiède sur les palissades, des
britanniques dans le désert. Des voix canons, des accords clairs et
distincts, il pleut sur le sable. Quatre dans le minimum pour des
belles tranches de chansons lentement chaloupées. Cosy, bien isolé,
les feuilles emmènent le orange par terre, doux et moelleux, c'est
un acoustique chanté qui réconforte comme un vieux poêle à bois,
avec dessus une gamelle qui fait fumer la soupe, et éventre les
châtaignes. Fredonner calmement en joie avec la mousse qui renaît
et le pissenlit Larousse.
Modern
Nature 2025 « The Heart Warps »
sur Bella Union
Piégé par la pochette,
moi !!?? Oui et non. L'hameçon mordu, j'ai voulu me débattre,
intérieur joue blessé à me morde, mais la mâchoire s'est vite
détendue. Loin de me noyer, je me suis posé, et comme un vieux
gigot rescapé sur la berge j'ai gigoté, retrouvant ma respiration
sans broncher, dandinant comme un dadais, eh ouaih, j'écoute du rap
les gens, que j'ai dit à mes préjuger graphités de bourru.
Alors, calmez-vous, j'ai
dit ni oui, ni non, pas dupe non plus, et les puristes du genre
étiquetteront-ils ce bel objet de rap ??
Bref, ma rétine a
crocheté un sublime album de RAP, mon corps à danser ankylosé, et
mon cœur a flanché sur la petite madame SIMZ. Déçu il y a
quelques semaines par les nouveaux projets de BUCK 65, j'ai failli
définitivement lâcher l'affaire. « Lotus »
m'a sauté dessus.. Oh l’entourloupe qui n'en est pas une, oh la
belle bassesse des somptueuses hauteurs, bien joué la pochette ..
sublime, comme le disque.
Impossible d'être
tranquille 5 minutes à siroter du psyché Freak sans être sifflé
du casque par quelques priorités. BLACK LIPS totalement barrettien
balayé par un Feu ! De Dieu. Le retour des Chatterton. Puis
SOLAR EYES, monstrueux album de rock cosmique psyché de voyous
bariolés sauvagement bâillonné par le monumental triple chef
d’œuvre de Jeff Tweedy.
Les fauves à la cave,
« No rider on the horse » à l'écurie, obligé,
« Love is for love » s'installe à fond la boucle
pour un moment. « Twilight Override » va me
faire l'automne.
Comment dire …
Les vrais héros ne
passent pas en boucle sur les réseaux, aucune de leur trogne sur les
écrans. Très peu de chose à emporter sur le dos quand on part
sauver des âmes. Le poète héroïque tend sa fêlure de la motte au
nuage, ses douleurs comme un mycélium, et tous ses défauts pour
nous tendre la main. Vulnérable plus que maudit, la seule
consolation à l'idée d'être un animal raté comme les autres.
« Twilight Override », une trinité.
La gloriole planétaire
est pour les ânes, le troubadour patauge et sauve des vies. La toile
d'araignée est un danger pour l’œuvre, comment après des siècles
de mélodies trouver l'étincelle et enquiller la triplette des
belles vies comme celle-ci.
Comment dire …
J'ai dévalé quelques
chemins ce midi après une nouvelle écoute, il fallait un instant de
recul. La glandée bat son plein, rares ceux qui deviendront un
chêne. Pourrir ou se faire bouffer par les cochons, les cycles sont
les mêmes pour tout le monde, seul le Quercus sait la lumière.
Notre histoire est bien vieille. Au retour, avant de remettre cet
album, je me suis posé sous la tronche oblique du soleil encore
taquin, il chatouille le prunus et me raye le profil. Le Tipoulet
partout est venu me chatouiller de ses fines pattes. Jeff a fauché
toute autre possibilité d'écoute. Époussetant, balayant, élaguant
les camarades de promontoire, il va me faire l'automne, déjà
quelques chansons en boucle, comment avancer.
Comment dire...
J'écoute approfondi avec
des émotions abyssales et beaucoup de légèreté dans le sourire.
Peu importe le poids politique, je ne sens que la lutte poétique à
sauver l'âme repue et l’œil fatigué, ce héro patenté.
L'opulence n'a rien à voir là-dedans, juste un peu bavard,
l'urgence à témoigner et l'automne a son remède. L'évidence
défile et les jaunes s'installent, pas une seule baisse de régime
et je respire à grand poumon. Les cordes de « Better day »
folâtrent, la belle journée, juste « Fell free »
pour quelques heures. Jeff Tweedy quand même.. « Love
is the king » ok, mais je lui préfère de loin « Love
is for love ».
« Petite chanson,
bien mieux qu'un gros livre ». Des pour « aider à
vivre ». Des beaux poètes comme on écoute un Ferrat, Ferré,
Fanon ou Ferrand, aller un peu plus loin. De Bérimont à Félix
Leclerc, cercle sans cesse. Je le farfouille depuis bien longtemps le
Bertin. Homme de scène, baladin des bords de Loire, la géographie a
une certaine importance je trouve, un terroir, et je vais souvent
paisible le long de ce grand fleuve, des chemins sableux, et dans le
fredonnement « La permanence du fleuve ». La
permanence. L'éternité des chansons.
Des années j'ai arpenté
des buttes et des quartiers pour me procurer les vinyles de Jacques
Bertin. Une rencontre avec un accroc comme moi lors d'un récital de
Lenny Escudero et un échange de disques rares enregistrés sur
cassette audio. Des soirées à discuter, « tiens, tu devrais
aimer Bertin ». « La Blessure sous la mer »,
« Hotel du Grand Retour », « Le
grand Bras, les Îles », c'était du pain béni pour
moi. Engouffré. Tout le reste avant, puis j'ai longé après, comme
on suit le courant lourd et perpétuel sur les berges de Blois. J'ai
toujours secrètement voulu « une fête étrange et très
calme ».
Il vient de paraître le
troisième volume « Le Chant des Hommes ».
Intégral sur 15 CD, d'un bloc, moi qui ai arpenté des buttes et des
quartiers pour me procurer tout ce qu'il y avait à prendre. Je
jubile, je me réale et barbote, un flot d'inédits, et cette
merveilles « Chansons sauvées des eaux »,
inédits 2022. Alvarès, Le Chant du Monde, et puis son Velen. Il
aura fallu la passion de Christian De Tarlé pour que tout
dégringole. EPM musique à Châteauroux, l'intégral Bertin.
Je reste dans le retro et
trifouille mes lacunes. Chuck les potes, et comme un grand magasin
avec des caisses automatiques, mes algorithmes me suggèrent. Certes
il faut souvent l'aide d'une hôtesse pour valider ou approuver, et
c'est là que vous intervenez.
Depuis quelques jours,
sans me souvenir du chemin parcouru pour la découverte, je suis
bloqué sur la discographie de Jeb Loy Nichols.
Terrain favorable, être
bien dans le monde JJ Cale, Piers Facini ou Shane Murphy, Shawn
Mullins avec une voix soufflée SRV cool de rocking chair Ben Harper.
Voilà pour mon aiguillage hasardeux.
Alors pourquoi « Country
Hustle », Bah c'est comme ça, à biner et labourer, je
me suis surpris à réécouter cet opus 2017, l'époque de l'autre
monde d'avant.
« The United
States of the Broken Hearted » avait pourtant ma faveur, juste
avant l'écoute de l'autre. Sûrement le soleil dehors, et ce plomb
de septembre qui sue et sent la moisissure d'un talus en pleine
succion. Rythmique chaloupée, moelleuses percussions, idée de
moiteur, mosaïque porto-américaine. Et puis merde, il fait nuit
tôt, dans une heure je passe à l'autre. Depuis 2002 le gars, à
défaut d'y aller encore plus, et de devoir trancher bêtement sur un
coup de mercure qui ne fera que quelques heures sa crânerie avant
extinction, je découvre Jeb Loy Nichols et je suis coincé entre
2017 et 2022.
Il a enjambé
l'Atlantique mais en sens inverse de Rod Stewart. Atterri au pays de
Galles. Est-ce que ça se sent dans sa musique ? Y'a du folk, à
sa sauce et pas que. Je sens le bougon dans la douceur, l'americana
sur les coteaux gallois, un blues chlorophylle sur de la country de
ciel gris. Chaloupé comme une basse pression de canicule
britannique. Le reggae danse aussi sur les prés salés. Calexico des
Cornouailles.
Au choix, deux Jeb Loy.
Jeb Loy
Nichols 2017 « Country Hutle » -
2022 « The United States of the Broken Hearted »
Remettre à César.. à
force de salves récurrentes récurant les lacunes ou quelques
négligences, venues de part et d'autre du voisinage éclairé, ils
se reconnaîtront, des Roger-bontemps en général.
En accord oui, mais sans
me vautrer pour autant. Alors c'est assez et je plonge vraiment.
Après midi réservée,
laps de temps bloqué, je pose mon pavé de Thoreau flottant 7 jours
sur le fleuve et je m'imbibe. Embarcation ready, amarres basses rompues,
étendard hissé haut, c'est parti.
C'est comme on rame en
traversant toute l'histoire des berges, les lits et les plaines
fécondes, le train qui avance avec les rails, la coque en muscade
boisé et mon cul sur un chaland, des anciens habitants en molles bourgades peintes dans des ocres héroïques. Tous me regardent
dans ces contrées inconnues tellement familières. Sans cesse des
tempêtes et toujours ce fleuve mou qui bourlingue.
Eels Beckisé en Petty,
tous les orchestres à la merci de Chuck. Le fleuve fume, la barge
fend la buée, c'est juste le débit qui sue. Pas un poil devant et
pourtant les arbres se penchent, pile poil Devant pour son billet
prophétique, c'est maintenant ou jamais. Alors je choisis et bloque,
« No Other Love » me plaît énormément.
Plus beaucoup de miracle
à mon age.. ah si, je vais bientôt être grand-père. Va falloir
que je tienne bien mes étagères de disques. Si si, dans 15 ans y'en
aura encore. Les disques à papy. Je rame et pagaye assis et hilare,
ou plutôt heureux dans mon imbécillité évidente que seule la
libellule bleuté peut comprendre. Je ne décale rien, je prends
tout, j'envie la vie d'un sage. L'âme lisse je décâlisse loin des
dompes en épiderme et des frasques à schlingue. Le blues des
clapotis, la hargne des démons sous la flotte j'avance entortillé
sur ce serpent plombé en sobre considération. Faudrait pas non plus
virer sur l’ordinaire, que la rivière soit droite et limpide. À
fouiller ainsi juste après la belle averse, regard à l'ouest, je
scrute les formes de la beauté et me dis que l'art lutte, peut-être un jour il fera fasse en explosant cette admirable
clôture. Goûterais-tu ma liqueur la belette ?
Le tantôt est là, les
bras brûlent et les copeaux flottent, j'ai trop ramé, je ne connais
aucune prière pour ces canopées. Tout est si naturel, l’évidence
a la brûlure d'un jour insipide.
Loyalement loin des
glaces figeant le lac, je trouve un bivouac au pied d'un bouleau en
chaton, histoire de respirer l'aviron sifflotant, la poussière
féconde dans le blase, à toute berzingue sans haut fracas j'ai la
sagesse dans le biceps et des consignes de paysans dans l'os.
J'avance, j'écoute Chuck, presque une révélation, « No
Other Love » est mon obsession du moment, la nouvelle,
ma lubie d'ici à défaut de mon Homère d'alors, depuis le temps. Et
c'est qui cette « Elouise » ?
Un orage tonne quelque
part, fanfare de fin d'été, râle rauque des nuages. Esprit
cauteleux « Comme un avion », les premières
gouttes sont parfumées, j'avance comme je veux, je ne suis pas allé
très loin. L'oseille crépue caresse la rame, quel jour on est ?
Dorénavant et à partir
de maintenant, qu'est ce que j'aime ce disque, pourquoi arrive t-il
maintenant ? Merci d'avoir insisté. Je me dandine frais comme un lardon sur "That's how much I need your love", merci les Césars.
Mes pensées divaguent
aux alentours du Butin, cet endroit opale reculé me charme. La plage
du même nom avec aux abords tous ces trésors promis. Les vieux
bains de mer sur la plage du Butin, la jetée de Honfleur, la plage
du Ratier, Louis Alexandre DUBOURG.
Comme mon ciel du matin
est diaphane et que le soleil ne peut rien contre la rosée, je sors
le beau livre d'Eugène BOUDIN. C'est une jolie rencontre, le père
de l’impressionnisme, le dehors de ma fenêtre et les mots de
Christian WASSELIN sur Erik SATIE. Tout est sur la table et
dansl'air.
Envie de croquer,
d'huiler mes brosses, d'aller me balader sur la côte de Grâce avant
de me faufiler sur le chemin des bruyères.
MONET, DEBUSSY, tout
voltige et se mélange.
La maison du pianiste, le
musée du peintre, les ardoises reluisantes et la mer laiteuse en bas
des reliefs. Il y a des endroits où le gris est joli. Finir le
bouquin, feuilleter le livre, découvrir l' « Uspud »
et m’imprégner jusqu'à la vase de l'estuaire avec le parfum du
pays d'Auge.
Remonter la Seine
jusqu'au Chat Noir et le Lapin Agile. Les balbutiements d'Utrillo et
les « Vexations ». La grande Suzanne est passée
par là.
Des « heures
vertes » avec sa fée et dans le silence entendre le
ruissellement glacé de l'eau sucrée. La soirée dégouline de
Montmartre au Mont-Joli, les hydropathes anartistes incohérents, un
cercle d'âmes étoffées de « distance, élégance,
intelligence, humour, ironie, secret : tout un art de vivre. »
Eugène a mis des nuances
sur les notes d'Erik. Je suis tourbillonné. Le juste accord.
Épicentre opalescent.
L'ombre pyramidale
s'allonge sur les asters. L'aulne au dessus de ma tète a déjà
montré ses chatons avant de pioncer pour quelques mois. Faut se
dépêcher, le sommeil est pour demain. Les humeurs se pourchassent
et les rondins s’amoncellent. Tous les soirs je vois la forêt
mûrir et j'entends le lièvre craindre le plomb. Le bosquet de
sapins se fout de tout, son vert restera.
C'est une journée bien
fraîche, marée basse sur mes champs, le vent n'est pas revenu, ma
haie se repose, c'est moi seul qui la vois chagrin.
Avaler les confins,
marcher le plus possible malgré la lointaine embouchure, imaginer le
sel sur la peau et l'horizon s'inverser, bleu outremer en bas,
ocre-gris en haut, Nina et Johanna à nos côtés. The Cardigans et
First Aid Kit convoquées.
Je me balade souvent avec
James. Je l'ai connu avec ses Athletes, « Tender to the
blues » est toujours aussi à vif dans mon esprit, avec
cette pochette western des côtes écossaises.
Tandis que je cherchais
un coin pour fuir cette mer imaginaire sur laquelle je sifflotais, le
réconfort est venu de ce trio opportun, un acoustique pour mon huis
clos chatoyant.
James
Yorkston and Friends 2025 « Songs for Nina and Johanna »
Freak c'est pas branleur
ou alors y'en a aussi dedans. Un bouquin, une mine que dis-je, un
gouffre.. La culture musicale british par le bout des freaks. Loin
d'en être un, je pioche et picore les brides de ce qui m'aurait plu
d'être, ou pas. The Auteurs, The Jam, The Go-Between, Gene Vincent..
et je comble mes manques, je connais et puis pas trop finalement.
J'écoute tout. Même The Shadows, les premièrs amours de Luke
Haines.
Et je tombe sur « The
Evening Visits.. », The Apartments. Il y'a quelques
semaines je parlais de Guy Blackman et sa fragilité bancale à
ravager le chant par l'émotion ou la défonce. Troublant comme un
Daniel Johnston chialant, je suis resté fébrile « All the
bithdays », revigoré, confiant et dubitatif.
Démissionnaire et orageux. Un pan s'écroule sur le flan de mes
lacunes, envie de boire fort et de me barrer sobre au plus lugubre
des caves de mon sombre gourbi. C'est beau et dégueulasse, ça sent
mauvais la spirée de sublime caniveau. Ça sent pas le fric, plus
aucun freak par chez moi, je ne suis ni l'un ni l'autre, je n'ai pas
le choix, ou l'envie, et vice et versa, il n’empêche, pour une
soirée, une lecture, une plongée en apnée extraordinaire dans le
Londres barge underground imbibé et acide avec en plus l'âme de
l’hallali qui hurle en alarme étouffée.
Les pages défilent, et
« Someone Else's wife » débarque. Les Go-Between.
J'archive tout dans un coin de mon désespoir, au cas ou il me
viendrait l'idée de vriller sur mon age, ça aurait pu, ou pas, je
ne suis pas freak pour un rond .. pourtant merde.. « The
Clarke Sisters »....
Je lis Luke Haines, je
prends tout, écoute n'importe quoi. Un bouquin comme ça il y a 20
ans c'était 10 bibliothèques et des jours à courir pour tout
écouter. Là je suis avachi comme un vieux boomer qu'a jamais bossé
et je crowle sur le stream pour combler. Je me régale ou pas. Je
patauge. « What's the morning for ? » amoché.
Je suce des roues, je suis en dilettante et méritant, je me dégoutte
des fois, j'ai quelques idéologies, plus utopiste qu'hédoniste,
j'aime bien le sport et sortir en short l'été.. ouaih nan je n'en
suis pas.... j'ai rien d'un bohémien, ni intello branché..et puis
j'ai rempli ma besace avec tout ce que j'aime. Ça pèse son poids de
fric ce truc. J'écouterai pas tous les soirs, mais ...
On s'en fout des
tiquettes, et puis des « sectes », groupes, meutes ou
autre revendications pour s'extraire et cracher dans le potage, il se
le répète un peu trop souvent le Luke que freak il est .. allez, un
petit foot, un clash, une claque sur le zob puis un autre The
Apartments.
The
Apartments 1985 « The Evening Visits..And
Stays for Years »
Brutal coup d'automne sur
le coin de la gueule, une cinglante sape sur les guibolles et le
retour de la meute. J'imagine que mon wagon s'est empli,
je n'y suis pas allé ce matin, je suis resté près de cet ampli à
chercher l'onde musicale qu'il faut. Un indice, un objet bilan sur
les frères Montgolfier vient de paraître. Voilà, j'ai trouvé
malgré la vitesse des nuages. Quigley & Tranmer, pas sûr de
prendre de la hauteur.
Orion se redresse et
laisse tomber l'aube en feu nacré, avant de disparaître sous la
voûte et les trombes à flagelles. David Gilmour et sa fille
chantaient « Between Two Points » il y a un an. Je
me retrouve là, flanqué sans arme à farfouiller au plus profond
des étoiles à relier, comme les points au crayon sur les cahiers
d'exercices scolaires pour les vacances.
« Seventeen
Stars » me dilatent, m'éparpillent, le torchis est
détrempé, festin des sols craquelés. Les rampants rempilent et les
arbres pensent à la démission.
Le son des accords comme
sur l'image, le clavier aussi, tout s’arrête, le ciel canadair a
éteint mes champs incendiés, si les wagons se remplissent comme des
oies, les barques fatiguées flottent sur une mer reposée. Balayer
les fantômes, ratisser la plage ou laisser la houle bodybuildée
faire le travail. Quelle tristesse. Des tonneaux de crèmes solaires
déversés sous l'écume et les quais croulent à nouveau.
Enfin, j'imagine, je n'y
suis pas allé ce matin. J'ai remis The Montgolfier Brothers 1999,
histoire de laisser le crachin faire son malin, avant que l'été
revienne sur mes plaines. Ou pas.
The
Mongolfier Brothers 1999 « Seventeen Stars »
sur Vespertine
Petit huis clos,
canape-chaussons et pochette foireuse, titre pas inspiré, ça part
mal c't'affaire.
Pourtant, dès la
première note le charme balaye toutes les premières impressions,
même celle d'une platine qui tourne mou, ondulé un poil.
Des tonnes de
flemmardises et des petits morceaux confortables, complètement
séduisants. Tellement de demos l'habitent, des airs de cowboy
urbain, JJ Cale anesthésié, Nick Wheeldon joyeux, même sur « Five
Eay Hot Dogs » en 2023, Mac n'avait pas eu la force de
chanter.
Oui mais voilà, la magie
Mac opère, imparable, croustillante. Le sens de la mélodie. Merde,
j'ai la flemme de me lever tourner la galette. Touchez pas à la
platine, ça tourne normal, Mac est lui, DeMarco est là. On est
bien.
À JJ-Johanson, on
remplace une pincée de mélancolie par une once de jazz ambiant,
trip hop toujours en sourdine. On ôte un voile de délicatesse à la
voix et joint quelques cuivres agiles, « The Coldest Man
Alive » de Peder Pedersen est un diamant sonore, une
petite merveille d'album, la belle découverte du jour.
Miraculeusement nappé de dorures crémeuses, mais pas trop, une
petite perfection.
Une arborescence d'écoute
m'a menée vers cet artiste danois. Son CV n'avait rien pour
m'attirer. Souvent quand je ne sais pas quoi écouter, je sors un
coffret Nova, de la « haute musique », tout s'est arrêté
sur un morceau, et moi sur cet album. J'vais m'la péter lors de la
prochaine soirée entre amis, ce n'est pas de la musique de fond,
c'est tellement plus, ils vont tous me répondre JJ Johanson, normal,
l'équilibre est parfait et le moment délicieux.
Country alternative du
Vermont. Je commence direct technique car cet album me tombe dessus
et je n'ai rien sous les dents qui puisse mettre en herbe cette
petite dinguerie. Avec le bouquin de Luke Haines, je me suis un peu
enlisé dans ses délires avec l'impression d'avoir visité une
secte, allant jusqu'à écouter ses arborescences musicales,
notamment Peter Buck etc. Je change d'air, sorti de tout ce
« bancal » foutraque radical et narcissique, Greg Freeman
chante son « Burnover », il m'a ouvert les
portes donnant sur un ciel éclatant, populaire avec beaucoup d'air à
respirer.
Comme c'est une
découverte, je cherche et farfouille et tombe sur son premier et
précédent album qui me plaît plus encore. Je plonge dans ma came
Oldham-Lytle-Sparklehorse-etc-etc avec du Molina dedans.
Je reviens sur « Rome,
New York » et je vais me nettoyer les enceintes avec ce
rock outre-atlantique pêchu comme il faut, tendre comme il fait
tiède, De Marco, Kurt Vile, Kevin Morby… à ranger avec.
Fait un peu chaud
finalement, les glands tombent mais pas les marrons, je sais pas
pourquoi je dis ça, y'a plus de calendrier, mais je vois quand même
à peu prêt où on en est avec tout ce merdier. « Curtain »
m'enchante, et je vous laisse sur « Gone... ».
Juste quelques petites
infidélités, un autre ciel discographique de temps en temps, moi je
ne connais Chesnaux que sous un ciel constellé. « Say
Laura » est un instant particulier plus encore. Son
jazz décortiqué, volage et éthéré, l'Epiphone lui va si bien.
Des cœurs d'éponges en douces émulsions de basalte. L'intimité
s'est installée, j'ai arrêté tout ce que je faisais et j'ai
contemplé. C'est comme un tableau qu'on ne voit jamais de la même
façon, un Nick Drake ondulé. Chaque écoute change la lueur et de
lumière. Oblique ou en applique elle prend tout et nous farde, « Say
Laura » plus que les autres, tellement de choses
ressenties.
C'était il y a trois
ans, rien à changé et tout s’acclimate. Juste avant de sortir
prendre la moiteur d'un été au vestiaire, plus beau encore qu'un
paradis alangui, « Say Laura ».
Eric
Chesnaux 2022 « Say Laura » sur
Constellation
La voûte se démantibule,
la cogite s'attise et finalement cet automne de mi-août a son petit
charme. Toutes ces feuilles jaunes tombées sans calendrier, les
mêmes feuilles à terre qu'aux étés de la Saint-Martin, mais
croustillantes ici, cuites en plein vole. Paysage inattendu.
Le sol chips se gausse un
peu des grillons fatigués, les pas saccadés crépitent et rythment
la tiédeur molle, une belle musique anachronique voltigeante voile
la bouillante rondelle jaune, le ciel devient synthétique émoustillé
par les clapotis des libellules qui barbotent. Les vesces se
trémoussent sous mes pas craquants « Est ce que tu
dors ? ».
Ce duo m'enchante, entre
le monde de Burgalat et les rêves organique de Tellier.
Toutes ces feuilles qui
jonchent déjà. Moi, bien loin d'une « Crise
d'aaaangoisse » je danse dedans, il faut se faire à
l'idée, il va falloir écoper un moment donné, je reste dans leur
bulle, je suis accaparé et intrigué. « Maréeternelle »
est un instant fantasmagorique, Citron Citron une découverte.Et quelle pochette !!
Clarinette sur le bilan,
costard dans les graminées, un peu too much le lapin sur le piano.
Aucune fleur bleue dans les hautes herbes, pourtant je le suis à
fond sur cette chanson, depuis un paquet d'années. Pourquoi l'impact
de celle-là ? J'en sais rien, mais elle m'embarque toujours,
flon-flon et re-flon-flon en cuivres gras et petit orchestre pop de
bal musette quand tout le monde est presque rentré depuis quelques
lampées d'une niôle locale qui rend fou. Le jour a beau mettre
minable les derniers lampions qui vacillent et bavassent, tout n'a
pas été résolu.
Pas grand chose à
retenir de cet album, il est d'époque, et y'en a tellement des
« Lucile », peut-être « La musique se
lève à l'ouest ». Je n'ai aucune idée de la répercussion
de Chamfort à ce moment-là, « L'amour tsé-tsé »
.. insupportable. Lui aussi, souvent.
« Mariage à
l'essai », rien que celle-là, Chamfort aux notes, Rivat à
l'écriture. Un vieux mariage, je suis fou, je déteste l'idée des
unions administratives et religieuses, j'ai joué le jeu début 90's,
c'est passé comme on attend son tour pour valider son ticket de
loterie. J'aime bien l'idée aujourd'hui, de cette journée pénible,
ce truc qu'il fallait abroger le jour suivant pour mieux s'unir, ce
vieux bois qu'il faut lasurer tous les jours, ce sentiment d'être un
ancien combattant et d'aimer quelque soit le métal et la pierre. Ce
n'était finalement pas une mauvaise idée.
J'ai une troublante
anecdote avec ce vinyle. Aucune raison au début des 90's, qu'il soit
dans le garage de cette famille-là, immigrée depuis 20 ans, à Lucé
en Eure-et-Loir. Un Johnny encore, ou un Eddy, mais Alain !! Je
n'ai jamais su d'où il venait, pourquoi il était là. Quand mon
beau-père a disparu en 1992, nous avons perdu la trace de ce
33tours. Je demande souvent ce qu'il est devenu, le disque, qui l'a
chapardé, revendu ou gardé précieusement pour la nostalgie. Il
n’empêche depuis, je dors toujours auprès de sa fille avec mes
vieux rêves.
Je viens de trouver sur
Vinted le 1er des 3 coffrets pour autant d'euros que d'années de
mariage pour moi et la fille du garage d'Augusto à Lucé avec dedans
entre autre, le deuxième LP d'Alain Chamfort. Il a disparu avec lui,
qu'est ce qui foutait là.. le disque. J'y pense souvent. J'écoute
uniquement cette chanson de cet album. Elle est belle. Je fais tout pour que la fête continue même si
tout le monde dit qu'on est fou.