Dès la première note, Andrew Bird. Un
certain bonheur météorologique. Sa voix confirme, ses airs, son
sifflet qui embaume l'écriture.
L'élégance pop ne l'a jamais quitté
et les six minutes d' « Underlands » introductif
insuffle un bonheur qui ne vous lâche plus. La discographie
s'allonge et depuis « Weather Systems » la joie d'écouter
un opus du Bird reste inébranlable. Allègre et radieux, une petite
joie palpable illumine ces compositions là. Plein de subtiles
morceaux de styles bâtissent la nouvelle virée d'Andrew Bird.
Discrètement au sommet d'une année
surpeuplée de nouveautés.
Andrew Bird 2022 « Inside
Problems » sur Loma Vista
C'est l'apocalypse des temps nouveaux,
la kyrielle de couleurs. Roger et Brian ont crée un nouveau
nuancier.
Ça plane un max chez les frangins, des
myriades de nuances, il suffit de passer le couloir laiteux de la
Manche pour décoller dans le vaisseau Eno. Toutes les altitudes sont
permisses, on peut très bien raser de quelques mètres des plaines
verdoyantes quittant les falaises de craie, prendre de la hauteur et
noyer les landes brunes dans une brume ouatée, aplanir les teintes,
monter encore, prendre la verticale pour laisser flamboyer l'horizon
et se noyer dans le nacre pastel d'un haut ciel vierge. À peine
quelques étoiles apparaissent. Tous les paliers, toutes les
dimensions, plus aucune échelle, des apnées, des dilatations, de
lentes et profondes respirations.
Un globe se dessine, du néo-classique
est peint avec les machines, les claviers palpitent, les continents
défilent, on caresse le duvet des champs juste avant de replonger
dans les abysses.
On connaît leurs destinations, juste
fermer les yeux, aucune empreinte carbone, kaléidoscope moelleux,
palette calfeutrée et fauvisme dilaté. « Mixing colours »
c'est le marbre des océans et l'eau du ciel, des notes suspendues
sur le drapeau des vents.
Roger Eno ad Brian Eno 2020 « Mixing
colours expanded » label : Deutsche Grammophon
La journée colle un peu aux cuisses,
odeur d’échauffourée dans les sinus qui persiste, réunions
plénières un peu partout, même dans la rue, des fatigues à
pleuvoir qu'il faut récolter, y'a qu'à tendre les bras. Ce lundi va
laisser des ecchymoses.
Ça bataille dans ce troupeau
d'imbéciles. Faut un truc pour se faire du bien, éteindre le
brouhaha, couper leur son, une pommade à la maussaderie. Se
soustraire. Laisser les humeurs rager. Quelques cliques, une grande
respiration, une vague idée, la récompense, on ouvre la fenêtre, on
est kidnappé.
Des bouts de Baltazar viennent soulever
le loquet. Il est pourtant question d'une rupture dans ce disque, c'est peut-être
ça inconsciemment, cette rancœur avec le genre humain.
Rien pour le crâne en tout cas.. le
corps et la cage thoracique réclame du groove, la chaloupe, beaucoup
d'élégance. Warhaus comme une saignée .
Benjamin me retombe sur la couenne par
surprise, avec « A tell a fly » en 2017 il avait dispersé
ma passion fulgurante que j'avais eue pour « At least for
now ». 2014 et cette fulgurance, ce tourbillon bouleversant. Plus de miracle,
plus de déception, la tète bien vissée sur les épaules je
déguste ce magnifique album comme une évidence. Comme si j'avais toujours su
qu'il reviendrait.
Je disais un peu ça à l'époque....
C'est un artiste qui fait des merveilles avec nos émotions, le
retour de Benjamin Clementine.
Et voilà, ça y 'est elle a 18 ans.
Dans son art majeur, mon amour, ma princesse. Je la kiffe comme pas
possible. Je les kiffe comme pas un. Déjà ses aînés, ma reine
Charlotte et mon roi Julien ont fêté leur 18 ans il y a une bonne
poignée d'années.
Pauline ma princesse donc a eu 18 ans
hier, jour pour jour. Rien ne change en vérité, rien n'est inébranlable,
tout est indiscutablement cellulaire. C'est juste symbolique, comme ça en
passant un petit coup derrière la casquette, ils sont beaux, elle
est belle, tout ce qu'elle frôle vaut le détour, sa force, sa portion
d'amour, une part du cœur et un gros morceau de mon cerveau.
Bin voilà, l'orage est passé, j'ai encore la tronche dans
le sac, quelle fête mes amis !!.. compenser de boissons les larmes
perdues n'est pas chose facile.. mais l'osmose fut là avec la
puissance tellurique des gens qui se touchent et se prennent dans les
bras.
Je
me suis perdu au creux du « Chemin de la vallée ». Tout du long,
guidé par les peupliers laissant chacun à leur pied un rond jaune
flamboyant comme des lampadaires.
Des
heures perdues me soignent, je pars du silence, je m'offre le luxe du
déshabité et je m'entortille à travers ce vallon joufflu qui avale
la flèche du village, l'église St.Vincent d'en haut à peine
dévoilée. De grands arbres roux les pieds dans l'eau narguent le
clocher et tentent de leurs cimes de voir l'horizon. Le petit bourg
enfoui, c'est Voise, la source. J'aime plus que tout ces heures qui
flottent, 11h en semaine, extrait du trafic, pas âme qui vive, des
véhicules dorment, les autres sont partis depuis des heures. Je fais
le tri dans mes pensées, je farfouille tout ce que j’aurais pu
oublier, tout ce qu’il me reste à faire. Je tente de tout
accorder. Je me réunis.
Plus
haut la plaine quadrillée de départementales laisse glisser un vent
de caractère qui s'engouffre et m’accompagne. Pas de musique, que
le chant des houppiers, le drone du vent. Pourtant, une poignée
d’albums viennent à la surface, toujours des pochettes, des airs
d’hymnes à la nature et le son en fond comme une résurgence.
Encore
engourdi d'un lourd sommeil d'automne je serpente et me nourrit,
épouse La Voise qui prend source au creux de ses dômes de limon.
Plus loin, nous sommes rejoints par la petite vallée de
Saint-léger-des-Aubées et nous fondons sur Roinville. La Bonde en
halte claire où je croise deux personnes, je ne suis pas seul pour
quelques minutes.
C'est
à la naissance d'autres heures mortes que je rejoins le dédale de
ruisseaux où se perd mon ruisseau, des disques dans ma tête
s’affirment, je les convoquerai à mon retour.
Je
tente de garder le débit mou de son flot visqueux, je me pose à
nouveau à Angle, puis au bas creux du Gué-de-Longroi. Déjà la
nationale et l’autoroute gronde un peu plus haut, il suffirait de
gravir cette côte raide de Longreau pour revoir les artères
nerveuses et surpeuplées. Je préfère passer sous le pont et
changer de vallée. Je sens au-dessus de moi vrombir L'Océane, un
drone de soupapes enragées. 14H30 perdu encore au fond d'une journée
décharnée, je passe près du Petit Trianon de Catherine, j'ai perdu
ma Voise, la vallée s'est élargie, les trembles sont moins anxieux,
des aulnes leur tiennent compagnie, les chemins s’estompent et la
rue Du Font Matou se dessine devant moi.
Tout
semble baroque, grave, je suis détourné du chemin par un panneau
fluo « Attention danger, exploitation forestière ». La
dévastation donc, des troncs de ligneux ancestraux sont allongés.
Pour qui et quelles raisons ? Plus j’avance, plus de grandes
parcelles sont ravagées. Quelques musiques certaines se détachent,
j’ai ma petite idée déjà. Dramaturgie des paysages, la nature
sombre dans la désolation, bruit des forêts, isolement.
Plus
loin, au pied de mes pénates, en contrebas de mes étagères à
musique, je retrouve ma rivière, plus grosse, plus large, tout aussi
molle, ambitieuse, fermement décidée d'aller rejoindre l'Eure sous
les arcades de Maintenon, cette idée folle d'aller mourir dans la
Seine et rejoindre la mer, se troubler des eaux parisiennes pour
aller longer plus tard les quais tintamarresques du Havre.
Sur
les hauteurs d'Honfleur, je me suis accoudé au bout de la rue
Charrière de Grâce. Tout en bas, la plage du Butin, j’imagine
toute ces fortunes de mer échouées là depuis des siècles.
Estuaire est laiteux, dessus flottent des navires de toutes tailles.
Les vieux dockers en face défigurent le paysage. Il n’y a plus de
vent, un slow-core de vase glisse sur le relief. Je surplombe
d'autres peupliers, un monstrueux navire de croisières repart et se
laisse emmener par un tout petit morceau infime et dilué de La
Voise.
Je
sais définitivement quel disque je vais écouter. Après « Le
Monde Réel », « The Great Awakening » comme un
esprit de paradis.. « Quel animal fermera le bal, s'éteindra
le dernier ? ».
Abasourdi par l'anthracite tombé comme
une enclume, je prends l'automne comme une grosse baffe bien
mouillée. Ce midi encore le soleil comme un vieux pote avait sa main
chaude sur mon épaule. Dernier jour d'octobre. Mon train s'enfonce
dans la nuit, une pluie soutenue flagelle les vitres, nuit noire sur les
quais sur lesquels les parapluies remplacent les ombrelles. Voyage
dans le temps .. Je me souviens d'un autre Black Midi,
l'époustouflante révélation. Puis d'une "Cavalcade" fauve. Free-jazz
déjanté, folie furieuse sous les cranes. Grande excitation.
Changement d'heure, nuit à grande
vitesse, la saison tire le rideau, terminé la rigolade, la tète
dans le sac pour quelques mois, dehors des créatures de toutes
sortes s'agitent de danses macabres. Sang carmin sur orange vif,
dents affamées, l’œil livide et souffle putride. La mort
dégouline et amuse, les cimetières sont en fêtes, des plateaux
bariolés de bonbons parfument la nuit guimauve.
Dans mon casque « Hellfire ».
Il fallait bien ça pour mettre en musique cette soirée plombée aux
visages maquillés. Une nouvelle fois la pochette parle, le son est
raccord, des odeurs en tout genre. Le démoniaque Black Midi est de
retour, les dents vont claquer.. tremblez pauvre petits mortels.