Le vert des oliviers ne change jamais.
Aux pied de ces troncs noueux celui tendre de janvier nous parle du
ciel bleu. Le trèfle pied de chèvre tend ses pétales jaunes sous
les orangers. Oxalis nappé pour parler aux persistants ;
oliviers, orangers, eucalyptus, chênes lièges, et les pays caduques
sont à poil. Quelques abeilles défient un papillon, les rayons de
la Saint Sylvestre attendrissent. Au fond, le dôme de la Serra del Aire se dessine à peine.
Si l'été le figuier se la ramène en
crâneux, il baisse du museau en ces jours de Capricorne, ses doigts
crochus en branches arthrosées rappellent à la saison.
« Le vin réjouit le cœur des
hommes ».. le parfum caramel de terre puissante dans ce raisin
fait dire de belles choses, embrasse la glande lacrymale.. on s'en va
errer nos cerveaux avinés au creux de Cabeço de Soudo, puis
Carvalhal do Pombo, Rendufas do Meïo, Charneca da Rexaldia... le
soleil tombe est l'on rentre entre amis dans les murs blancs sous les
moulins da Pena. Soudain à travers le silence, une voix provient des
collines, celle de Lina. A quelques vallées d'ici, Amalia remonte le
Tage vers l'Espagne en passant sous Fundao. Toutes les rivières
partent d'Espagne, grignotent les terres plissées vers la beauté
pour finir en apothéose dans l'Atlantique et revenir gifler en
ressac les côtes sous l’œil malin de la Gaivota.
Acuarela discos d'antan, le spectre
vocal de la Lusitanie, duo poignant, Refree met en son Lina qui
chante Amalia Rodrigues. Clavier, voix, piano, ambiance qui prend à
la gorge.
Le Fado, la Saudade, c'est la
mélancolie de ce qui pourrait arriver, et ce qui arriva. C'est un arbre qui pourrait perdre ses feuilles mais qui les garde. Lina
n'appréhende plus rien, elle est plongée par le trouble noir et
fier de Raül Refree le barcelonnais. Sans la guitarra Portuguese,
les chansons défilent et nous arrachent les yeux, la poitrine a
chaviré. Sombre et moderne, décalé et respectueux, tous les
fantômes debout d'un puissant pays sont en suspens.
Cet album est une merveille.
Bouleversant. Impossible de l'écouter en entier sans sangloter. Le
Fado, c'est le silence total avant l'explosion de cris, de joie et de
larmes... Je vais tenter après un verre de Cabeça de Toiro, de
l'écouter en entier.
Lina_ Raül Refree 2019 « Lina_
Raül Refree » label : Glitterbeat
8 commentaires:
Y'a pas à discutailler : le portugais est vraiment la plus belle langue chantée… juste après le français
Yes Chris j'ai vu ça.. encore un duo intéressant.
Kif, c'est sûr, m'en lasse pas.. là ça change un peu ..le son derrière est loin du traditionnel.
"... loin du traditionnel." Et pourtant ça émeut plus que cela ne bouscule. Ou bien? Nous ne sommes pas ancré dans la tradition, pas assez pour parler de sacrilège. Je lis que le répertoire est celui de Amalia Rodrigues.
Alors du coup je me promène: Amalia ou Dulce Pontes. "Foi Deus" est tout aussi remuant, peut-être que l'ambiance de Lina y est plus profond en terre. Tourné vers le sol, moins lumineux. Plus poignant. C'est pas une bonne idée en Janvier ça!!
Tu sais quoi, les guitares? C'est pas du manouche, ça accompagne. Alors changer l'accompagnement ne remet pas en cause la beauté des voix, du chant de la mélodie.
Par contre mon oreille ne m'aide pas à comprendre comment on passe du FADO à la Bossa Nova, Tropicala MPB Brésilien. Même la langue a une autre vibration... Étonnant non?
Oui c'est Amalia.. je ne suis pas dans la tradition, depuis que j'ai mis le nez dedans, je n'ai jamais pu m'en dépêtrer. C'est assez difficile d'en parler.. j'y vais comme on y va.. c'est pas une partance, ni des vacances, c'est un exil temporaire en imaginant qu'il pourrait être définitif.
L’accueil est une succion comme le poisson y est grillé.. la guitarra .. les 2, la sèche et la portuguese est un truc qu'on peut lâcher quand on se dirige vers l'Est..Raul y travaille.. j’exagère à peine.. je connais des trucs troublant en fadista .. des reprises de Carlos Paredes, des trucs de Coïmbra (qu'il faut distinguer de Lisboa.. je n'y arrive tjrs pas ;D)..
Me souviens de nos comm..Espagne Portugal le Toine.. voisins rivaux etc etc.. le Brésil.. la Bossa.. je te disais qu'il n'y avait pas d'équivalent au Fado..même l'Atlantique n'y peut rien .... à la Saudade lusitanienne. En Espagne les boites de nuits pullulent, passée la frontière..plus rien.. silence et calme.. tristesse heureuse.. silence et calma..force épidermique calme et heureuse comme le Fado.. des frissons, des larmes .. puis des cris dans le silence juste avant une autre séance de calme et de silence.. qu'il soit alegria ou tristesa .. Raul a pris Lina pour sortir des "traditions".. ou pas.. ou je me trompe.. ceci dit, en remontant le cours des ruisseaux, on lutte un peu, on écoute autrement, quitte à se laisser, une fois à la source, ramener vers l'océan.
janvier de l'autre côté des Pyrénées..c'est pas du tout la même lumière, au sud de la Loire non plus d'ailleurs.. et comme tu dis, la guitarra, le soleil, la lumière, même s'ils ne sont pas là, ça ne remet pas en cause le chant .. la voix.. sauf peut être s'il fait 4h du mat hors saison dans l'Alfama.
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