Joe
avait comme refuge son gourbi à tuiles où étaient entassés son
bois de chauffe et ses outils rouillés. Il rembobiné sa vie là,
abrité sous son galure de terre cuite fardée de mousse. Le monde à
refaire, peut être le sien, sa vie à ressasser ses utopies. A
chaque fois sous son crâne, un tohu-bohu à faire hurler tous les
chiens alentours. Pourtant, jamais aucun bruit derrière les
planches, vers la plaine. Une ribambelle de tartempions abîmant la
vie au quotidien revenait sans cesse, une poignée de proches vers
lesquels ses désires ne sont pas allés. Il alternait ses boites de
bières avec les bûches sèches censées chauffer son foyer. Il
appelait ça sa "cachnette". 50cl à 9% avec l’unique
but, en plus de décaper la tuyauterie, de brouiller la brume de ses
lourdes pensées. Un clope sous les étoiles, le cul posé sur un
bouquet d’échardes, il buvait là toute la substance de sa
docilité quotidienne. Tout à refaire, minute par minute, là
répondre ainsi, ici refuser ça. Et les rondins en ferraille
défilaient sous de volutes buées lunaires.
Comment
aurait-il pu faire sans ce baraquement branlant, sans cette charpente
de hêtre à laisser passer les outremers de la voûte ? Pas de
chien, ni de bestioles à quatre pattes, juste qq volatiles
noctambules à qui ils manquaient les ailes. Puis des mondes cachés
d'insectes et de toiles vierges qui garantissaient l'inviolabilité
de son havre de paix.
C’était
tout un exercice pour achalander le stock. Remplacer les morceaux de
bois par les obus froids qui chauffaient le corps sans laisser de
cendre. Il fallait passer par l’arrière du garage avec le cabas.
Plus qu’une cave, les jus de houblon gardaient leur belle fraîcheur
entre les bras de chêne, de charme et de bouleau. Le boulot, il n’en
manquait pas, du charme non plus, les chaines, plus qu’il n’en
fallait. Alors sous son préau édenté ouvert sur le ciel, bien à
l’abri de n’importe qu’elle ondée, il venait régulièrement
rincer son pus et fumer sa rancœur assis sur le billot vermoulu de
sa cabane ouverte sur la voûte et sur les plaines. Il sifflotait là
au frima des soirs d’encre, des airs du "Ganymed" de Shubert et
semblait attendre l’éclat du matin.
Huit
stères de bois coupé de 50 cm empilé là sous les vieilles tuiles
mousseuses retenues par des briques entamées, quelques troncs
remplacés par des canettes 50cl de pisse à 9°C, juste histoire de
trouver un alibi au désire de solitude, se dire que l’on est pas
là, juste un poil à côté des petites fenêtres bousoles éclairées
qui vont guider le retour élucidé ou pas.
J’écoute
le « Ganymede » de Danny Clay et je pense à Joe
sifflotant Shubert, des rondins de bois nobles remixés de houblon.
Tout est troublé, vague, une nature pastorale, méditative et
mélancolique. "Ganymede" est une bande son sonore,
ambiante et expérimentale, field recordings, piano box, calme et
électro. Au casque ou sous un abri, cet album est un pur plongeon à
explorer dans le plus profond silence.
Danny
Clay 2015 "Ganymede" label : hibernati
1 commentaire:
le "Ganymede" dernier morceau dure 30 min.. immersion totale, hypnotique.
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