samedi 5 mars 2011

HF Thiefaine (3 ème et dernier volet)





Enfin vient l'heure des chimères, il est temps de vouloir refaire le monde solennellement. Les têtes raides ont montré le chemin, Thiefaine va achever d'injecter à l'heure qu'il faut la sève spleen, le carburant délétère pour « rêver d'avoir été », et « finir par tomber » encore un peu plus. Et si le jour se plombe, la démission s'évapore pour des rêves imprudents, c'est l'heure de trafiquer le soupirail, d'en faire une verrière ouverte vainement sur nos orages.
Si Kanche vient soumettre mon désespoir de n'avoir connu Léo Ferré de son vivant, Thiefaine vient , discrètement consanguin, tenir la flamme, brandir l'oriflamme. C'est un peu l'heure d'être un bipède à genou, athée en prière... un peu tard pour commencer, un peu tôt pour mourir un peu plus.
Les noisetiers lâchent leurs poussières fécondes et la canneberge attend son tour. Ces haies inutiles d'Ericaceae couvertes de chiendents nous parfument tout autant. Et si l'arbre majestueux de Dole n'a plus sa reine claude, le tronc envoit la sève comme jamais depuis qu'il a perdu ses fruits et que le bonheur l'a tenté. Je lâche prise, je glisse, je léche le zinc, et suce la pompe à bière pour me souvenir de nos « ruelle des morts », et malgré les tendons fébriles, je reste debout à hurler quelques hymnes farfadets et vouloir « donner son âme à un clown » pour ne plus voir cet « étranger dans la glace ».

Léo Ferré de qui il chipa la solitude à son zenith. La solitude, et le silence, cette nouvelle jouissance de rocker meurtri, ou plutôt ce luxe incommensurable happé par les artistes consciencieux. Le silence, cet instrument qui à coup sûr à recardé un art fourvoyé par le marasme et le flip.






Un coffret récapitulatif, une récréation avec un des plus grand guitariste d'ici (Paul Personne), un disque écrit dans l'anthracite et perdu dans le composte discographique (« Itinéraire d'un naufragé »), et au bout, un « Suppléments de mensonge » qui arrive sans crier gare.. et nous, complètement fébriles et pas loin du fond non plus, on invoque. Thiefaine, c'est ça, plus viscéral qu'épidermique, en souterrain à collectionner les disques d'or.

J'ai déjà avoué ma frilosité à parler des auteurs français à la langue bien chargée. Le Thief en est un, il en reste peu, on s'accroche avant qu'il y en ait plus.. Il est coincé entre un Léo Ferré en pétard, et un Bashung populaire. Et pour preuve, on parle de ce disque comme sa « Fantaisie militaire » à lui. Il ya même du "Bleu pétrole " et "tant de nuits" encore. Et la pochette ?!! c'est pas de "L'imprudence" noire ?? A défaut de recevoir en soin palliatif cet itinéraire volatilisé, on garde espoir et on reprend un peu de mensonges .. en supplément puisque « Les étoiles n'ont plus de discours ».






Les musiques arrivent d'ailleurs, puis les mots dégoulinent sur les notes avec sa verve opulente habituelle. La musique fraîchement moins rock dans la forme se prend des teintes de Calexico dans la maison tellier, acoustique. Normal, Armand Melies, JP Nataf, La Casa y trainent leurs airs magnifiques. La voix caverneuse se dilue. La nostalgie pointe le bout de son clocher. Trop rare pour ne pas le remarquer..le Jura, Dole et la ruelle aux morts, des framboises que l'on suce et qu'on dévore.




Il faut vous dire que je ne suis pas un Thiefaine pure
souche, je suis entré plein pot dans ses mots avec « pulque mescal y tequila » en 88 (c'est un peu la même chose d'avec Bashung.. je l'écoute depuis Novice seulement, mais avec une force terrible). Mairet, son double, tournait dans la sphère du Thief pour la dernière fois. J'ai déjà avoué aussi ma fascination des collaborations, des duos mythiques. Celui-ci en est un, mais je suis un enfant de leur séparation. Les forums actuels ne parlent que de ça, je n'étais pas là, et je n'ai toujours pas fouillé dans son passé, les dernières balises ne sont toujours posées chez moi, j'ai reculé jusqu'à la zone chaude de la môme, pas plus, juste un album avant.. Il n'empêche, depuis deux décennies HFT est un artiste récurent à mes heures les plus intimement secrètes, quand on a pas envie de se sentir trop seul au fond.
Je me souviens ado des fans irréversibles qui se revendiquaient du Thief. Et puis David ma « favorite », mon frère d'âme invoqué au deuxième volet l'aime plus que tout, depuis belle lurette. Il aime les individus comme personne d'ailleurs. Il écrit des romans sur les hommes entre eux, sur les êtres qui vibrent, des histoires d'amour. Mairet dans son calepin, il me raconte et moi je plonge, j'écoute goulument..et je glisse.

Il est déjà demain, ça fait combien de fois que ces mensonges passent ? Je ne suis pas dupe, et pourtant je suis encore éveillé à y croire.



Hubert Félix Thiefaine 2011 "Suppléments de mensonge" label : sony
http://www.thiefaine.com/

quand on aime : léo ferré ; bashung
échelle de richter 8,9
support cd
après 12 écoutes ( et plus pour 1,2,3,5,6,7)



4 commentaires:

Blake a dit…

c'est marrant : Thiéfaine qui est un artiste fort respectable et souvent doué, j'ai pas jeté une oreille sur ses dernières galettes depuis bien longtemps..
faut dire que je suis pas toujours fan de son timbre de voix et c'était plutôt le chanteur de ma frangine aînée, alors..
Mais on voit qu'il t'a emballé, inspiré : un superbe papier à l'écriture poétique (comme je suis infichu de le faire) que tu as pondu là.
De quoi me faire reconsidérer son cas d'autant que je l'ai entendu à une émission musicale tardive d'Europe 1 chanter "La ruelle des morts " en acoustique, c'était pas vilain...

Un disque de + à mettre sur la liste de ceux que j'ai à écouter ? en ce moment ça déborde, j'en ai trop ! ;-)

À très vite....

charlu a dit…

J'ai une facheuse manie de faire une fixette sur les derniers disques plutot que les débuts..Renaud, Lavilliers, Thiefaine, Bashung... j'ai passé les 80's à fuir le son et toutes les nouveautés, exploration 70's 100% à l'époque. J'y reviens que maintenant.
Ceci dit, merci pour le compliment Blake.

à bientot

Jerry OX a dit…

Bravo Charlu ! Un billet fort bien construit sur l'atypique et attachant auteur compositeur interprète de "Lorelei Sébasto Cha" .

Un blog que je vais parcourir avec bonheur ! merci !

charlu a dit…

Jerry Ox, bienvenu à toi et merci beaucoup pour ce post encourageant. Effectivement l'atypique est là, plus que jamais. Je vais visiter ton monde illico. à très bientot magicien OX.

Charlu

Thomas Köner 1993

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