jeudi 16 octobre 2008

LA JR (acuarela discos)



Du côté de Madrid se cache un collectif aussi solide et majestueux que les massifs de la Guadalarama qui entoure la capitale. Au beau milieu de la péninsule ibérique se trouve un label acuarela discos qui exerce depuis 1999, année où sortit une compilation extrêmement rare « Brumario », regroupant une collection d’inédits de MIGALA à Nacho VEGAS en passant par MUS et JR. Devaient alors fleurir toutes les plus claires pastelles d’Espagne pour un catalogue sans faute à l’étendu très vite internationale. A l’époque où la lyre symbolisait le label naissant, des amorces de groupes devenus cultes affichaient leurs identités lumineuses. Il est bien question de brume, d’aquarelle, d’eau et de lumière.
Depuis cette aire nouvelle, se bousculent quelques références entremêlées de nouveautés toutes aussi contrastées : Aroah (et les début du guitariste Nacho Vegas maintenant sur son propre label limbostarr) ; Mus ; Refree ; Viva Las Vegas ; The Zephyrs ; le cultissime Sr Chinarro et sa grosse discographie ; puis Apse pour les nouveaux, ainsi que Tex La Homa (qui se balade aussi chez milk and moon et talitres) ; Remate ; Grupo Salvajes ; The Secret Society ; Parenthetical Girl…. C’est aussi une collection sans précédent de mini-album avec des visites éclaires comme Dominique A ; Piano Magic ; Jack/Jacques ; Tex La Homa qui vient de confirmer son adhésion avec un album grandiose sans plus aucune touche électronique, comme si le passage chez Acuarela avait lavé l’âme de toute lumière artificielle pour une lueur océanique pure et vivifiante; puis Julie Doiron/ Okkervill River habituellement chez Jagjaguwar pour un split unique.
C’est encore des compilations simple, double et même triple regroupant les lumières pastelles de tous les horizons, avec toujours le même thème de l’eau pour tous les artistes invités. Enfin ; il est un précurseur de talents incommensurables avec par exemple Migala et les premières apparitions de Xiu Xiu avec leurs deux meilleurs album :« fabulous muscles » et « forêt ».
Comme chez Constellation les musiciens d’acuarela sont omniprésents et interchangeables. Migala reste le plus gros vivier d’artistes de génies dont les frères Yturiega (emak bakia ; El Hijo ; Num9 ; et dernièrement Fantasy Bar en compagnie d’un autre Migala, Abel Hernadez). De la même façon, Viva Las Vegas et Manta Ray ont laissé échapper Frank Rudow à la batterie qui avec Rafael Martinez Del Pozo et Borja Fernandez Fernadez (apellé maintenant Fransisco Deborja) ont formé un groupe des plus lumineux même si de moindre renommée.
Un premier disque « 127 » sous le nom de JR en 1999 donnait déjà lieu à une expérimentation ambiante et jazzy avec une voix éthérée proche des angoisses plaintives de Xiu Xiu qui apparaîtra sur le catalogue 5 ans plus tard. 127JR est devenu introuvable et les moteurs de recherches informatiques les plus élaborés ne laissent rien échapper. C’est avec LA JR en 2004 que la voix se plaça au beau milieu de Nacho Vegas et Sr Chinarro. Les percussions jazz recadraient le jeu avec assurance et exactitude. La prédominance des guitares douces rappelaient vaguement les travaux ambiants de Vincent Gallo sur "When" ou ceux de Sacha Toorop avec Dominique A période « l’attirance » et « remué ».
Plus discrètes sur « Dos Casas » en 2006, les guitares devaient s’estomper derrière un piano répétitif qui rappellaient quelques grands classiques de Dave Brubeck quartet (le pianiste Paul Desmond) : « la decoracion 1 ». Adoptant alors un climat plus sombre et de plus en plus maîtrisé, La Jr semblait vouloir définitivement épouser le silence pour accomplir leur musique. Bed ; Mark Hollis et Crescent basaient de la même façon leur free-jazz lumineux sur le silence, exactement comme l’aquarelle se repose sur le blanc du papier pour donner la lumière à l’œuvre. Qui d’autre mieux que La Jr peut exprimer en quelques notes et quatre album la clarté douce et pastelle qui se dégage d’Acuarela discos.
"17 animales", la nouvelle production du trio maintenant bien rodé laisse place à un jazz beaucoup plus expérimental, mais tout aussi cristallin. C’est à la manière de Robert Wyatt que défilent ces 17 pièces concentrées et totalement libres. Le piano joue sans cesse avec les percussions. Des cuivres batifolent et gambadent à travers les nappes de lumières. « Estoy muy confuso » montre que le silence est toujours en bruit de fond et reste le canevas de cette architecture dégingandée. Les voix se taisent et les ambiances s’installent.
Chaque production de La Jr apporte une touche d’originalité, une lumière différente mais toujours aussi belle, comme si l’histoire de ce trio semblait suivre les rayons du soleil, au fil d’une journée ou des saisons. Un grand disque aux milles idées pour trois artistes de talent et un hébergement madrilène logique et approprié.
LA JR : "127lajr" 1999; "LA JR" 2004; "dos casas" 2006; "17 animales" 2008
label : acuarela discos
quand on aime : Bed; Crescent; Mark Hollis; Dave Brubeck quartet; Sr Chinarro; Robert Wyatt

lundi 13 octobre 2008

Melpo mene


Comment parler d’un coup de cœur en laissant au vestiaire les épithètes pompeuses et tirades incessantes à propos d’un disque qui tourne inlassablement sur la platine pendant des trajets et des soirées entières. Peu importe les contrées, les influences et l’ identité d’un artistes qui vous caresse l’affect, il suffit d’aimer l’entendre, d’épouser son expression et ses couleurs. « Bring the lions out » de Melpo Mene est un disque « coup de cœur » qu’il est difficile de défendre avec des mots. Un lyrisme parfait habite chacune des chansons de l’album pour une pop romantique, jazzy diluée avec goutte de douce mélancolie.
Comment défendre un disque à la disponibilité ponctuelle, même si généreuse, aux critiques élogieuses et unanimes, si ce n’est qu’il suffit juste de se laisser séduire par les embruns chlorophylliens des chutes d’eau, avec le trait d’or et les lettres vermillon de la pochette dessinée par Donna Francis. Le romantisme est lysergique, la mélodie tropicale, et les instruments en harmonie sont en osmose parfaite avec la voix d’Erick Mattiasson.
La fragilité d’une symbiose en équilibre suinte de chaque harmonie dans une grâce sucrée.
C’est avec « snakes and lions » que les glandes lacrymales chantent et que les viscères s’oxygènent. Une chanson bouleversante qui fait de notre pauvre condition de bipède une chimère volatile à se jeter d’une falaise pour planer au dessus des flots ou d’une vallée perdue. Entêtant et enthousiasmant le morceau soulève et porte, un hymne à la vie saisissant. "jedi" et " under the moon" achèvent par la beauté lunaire des choeurs et des mélodies à fleur de peau.
Un album qui rappelle un autre coup cœur similaire dans la voix et la façon d’aborder la musique romantique, Parsley Sound en 2003….autre inexplicable préférence musicale.
Melpo Mene "bring the lions out" 2008 label : imperial recordings
quand on aime : parsley sound; the sleeping years

Scott Tuma


S’il fallait trancher et choisir parmi les nominés de la meilleure bande son idéale d’une sieste comateuse assommée par une canicule torride, « Not for nobody » de Scott Tuma remporterait tous les suffrages.
La pose apathique commence par un chant mutin interprété par une petite créature inoffensive mais dont l’hospitalité n’a de beauté que dans le mythique, le fantastique romantique qu’une guitare timide et minimale accompagne avec amour. Un bruit de fond vague nous laisse deviner que l’on est encore à demi conscient… « nobody (river of tin) ». Le petit Willow s’efface pour laisser place à des instrumentaux fleurtant avec un minimalisme acoustique à peine moins acide mais beaucoup plus anesthésié que Ben Chasny (six organs of admittance) ou Jack Rose : « fishen » ; « tiktaalik » ; « jason » ; « rakes ». Quelques nappes inquiétantes et répétitives nous mènent dans les contrées ténébreuses de Black Heart Procession « eloper ». Tandis que « moccasoclea » rappelle un bord de rivière mis en scène par les Floyd dans « Ummaguma », « heeler » ; « newjoy » et « cimbal » nous attirent dans les profondeurs les plus irréversibles avec des nappes organiques quasiment pieuses. La sieste devient vaporeuse et ondulante, le son coule dans les veines comme un anesthésiant visqueux, l’artifice est à son comble et l’on se sent happé par ce sol incandescent. La chape caniculaire devient toxique et vacillante. Le trouble inconscient est à son comble lorsque le violon de Jason Ajemian peine à suivre l’orgue religieux noyé au milieu des oiseaux ambiants. « Loversrock 1 » est doux comme les premiers travaux de fonda 500 ou d’un Gorky’s Zygotic Mynci dans ses heures les plus folk.
La mélodie superbe qui nous plongea avec le « nobody .. » introductif, vient, comme un réveil divin nous rappeler à la vie « reprieved ». Engourdi, les pensées ankylosées, le retour à la réalité risque d’être douloureux. Il ne tient qu’à nous de repasser ce chant cristallin comme s’il était le début, le dos appuyé contre un arbre, à l’abris du plomb solaire, et entouré de mille corbeaux blancs comme imprimés sur la pochette recyclable.
« Not for nobody » de Scott Tuma est édité chez digitalis arts and crafts, un label unique qui propose ses productions au compte gouttes, sous forme d’éditions limitées (500 exemplaires) comme sous forme de CDr avec le catalogue digital industries et foxglove. Aussi rares que les pièces bâtissant le catalogue de ce monde folk ambiant expérimental, l’invitation à la sieste de Scott Tuma restera précieuse et exclusive.
Scott Tuma "not for nobody" 2008 label : digitalis arts and crafts editions"
quand on aime : fonda 500 (autumn: winter collection); Ben Chasny

mercredi 1 octobre 2008

Ratatat


LP’3, le nouvel opus de Ratatat commence dans une tourmente mélancolique organique des plus tenaces. Un des vague à l’âme que Rob distillait à merveille dans « don’t kill Rob » . C’est sûr on est ailleurs, dans les nimbes musicales foutraques aux milles facettes : De Rob à Mike Oldfield pour les guitares optimistes, de Air à Daft Punk pour les ambiances souvent électro planantes et quelquefois techno ; de Prudence pour les rebondissements pétillants à Sébastien Tellier pour les nappes inquiétantes de « l’incroyable vérité » ; De Kim pour ses jams fiévreux à Metronomy pour ses mélodies primesautières et dansantes.
Le tout est somptueusement construit avec pour seul dénominateur commun à tous ces artistes, l’intelligence totale synthétisée pour ce magnifique tourbillon d’instrumentaux.
Assez fidèle aux deux précédents album ; LP’3 est toutefois moins musclé, plus lumineux et raffiné. Une réussite totale.

RATATAT « LP’3 » 2008 label : X L recordings

quand on aime : Rob; Mike Oldfield; Prudence; Air; Kim

Thomas Köner 1993

  La croûte gelée se ramollit, ventre flasque et tiède respiration. Le ciel se charge de l’halènes des Steppes, le silence gronde. Notre ...