La période bleue du J.White comme
Pablo, une récréation, un mouvement avant le retour à l’écarlate.
Période bleue comme une marque pour les soli. Le sanguin avait fui,
la gratte au repos, l’ambiant pop en guise de Rage against the
Zeppelin avait éteint en moi le feu râleur d’une urgence
éraillée. Nenni, le bleu éclate, devient profond et clignote,
intense et abyssal à souhait injectant la rétine jusqu'au bulbe.
Bleu célibe, avec des remugles intenses de rouge et blanc,
David en voice, Sidsel en vocal, pas vu
le soleil depuis deux jours. Il me fallait un papier peint. De ceux
qui nous prennent la main, en passe-muraille pour franchir l'herbier
fantastique, les bijoux cuivrés. Franchir. Les samples de Jan et
Erik pour le scintillement, les ondes cuivrées d'Arve pour planer,
je traverse sans qu'aucun de mes os n'abdiquent. De pièce en pièce
j'explore le fantomatique, jusqu'ici les mots sont restés
silencieux, j'ai les miens dessus, l’histoire prend forme sur la
position précise du cuivre dilaté, la voix guide, les cordes
appellent vers la chambre voisine.
Dehors il pleut.
La symphonie de chambre ferme toutes
les portes de la grande maison ancienne. C'est par les murs que l'on
passe. Bras dans le mou, crane sur la cellulose, happé. Tout le reste y passe.
Colliers et nervures, cendres nacrées,
feuilles mortes animales, mycélium de placoplâtre j'avance englué.
Jan Bang, Erik Honoré, David Sylvian,
Sidsel Endresen, Arve Henriksen 2012
Une fâcheuse odeur d'automne a embuée
mes chemins ce matin. Le soleil a démarré sa descente il y a deux
mois déjà. Pas envie de lutter, je vais garder le sombre des
sous-bois, ce parfum de moisissures qui fait gigoter l'humus imbibé,
de toute façon le ciel n'a rien lâché de bleu, à quoi bon se
débattre, dans quelques heures le crépuscule.
Un cognac, lumière tamisée sans les
stores, le vent tiède ne changera rien à ma décision, les pôtes
de Mark Eitzel sur « The Golden Age »avec ce son délectable dans un écrin, vont
mettre en son tout ce merdier, on verra pour la suite.
The American Music Club
2008 « The Golden Age » sur Cooking vinyl
Je tends mon hamac de tout mon poids,
harassé. Au dessus, les branches de mon Cercis ont pris des
allures de bouquets bruissants de chips vertes. Des pétales cuites
au wasabi chantent et craquellent sous le vent doux. Il suffit de
marcher sur celles tombées pour entendre le bruit des fines tranches
frites.
Un frémissement des pensées au rythme
du chant des petits lobes cordés tous secs abusent de moi. Je suis
parti avec elles. Elles sont saisies et moi aussi. Je n'ai pas la
force d'aller retourner le vinyle, et le saphir en butée croustille
en boucle après le dernier sillon. La fin d'une histoire. Le début
dans les ramures d'une autre saison qui se dessine. La sève ne monte
plus, la face B meurt en silence comme la neige sur l'écran et le
ligneux commence à dénigrer son lot de feuilles.
J'ai foulé la terre chaude qui
exhalait des parfums de pain cuit sur Makaya. Je me retrouve sous les
feuilles chips qui chantent, IARC envahi tout , j'avance lourdement
immobile, sûrement. Des flammes partout, de l'or toujours, je
balance sous le souffle caniculaire d'Alabaster DePlume. Il est
saxophoniste, mais aussi poète engagé qui psalmodie, compositeur de
free jazz mancunien.
Il est ambiant dans son cuivre soufflé,
me transporte très loin, musique cosmopolite, la moutarde de mes
champs révolus se change en wasabi avec « To Cy &
Lee » 2020, prend des allures africaines avec « Come
with Fierce Grace » 2023, je suis couvert de dorure sur
« Gold » que j'ai trouvé dans les bacs.
Quel objet !!
Mon arbre de Judée croustille, je vis
le monde. En attendant, IARC, ma nouvelle agence de voyage.
Alabaster
DePlume 2022 « Gold
- Go Forward In The Courage Of Your Love »
Les crocs de herses lacère la chaume,
un nuage de poussière ocre pose une petite ambiance qui me plaît
bien. Des fumigènes sur une scène épique pour le chant des
cailloux sur l'acier qui trace. L'odeur de la terre bouillante rayée
à peine retournée diffuse des parfums indécents. Cette musique pue
le sexe. Plus loin la moissonneuse termine la parcelle, les épis
sont révolus. C'est la fête, une envie de danse tribale derrière
ce chalutier des champs qui lutte contre le courant du limon . La
sueur prend tout et la peau du front, des bras et des épaules se
maquille de milles grains de paille et de sa poussière qui défile
comme un carnaval.
Le soleil tape, tout est doré, les
corps, l'horizon et les vanneaux huppés déjà viennent glaner les
grains perdus.
Makaya McCraven ensorcelle ce fou
carnaval des fins de moisson. Il n'y a personne sur cette cuite
étendue, juste moi et les engins. Mon casque suit la herse, tous ces
lopins de blé partout sur le globe, les récoltes, le séminale dans
la motte, des rituels et des vies qui s'alignent. Il faut nourrir.
« Universal Beings » est un brûlot de BO
pour danser entre les ballots au rythme lancinant et torride des
greniers qui se remplissent.. une foule de gens avec moi, foulons
sous un sniff d'escarbille.
Je suis immergé par IARC depuis
quelques mois, je fouille je découvre, je fais mon chemin free jazz
ambiant qui me parle comme j'ai pu le faire avec ECM, je capte des
tonnes de couleurs, j'avance dansant sur la terre chaude de
quelque-uns de ses protagonistes..je tripe sur la terre fatiguée,
récoltée et griffée. Makaya me fascine. Il est batteur, « In
the Moment » est sorti en 2015, noir de monde dans les
crédits, une fête de jazz libre sur un label de renom. J'explore,
je moissonne, le mercure grimpe, les champs ont une coupe rase. La
pochette couleur blé grillé insuffle en moi le torride des jams de
cet extraordinaire album augmenté en 2016.
Makaya
McCraven 2026 « In the Moment »
Deluxe Edition sur International Anthem Recordings Co.
Le déclic d’un bouquin. Des conflits
historiques, une histoire sans fin, Waters v/s Gilmour (Le mot et le reste). Aussi au
milieu, des plus timides, des qui n’ont pas les épaules pour
lutter contre le court des choses, les fleuves, des lignes d’accords
ambiants se dessinent. Qu'aurait été Richard Wright sans le Floyd ?
Romantique apathique.
Et je pense à George Harrison. Dans la
queue de la comète. Rick la tète dans les nuées à planer sur ses
nappes, le gars sympa, des influences. En accords d'architecture
sonore, il a étroitement collaboré avec David Gilmour. Entente
parfaite. A eux deux ils n'ont pas renverser la dictature
Watersienne. Doucement, il a lâché prise. Pendant que Roger œuvrait
en solo sous le nom de Pink Floyd, David et Richard, ainsi que Nick
Mason sortaient leurs albums solo.
1978, sous Harvest, derrière Hipgnosis
à nouveau, Wright a sorti « Wet Dream ».
Assez floydien, comme ceux de Gilmour. J'ai moins accroché les
délires de Mason qui viennent d'être réédités. Imaginons un
Waters cool ( à la place du Waters prof) et tout ce matériel
mélangé pour un ou deux opus du Floyd en plus. Tout comme on
pourrait imaginer l'album monumental si « The Division
Bell » mélangé à « The Endless River »
avait rencontré « Amused to Death » au
milieu des 90's. Dans le même délire, Dave et Rick auraient
sûrement transcender « Radio KAOS »
quelques années plus tôt. Je suis un peu resté ado, j’effleure
souvent l'idée d'un autre chemin utopique de la grosse machine une
fois le mur tombé. Le bouquin a tout ravivé.
Il est gentil Rick, il est sympa,
démissionnaire, pas trop d'idées à apporter au sein du groupe
après « Animals », noyé, en vacances il
rejette « The Final Cut ». Évincé,
licencié, il faudra attendre 1996 pour le deuxième album solo.
C'est Steve Wilson qui s'occupe de restaurer les bandes, 2023 sous
une autre pochette, « Wet Dream » reparaît.
J'ai une tendresse pour cet album, pour ce mec largué. C'est pas
« All things must past » certes, mais y'a
de cette idée. Snowy White à la guitare, Mel Collins des Crimson au
sax, et lui aux claviers et chant.
Rich Wright a disparu dans la plus
grande des discrétions en 2008, « More »,
Syd, ses nappes, sa vie artistique a fondu après « Wish
you were here » quand il avait avec David encore une
once de pouvoir dans la baudruche. Je gardais ce disque enfoui
quelque part, gravé et enregistré en cassette (c'est tout lui ça).
Cette résurrection est une aubaine. Un autre truc sur Richard, chez
les disquaires, il est rangé à la lettre « W », et non
à « Pink Floyd » comme Mason.
« Le vinyle est
un objet d’art pour les pauvres ». Cette phrase d’époque
entendue au creux d’un documentaire sur Hipgnosis a claqué dans
mon cerveau. L’importance de la pochette qui appâte l’écoute.
La musique dématérialisée est un carré d’agneau sans os.
Il faut fouiller les bacs
pour retrouver cette idée d’outre-tombe. Le vinyle neuf est devenu
un produit pour thuné. Il suffit de retourner une vieille galette
d’occasion pour voir au dos l’étiquette Rallye d’origine avec
dessus estampillé 42 francs. Ces mêmes 42 sont affichés derrière
à la réédition 180g toute fraîche.. mais en euros. J’enfonce
des portes ouvertes certes, mais ce doc artistique qui colle à la
musique incarnée m’a plongé dans un abattement et un vague à
l’âme qu’on finit par assimiler et noyer dans le quotidien. Les
bacs à vinyles neufs hors de prix débordent et dégueulent de
partout, il faudra les brader un jour. Un nouveau fiasco.
J’ai rêvé de bacs à
disques cette nuit. Un rêve bizarre, je fouillais, farfouillais et
sortais les galettes d’ocass dans mes préférences. Bob
Seger..tiens que des albums inconnus, BJH..merde c’est quoi cette
pochette « Octoberon », Murat, il est où le
ventre de Dolorès ? Aucune pochette connue. Je reprends
« Octoberon » pour voir la date de cette
réédition, rien, c’est l’original. Je sors la pochette blanche
intérieure, et là-dessus, mes inscriptions à moi. Oui, il y a pas
mal d’années, j’écrivais à l’intérieur, date, impression,
contexte d’achat. J’ai donc acheté ce disque il y a qq temps, et
l’ai revendu. Je ne revends jamais les albums de Barclay James
Harvest, ni les autres vinyles d’ailleurs. Y’a un truc qui
cloche.
« Dark Side
of the Moon », « « Axis, Bold as
Love », « Love Supreme »..
rien à voir avec nos empruntes rétiniennes de pochettes officielles
qui font du bien à chacune de nos écoutes. La pochette d’album
est une chose vitale, ça parait évident à dire comme ça, écouter
« The greatest » des Wings et imaginer
l’ascension enneigée dans l’Himalaya, le cliché de la statue
là-haut posée sur la cime blanche, offrir le vinyle au saphir et
ouvrir le poster en matant les crédits.
Il me faut un vinyle
rassurant pour me consoler. « Wish you were here »,
pochette mythique plus que la normale, « Have a cigare »
avec au chant Roy Harper en invité. De fil en aiguille 1977, une autre pochette
Hipgnosis travaillée en retouche pour Harper, album au contexte historique particulier, toute une histoire avec ceux qui ont créé la
pochette de « Bullinamingvase ». J'écoute
les pistes, scrute les sillons et le macaron Harvest jaune et vert
qui me parle, mate la pochette et lis les paroles. J'aime beaucoup
Roy Harper, quand la pochette ajoute et augmente, c'est une autre
dimension.
Il fallait que je vous
le dise, dans une vie parallèle, ils ont les mêmes disques que nous,
mais les pochettes sont différentes.
Des camping-car partout
sur les artères, GPS programmés sur le sud, des idées de braises
sur le sable avec des amis autour, de belles étoiles à portée
d'haleine, seule la nuit pour éteindre les ardeurs, quelques
instruments sur tous les styles, acoustique des grands étangs,
pedalsteel, gospel, des beaux nylons et quelques peaux tendues,
« Drill a Hole in that Substrate and tell me what you
see » me revient dans la bobine.
Qu'est ce que j'ai adoré
cet album, il y a 20 ans, rangé solennellement entre les
Sparklehorse, Lambchop, Idaho, Eels, Howe Gelb....
La moustiquaire fait son
job, les glaçons tombent comme des mouches, j'ai laissé tomber Jim
white juste après cet album. Je ne sais pas pourquoi, je ne connais
rien d'autre que ses trois premiers. Sûrement parce que cet opus
2004 m 'a contenté jusqu'à vouloir oublier le reste. A quel
moment de nos écoutes on lâche un artiste ? Quelle fadaise
nous détourne du chemin, n'inspire pas la fidélité plus que ça ?
C'est presque une
redécouverte, je retrouve ce goût onctueux du plaisir d'alors. Je
farfouille dans les souvenirs, je faisais quoi à ma première écoute
scotchée de ce superbe objet comme un album photos. Je me noyais
sûrement dans ce superbe livret, comme un voyage.
J'avais totalement lâché
Jim White depuis ce Drill, peut-être le moment de reprendre la
route, raccrocher les wagons. En attendant je déguste dans la tiède
pénombre du cœur de l'été rablé la réédition de « Drill
a Hole in that Substrate and tell me what you see »
légèrement augmenté, avec ses amis (Bill Frisell, M.Wrd, Aimee
Mann...).
Jim White
2004/2024 « Drill a
Hole in that Substrate and tell me what you see »