1980, une brochure
distribuée en Angleterre, c'est la guerre froide, une clé pour
survivre à une guerre nucléaire..« They tried to warm up ».
Kate Bush sortait « Breathing », son cri contre la
menace d'une guerre nucléaire.
J'ai mis une pelure pour
sortir prendre le paysage. Quelques miroitements sur des flaques en
chemin ont eu raison de mon planning. Molle escapade en bas de chez
moi pour terminer la journée tiède. Une fois de plus le temps du
ciel et la lumière dehors, comme les vanneaux face au vent.
J'ai foulé une tonne de
feuilles, le sol acoustique buvait mes pas. Toutes ne sont pas
tombées, les jeunes branches de peupliers gardent encore au bout de
jeunes feuilles jaunes qui luttent et qui veulent voir le spectacle
jusqu'au bout avant que le gel n'arrive. Les lentilles d'eau dans la
ravine jouaient à peine avec le bleu du ciel, tout frémit.
C'est au soleil disparu
derrière les grise lenticelles que j'ai rebroussé chemin. La
lumière était belle, le froid tombait avec la lueur et j'avais les
pensées qui chantaient des ondes anciennes de Dan Matz en Windsor,
ou en Birdwatcher.
L'automne mûr était
distrait, les insectes voltigeaient encore, les chrysanthèmes se
demandaient ce qu'elles foutaient là avec la rose de Noël. La
grande tiédeur fauve du soleil bas a eu raison de moi, j'ai décidé
d'écouter « Daylight Daylight » de Steve
Gunn.
Il s'agirait de prévenir
nos cœurs fragiles. Opéra pop tragique dans un écrin, la lumière
dans le plus bel affolement. Rosalia me propulse dans un autre espace
temps émotionnel. Gorge sépia quand mon grand-père écoutait de
l'opéra dans une autre langue et que seule l'émotion me muselait le
bec. Je voyais la fébrilité sans rien comprendre. Les effets je les
avais, il me semblait comprendre en frottant la viscosité des larmes
entre mes doigts. Il me reste des ondes lyriques dans le plasma.
Sinon, pourquoi « Lux » me fout par terre.
La langue aussi, celle
principalement qui sépare géographiquement mon socle de mes amours
fraternels.
Je n'aime pas les
comédies musicales, et pourtant je la vois chanter et danser avec
l'orchestre invisible dans son tourbillon à elle. Cinéma sûrement.
Almodovar des grands clochers. Une histoire d'amour dans une
hacienda. Des héros, des filles brunes, à peine une petite flamme &
Co, la grande héroïne Rosalia, comme une Amalia des contrées de
Fundao qui tient un pays debout....Andalousie, collines de la
Castilla y Leon, Salamanca le long des arêtes de la Guadarrama... ma
boussole s'emballe.
La jugulaire fébrile,
« Lux » me traverse, rien pour m'accrocher,
ni lutter, je suis au milieu de rien, à travers tout, je flotte et
chute, respire à nouveau, avant la petite apnée de son Christ
italien qui pleure des larmes de diamant. La note est atteinte,
l'opéra vibre. Nous sommes dans les loges.
Et je repars encore, tout
dans mon sillon, sans franchir la ligne de Vilar Formoso, je suis
descendu vers Badajoz. Marvao et Castelo do Vide sur mon épaule
droite, les beaux villages du bout du monde où j'aime aller déposer
mon acidité.
Poupée de porcelaine,
mon âme safran souffre sur « Memoria », un fado
avec Carminho et mes yeux ont pris tous les fleuves de la péninsule,
Duero, Tejo qui veulent l'océan aveuglément, plutôt que la mer. Chœurs lointains dans
les murs d'une église ou d'un château, je vais me rapprocher de la
Huelva et attendre que le soleil tombe pour boire la belle lueur qui
incendie l'Algarve. J'irai demain m'échouer plus haut sur Barcelone.
Post-rock à l’orée
d'une grise ville, l'haleine vrombit à l'approche des tours à
fenêtres grises mines. J'ai l'habitude d'aller voir ailleurs quand
il me manque ce genre de son. Ça rigole plus chez Ici d'Ailleurs,
après Zerö, Arnaud Fournier.
C'est âpre, un goût de
sang dans la bouche de métro, le voyage fut long, les coteaux
fleuris se délitent sur les façades éméchées. Les belles noues
en caniveaux ruisselant d’auréoles mordorées s'entortillent vers
les grands boulevards. Quai 24 à Montparnasse, la Tour se dessine en
flou, mon cou se brise, la pluie a dû crépiter toute la nuit, des
moues bistres défilent loin de mes pâturages. Avenue du Maine je
bifurque sur Froidevaux et longe ce Champ du repos à ma gauche, les
platanes ont jauni l'asphalte. J'avance vers les Catacombes. Ma ligne
de métro est fermées pour une dizaine de jours, une autre ligne
m'emmerde et les bus pataugent partout pour offrir quelques
enjambées. J'ai mon casque et mes gambas. La marée de vélos, c'est
pour dans une heure, deux ou trois noires trottinettes fulgurantes
seulement me frôlent. Le ciel est gris jaunâtre comme le pus des
yeux des fatigues que je croise. Boulevard Saint-Jacques, « New
York Belle Île » me percute, le bas des immeuble blancs au
dessus de la Butte aux Cailles apparaissent doucement, tout clignote,
artères irrespirables, record d'humidité, les articulations
dégustent. « Miroirs » attaque mes cellules. Hint
est là, les anxiétés sortent des ténèbres.
« Elle boit mes
larmes à la nuit agonisante... ». On est en pleine semaine,
c'est une chance. Bientôt le week-end, planquez vos bouteilles,
Adrian est là, et en pleine bourre. Avec qui je préfère partager
un godet pour me déboîter la gueule ? Dury fils ou Crowley à
8,6 sur l'échelle de la joie ?
J'écoute « Measure
of Joy » et je sombre, ou plutôt je m'accorde un reset
pour repartir un peu plus et garder le cap, m'accrocher à la
risette. Ma catharsis, me carcasser l'échine en s'ossant
le bulbe et traverser la meute hagard. Cet Adrian est ma Ventoline
quand il faut traverser Denfert en ruine, le musée de la libération
juste en dessous et les cranes entassés juste en face dans le Champs
du repos. Envergure dans la cave. Faut creuser encore pour cacher les
bouteilles, puis élargir, envergurer. On va finir par trouver
un coquillage à force de forer le bleu outremer et fourrer la vase
ainsi au plus profond de nos sous-sols de sanitaires à vider.
« Measure of
Joy » n'est pas un leurre, Crowley n'est pas Callahan, ni
Arab Strap et pourtant, la lie sonne l'appel du lit. Ces gars là
chantent bien nos haleines avinées et l’hallali quand il faut
entortiller la viande dans le torchon. Si on était vendredi, je ne
serais pas le même, « ivre de promesses ». Une chance.
On est jeudi, ça ne tient qu'à un fil.
Fantastique épopée
opulente et généreuse, le bilan d'une vie dans un onirisme
envoûtant, troublant, brumeux et luxuriant. Comme une biographie, ce
disque en biopic propose les images du film de sa vie. Interludes
ambiants comme pour laisser se dessiner quelques scènes que l'on
devine.
Introspection orchestrée,
la mélancolie dans la besace, on s'engouffre dans son émanation.
C'est un vertige, mes
mots sont timides, j'énumère comme ça en urgence, concis, sec, à
l'inverse de cette grande aventure.
De la buée sur mes
carreaux, ou alors sur mes lunettes, à moins que ce ne soit mes
yeux.
Totalement sous le
charme. Presque sans mot.
Andrea
Laszlo De Simone 2025 « Una Lunghissima
Ombra »
Une vielle connaissance,
une voix qui résonne. Pas rendu visite depuis 2014. J'aime beaucoup
sa façon de prendre son expression, d'interpréter follement ses
escapades pop bariolantes. La fulgurance de son groupe et la
gifle 2004résonne toujours, le cri fauve d'un cortex rock engorgé,
je voulais dire la gorge babillarde.
Je reviens à Leithauser
via cette nouveauté facile, légère, toute chargée de son
interprétation fleurie d'un léger fauvisme Dexys. Timbre toujours
aussi généreux histoire de souffler chaud sur les premiers frimas
de novembre des dernières fleurs.
Hamilton
Leithauser 2025 « The Side of the Island »