Des jours entiers à me promener, dans
mon hameau de jeunesse, je n'ai fait que errer, tout seul la plupart
du temps. Je passais les cinq croisements de cette rue principale
chevauchant mon petit vélo bricolé passe partout. La rue des cinq
croix de par chez moi, je ne me suis jamais demandé s'il s'agissait
d'une autre histoire que cet alignement de carrefours. Peut-être un
vieux mythe religieux a laissé ce nom à ma grande rue interminable
quand j'avais 10 ans. Au bout du monde j'allais quand il s'agissait
de s'enfouir au creux du bois des cinq croix, après avoir passé la
belle marre sauvage et le grand verger qui jouxtait la voie ferrée
Lucé/Illiers-Combray, avec ses belles petites michelines qui
fendaient la Beauce de son rouge coccinelle.
Toutes des journées habitées de
promenades, jusqu'au grand château au pied duquel j'allais poser ma
bécane pour une pause fraîche sous les tilleuls. Ce château était
celui de l'eau, nos beaux phares des grands horizons beaucerons,
ceux qui attirent les tracteurs à la grande marée et la nuée de
corbeaux derrière à bouffer les lombrics. Le château d'eau de mon
hameau sans altitude était à l'opposé géographique du bois, le
point culminant des haltes de mes grandes aventures de minot.
Quand je rentrais, de ma chambre à
l'étage de la maison, j'ouvrais ma fenêtre sur ce beau village
Fontenay-sur-Eure à quelques encablures, qui plongeait sur la
rivière, mon berceau, l'Eure. Combien d'heures de contemplation sans
bouger, le temps qui se figeait fatigué par mon périple de l'après
midi. J'allumais mon Grundig, sortait une galette noire à la belle
pochette et je mettais un vinyle, histoire de finir cette pâmoison
panoramique pré-adolescente en musique.
C'était une époque où une chanson
pouvait rendre heureux, un air, un texte, du populaire qui chantait
sous toutes les coutures et surtout qui embellissait nos radios.
La liste est longue, j'écoutais beaucoup les ondes à l'époque.
Des chansons qui me soignaient quand je
rentrais dans ma chambre à l'étage à regarder par la grande
fenêtre ouverte sur la campagne et qui plongeait sur l'Eure, vers
Fontenay. J'écoutais beaucoup Branduardi, Yves Simon, Maurice Fanon bien loin des gars du quartier qui m'auraient sûrement charrié
pour ça. Je mentais sur mon sac US, il n'était pas inscrit au
feutre noir Branduardi, ni Yves Simon. Évidemment j' étais un
cancre, on ne se ballade pas comme ça des heures sans laisser de côté
les choses que l'on doit faire. La tète en partance pas loin vers
les choses simples et vitales inconsciemment. J'écoute Brandu et
c'est tout ça qui resurgit à chaque fois, ce temps qui s’arrête,
une chanson qui injecte quelque-chose de bon et rassurant, des
moments insoucieux, le cours ordinaire qui passe.
Comme je me retrouvais seul presque tout
le temps et quasiment volontairement, je balançais tout dans les
chimères, les utopies, et je refaisais le monde dans mon coin. Il
était vachement bien ce monde là avec ces chansons qui embellissent
le quotidien, et enflamment la réserve d'une journée toute chargée
de rien, des rêves et des espoirs.
« A la Foire de l'Est »
est le troisième album de Branduardi à écouter en français ou
italien, conteur et poète unique. Tant de belles chansons dans sa
discographie, « Le don du cerf » ici, celle qui
chante les souvenirs d'un gamin qui errait.... chanson pour embellir
la vie.
Angelo Branduardi 1976 « A la
Foire de l'Est » label : polydor
8 commentaires:
Je me souviens de cet artiste totalement atypique qui chantait des chansons "médiévales" alors que le disco régnait en maître sur les ondes du monde entier. C'était fou, mais c'était beau !
J'aime trop , je ne sais si c'est permis mais je ne peux résister à vous faire écouter l'une de ses chansons que je préfère
http://ti1ca.com/ixvtquxa-12-La-loutre.mp3.html
Il a un peu disparu du circuit, et puis on en parle plus du tout.. "La demoiselle" ou "Va où le vent te mène" Chris.. connais pas ?? il a un peu la même coiffure que Kif, là en dessous sur sa photo :D
Mais oui c'est en plein disco... il avait qd même les pates d'eph sur scène.. "Le seigneur des baux" c'est très médiéval, comme le titre éponyme de cet album.
Mais oui c'est permis, très permis même. Perso "L'épouse dérobée" et "Couloir de trottoir" sont mes préférées
A propos de musique médiévale puisque vous en parlez , il y a les très beaux albums
de Luc Arbogast
deux exemples de chansons :
https://ti1ca.com/48fc3f17-11-Les-Egaux-De-Landrais-11-Les-Egaux-De-Landrais.mp3.html
https://ti1ca.com/its407qm-01.-Vox-Clamantis-01.-Vox-Clamantis.mp3.html
Une fois n'est pas coutume, je lis tes chroniques avec beaucoup de plaisir. J'aime la façon que tu as d'illustrer chacune d' elles dans un contexte particulier. Ça résonne fort en moi. Merci
Merci Rod, en plus je suis sûr que tu connais le tableau ;D
Le citadin que je suis, est toujours emporté par les souvenirs des autres que je fais mien le temps d'une écoute. En te lisancoutant je pensais à un documentaire qui referait ton chemin, tes pauses, alternant le texte et la musique. Ce serait une autre façon de "parler" d'une oeuvre.
M. Brandu, à l'époque où je faisais semblant de mépriser le retour du folk médiéval (Malicorne etc..) j’aimais entendre la joyeuse fontaine Italienne du monsieur. Imperméable à mes moqueries, conquérant!
Aujourd'hui il me reste un brin de tendresse pour ce fond de mentalité. Rien que dans les opéra "primitifs", je n'ai aucun mal à aimer des Vivaldi, Monteverdi. Même un Haendel touché par la grâce transalpine. Alors que sérieux, très, me semblent les Lully, Charpentier, Rameau etc... Ce qu'elle est belle cet Italie (même privé de foot ha ha et même etc...)
Le Brandu, c'est un des rares que j'écoute de ce coin là, y'a bien Paolo Conte, mais c'est tout. Comme je suis pas très opéra.. j'ai de grosses lacunes transalpines. Chez Brandu, le truc qui me rend paff, c'est la poésie des textes et son écriture musicale boisée, comme une pureté de vieux tableau.
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