Une nouvelle bande son picturale vient
d'être composée par Burkhard Stangl. Réverbérations, distorsions,
résonance... les techniques nécessaires pour peindre la musique,
pour noyer les notes de guitare claire dans la lumière et le
contraste, le temps s'arrête sur la création.
« Unfinished » propose une
vision sonore du peintre William Turner. Une fois encore, on pourrait
choisir notre propre interprétation, notre intersection artistique
entre peinture et musique, faire coïncider les ambiances et les
textures via notre ressenti. Stangl égraine ses notes dans le
silence, l'espace et les jeux de lumières. Un léger field
recordings vient lier les couleurs, et pénètre le lin.
Hyper contemplatif, devant une toile de
Turner, une lumière puissance d'un paysage calme et reculé, devant
un processus créatif.
Il y a Fennesz aux manettes, ça se
passe chez Touch.
Burkhal Stangl 2013 « Unfinished.
For William Turner, painter. » label : touch
L'horizon me repose, je peux rester des
heures à fixer ce trait net qui scinde.
Il suffit juste qu'il pleuve averse, ou
qu'un rayon de soleil dégringole oblique et transperce les nuages
pour aller frapper la ligne droite, pour que tout devienne spectacle,
pause et pâmoison.
La musique de Food Pyramid est ainsi,
une ligne horizontale fantomatique brouillée par une pluie
synthétique, organique, pourpre soul et mollement apocalyptique.
C'est moderne, syncopé, déshumanisé, un dancefloor de paysage en
trombe psyché, délavé, cinglé de pluie, douché de lumière
boréale.
« Ecstasy & refreshment »
irradie en douceur, ou plutôt magnétise d'un son toxique, électro,
moderne et expérimental qui vient d'en bas.
Il n'y a pas d'abri, comment se
fait-il, qu'il pleuve et que l'on puisse regarder vers le haut ?
Cet album aux sonorités 90's est proposé chez Holy
mountain (label mythique de Ben Chasny), il est un troublant voyage magnétique lascif.
Je ne chronique jamais les ep, j'aime
trop l'idée d'un album. Quelques vinyls, quand le rituel se fait
sentir. Et je ne résiste pas ici, à vouloir parler pour la première
fois d'un 45T (ou plutôt un 33T ep)... non pas sorti des bacs
d'occas, d'un vide grenier ou d'un chapardage familiale... non, c'est
une nouveauté, le nouveau 45T rétro de Jethro Tull.
En face A, le hit 69 « Living in
the past » et « Witch's promise ». En face B, la
version UK mix 2013 de « Teacher », puis « Life is
a long song ».
Chrysalis le label, un petit trou au
milieu de la rondelle vert tilleul avec le papillon rouge, une
pochette extraordinaire...un 33T 4 titres format 45T, avec les
rebords pliées à l'extérieur du verso, comme à l'époque. Dire que l'on retournait les galettes toutes les deux chansons, et même une seule !!
Décidément, « Bichon »
n'était pas un accident, un instant opportun éclairé. « Love »
confirme. Julien Doré propose un nouveau grand disque de chansons
d'ici, même si quelques une sont en anglais. Un toucher, un talent,
une vision imparable de la chanson efficace bourrée de talents, à
fredonner n'importe où et n'importe quand.
Ce troisième album va faire table rase
des lourdeurs de CV qu'on lui afflige, et des baves médiatiques. Il
était écrit qu'il serait facile, avec toujours ce petit décalage
kitch cliché qu'on aime sans réellement pouvoir l'assumer. J'assume
en bloc, cet album est grand, du calibre de « Vers les lueurs »
de Dominique A, de quelques chansons de Christophe, des airs de
Florent Marchet, un dandysme Sébastien Tellier, Julien Baer en
simplicité.... y'a tant de choses chez Julien Doré qu'il en devient
unique.
Et puis il y a «Platini »,
chanson déglingos façon Katerine, sulfureux, provoc avec un gros
matos mélodieux derrière, hommage en substance.. à l'aube d'une
grève footballistique, il serait bon de passer cette chanson juste
pour rappeler ce qu'ils sont devenus, ce qu'ils deviennent, ce qu'ils
vont devenir, ce qu'ils sont..même s'ils ont été, histoire de
relativiser, et de rire aussi...ou de pleurer.
Je n'aurais jamais cru en « Love »
aussi rapidement, si je n'avais pas accroché sur « Bichon »..
Un grand disque.
Miles Davis vers un dub éclairé,
planant.... un grand vaisseau spatial cuivré en partance vers le
soleil. Polaire..solaire, peu importe, juste de tortueux paysages
labyrinthiques doux, façon Harold Budd, à la recherche d'une
planète outrageusement nuancée. Astral.
Seuls les crépitements du vinyl nous
rappellent que nous sommes encore sur terre... un nouveau voyage
immobile.
1/1 est un prodigieux jazz cosmique en
équilibre vers des nébuleuses empiriques, une impro live qui happe
et nous invite à expérimenter la liberté d'un duo électro-jazz.
Nils Petter Molvaer & Moritz Von
Oswald 2013 « 1/1 »
Complément d'enquête sur les
guitaristes foudroyés par l'éclair : après le franc succès du
premier album de Keziah Jones en 92, celui-ci s'est attelé à
durcir, sur son album suivant, le son de ses riffs et de sa pédale,
de la basse qui devient folle, et de la batterie qui s'alourdit plus
encore.
Des morceaux épiques, de l'acier sur
le génie guitaristique du nigérian. Sombrant dans la fusion
« African space craft » aura des sonorités Red Hot des
débuts (« Prodigal funk » ou encore
« Funk'n'circumstance »), avec en plus la chaleur
africaine de son écriture « rockysée » et poussant
encore plus loin son jeu de guitare endiablé, génial (intro de
« Million miles from home »), groove et hendrixien.
Chaque morceau est un brûlot, des
intros qui ajoutent un aspect conceptuel, le morceau éponyme dure
8'12''..infernal et sévère. Faut pouvoir se le bouffer sur une
heure sans repos cet opus. Comment ne pas devenir fou sur « Dear
Mr Cooper »;
« Colorful world » sur un
tempo hard;
« Cubic space division » à
toute vitesse;
le dansant « Never gonna let you
go » plus fidèle à son style ordinaire et terriblement
contagieux...(l'intro directe me rend fou).
Funky, groovy, hard, métalleux, blues,
endiablé, infernal, fusion, terriblement bon, je ne suis pas sûr
que cet album là ait rencontré les suffrages, comparé au premier
et aux suivants.. le syndrome du deuxième album comme ils disent,
moi c'est mon favori.
Pour info, son dernier album date de
2008, il a inventé un style, le « Blufunk » qu'il veut
mettre en pratique en créant un festival Paris-Lagos.... son nouvel
album sort en ..novembre 2013 « Afro New Wave ». Bim.
Keziah Jones 1995 « African space
craft » label : delabel
Faut pas se trimbaler sous l'orage
comme ça, avec sa gratte branchée sur le secteur.
L'a pris la foudre direct, une
fulgurance dans l'échine. Du coup, les plombs soul ont sauté et le
blues incandescent de Black Joe Lewis a été cramé, calciné en
rock abrasif détonnant et musclé.
Le plein d'énergie, il va falloir
attendre pas mal d'écoutes avant que la braise ne s'éteigne, avant
de voir l'aiguille du compteur quitter le rouge, que l'effet joule
redevienne soul. Moi je m'en fout, j'aime les deux, "Electric slave" est
époustouflant, des corps vont se vider, des courbatures s'engluer
sous la peau... putain que c'est bon.
Un jour, le sublissime guitariste
Keziah Jones, m'avait fait la même impression, sans pour autant
atteindre la même brûlure, avec son atypique « African space
craft », il avait endurci son jeu en 1995, tout en gardant sa
chaleur habituelle.
Canicule sous la chemise, carnaval dans
le slip, cataclysme dans les haut parleur, le nouveau Black Joe Lewis
est une bombe.
Black Joe Lewis 2013 « Electric
slave » label : vagrant
Le corps et la tète, cette terrible
frontière qui nous découpe la gorge. Comment y laisser passer nos
sucs, la substance de nos noyaux à faire suer notre l'épiderme
maussade.
Quelle transpiration accepter, quelle
tolérance suis-je capable de m'offrir pour lutter contre l'égoïsme
et l'autosuffisance, tout en acceptant la permission ? L'harmonie est
un outil fourni sans notice.
Comment se libérer, glisser sur ce qui
nous irrite, nous gâche. Il est nécessaire de phagocyter, pour
déglutir, digérer et recracher quitte à perdre du temps sur la
répartie, sur la violence des mots volcaniques. L'appareil digestif
du cerveau est aussi lié à l'acidité des idées.
La carcasse a ses automatismes, la
pensée feint, et quand les actes débordent, le cerveau se bleuit
d'hématomes. La musique alors est une dose homéopathique d'arnica,
la décontraction cérébrale est un lent processus à travers lequel
je lis tout mon désarroi. Quel calmant, quelle punition s'affliger.
Les dents serrées, je laisse la dérive contrôler et polir mes
bosses, qu'il est bon de flotter...je laisse ces riffs oppressés me
pénétrer en douleur, ces hurlements doux et syncopés me faire la
leçon en douceur. J'ai toujours l'œil rivé sur ce coin de ciel
bleu.
L'effet claustro est à son comble, pas
beaucoup d'issue, une chape plombée anthracite de matière grise
branle sous mon crane et mon corps en prend un coup.
Lee Ronaldo sort de son côté un
nouvel album solo. Kim Gordon aussi, associée à Bill Nace, sous le nom de Body/Head.
L'étiquette: « Experimental improv bass / Free noise
guitarist ».
Keskekwakon en pense et n'importe
kwakondiz, Lenny Kravitz a sorti un disque a placer sans hésitation
dans l'histoire de la musique. J'ai commencé sa discographie avec
« Are you gonna go my way ». Mais il est aussi celui avec
lequel je l'ai terminée, plus rien d'autre après, impossible de me
détacher de cet album là.
La chanson éponyme injecte un jerk
endiablé avec un solo guitare/basse époustouflant. Du rock au
dosage parfait, un son 70's, psychédélique juste ce qu'il faut, une
voix, des singles à la pelle, du glamour et du groove.
Bref, une illumination qui lui aura
surement brûlé la cervelle.
« Are you gonna go my way »
est bourrée de références, se rattache à une époque, ça sent la
vieille bagnole, l'urbanisme sexy, les riffs simples en gimmicks
entêtants, ça sent le chaud sous le capot, ça ronronne, éclabousse
et ça y va tout seul. On renifle le bill board à plein nez, le
mégalo aussi, on dirait une compilation. Ça à l'air facile comme
ça, c'est un grand disque rock des 90's, bien à lui.
« Just be a woman » sonne
très Lennon, le disque sonnera très Beatles avec des allures
d'Hendrix et de Prince. Surement a t-il été percuté par "There's a Riot going on" des Sly (qui ient aussi de ressortir en hyper deluxe edition).
C'est la période Vanessa Paradis, pour
qui il vient d'écrire un album, un cliché de plus pour fuir à
grande enjambée le produit. Eh bien que nenni, les bonus, ainsi que
les « Vanessa Paradis demos » sont des bijoux à
inclure directe dans l'album. Une muse ? Ce disque est tonitruant,
excellent d'un bout à l'autre.
1993, pas grand chose dans les bacs au
rayon nouveauté. « In utero »de Nirvana fait rage, il
vient de sortir en réédition d'ailleurs, tout comme « Are you
gonna go my way », en mode rétro, R'n'B pop rock de grande
envergure. 20 ième anniversaire. 1993, pas souvenir de beaucoup
d'album, celui-là en tout cas a fait chauffer la platine.
Lenny Kravitz 1993/2013 « Are you
gonna go my way »
...enfin, pas tout à fait. Après une
carrière de travail, d'expérimentations et de peaux burinées, les
chansons de Tindersticks revisitées s'écoutent comme on explore une
vieille boite à photos, quelques décennies ou années plus tard.
Tellement différentes sur nos murs vieillis, et pourtant on connait,
on y est encore..sous d'autres lumières.
Des années après, c'est plus beau
encore, troublant. On revoit des visages, des couleurs, les émotions
rejaillissent, celles qu'on maîtrise un peu plus. On palpe et croque
la madeleine qui se voile de sépia et des saveurs d'alors.
Et en plus, lorsqu'il s'agit des
meilleurs moments d'une vie, l'introspection vire à l'émoi.
Ceci est un grand grand disque.
Dépouillé, à portée d'âme, comme
un huit clos acoustique, un live intra-muros, un événement comme
une proximité que l'on aurait pu rêver. Si toutes les
rétrospectives étaient ainsi, rejouées avec le poids d'une
ardoisière, je me pencherais d'avantage sur les compilations.
Vingt ans de carrière, une vision
deluxe, une vraie pour une fois. Il manque quelques années, on en
redemande.
Ceci n'est pas un rêve.
Tindersticks 2013 « Across six
leap years » label : lucky dogs/city slang
Ailleurs la grandiloquence déiste,
passée l'exubérance sexuelle ou l'excitation politique, c'est le
retour à la ritournelle, affublée de l'immense tristesse de
« L'incroyable vérité ». Le nouvel album de Sébastien
Tellier prend à nouveau une autre direction gardant son touché
pianistique et sa batterie molle de jazz ambiant. Il n'est pas très
en verve sur « Confection » et j'y plonge comme on écoute
une BO.. « Adieu mes amours » sonne comme un Polnareff
des « folie des grandeurs » dans sa phase la plus douce, ou bien les espaces Moriconniens de "Rome", le fantastique album revisité de Danger Mouse et Daniele Luppi.
On le prend comme il vient, il fait ce
qu'il veut, moi je le préfère comme cela, recroquevillé sur ses
lueurs crépusculaires, mélancoliques, romantiques et classiques.
Une nouvelle fois, Sébastien Tellier frôle les clichés, sans
jamais y sombrer, un autre album concept, une autre couleur, de la
musique décalée et sublime à l'image d' « Adieu » en
ouverture.
Sébastien Tellier 2013 « Confection »
label : record makers
Mazzy Star a grignoté des amanites et
fumé du brun chamanique, avec dedans des limbes mous de fleurs
fauves, faussement mauves avec des petits éclats de soleil au bout
de la langue.
Une fois les ramures veineuses brûlées,
le cerveau se dilate au bain-marie. L'incubation grimpe et liquéfie
les peaux tendues. Je suis de plus en plus perméable.
Je laisse chaque cellule adsorber les
sucs, je fais le plein de canicule avant l'hivernage.
La brume tronc et l'or au sol, je
contemple la mutation avant qu'elle ne se couvre de givre.
Mon cerveau à l'envers n'est plus à
niveau, je m'éloigne du caniveau et arpente les dunes marmelades des
coteaux de terre verte recouverts.
Comme un chant de sirène forestier, je
me suis dirigé aveuglément vers ce trouble acidulé, d'un breuil
illimité, suffoquant sous l'infinie hygrométrique.
Engourdissant.
Arrowwood 2013 « Beautiful
grave » label : merlins nose
Comme une belle éclaircie de fin de
journée qui vient balayer des heures grises, « Broderick &
Broderick » souffle sur les flans de quelques lourds nuages.
Une demi douzaine de chansons et pièces
instrumentales suffisent a éclaircir le plafond. Ce mini 33T est une
aubaine à ébrouer sur le visage, un petit air tiède de lumière
tamisée, un air celtique frais néo-classique.
Peter Broderick et son père, se sont
laissé aller au grès du vent à égrener des airs légers de
cordes. Peter arrange, Steven aux notes, un peu de field recording,
un chant, une histoire de famille. « The thunder dance »
par exemple m'emmène sur les airs folkloriques et doux de Mike
Oldfield.
Ce miracle blanc et turquoise injecte
le printemps. Et pourquoi pas voir dans cette hécatombe
chlorophyllienne annoncée, le cycle nourricier des prochains beaux
jours à venir. C'est court, c'est trop beau pour se répandre, le
son est sublime, il n'y a que des cordes, piano, banjo, nylon, basse,
violon ….. Une nouvelle fois Peter Broderick affiche ses sentiments
artistiques les plus tendres, les plus délicats.
« ..mes mains touchent la
rosée », quelques accords mineurs, le capo en 3, faut pas me
faire des trucs pareil à moi, c'est pas réglo..les feuilles qui
tombent à l'heure, la marée qui refoule nos humeurs, des âmes
qu'on hurle en dedans, des mers à boire toujours assoiffé..et tout
au bout, nos cellules qui explosent comme des bulles de savon, une à
une, le desquame automnal des aldéhydes.
Piers Faccini a muselé sa gamme
géographique comme si on lui avait enlevé quelque chose, comme s'il
se retrouvait au pieds de ses ruines, des pierres qui font ses
racines.
Il y a longtemps que je pense à écrire
un billet sur ce baladin crooner, depuis « Tearing sky »
en 2006 sans pouvoir me répandre sur cette évidence. A chaque fois,
un album que l'on peut écouter tout le temps et n'importe quand.
C'est assez rare des disques fidèles qu'on embarque partout. Il aura
fallu attendre qu'il épure, qu'il se recroqueville dans sa
profondeur, tout en gardant sa flexibilité vocale et son toucher
musical chaleureux.
Il sort cet album sur un label qu'il
vient de créer.
Il repartira un jour c'est sûr, en
attendant, l'intimité et la proximité de ses lueurs terrestres sont
poignantes, entre chiens et loups.
C'est un grand disque de troubadour
qu'il nous ait donné d'écouter depuis quelques jours, un poète
acoustique mélancolique.
Puis encore et toujours ces accords
mineurs qui me foutent par terre, une mélodie aussi douce qui
injecte une telle violence solitaire, accords-mélodie-harmonie, une
beauté simple qui appelle à la démission, la contemplation d'un
endormissement cyclique. « Reste la marée »
naturellement me laisse avec une idée vague, la vague, le vague à
l'âme.
Piers Faccini 2013 « Between dogs
and wolves » label : beating drum
J’ai mis quelques écoutes à pouvoir m’installer au sein des scénettes automnales d’ « Aventine », peut être a t-il fallu que je me débarrasse des prévisions appuyées et des éloges dithyrambiques avant même qu’il ne sorte, extraire les remugles Enya du clavier que j’eu préféré symphonique, ou encore retrouver l’effet de surprise qui avait fait de « Philharmonics » un des plus bel album de l’année 2010.
Au fil des écoutes, tout s’est dissipé et je suis resté avec ses notes, sa voix et la délicatesse de son acoustique sublimement composé. « Fuel to fire » est là, immédiatement pour happer de nouveau, avec cette petite nonchalance dans le timbre et ce murmure de folk néo-classique qui fait tout son charme. La suite est logique et divin, on s’amourache. J’ai eu peur un moment de ne pas pouvoir partager cette lumière orange tamisée, de ne pouvoir communier avec ses accords religieux.
« Aventine » est un grand disque.
Agnes Obel 2013 « Aventine » label : play it again sam
L'automne n'est pas encore dans ses
morsures profondes et le mercure est resté figé à l'heure
estivale. Tout est suspendu aux rameaux, la mobilisation a sonné,
les animaux guettent et se chargent de patience. Les grandes
chevelures s'enduisent de brumes, reluisent de brouillard, il fait
tiède, il fait lourd et humide.
In Gowan Ring a su capter cette chaleur
automnale, ce taux d'hygrométrie poussé jusqu'à son souffle le
plus lourd. La terre exalte des parfums incandescents, la moisissure
grouille et les champignons narguent.
In Gowan Ring, c'est Birch Book en plus
acide, en version automne chaleureux, juste avant l'hécatombe des
feuillages. Des plage noisy psyché ambiantes viennent s'incruster
entre les chansons de folk lumineux de B'eirth.
Telles les rêveries d'un promeneur
solitaire, cet album est la bande son d'une flânerie dans une forêt
grasse, chaude et imbibée, enivré par milles parfums végétaux et
les cordes médiévales de « The Glinting spade ». Le
terreaux foulé est moelleux et sourd, il est prêt pour sa tendre
couverture de couleurs chaudes.
En vinyle, l'écoute devient presque un rituel, religieuse.
Des chansons pour accompagner les clichés d'Echiré.
In Gowan Ring 2013 "The Glinting Spade" label : merlin's nose
A propos de ce groupe là, une
formidable excitation de jams expérimentaux se faufile dans le
labyrinthe cérébral en toute liberté. Concassé puis étalé sur
la palette, les couleurs s’entrechoquent, et sous la couche noire
qui ondule, les teintes fauves psychédéliques jaillissent,
éclaboussent. Ici viennent se percuter des membres de Hot Chip,
This Eat et Spiritualized.
Jubilatoire.
Il y a du tangage dans cette sensualité
burinée, du blues décalé, un esprit Prince. « All is not
lost » est sexuel et contagieux, « Words » sur le
"Sexuality" de Tellier. Les gammes sonores sont des textures en
patchwork, cet album aurait pu être un recueil de pop blues jazzy
ordinaire s’il n’y avait ce grain de folie bariolée et
sophistiquée qui déplace la musique de « Between de walls »
vers des architectures tarabiscotées et noisy. C’est moderne,
rétro, improbable et accrocheur.
Excitant.
J’ai rêvé que je dansais un slow avec une
fille à la coiffure astronomique et sauvage, la bouche violette et
les yeux kaléidoscopique. Sa chrysalide collée sur ma cuisse comme une
ventouse de poulpe caméléon, injectait une chaleur toxique faisant
jaillir par les yeux des giclées de couleurs visqueuses et bariolée.
Diabolique. Qui m'a réveillé, je veux retourner sur ce dance floor
patchouli, injecté par la toxicité des sucs de fleurs acides de ma
partenaire.
Inspiré.
About Group 2013
« Between the walls » label : domino
A part peut être « Moon rabbit »
qui ressemble en mieux à un mauvais Beach Boys, le nouvel album de
Cloud Control est un bijou de pop élégiaque, collégiale,
grandiloquente, aux mélodies planantes.
La son est spacieux, organique,
électrique et moderne. Les australiens se classent parmi
une pléthore de groupes « pop moderne », mais avec en
plus, un charme dans l’écriture, jonglant avec voix neutres sous
des effets de chorale saturée près à se jeter dans le vide pour
glisser sur les convections. Les rythmiques et les idées musicales
accrochent. Juvénile, frais, luxuriant et innocent, « Dream
cave » est une belle surprise à extraire des trouvailles
musicales de ces derniers temps.
Les nouveautés justement, avec
quelques rapprochements de pochettes qui se croisent, le retour des
Girls in Hawaii déjà chroniqué, et celui des Volcano Choir. Des
effets de vagues sombres aux allures de montagnes, du bleu roi en pétrole dilué, la trinité
océanique, une triangulaire géographique, Australe, Belgique,
Amérique du nord.
Justin Vernon use de Volcano Choir pour
s’exprimer à travers une pop électronique loin de son deuxième
pseudo Bon Iver. Cette autre pop moderne évidente de Jagjaguwar,
même si elle invoque une certaine monotonie à la première écoute,
« Repave » nous transporte dans des espaces aux larges
ordonnées, tout en gardant une certaines inertie dans les abysses.
Il faut se laisser légèrement dériver par la houle pour adsorber
les effets aériens de ce deuxième album, qui rappelle les belles
heures de The Postal Service.
Volcano Choir ou Cloud Control ?? je choisis les australiens.
Cloud Control 2013
« Dream cave » label : infectious
music
.....et se boire un excellent
Guitares/basse/batterie, comme on laisse couler dans la gorge un
bourbon 21 ans d'âge, ce blues a vieilli en fût de chêne, d'un malt
qui a pris le soleil sévèrement, un goût de thé noir qui remonte
et des odeurs de tabac corsé.
C'est pas fréquent de sortir un telle
bouteille, Tony Joe White vient de poser sur la rambarde, une de ses
meilleures, un cru à faire bramer le palais, un blues qui bande, le
rocking chair qui chiale.
Les tempi sont chaloupés, les
rythmiques cinglent et ronronnent, un discret clavier pour la
lumière, une basse 16 soupapes, et les accords JJ Cale, un super
putain de bon disque pour se foutre des alentours, juste là à
rester savourer le boeuf de « Hooboo ».