Un paquet d'étiquettes
viennent s’engouffrer dans ce quartet irrésistible. Le truc qu'on
aurait pu dire qu'il s'agissait d'un nouveau groupe de petits
branleurs en herbe à la sauce revival comme il y en a à la pelle. Le
délire a pour noms Malkmus, Sweeny, White (en Jim) et Kelly, s'il
vous plaît. Du coup, on déchire les étiquettes de cette vieille
fringue chopée en circuit court, et on se mange ce brûlot pop à la
casquette rock bien trempé et vice versa.
Vieux branleurs donc et
un batifolage total, une grosse addiction guette quand on chérit
tout ce beau monde qui gravite et s'entrechoque autour des quatre
vieux garçons dans l'avant. Toujours aussi frais .. si si, ou alors
c'est moi, nous, eux, ne pas vieillir. Mûrir ouaih tant qu'on nous
emmerde pas avec le « O » du même mot, « Kill
by death ».
C'est une belle petite
saloperie qui tombe du ciel, un truc parfait pour se foutre de
presque tout, d'aller pointer, de la raideur de ses lombaires, du
gris du ciel qui s'installe pourvu qu'on n'ait plus la flotte, des
magasins qui dégueulassent les citrouilles de boules et de
guirlandes à sapin, des actualités et de mon transat que je n'ai
toujours pas rangé couvert de mousses et de moisissures.
Les étiquettes arrachées
jonchent mon lopins de boue, elles gigotent au milieux des feuilles mortes à
l'appel. Non je suis pas vieux, The Hard Quartet aurait pu
être des gamins à rétroviseur en manque de super son de tout
temps, genre les troublants The Lemon Twigs pour ne citer
qu'eux.
Super groupe qu'ils
disent.
Très très bon album en
boucle infernale.
Mûrir oui, mais sans le
« o ».
The
Hard Quartet 2024 « The
Hard Quartet » .. disque de l'année.
La brume mange la moitié
du paysage, à cette hauteur de château d'eau on ne voit pas à
100m. Il faut redescendre à hauteur d'arbuste pour voir s'allonger
devant soi les parterres de cyclamens. Le brouillard va si bien à la
chlorophylle qui se barre, la pluie dégueulasse est d'une lâcheté.
Brouillard, brume et bruine, un vrai petit temps à explorer la
discothèque.
Et ça tombe bien, je
viens de recevoir un coffret 5 vinyles, un truc que j'ai mis plus de
20 ans à me rappeler que je n'avais jamais pu mettre la main dessus.
À l'époque, souvent des champs de batailles pour aller pécher des
sorties, des sous à trouver pour de beaux objets rétrospectifs.
Aujourd'hui, s'ajoute au streaming, les sites d'échanges où l'on
peut quasiment se démerder entre nous. Vinted des fringues ??
pas que. Qui m'a conseillé ce site pour compulser les vieux
disques ? Pour quelques kopecks je clique des coups secs
jubilant, secoué de petits soubresauts compulsifs et vieux toc
d'acheteur d'opus que je croyais disparu.
En 1988 je n'avais pas
encore découvert Jethro Tull. Lorsque je mis la pogne dessus, les
« 25th anniversary
1968 - 1993 » sortaient dans une boite à cigares.
Obligé, je lorgnais sur la grosse compilation sortie 5 ans
auparavant. Je venais de jeter au feu mes sapes de bidasses avec dans
le fond des poches la volonté d'y jeter du morlingue dès que
possible. Tant d'années après, Vinted depuis quelques semaines
seulement pour moi et l'idée utopique d'y trouver « 20
years of Jethro Tull ». Loin des cotes, la foire à
tout, on veut se débarrasser. Une aubaine. Venez à moi la décote, une demi-molle rien qu'avec la rétine.
En ce week-end maussade
du ciel, je m'enferme avec mon adolescence pour causer un peu avec
mon impatience d'alors, ma frustration de jadis, ma faim de naguère.
La folle flûte en transe pour me souffler qu'il est mieux
appréciable aujourd'hui. D'ailleurs les 2 derniers opus CD sont là
aussi avec toute la discographie, mais il est question de 20 ans
aujourd'hui, de ma puérilité guillerette très mature (du coup) à
tenir dans les mains un objet que je n'avais même jamais vu en
rayon, promontoire ou moult brocantes maintes fois visitées. Mais je
cause, j'ai encore 3 galettes à écouter avant de ressortir la boite
à cigares pleine de CD.
Compact Disk pour les 25
ans, la version vinyle pour les 20 donc, et ces inédits, surtout
celui-là, le « Part of the machine » très
construit, à la limite du heavy celtique et du prog médiéval.. bah
l'étiquette du Tull en fait. Et du coup, j'en découvre d'autres à
jamais n'avoir osé le peer to peeré, « Coronah »
par exemple. Un truc d'ancien, les Anderson's guy ne soulèvent plus
beaucoup d’intérêt depuis pas mal de temps. Balec, je ne lâcherai rien,
je jubile sur une patte.
Tiens, il fait nuit plus
tôt aujourd'hui, le ciel retombe de plus belle, une purée sans nom.
Les salauds, ils ne m'auront pas, la buée sur les vitres, à moins
qu'il ne s'agisse du brouillard, de la bruine ou de la brume, je
patauge dans mon Tull comme on danse sur les pointes ou fabrique sa
moustiquaire.
Jethro
Tull 1988 « 20 Years of Jethro Tull »
sur Chrysalis
Les canards ont envahi
les champs. Les maïs ont les pieds dans l'eau. Anatidés tout
étonnés de zigzaguer entre ces graminées.
La terre est endolorie,
comme une noyée qu'on a sauvée, étendue sur la berge, le teint
blême, les cheveux plaqués, toutes les fringues lessivées.
L'ultime averse de pluie a fait déborder l'évasé.
Mon paysage est un
rescapé, l'automne est tiède et tout embué. On respire mieux en
haut du coteau, on voit les canards qui flottent sur ces nouveaux
lacs. Les champs s'étendent et brillent de ces milles morceaux de
verre cassé éparpillés qui reflètent. Le limon soiffard cuve
comme il peut. Va falloir sevrer tous ces angles et soigner les
lopins avant la prochaine douche.
À quelques traits de
ciel d'ici, un autre déluge fait frémir la surface de l'eau. Quelle
frustration pour une goutte de pluie de tomber dans la mer. Quel
gâchis, à quoi bon. Un coup rien, la corde raide dégringole dans
l'immense flotte qui ondule, découragée, disparaître et attendre à
nouveau un autre tour pour remonter là-haut, un autre plongeon pour
un bourgeon, poussé par le vent. Se faire déguster par une cellule,
pousser la floraison, se faire butiner, s'envoler puis planer pour
remonter sur un courant d'haleine chaude.
Hier, j'ai acheté une
nouveauté, « Fuckin'up » de Neil Young.
Sacralisé, sacré Graal.
Une telle évidence.. « Au revoir mon amour »
sonnait déjà comme cette chose haute en émotion. La mémoire est
intacte, avec en plus une couche par dessus, l'envergure, le platine,
la grande maturité déracinée pas piquée des pâquerettes.
Le noir bleu intense est
resté accroché au monde réel. Un rayon sur le crane, entre de
beaux bouleaux verruqueux, la chemise s'est nappée d'un beau
vert-olive, et la lumière tape. Une nouvelle. Le tout en haut,
tout condensé en cinématographique, pas le droit à l'erreur,
l'envergure, l'acoustique, l'émotion. Tellement évident.
Dominique dans les
grandes plaines, au pupitre, intime et symphonique, sur les ondes, le grandiose,
chevauchons l’histoire. Indélébile comme l'encre. Se permettre,
s'oxygéner, rétroviser comme sur un écran géant à voir défiler. En
cascade depuis des mois, Memento, Rezvani, Gabriel Auguste, H-Burns, Hugues Pluviose...partout, constant.
Consécration, je suis
totalement remué d'émoi. Ébranlé. Les beaux reflets du monde
réel, on grimpe un peu plus dans le flagrant. L'éclatante ballade
de Domnique A.
Tous les bovins de la
prairie se sont abrités sous le grand saule. Le Salix est
seul à régner au beau milieu du carré vert. Ses longues branches
larmoyantes semblent caresser l'échine blanc poilu des taures
immobiles. Elles sont soyeuses d'ici et la lumière les encercle.
On entend le vent
qui s'engouffre dans le houppier qu'octobre a cuivré. Un son
mélancolique de sax ondule jusqu'aux orées.
On dirait une île que
berce le son d'une basse flûte volage ou d'un hautbois endormi. Une
trompette solennelle les fige, avachi sur ma barrière je les
observe sans être pour autant écorniflé par l'idée du Cow-boy.
Lassé sans lasso je laisse les bêtes accrochées à leur île, je
rebrousse chemin, l'air des Crimson dans la tète, un nuage de voix
lactée dans le sifflet.
La
baume n’a pas suffi la pluie est venue jusqu'à moi. Gouttant et
ruisselant dans ce mince abri j’ai vu la plaine se mettre à
l’envers. Du cobalt dans la chaume, l’abscisse désordonné et le
gris argenté qui fait trembler les peupliers. J’ai laissé passer
la nuée longue d’une demie révolution. Le vernier a perdu son
roulement, je n’ai plus l’échelle du temps, tout s’est
enraillé et ma cachette s’est immergée.
Le
débit des eaux a pris mes jambes à son coup, de la crème dans les
flaques, un généreux café au lait coule dans le lit, tout est
clapotis, gorgé et saturé. Mes pensées boueuses se diluent, la
moindre envie est endormie.
À
mes côtés, la Picride fausse-épervière me murmure de douces mélodies jaunes, tout est doux et tiède, j'attends la dernière
goutte pour sortir, sûrement au petit matin.
« L'ambiant est
la musique sans rythme, allant de Terry Riley aux interludes des
disques de hip-hop ; une musique tribale où les tambours
lointains se superposent aux bruits de la forêt, au sonore ambiant,
où les cris d'animaux distordus se mélangent au grincement des
insectes nocturnes ; c'est une trame qui s'inscrit, comme les
chansons des tribus aborigènes, dans le paysage, avec la nature. Un
circuit tracé comme un cri, qui se répète en boucle de sampler,
déformée et granuleuse..... L'ambiant comme fourre-tout de la
musique intelligente, provocante. Une musique anti-club à jouer dans
les clubs, comme transition, comme épice, comme acte de résistance
et de subversion, un défi. »
Une fois n'est pas
coutume, je propose ici les mots de Raphaël VALENSI, un bout de sa
préface pour « Ocean of Sound » de David
TOOP. Ce recueil sur la musique ambiante est une fantastique épopée,
une immersion totale dans le genre, un témoignage sur ce son qui a
ondulé depuis plusieurs décennies, avec des creux, des hauts, des
retours en force dans les années 2010 avec des couleurs et des
lumières différentes. J'ai eu ma grosse période ambiante dans les
années 2000, je flottait en haut de cette vague, TRAXX ou TSUGI sous
le bras. Je louais tout, achetais les opus conseillés et je me
laissé happer par tous ces field recordings, ces tableaux sonores
allant de l'insecte à l'orage, les nappes sous les drones, les
crépitements sur les claviers, ces tranches de vie dans les micros,
les oiseaux dans la neige de Watson, le bruit moléculaire d'un
matériau...
J'ai une caisse de
galettes avec tout un univers chantant sans mélodie, je sors des
trésors de rêves de tout horizon, le « Texture in glass
tubes and reed organ » de Minoru Sato ; le « Seven
year silence » de Ronnie Sundin ; le témoignage
sonore de l'exploration polaire de Simon Turner Fischer « The
great white silence »; l'intrusion forestière d'Aaron
Martin « Worried about the fire »,
l'abrasif Thomas Köner sur Type « Nunatak – Teimo -
Permafrost » ; Eno dans son aéroport ;
« Musique pour statues-menhirs » chez les
anciens Arbouse recordings ; les ouvres d'Eleh ; Fabio Orsi
et tous ces confrères italiens ; ou encore le « travail
sur la visualisation du son et l'oscillation des ondes sonores en
relation avec les forces de la nature... le son et l'imagerie des
phénomènes naturels tels que les mouvementz du soleil, des nuages,
de lamer et du vent » de Ducan Nilsson-Pinhas et Per
Svensson (sur Galerie Jeune Creation Edition en 40 exemplaires). A
nouveau d'autres mots inscrits au dos de ce dernier opus :
« Le son d'une
mer en furie couvre la totalité du spectre sonore : c'est le
bruit blanc, addition de toutes fréquences. Cependant ce spectre
semble changer constamment ; parfois les vibrations profondes
dominent, puis ce sont les sifflements aigus. Lorsque la mer se fait
inoffensive, le rythme remplace le chaos. Elle expire enfin à
l'horizon dans un murmure, se mêlant au plus douces musiques ».
C'est un monde
fantastique qui s'ouvre sur des mots, un mouvement inépuisable qui
prend ses racines chez Debussy, infini. Allia édition aussi sait en
témoigner : « L'art du bruit » de
Luigi Russolo ; « Modulations, une histoire de la
musique électronique » de Peter Shapiro ou encore « La
révolution digitale dans la musique, une philosophie de lamusique »
d'Harry Lehman. Des océan de mots sur des ondulations. De quoi
s'armer pour passer l'hiver.
Il est question d'un
livre à la base. « Ocean of sound », puis
d'un monde discographique qui dégringole, étourdissant. De mes
écoutes je me concentre sur Toop du coup et j'aurais pu vous parler
de l'abyssal « The shell that speaks the sea »,
ou du musical « Apparition paintings », du
parlé « Field recording and fox spirits »,
mais je suis resté ankylosé par le chamanique et planétaire
« Sound body » enregistré en 2006 lors de
son passage chez David Sylvian et Samadhisound. Instruments, voix et
machines. Expérimentations, collages, flûtes et oscillations,
textures et délicatesse. Hypnotique, contemplatif les yeux fermés,
un voyage surdimensionné.
Rebecca Rose et Franklin
sont venus ensorceler ma soirée d'octobre au coin du feu. Toutes les
flammes les plus diaboliques pour assécher la sueur des yeux et le
crachin du ciel. Samana est une découverte impromptue, des airs de
Yorke - Perry Blake - Other Lives au coin du feu quand l'automne
qu'on ne désire pas s'invite en chien.
Le buée sur les vitres
est une distillation lacrymale, la chiale alambiquée qu'on foule
avec des bottes, à défaut de prendre une grosse allevasse dans la
trogne. La cloche sonne en bas du bourg, les fusils résonnent dans
les plaines, il va falloir passer l’hiver. Toute est goutte, le
sauvage imbibé gicle comme on bave devant la beauté du monde.
« Into the wild » qu'ils disent. « An
album that explores notions of ceremony, the transposing of grief,
the subconscious mind and the philosophy of dream-time »
qu'ils disent aussi.
Françoiz et Dominique
pour tirer ma charrue. Glitterhouse aussi, et surtout Carla et Chris.
Au début, l’œuvre
aurait dû s'appeler « Songs from Continental Europ ».
Des reprises, et ce chef d’œuvre s’appellera « Train
Leaves at Eight ».
Des guests et le groupe.
The Walkabouts, s'il vous plaît. Outre Atlantique d'ici à la sauce
Americana, « Cowboy in Sweden », les
Calexico avec Amor et Thomas, cet album est une pépite.
Lo-Fi sec, un régal, y'a
même du Brel dedans, en blind test pour des soirées éventuelles.
Inépuisables de Seattle découvert pour moi avec « Ended
up a Stranger ».
Je viens de survoler
quelques frontières, cultures et couleurs, plaines et massifs, nord
et sud, vertes et cuites, toujours les mélodies qui nous relient et
des groupes qui les relisent.
The
Walkabouts 2000 « Train Leaves at Eight »
sur Glitterhouse