La « Reverie »
est passée, la bascule est là, le soleil repart dans l'autre sens,
les moissonneuses le savent bien. La chaume est une couleur que
j'adore renifler. L'ocre nacré cuit souligne les bois. Le ciel est
ambré, je découvre après Rebecca et Aliayta, « Still,
there is the sea » d'Ambre Ciel. Jessica Hébert fait
danser l'orchestre en fragments d'émotions avec son chant qui fait
place discrète.
J'ai vu des immeubles
surgir, puis disparaître, l'aurore comme le crépuscule là où tout
se bouscule avant le noir et le grand jour. Agnès Obel, Soap &
Skin... elle prend possession d'une âme philharmonique ambiante pour
chanter alors que tout se fige.
Tout plane au sommet de
quelques chose. Un mirage. Dans des nuées de poussière de blé
battu, Ambre culmine.
Le soleil au plus haut,
nuit toute petite pour fêter la musique, la fête des éboueurs, au jour qui se lève des
camions en ligne comme après la guerre.
Cette nuit-là, quand les
sœurs Foon se sont tues, il restait au dessus de mon jardin les étoiles médusées et un
doux vent faible qui faisait chantonner les charmilles. La
chauve-souris était déjà collée aux tuiles du hangar, plus aucun
battement, juste cette caresse musicale dans toute sa délicatesse.
Il me semblait que les lichens fredonnaient, les mousses reprenaient
un peu de rosée histoire de préparer la journée suivante. Les
vieilles guignes noires toutes cuites suintaient tout leur jus au
bout des branches lourdes de sucre. J'entendais le bruit des larmes
noires tomber sur la vieille table en fer, comme des clapotis grillés
en grésillements de musique de chambre nocturne. C'est comme ça,
les cerises saignent quand les moissons commencent.
La musique était là, la
plus belle qu'il soit, il n'a rien fallu nettoyer au petit matin.
J'ai posé ma tasse de café sur les traces de caramel sang comme une sève
figée. Le jour était là depuis quelques heures.
J'ai remis « Reverie » de Rebecca et
Aliayta. Constellation. Silver Mt Zion.. Set Fire to Flame. C'est un
pur chef d’œuvre. Ce n'était pas un rêve.
Je brandissais il y a une
grosse poignée de mois « Villes Sauvages »
adossé aux indispensables de mes étagères de par ici. Août 2023,
énumérant la liste avec lui des opus qui comptent. Il n'a pas été
depuis rangé ailleurs que sur cette cime-là, définitivement adopté. Tout s'est allumé depuis.
Je fredonne souvent les
« Silures », « Baltimore »,
elles sont ici proposées en versions outre-Manche, et je traverse
des frontières avec Casagrande dans ma besace, à peine dépaysé.
Je connais le chant habituel de Nicolas, et « Wild
Cities » me transporte vers le Polnareff 1975.
« Wandering man », « Rainy day song »,
une idée de réconfort chansonné sur une autre langue, et toujours
cette duveteuse mélancolie.
Une façon pop de prendre
à soi la chanson de par ici. Le mérite du globe. Il faut dire que
Fabien Martin est toujours aux manettes. Quel son, il fait des
merveilles...Littoral Little, une belle famille artistique qui me
colle à la peau.
Jeff Halam est là, son
jeu de cordes graves sur « Never let me down again »
entre autre, et pour l'écriture aussi. Et puis « Sea Song »
avec Cheval fou, Armelle déjà sur « Le gant sur la
peau »(« Glove
on your skin » avec Nadine Khouri cette fois-ci), la
dernière fois que cette chansons m'a flanqué les poils, c'était
avec Married Monk. Il faudra un jour élucider le mystère pour ce
joyau là, je lis tout, je cherche et farfouille, j'aperçois
quelques pistes, mais rien sur la mitochondrie.
Un crayon de bois dans ma
boite aux lettres, je vais rajeunir d'un seul coup. Rembobiner à
l'ancienne. La galette et la K7 pour un pack vintage, je suis comme
un gosse, j'use à nouveau mon auto-reverse. Deuxième album pour
Nicolas Contant, et une cassette en sus, il est fou, c'est tellement
bon.
Casagrande
2025 « Wild Cities » sur Littoral Records
C'était mieux
maintenant. Les textes défilent et rien ne changent. Les belles
histoires d'amours figent la plaque. La plus belle de toute dans les
douceurs les plus troublantes. On traverse depuis des millénaires,
passe à travers, ou pas. Faut pas contracter sinon ça pique, se
cramponner aux affections, sucer l'ardeur.
J'ai marché au bord de
la Remarde ce matin, il faisait encore frais. Le ru entortillé m'a
accompagné mollement jusqu'au ruisseau. Cortège d'insectes, opéra
d'oiseaux, le vent faisait frissonner les hautes herbes. Un talus de
canches ondulait, juste quelques vulpins des près à la danse timide
restaient raides. Plus le soleil montait, plus le lit s'élargissait,
trois libellules ne lâchaient pas l'ombre. Je suis passé à côté
du terrain de tennis abandonné. Deux belles pommes sur l'asphalte
mousseux semblaient attendre le nylon tendu. Juste derrière une
fontaine aguichait quelques guêpes nerveuses. En fredonnant « La
traversée », je me suis arrêté au café tout près
de l'église de Saint-Martin-de-Bleury. J'ai pris un bock avant de
rentrée chez moi. Quelque part loin d'ici le long des rivières et de la baraka,
faut éviter le mortier. Quelques grenades sur un terrain de tennis
en ruine.
J'allais bramer dans les
bastringues Avec un buriné bipède qui bandait pas pour le
burlingue Dans ce bar branché bipolaire À faire basculer les
belles-mères J'allais besogner le brouillard avec un tambour de
bazar
T'allais baver pour les babas et les
broutards à boucles blondes Des petites bulles de baraka (et des
bonbons pour les James Bond)
Baby, boum-boum, baby, boum-boum, faut
faire un break Y en a ras l'bol de ces blancs-becs Qui bandent
que pour le bazooka, pas pour la bagarre et le branle-bas ...
Ils s'braquent à bloc sur l'baston,
des barbes bleues bardées de bronze Des cow-boys bourrés de
béton, des zombies bidons et des bonzes Qui leur balancent une
blanquette à écrabouiller les banquettes (À vous briser les
roubignoles, à vous faire barrer d'la boussole)
Pendant qu'tu brûles de la banquise,
braconnant le bonheur sans but Et me baignant aux quatre bises
avec les boucs de Belzébuth
Baby, boum-boum, baby, boum-boum, faut
faire un break Y en a ras l'bol de ces blancs-becs Qui bandent
que pour le bazooka pas pour la bagarre et le branle-bas
(branle-bas) …....
Ras l'bec de brouter du bitume et
d'barjotter dans une bagnole Ras l'bec de branler de la brume et
d'barrater des branquignoles Pendant qu'les barbeaux du business
qui nous bastonnent des bassesses Biberonnent des bourbons dans
leur buick, j'bosse par peau d'balle et crotte de bique
Tu vas broyer tous ces bouchers qui se
font bronzer la baudruche aux Bahamas Avec ton blé (pendant
qu'j'balise dans les balluches)
Baby, boum-boum, baby, boum-boum, faut
faire un break Y en a ras l'bol de ces blancs-becs Qui bandent
que pour le bazooka, pour la bagarre et le branle-bas »
Piers Facini du Finistère
avec des songes d'Anthony. On sent moins le varech que Denez, l'art
de Brieg est pétrifiant, il déborde sur toutes les autres terres.
Habité, d'envergure mystique sur des flots d’acoustique. Il y
dedans quoiqu'il arrive du celtique. Antonio Zambujo du Portugal
danse sur les mêmes landes d'ajoncs et de conifères, et tant
d'autres encore. Du sable sous nos pas, qu'il soit dans la forêt ou
sur le bord des chemins, l'océan n'est pas loin, et le regard meure
sur la terre intérieure lacérée de quelques lancées électriques.
La belle découverte « Un
Noz A Vo », inconsciemment l'envie de fraîcheur
sûrement, mais la mer est belle aussi quand la dune brûle, la vague
est toujours froide.
Comment vont réagir les
puristes à cette parution ? Je prends ce retour comme un bonus
heureux avec dedans les ingrédients que j'aime bien. J'ai eu un gros
retour « This is Hardcore » y'a quelques
mois, l'aubaine tombe à ravir. Là, je suis bien dedans la pulpe,
j'ai ce qu'il faut, sans plus.. remugles et madeleine même, sa voix,
cette idée là, le style, la gratuité du processus.. et j'adore
plus que tout l'ocre et le cobalt.
C'est l'heure vibrante de
l'astre qui n'en finit pas de cuire. Lourdes persiennes, stores
dilatés, murs boursouflés. Si les gestes ralentissent, les ondes
d'un film spacieux calment le mercure, tout en s'accrochant
délicatement à ses degrés, histoire de garder la lumière.
Pas d'imbroglio chez
Hubro. Sous ces tuiles de jazz expérimental, d'ambiances follement
dilatées, Geir Sundstol trace ses sentes de paysagiste. De drôles
d’oiseaux dans cette auberge, précieuse agence de voyage au socle
musique inébranlable et minéral. Juste les couleurs qui changent
d'un artiste à un autre, une température, un angle, une hauteur,
quelques latitudes et des milliers de lueurs.
Le plafond s'approche du
haut des cranes, ça tape dur sur la faîtière. « Sakte
Film » maîtrise à merveille la thermo-hygrométrie.
Le Deveron a eu raison de
mon agitation. 10 ans d'age à la rescousse. Tout de suite le gras
Trip Hop de Jay-Jay et les souvenirs, la découverte irréversible de
« Whiskey » Portishead pas loin et ces
longs tempo mous qui me vont comme de longs lents langoureux baisers
abyssaux. « Backstage »
m'embarque. Il y a du silence chez JJJ, celui du salon dont il vous
en dépossède. Deux ou trois touches de piano pour la braise. C'est
un doux poison le « Backstage », sa
concoction habituelle, mon addiction crooneuse.
J'ai bien failli me
fâcher avec sa tentative de coupe Aladin Sane dans les antennes. Il
est revenu malter mes soirées avec « The long term
physical effects are not yet known ». C'est de
l'histoire ancienne, mon cristal à nouveau est un vitrail ambré, la
lumière tourbée étreint mes glandes lacrymales. Ma nuque en
cadence molle se laisse caresser par la glue.
Début juin automnale, ça
tombe bien, la brique est trempée, je le garde pour calmer la
prochaine canicule.
Robert Foster, Elliott
Murphy, Murphy en Peter.. avec mon pote on écoute souvent ensembles
« nos petites vieilles ». C'est comme ça qu'on les
appelle les quelques unes à nous, entre nous. Lui est un gros fan des
Bauhaus, moi c'est plus The Go-Betweens.
Pas facile de causer de
ces piliers, pondre un billet lourd de contexte et d'histoire, sans
pour autant que ce soit notre came, patauger dans les remugles,
éviter les clichés. Crédibilité.
Impossible à survoler,
sauf peut-être le dernier Idol abjecte. Le devoir de dérouler,
mentionner, des etc à tout bout de champs, ne pas faire comme si on
découvrait.
Ou alors si. Se poser
candide tout frais, en vieux puceau béa qui débarque, histoire de
moins juger en se décroûtant la couenne. Y'a bien des jeunes
d'alors qui balances comme nos viocs jadis.
Robert, ça passe
tranquille, lumineux comme un petit dèj dans le train, Peter de
Bahaus bof, un peu trop K2000 ou alerte à Malibu, au choix. Elliott
a pris une entière de mes soirées et j'y retournerai, « Infinity »
superbe à flotter sur son opulente discographie.
Et voici notre
intersection avec mon pote branleur, l'accord parfait sur nos petites
vieilles. « The Cleasing » avec le recul,
une des plus belles sorties l'an passé. J'y croyais pas trop, je
suis conquis.Je le garde, il sera Peter pérenne. Au fait, il sort quand un autre album solo la Jagger ??