samedi 12 mai 2018

Angelo Branduardi 1976



Des jours entiers à me promener, dans mon hameau de jeunesse, je n'ai fait que errer, tout seul la plupart du temps. Je passais les cinq croisements de cette rue principale chevauchant mon petit vélo bricolé passe partout. La rue des cinq croix de par chez moi, je ne me suis jamais demandé s'il s'agissait d'une autre histoire que cet alignement de carrefours. Peut-être un vieux mythe religieux a laissé ce nom à ma grande rue interminable quand j'avais 10 ans. Au bout du monde j'allais quand il s'agissait de s'enfouir au creux du bois des cinq croix, après avoir passé la belle marre sauvage et le grand verger qui jouxtait la voie ferrée Lucé/Illiers-Combray, avec ses belles petites michelines qui fendaient la Beauce de son rouge coccinelle.
Toutes des journées habitées de promenades, jusqu'au grand château au pied duquel j'allais poser ma bécane pour une pause fraîche sous les tilleuls. Ce château était celui de l'eau, nos beaux phares des grands horizons beaucerons, ceux qui attirent les tracteurs à la grande marée et la nuée de corbeaux derrière à bouffer les lombrics. Le château d'eau de mon hameau sans altitude était à l'opposé géographique du bois, le point culminant des haltes de mes grandes aventures de minot.

Quand je rentrais, de ma chambre à l'étage de la maison, j'ouvrais ma fenêtre sur ce beau village Fontenay-sur-Eure à quelques encablures, qui plongeait sur la rivière, mon berceau, l'Eure. Combien d'heures de contemplation sans bouger, le temps qui se figeait fatigué par mon périple de l'après midi. J'allumais mon Grundig, sortait une galette noire à la belle pochette et je mettais un vinyle, histoire de finir cette pâmoison panoramique pré-adolescente en musique.

C'était une époque où une chanson pouvait rendre heureux, un air, un texte, du populaire qui chantait sous toutes les coutures et surtout qui embellissait nos radios. La liste est longue, j'écoutais beaucoup les ondes à l'époque.

Des chansons qui me soignaient quand je rentrais dans ma chambre à l'étage à regarder par la grande fenêtre ouverte sur la campagne et qui plongeait sur l'Eure, vers Fontenay. J'écoutais beaucoup Branduardi, Yves Simon, Maurice Fanon  bien loin des gars du quartier qui m'auraient sûrement charrié pour ça. Je mentais sur mon sac US, il n'était pas inscrit au feutre noir Branduardi, ni Yves Simon. Évidemment j' étais un cancre, on ne se ballade pas comme ça des heures sans laisser de côté les choses que l'on doit faire. La tète en partance pas loin vers les choses simples et vitales inconsciemment. J'écoute Brandu et c'est tout ça qui resurgit à chaque fois, ce temps qui s’arrête, une chanson qui injecte quelque-chose de bon et rassurant, des moments insoucieux, le cours ordinaire qui passe.

Comme je me retrouvais seul presque tout le temps et quasiment volontairement, je balançais tout dans les chimères, les utopies, et je refaisais le monde dans mon coin. Il était vachement bien ce monde là avec ces chansons qui embellissent le quotidien, et enflamment la réserve d'une journée toute chargée de rien, des rêves et des espoirs.
« A la Foire de l'Est » est le troisième album de Branduardi à écouter en français ou italien, conteur et poète unique. Tant de belles chansons dans sa discographie, « Le don du cerf » ici, celle qui chante les souvenirs d'un gamin qui errait.... chanson pour embellir la vie.

Angelo Branduardi 1976 « A la Foire de l'Est » label : polydor



8 commentaires:

Keith Michards a dit…

Je me souviens de cet artiste totalement atypique qui chantait des chansons "médiévales" alors que le disco régnait en maître sur les ondes du monde entier. C'était fou, mais c'était beau !

gaby a dit…


J'aime trop , je ne sais si c'est permis mais je ne peux résister à vous faire écouter l'une de ses chansons que je préfère

http://ti1ca.com/ixvtquxa-12-La-loutre.mp3.html

charlu a dit…

Il a un peu disparu du circuit, et puis on en parle plus du tout.. "La demoiselle" ou "Va où le vent te mène" Chris.. connais pas ?? il a un peu la même coiffure que Kif, là en dessous sur sa photo :D

Mais oui c'est en plein disco... il avait qd même les pates d'eph sur scène.. "Le seigneur des baux" c'est très médiéval, comme le titre éponyme de cet album.

Mais oui c'est permis, très permis même. Perso "L'épouse dérobée" et "Couloir de trottoir" sont mes préférées

gaby a dit…


A propos de musique médiévale puisque vous en parlez , il y a les très beaux albums
de Luc Arbogast

deux exemples de chansons :

https://ti1ca.com/48fc3f17-11-Les-Egaux-De-Landrais-11-Les-Egaux-De-Landrais.mp3.html

https://ti1ca.com/its407qm-01.-Vox-Clamantis-01.-Vox-Clamantis.mp3.html

Rod a dit…

Une fois n'est pas coutume, je lis tes chroniques avec beaucoup de plaisir. J'aime la façon que tu as d'illustrer chacune d' elles dans un contexte particulier. Ça résonne fort en moi. Merci

charlu a dit…

Merci Rod, en plus je suis sûr que tu connais le tableau ;D

DevantF a dit…

Le citadin que je suis, est toujours emporté par les souvenirs des autres que je fais mien le temps d'une écoute. En te lisancoutant je pensais à un documentaire qui referait ton chemin, tes pauses, alternant le texte et la musique. Ce serait une autre façon de "parler" d'une oeuvre.
M. Brandu, à l'époque où je faisais semblant de mépriser le retour du folk médiéval (Malicorne etc..) j’aimais entendre la joyeuse fontaine Italienne du monsieur. Imperméable à mes moqueries, conquérant!
Aujourd'hui il me reste un brin de tendresse pour ce fond de mentalité. Rien que dans les opéra "primitifs", je n'ai aucun mal à aimer des Vivaldi, Monteverdi. Même un Haendel touché par la grâce transalpine. Alors que sérieux, très, me semblent les Lully, Charpentier, Rameau etc... Ce qu'elle est belle cet Italie (même privé de foot ha ha et même etc...)

charlu a dit…

Le Brandu, c'est un des rares que j'écoute de ce coin là, y'a bien Paolo Conte, mais c'est tout. Comme je suis pas très opéra.. j'ai de grosses lacunes transalpines. Chez Brandu, le truc qui me rend paff, c'est la poésie des textes et son écriture musicale boisée, comme une pureté de vieux tableau.

Thomas Köner 1993

  La croûte gelée se ramollit, ventre flasque et tiède respiration. Le ciel se charge de l’halènes des Steppes, le silence gronde. Notre ...