Le compte à rebours a commencé, c'est
le premier jour de mars comme un symbole. Les bourgeons sont là
depuis quelques jours en sourdine, comme si de rien n'était, ils
vont bientôt boire le sol et assécher la marmelade, ce bol
alimentaire terrestre qui n'en finit plus d'obstruer nos envies.
C'est dimanche en ce 1er mars tiède
chanté par les merles, il fallait fêter cela, danser cette nouvelle
du calendrier. Alors, en flânant entre mes arbustes mousseux à
reluquer la moindre pousse, je me suis demandé s'il fallait choisir
un seul album soul, celui qui renverse et met d'accord, la bande son
d'un espoir et d'un cœur qui tambourine au gré d'un soleil perçant,
lequel je choisirais ?
Je me voyais déjà à trier en me
ruant dans mes étagères et crouler sous l'hésitation à me
torturer, mon jeu préféré, mes auto-challenges de gamin à
m'imaginer. Et puis comme une obsession, la même pochette et le même
son est venu ruiner ma récréation à vouloir m'épancher sur tant
de choix à faire.
Bill Withers comme une évidence.
« Still Bill » est la perfection du son, de la voix, de
l'époque, du jeu, des compositions, de la cohérence, de la
pochette. C'est une visibilité parfaite, et pourtant j'ai cherché
dans mes tablettes de chevet, l'article.. rien dans « Great
Black Music » et ses 110 albums, rien dans quelques autres
bouquins, juste une pochette dans les cover de l'histoire soul.
Pourtant, ce disque c'est des hits
historiques, une certaines « discrétion », et un
équilibre évident pour le laurier du plus grand disque soul de
l'histoire pour mon cerveau carrément influencé par une date
printanière qui grignote la démission.
J'avais bien Marvin Gaye dans les
starting block et puis plein d'autres, un paquet de looser aussi,
mais chez Bill Withers, j'entends plein de choses en plus, Van
Morrisson par exemple, Stevie Wonder, du blues aussi (« I don't
want you on my mind »), « Still Bill » comme une
synthèse du genre.
L'idée pour moi d'une telle culture
musicale remonte à très loin avec la sensation d'avoir entendu et
assimilé cet opus dans l'inconscience la plus reculée, l'innocence
ou la négligence comme pour me l'offrir quelques décennies plus
tard.
Il y a juste à peine une pincée
mélancolique qui persiste sous cette opulence de joie véhiculée
par le sérieux rageur de la culture afro-américaine 70's dans sa
plus belle expression.
Ça paraît bateau, et je crois avoir
pris ma décision bien avant de me la demander.. pour moi le plus bel
album soul .. c'est « Still Bill » de Bill Withers, et
les grésillements vinyls, ce sont les bonus de cet opus
indispensable.
« Still Bill » comme une
pause à la course infernale hivernale qui prend chère aujourd'hui,
même si demain sera un autre jour pour courir. Un disque dominical
quoiqu'il en soit.
Bill Withers 1972 « Still Bill »
label : Sussex/Columbia