Mon dernier coup de cœur pour la Touraine remonte à Cavil. Un sommet de mélancolie qui tanguait dans un engourdissement folk évoqué ici. Un voyage vertical happant vers les fonds taupes « Laughing in the morning » sanguin et abyssal.
Cette fois-ci, on sort la tète de l'eau et on passe au dessus du niveau zéro pour décoller vers la légèreté pop. Et le voyage horizontal sur des paliers Beatles, ou Beach Boys commence. Moonjellies sort son premier album à travers une architecture simple et efficace piquée de quelques cuivres « meeting place », ou de violons « you don't have to », « stars above you ». Un piano McCartney vient semer le trouble dans le trio guitare/basse/batterie. Mélodies ciselées à bouffer des kilomètres de bitume proche du « Let go » des Nada Surf, voire des élans pop de Wilco. Une légèreté Crowded House donne un peu plus de hauteur. Les deux premiers ep tiennent leur promesses, « Inner anger, feather » qui sort le 10 octobre prochain surfe au dessus du niveau de la mer.
J'use souvent de comparatifs pour définir un album. Je trouve l'idée assez ciblée de positionner le plus possible la place d'un disque pour faire envie, pour aiguiller malgré la limite du processus.
Ceci dit, j'écoute « I'am » le nouvel album d'Aube L, et je suis en terre inconnue, territoire aveugle, j'avance à tâtons. Absolument unique, vierge de toute analogie. Cet îlot inexplicable diffuse des paysages vierges, une personnalité puissante. On écoute pas Aube, on la regarde s'épanouir, on contemple son lyrisme caverneux coincé entre un romantisme sombre et une poésie gothique. On la regarde, elle, hypnotisé. Cette petite planète, ce petit monde exclusif, c'est l'irréel de ses falaises qui pointe l'œil vers un world éthéré, une new wave vaporeuse. Une force contenu sourde et vacille sous des abysses fleuris, intemporels, médiévaux et futuristes. « I'am » prend aux tripes. L'architecture du concept est bâtie avec une cohérence généreuse, un concept, écho et tendresse claquent sous l'amplitude d'un timbre sculpté dans la pierre. Une petite pointe d'électro vient chatouiller les chœurs à l'intonation de tète, des cascades de piano. Une nouvelle fois complètement auto produit, Aube L lance à qui veut bien le chiper son troisième magnifique disque. Assise sur une marche live, offerte aux passants, elle décolle pour aller sur sa boule herbeuse hallucinée. La mélancolie n'a jamais été aussi humide.
Et voilà la marque du temps qui sonne à la porte. Cette touffe de pépinière qui jaunit, la même, à la même époque, au même endroit, comme cette pincée de sel sur des tempes, l'ombre de sa planète, son îlot est une silhouette, on ne sait si c'est l'automne ou le printemps, AubeL couvre toutes les époques, les saisons, tous les sentiments. Le temps passe et un album tombe. Elle offre généreusement, revendique et tient fort et haut « I am » avec la même puissance qu'auparavant, « Souls to the wind »... étendue dans l'herbe folle sous un ciel turquoise. Thalia Zedek, Elizabeth Anka Vajagic (je me peux pas m'empêcher).... sous d'autres lumières.
Merde, la cartouche a repris du poil de la bête. Quel sale réveil dominical cette détonation champêtre, ce champ de guerre. Coup de départ pour le carotène qui prépare son invasion mortifère.
Et je pense à tous ces levrauts dans mes phares, tous ces lapins fuyant l'enfer aveuglant.
Quelle cambrure, quelle nargue ce grand lièvre qui pointe le bout de ses esgourdes aujourd'hui, juste là pour braver le chasseur d'hier. Le bang bang bredouille, trop beau et trop futé, personne n'aura sa peau à ce robuste lièvre des Monts D'or. Approchez braconniers médiatiques, venez voir le grand lièvre fou dresser sa fourrure, vous poser un lapin. Roi des champs et des collines, le grand lièvre garde toujours des paysages incrustés dans son visage, l'amour, la mort dans ses moustaches. Et des ménageries toujours, sa jonchée d'animaux... le chien, le pingouin... le taureau et la taupe. Regardez les danser en fables grivoises et légères, défiant et crâneux.
« ma terre est nostalgique le ciel est boueux »..et il me faut de l'huile... « jamais l'âme ne rejoint le sang »...et je dérive à mordre l'utopie.. « le muscle noyé dans ta blancheur »..ma spatule sur du lin..... « je voudrais me perdre de vue »... et garder juste des couleurs... « me décaler d'un demi ton » « Tout au mystère de l'excès, seul au fond de cet enclos, on pense ca y est on y est , puis tout se couvre de bourgeons, la tendresse de la nuit, ferait notre architecture, suis-je ce lieu solitaire »....? « Ténèbres bleues, chanteur soudain, au fleuve oubli, quel est l'écho ?.. a mon épaule tout cesse d'être ».
Retour aux sources, à la campagne, guitare basse Jimenez et percu Reynaud...dominer la douceur de vivre..énamouré, languissant, totalement libre le grand lièvre...toujours.
Jean-Louis Murat 2011 « Grand lièvre » label : universal
Il va être difficile d'aborder ce disque là, les mots risquent d'être fades. On pourrait attaquer le sujet simplement, et l'annoncer comme le fameux album que l'on prend pour un séjour forcé sur une île déserte. Mais je prends rarement le bateau.. encore moins l'avion.
« Born into trouble as the sparks fly upward » est une histoire d'amour pas seulement musicale. Il épouse à merveille les vagues à l'âme qui me submergent comme des marées. La bande son parfaite de mes dérives. Urbain, cosmique, terreux, océanique.. mais surtout mélancolique à souhait, et l'on se sent embarquer dans une danse molle infernale, le cou étranglé par des solitudes. Cette solitude foutre qui nous fout dehors, et l'on prend la neige oblique dans les yeux brûlés par le froid en camouflet ocre pâle. La mornifle ravageuse, on porte toute la misère du monde, toute la beauté aussi. On perd les building, on avance dans l'irréel et l'albedo de béton n'est plus qu'un bouquet d'humus sur laquelle la neige ne tient plus. Et pourtant les violons pleurent encore et percent les entrailles. Ils dansent avec ce piano lancinant qui réchauffe par ses mots, cette boucle vers laquelle on se dirige, valse lumière de phare, les flocons en trois temps qui ne sont qu'une nébulosité de pollen fécondant une autre toile blanche, une autre feuille blanche. Les notes de piano qu'on finit par ne plus vouloir entendre tellement la marée de cordes sanglotent. Je connais pas plus beau que « sisters! Brothers! Small boats of fire are falling from the sky ».
Le post rock symphonique transporte comme jamais...allège et afflige. Transforme cette déflagration sentimentale en tremplin revanchard..offre et insuffle l'inspiration en bouche à bouche.... la souffrance, cette mère de création.. ces flèches que l'on prend dans le dos, nous ouvre vers un renouveau.... « Born into trouble... » aide à la résilience. La colère aussi, celle que les voix crient, qu'Efrim hurle quand les violons viennent combattre les riffs fous des guitares « take these hands and throw them in the river ». C'est sur « could've moved mountains » que l'on chute à terre avant de repartir. La contrebasse sonne comme dans une cathédrale, la neige capitonne les carrefours.
Et l'on change de fatigue tous les matins....comme un triomphe.
J'ai passé des heures entières à visser chaque bruit, chaque note au cœur de mon affect. Indélébile épidermique, j'ai cet oiseau qui ne vole pas incrusté sur la peau comme un stigmate. Indéboulonnables émotions.
Efrim a créé The Silver Mt Zion après la disparition de son chien, et alors que son groupe guitare (Godspeed) commençait à se noyer. Ce collectif reste le groupe phare de Constellation. Ils sont presque tous là. Leur musique déchainent les éléments naturels, mais aussi tous les sentiments. La quintessence , le grandiose de ce coin du monde où l'espace doit à coup sûr insuffler l'hyperdimension des artistes. La résonance des cordes, les tripes de l'archet, la puissance des remouds, l'élégance des mouvements, les larmes de beauté, la gravité des humeurs et la colère vrombissant les angoisses, le doute comme trophée. Je suis souvent sur une île déserte, « Born into trouble... » comme seul compagnon.
The Silver Mont Zion Memorial Orchestra & tra la la band 2001 « Born into trouble as the sparks fly upward » label : constellation www.cstrecords.com www.tra-la-la-band.com échelle de richter : 9 support cd après 1000 écoutes.
Je ne suis pas aguerri des Pixies. J'y suis venu en travelling arrière via l'escapade binomiale de Frank Black / Black Francis.
Sa carrière solo inégale éponge des tonnes de critiques passionnées ou acharnées. Prolixe en sortie de disques, je n'ai pas assez de recul approfondi pour porter un jugement de synthèse. Il n'empêche, je prends son cru 2002 avec un énorme plaisir intact depuis.
« Black letter days » est un gros disque de blues bourré de pépites, quasi live, mélodieux, pop rock avec une touche de cradoc grungy («l'énorme »1826 »)..qui vient dégueulasser juste ce qu'il faut pour que l'on oublie pas ses racines. Ça roule au dieselv (« end of miles »), ça sent bon la rage Neil Young (« black letter days »), le rocking chair JJ Cale (« how you went so far »), le songwriting Joseph Arthur (« the farewell bend »), le délire Lennon (« true blue »)....
Plus j'écoute cet indispensable, plus je me dis qu'il aurait pu être un disque des Stones s'ils avaient été ….meilleurs (« cold heart of stone » ou « sounthbound bevy »).
Frank Black and the Catholics 2002 « Black letter days » label : cooking vinyl www.cookingvinyl.com
Vous vous souvenez du zingue qui traverse mollement un gros nuage blanc dans une pub? Le morceau en question, c'est « asleep from day » de Chemical Brother, cette superbe construction bucolique et vaporeuse. C'est avec la même sensation ouatée que débute la nouvelle trouvaille de Bella Union. Lanterns on the lake pourrait s'apparenter plus généralement au monde éthérée de L'altra. Un autre duo fille/garçon avec une pop d'altitude, proche des cumulus, stickers chou-fleurs sur plafond cobalt intense.
Ceci dit, « Gracious tide, take me home » est un album neutre, sage et policé. Idéal pour revenir en douceur d'un voyage musical extrême en négatif. Bella Union ces derniers temps fait dans le crémeux et l'évanescent, arrangements amples et petits effets électro légers.
Lanterns of the lake 2011 « Gracious tide, take me home » label : bella union www.lanternsofthelake.com www.bellaunion.com échelle de richter : 5,9 support cd après 2 écoutes
Quand on aime : l'altra; the walkabouts, ai phoenix...