Deux petites nouveautés pop attirantes
se promènent sur les terres britanniques.
Vers les contrées écossaises, C
Duncan souffle des ballades sonores paisibles et intemporelles.
Cette pop huis clos synthétique et chafouine, proche de ses
compatriotes The Beta Band, éclaire l'horizon d'une lueur rêveuse
et psychédélique.
Plus loin, sur les collines galloises,
Sweet Baboo répand sa fragilité poétique folk proche de ses
compatriotes Gorky's Zygotic Mynci. C'est intime, mélancolique une pop
de chambre à la clarté automnale.
Il faut voir le CV musical des méandres
du Tennessee, comme celui du Mississipi, tout ce qui lèche les lits
de ces gigantesques serpents fleurit merveilleusement depuis des
décennies.
C'est à Nashville qu'a bourgeonné à
nouveau un enfant du cru avec un album drainé du jus du coin, des couleurs traditionnelles et des allures modernes qui peuvent renvoyer à Findlay Brown.
Rayland Baxter
est une discrète passation, « Imaginary Man » un très
bel album rural, de la jeune country, avec un bon son et des
compositions imparables.
Pas facile d'attaquer de front la
montagne pourpre, de passer outre les chemins balisés, la garance
des flèches, et risquer de tout perdre, de rester accroché à la
falaise au dessus du vide comme un con andrinople, ou en dessous du néant comme vers l'auberge bleue violacée, du ciel aubergine.
Ne pas paniquer et se dire que si ça tient, on va se prendre une bonne prise pierreuse, un caillou
inébranlable pour aller là haut, au sommet, sur la cime hasardeuse
de sang bleu des dômes hardeux.
Le Zorno m'a plaqué sur le flan avec
ces vieux opus profonds du Deep que j'ai tendance à oublier, comme
le particulier « The house of blue light », ou encore « Rapture
of the deep » .. et une fois à gravir la chaine des monts
empourprés, j'arrive toujours sur le palier magnifique violet des
avancées perpendiculaires, mon album préféré, les 70's hors jeu.
Des airs de Hendrix, avec cela en plus
que le psyché devient soul et l'acide jazz, le folk-rock
cinématographique avec un orchestre comme chez Scott Walker, c'est
un précurseur du genre, c'est le fils de Johnny, Shuggie Otis. Juste
l'écoute de l'intro « Oxford gray » suffit à tout
démontrer.
Et voilà les feuilles qui font la moue
parce que le soleil ne monte plus très haut depuis quelques
semaines. Il change d'hémisphère de boutique, et cette bouderie
n'en finit pas de revenir, le ressac annuel du roussi perpétuel.
L'automne est aux portes de nos bacs,
des vieux albums marcescents restent accrochés aux promontoires
comme les feuilles grillées des hauts chênes d'une saison révolue.
On les croit mort, ils sont toujours là, beaux et mordorées. Le
caduc est impitoyable, ça tombe à la pelle, des caisses d'opus
oubliés. J'ai retrouvé un disque aux couleurs d'automne resté
accroché à la vitrine, un petit trésor comme une couleur fauve de
fin de saison qui réchauffe le fond gris sur lequel beaucoup de
disques agonisants restent accrochés malgré les mouvements
saisonniers qui défilent. « Here comes Shuggie Otis »
est un chef d'œuvre oublié toujours accroché aux étagères marcescentes.
Shuggie Otis 1970 « Here comes
Shuggie Otis » label : epic
Avant toute chose et que l'on se
gausse, écoutez d'emblée « Somebody who cares » pour la
beauté des choses écrites ou « Keep under cover » pour
la facilité juteuse d'un génie de la chanson.
Déjà chroniqués ? Bah nan, j'en ai
juste parlé, enfin je crois.. bon quelques mots seulement !! oui
??!!cool …
1981, juste après McCartney II, Paul
entre dans une phase de retrait, affublé par la disparition de son
frère d'âme, il restera toute l'année silencieux, la première
fois depuis 20 ans. Il tape la quarantaine, la douleur Lennon le
pousse à retrouver les siens plus encore, des vieilles connaissances
perdues, des anciens amis, un break sentimental. Il reviens vers
George Martin, Ringo, puis George Harrison en acceptant son
invitation pour faire les chœurs sur « All those years ago »,
chanson hommage à John, l'équivalent du bouleversant « Here
today » pour Paul.
Silence discographique de deux ans,
compteur émotionnel remis à zéro, plus aucun groupe à faire
tourner, beaucoup pensent qu'il va s'étioler. C'est mal connaître
le génie pop britannique.
Une certitude, rebondir, stopper
définitivement les Wings, d'autant plus que «McCartney II »
fut un gros succès.. et repartir de plus belle.
1982, il redevient l'élève de George
Martin, impressionné, un challenge et en l'espace de quelques
semaines il envoie sur le papier le matériel intégral de ses deux
prochains albums « Tug of War » et « Pipes of
Peace » avec des automatismes Beatles pour la première fois
depuis très longtemps. Il a un besoin vital d'être entouré, sur
Tug sont invités Carl Perkins, Ringo Starr et Denny Laine entre
autre et bien sûr Stevie Wonder. L'énergie, le génie et les charts
sont au rendez-vous, alors que cette année là, la concurrence
nouvelle génération est rude. Être en danger est son déclic.
« Pipes of Peace » l'année
suivante sonne comme la deuxième partie du double album War/Peace,
avec ce sentiment que le meilleur a été déposé sur War le premier
volume, en dehors des hits planétaires. Les invités sont plus rares
et Michael Jackson a remplacé Stevie Wonder, ces 2 guest stars ont
quand même donné la couleur de chacun des albums. « Say Say
Say » ou « The Man », ou même « The Girl is
mine » sont des perfections pop, tout comme « Ebony
Ivory », des ballades interplanétaires quoiqu'on puisse en
juger, et je pense à la difficulté d'écrire des chansons légères,
des hymnes lumineux, des marches dansantes universelles.
Ce que je pense des deux albums ?? j'ai
dit « quelques mots seulement » ;D
Ah oui, si je vous parle de Macca
82/83, c'est parce que ces jours-ci sortent les rééditions des deux
bijoux, avec des bonus réservés aux amoureux. Deux magnifiques
objets pour une nouvelle phase, une carrière qui redémarre sur les
chapeaux de roue.
Paul McCartney 1982/83 « Tug of
War » « Pipes of peace » label : parlophone
Cette manie de Devant d'aller fouiller
derrière la pile de magasines entassés depuis des années.. que
dis-je, des décennies. Chiche ! N°78 mars 2004 pris au hasard dans
la pile magique de la revue pop moderne. Magic à l'époque avec une
virgule.
Quel numéro ce Tonio, quelle idée
est-il allé me souffler, comme un tic que je vais surement garder.
Quel numéro ce 78 de printemps musical.. en vrac des sorties
d'alors: le « Weather System » d'Andrew Bird, The Coral,
Polar, Octet, Explosion in the sky, Stereolab, Alias, Girls in Hawaï,
Zero 7, Refree, Blonde Redhead, Liars, Oneida, Matt Harding, The
Experimental Pop Band, Dominique A « Tout sera comme avant »,
Scissor Sisters, Miossec en « 1964 », Hymnie s
Basement, Feist, Daniel Darc et son « Crève coeur »,
Autour de Lucie, Franz Ferdinand tout neuf, l'apparition de Encre...
Et puis ce formidable album du mois de
Pierre Bondu, « Quelqu'un quelque part », un grand disque
de part ici à ranger parmi mes meilleurs, tout près de Julien Baer
1997 par exemple, ou « Le dernier présent » d'Alexis HK,
ou encore « Parcs » de Bertrand Belin, histoire de rester
dans la même famille. Tiens, justement, Bertrand Belin, l'imparable
auteur compositeur guitariste écrivain qui embellit nos bacs et nos
platines depuis 2004.
« Hyper nuit » est un chef
d'œuvre, « Parcs » est un hyper chef d'œuvre, « Cap
Waller » sa nouvelle production que je découvre en feuilletant
quelques pages de magasine ou Pierre Bondu s'est affiché album du
mois en mars 2004 s'installe solidement.
« Cap Waller » est plus
pop, groove, enlevé, burlesque, éclairé et balancé. Une nuance se
dessine, une couleur un déhanchement plus fauve que d'ordinaire.
Encore une idée de noyade qui flotte,
comme du temps de « Peggy » sur « Parcs » et
qui ramène vers son livre « Requin » .. quelle écriture!
chaque mot une tonne d'images entêtantes, comme dans ses chansons,
quel verbe fantastique! un livre savoureux.
Bertrand Belin, c'est un tout, jeu de
voix, guitare rassurante, mots ciblés, ambiances malignes, vidéos
folles.
Depuis que je griffonne ce billet,
« Cap Waller » passe pour la troisième fois, une
contagion me monte le long de l'échine, remonte encore et me raidit
le cou pour tendre l'oreille, mieux écouter à nouveau et venir
rejoindre les Hyper-Parcs. Ce disque est fou fou fou, juste ce qu'il
faut, une folie littéraire et musical, un style, une façon de
chanter, les morceaux défilent et je suis pris de soubresauts, de
tics syncopés, il va falloir que l'on songe à parler le folle. Mais
je bavasse et me répands au fil des vers appuyés et du son
cyclique, faut nager et se laisser appâter quitte à se noyer.
Chez Belin, la finesse est telle qu'il
faut absolument se laisser engluer dans ses écritures pour savourer
sans bêcher les embuches, toute la subtilité des saynètes et du
mot juste.
Oui, comme le dis si bien Pax, il n'y a
pas de hasard, et de par Devant je suis allé vers l'arrière pour
fouiller et tomber sur un certain album superbe en écoutant le
dernier opus de Bertrand Belin qui pointe assurément le bout de son
cap sur l'idéal que je me fais de l'hyperbelle chanson de par ici.
The Declining Winter est un morceau
arraché à Hood, groupe mythique du Yorkshire englué jadis dans la
mélasse mélancolique d'un rock pop dévidé et sombre. Si Hood
arrivait à l'époque, grâce au label Domino, à retenir une
attention affirmée, la tangente de Richard Adams reste totalement
invisible. Pourtant le cinquième album sort ces jours-ci.
Lancinants, répétitifs, les paysages
electro-pop de « Home for lost souls » se morfondent dans
une guimauve robotique et monocorde. Un semblant de lumière lutte
comme pour sauver Hood de la vase séduisante. Sans succès, toujours
le sable affamé remue et une jambe privée de grand air reste
agrippée dans la boue. Ne pas bouger pour ne pas sombrer, juste
écouter et contempler, se rappeler de Hood, et se dire que de toute
façon, le jour va finir par se lever.
Je me souviens du magnifique « Goodbye
Minnesota » avec ses allures plus sèches, plus acoustiques,
Richard Adams venait à peine se s'extraire de Hood. « Home for
lost souls » est à l'image des photos de la pochette, sublime,
éclaboussé de mélancolie. L'hiver se dessine dans un déclin
automnale tiède et lumineux.
The Declining Winter 2015 « Home
for lost souls » label : home assembly music
Voilà l'humain qui a bien plombé,
tout tombe à Low. Comme une vague idée de décroissance espérée
pour arriver à l'équilibre, le trio du Minnesota a toujours eu des
ondes sur les mêmes longueurs que les miennes. « Secret name »
en 99 m'avait mis la puce tsétsé à l'oreille. « Trust »
mon préféré, la cime d'un drame musical sublime, puis les albums
qui défilent, sans que je ne puisse contester le bonheur d'une
certaine lenteur récurrente, la rudesse des émotions ralenties,
comme pour les déguster. Low est un précepte et un principe.
Onzième album depuis 1993, minimalisme
éprouvé, trio sans fioriture, avec une palette juste légèrement
plus organique. Low est dans le peloton durable de mes groupes
contemporains les meilleurs, je me demande même pourquoi ils ne sont
pas anglais ces trois là de Duluth, Minnesota.
« Ones & Sixes », la
bande son automnale des chimères endormies.
Je ne contemple plus rien, du moins
depuis mes contemporains tintintin.. c'est pas pour rien que je
peignais sans eux sur le lin, j'avais un doute, je m'abstenais.
La virginité de l'horizon devient un
luxe.
A force de croire qu'il fallait que je
les aime je me demande si je n'ai pas perdu mon message en route.
Celui enfant que l'on doit transmettre au vieillard que nous serons.
Les évidences sont souvent fades à
dire, à répéter, tout dépends la façon de les montrer et de les
mettre en musique. Les bras tombent, on le savait qu'ils étaient
lourds, une sauvegarde ou un égoïsme de les laisser tomber ainsi
comme des larmes ?
L'adulte, c'est-à-dire l'homme devenu
administratif, doit lutter pour ne pas perdre son statue d'homme,
garder ce message d'enfant donc pour ce vieillard, essayer au mieux
de ne pas anéantir ses chimères, ses utopies amères qui le
deviennent à force de surenchérir l'indifférence parce que le
quotidien que l'on nous offre est un endormissement des envies, un
engourdissement des jouissances, du bromure pour nos herbes folles.
La vie entière d'un astre chaud ne
dépend que de quelques mégalopoles affamées suçant l'énergie du
noyau, pompant, phagocytant le vital du globe. Le bipède comme la
limaille de fer s'agglutine vers les immeubles aimants et les
sous-sols, quelques chose les attire comme un mot d'ordre.
Pourtant, l'idée que chacun d'entre
eux est beau me plait beaucoup, il suffit d'une rencontre, de gratter
un peu, de regarder bien au fond pour voir la beauté et délier
toute chose qui font le charme d'une âme.
J'ai dû resté enfant pour autant
pleurer sur « Human » qu'il s'agisse de la splendeur d'un
visage, de la musique ou des images, devant l'évidence invisible. Je
dois être affublé de symptômes pour arriver à cette altitude de
fébrilité, lutter au quotidien contre mon implication consumériste
pour culpabiliser sans cesse en silence. Je suis un maillon.
A force de ne plus rien voir de mes
contemporains, je ne regarde plus que celle qui m'accompagne depuis
25 ans, je vois une fourmilière moite et contaminée tout autour, je
ne vois qu'elle et nos petits fruits à nous, les seuls qui peuvent
encore m'injecter un minimum de lucidité et de bonne tenue. J'ai
convoqué ces petits fruits pour regarder « Human »,
c'est tellement facile, devenu anodin et bateau que je me suis dit
qu'il ne fallait pas s'en priver. Puis si c'est si évident, il y a
donc non assistance …
Ne vous moquez pas.. mes enfants sont
les enfants d'un enfant, pourtant je joue le jeux, je suis à peine
dedans mais j'y suis, j'y ai un pied et j'essaye de penser à cet
enfant que j'étais, solitaire mais pas misanthrope, plein d'espoirs,
prendre les individus un par un, jamais en groupe ou à plusieurs.
Regarder dedans.. et pourquoi pas les peindre, comme Yann Arthus
Bertrand. La misanthropie corrigée pourrait devenir un art ?
C'est pas un film documentaire pour
ouvrir les yeux, c'est pour éviter de les fermer un peu plus, c'est
pour prendre nos messages d'enfants par la main et les trainer avec
nous, sans rien lâcher...aimer chacune de nos rencontres, jusqu'à
les peindre, les croquer, les poser sur un horizon, capturer leur
beauté définitivement.
J'ai vu quelques agrumes dans la
corbeille posée juste au milieu des tasses de porcelaine gravées de
pivoines. La table du petit déjeuner était déjà dressée,
marmelade de fruits rouges, tartines de pain grillé, des verres de
cristal pour accueillir ces agrumes pressés.
Des couleurs enivrantes que je
n'attendais pas pour mon réveil, des vitamines à pleurer. Et pour
parfums, le beurre des croissants tachant le tissu les retenant, et
le café au loin titillant plus que de raison mes glandes salivaires,
mon cerveau endolori et la faim de mes naseaux. Grisant juste ce
qu'il fallait s'il n'y avait pas eu ce rayon solaire éclaboussant la
nappe épaisse.
Mes yeux grisés ont chuté sur ce vase
blanc, avec comme couleur levée, un bouton de rose rouge à
demi-ouvert, la dernière floraison de la saison, avant l'hibernation
végétale..rouge folksy Nina.. ni sang, ni carmin, ni vermillon,
juste la Nina au bouton d'yeux perdus, à la bouche rouge cerise de
sourire blanc.. « Just say i love him » flottait sur ce
tableau intemporel.
Un disque d'elle parmi tant d'autres,
et c'est celui là que j'ai gardé une journée entière, après ce
petit déjeuner qui aura duré une entière journée. Troublé,
empourpré, perdu dans ce rouge d'octobre éphémère, je me suis
posé sur cette belle table dressée, j'ai tout pris avant que tout
parte bientôt en marée de gris embrassant le zéro du mercure.
Aretha ou Billie, et tant d'autres
auraient pu éclabousser de lumière cette table des matins tardifs..
mais c'est, sans jamais savoir précisément pourquoi, c'est toujours
Nina qui chante quand je vois ce bouton de rose rouge dans ce petit
vase de porcelaine blanc, au petit déjeuner le dimanche, avec des
toasts de pain grillé, un éclat rouge caressant la carotide qui bat
et ce bouton de rose rouge Folksy Nina.
Nina Simone 1961 « Forbidden
Fruit » label : colpix