mardi 10 février 2009

Boduf Songs







Un mur de gros flocons neigeux dresse un rempart contre le vent glacial. Le premier rideau gris blanchâtre fige le paysage et sonne l’immobilité totale contre laquelle d’énormes boules de coton gorgée d’eau chutent lourdement et silencieusement sur des terres ouatées.
Une paralysie presque totale injecte un folk toxique hanté par de petits songes aliénés et féériques.
L’isolation est à peine rompue par un très léger bruit ambiant de pluie neigeuse mêlée sur les vitres, un véhicule lointain est la seule bouée sans laquelle ce petit voyage se verrait privé de retour . Un Lo-Fi neigeux et une voix poudreuse est le paysage que propose Matt Sweet (Boduf Songs) sur son troisième album le plus assoupi, dans un calme absolu, muni d’une guitare acoustique, d’un microphone et d’une voix monocorde et engourdie, sa chambre etses bruits de fond en guise de studio.
On reprend ses esprits quand sur « quiet when group », une basse et une batterie moelleuse viennent revigorer ce troublant death methal acoutic que « how shadows chase the balance » distille au ralenti.
La pochette persiste et livre un implacable livret noir avec toutes les informations coincées en haut à gauche. Quatre brins d’herbe grise se balancent sobrement en bas et lippent l’encre noire, comme notre cerveau anéanti par cette transe mortifère à la licence neigeuse.

BODUF SONG : « how shadows chase the balance » 2008

label : kranky
http://www.kranky.net/
http://bodufsongs.com/

Un extraordinaire ep est sorti sur le label southern records/latitudes, habitué à distribuer ses disques en 1000 exemplaires, dans des pochettes de carton recyclé au découpage malin. Les gravures en papier peint sont blanches et satinées et vont assouvir le fétichisme le plus torride des collectionneurs d’objets rares. Une pause pour Matt Sweet qui tente en compagnie de C.Henry et M.Goatley une expérimentation sonore et acoustique. Un petit tableau de 13 minutes, tout aussi mystérieux et sombres, juste avant de travailler de la même façon aventurière, un de ses anciens morceaux figurant sur « lion devours the sun » (kranky 2006). Ainsi « that angel was pretty lame » devient « that angel was fucking piss », dans une légère défiguration étendue vers l’ambiance. Un pur régal devenu maintenant introuvable.
www.southern.net/latitudes à visiter de toute urgence. A titre indicatif, la version numérotée 668 n’est pas colorisée.


quand on aime : smog; bonnie prince billy; Micah P Hinson

Andrew Bird (suite)




D’une confiance sans faille "Noble Beast" a livré toutes ses promesses dès la première écoute. La patience assouvie, la punition levée, le désir d’écouter devenu le plaisir des oreilles s’est libéré sans retenue aucune, le fétichisme toujours en embuscade, tendre et fidèle.
« Masterswarm » a offert comme promis toute la mélancolie et la légèreté de l’arbre encre de Chine, les nappes d’oiseaux sont portées par les bourrasques crépusculaires du violon électrique, comme aux heures les plus pop de Didier Locwood.
Quant à « Effigy », le romantique suggéré par le dessin expressionniste avoue toute sa force en musique et la voix de Kelly Hogan propose un duo magnifique sur un océan de chaume. Deux arts entrecroisés une fois encore afin d’assouvir quelques inspirations et tous les sens .
Andrew Bird : "noble beast/useless creatures" 2009
"noble beast" (cd simple) disponible chez bella union

samedi 7 février 2009

Aan meets Eyes Like Saucers


Un harmonium au pays d’«A saucerful of secret », la rencontre de l’Amérique d’EYES LIKE SAUCERS et la Finlande de AAN et l’acidité est poussée à son niveau le plus beau, nous sommes dans ce lieu de rencontre culturel, Last visible dog, où viennent s’entrechoquer des ambiances expérimentales, des drones hystériques et des psychédélismes nomades.
Il y a un paysage de montagnes, du soleil en surexposition, des percussions chamaniques, des nappes torrides au souffle étourdissant, de l’eau qui coule, des transes lentes et lancinantes, des effets électroniques, des cordes en oscillation et un emblème fantomatique sortant des brumes, mais aussi un 4 pistes privé pour l’emprunte avec 3 musiciens pris sur l’instant dans un appartement suédois.
Dans le livret une phrase : « the comparable gives way to the incomparable » (Henri Michaux), malgré les références que peuvent inviter cette musique, ce paysage musicale weird folk est unique, il est le résultat d’une improvisation enregistrée le 29 janvier 2008 à Helsinki. On en revient shooté et fraichement bousculé.

AAN meets EYES LIKE SAUCERS 2008 "kristallivirta"

label : last visible dog


mardi 3 février 2009

Plinth / Textile Ranch


Les giboulées vous plaquent dans un endroit insolite et impromptu. Eviter le lessivage, la dilution de moelle, le détrempage et fuir ainsi les contraintes d’envergure pour ne pas rester les fringues liquides pendant des heures. Une pluie torrentielle comme refuge obligé, une pause au trafic chaotique étourdissant, ce flot qui nous happe malgré nous. Ainsi, sous un store de magasin ; un porche ou une impasse étroite; un abri de bus ou un marronnier feuillu; un pignon de bâtiment faisant front aux vents de mars ; un zinc hospitalier, le mouvement s’arrête essoufflé mais rescapé.
Contemplatif et témoin du brouhaha, bien à l’abri, le cuir des chaussures et les ourlets qui sucent le flot du trottoir, le spectacle en observateur retiré commence dans le vacarme devenu étranger. D’acteur on devient alors spectateur et les sons défilent au bon vouloir du débit des gouttes qui cinglent alentours. On se recroqueville alors dans le flottement ralenti et détrempé. Les klaxons deviennent sourds et les vrombissements se confondent dans un bruit de ressasse pluvieux que les pneus, seuls objets en mouvement, diffusent inlassablement.
Quelques secondes interminables, le paysage maté surfe quelques instants sur un miroir urbain derrière lequel se dissimulent toutes les tètes encapuchonnées.
La pause qu’un déluge impose comme une pluie cinématographique est un peu l’impression qu’oblige l’extraordinaire « the rest, i leave to the poor » joliment filmé par l’association de Plinth et Textile Ranch. Sous un toit de fortune, les 41 minutes sur un seul morceau exige l’arrêt total, la concentration maximale, comme si une averse lumineuse offrait à chacun un moment de spectacle éphémère des plus émouvant :
Un doux déluge ambiant de mouettes mêlées aux cloches attend les chœurs religieux derrière des flots marins ; un gospel celtique ; un chant divin ; un orgue puis une machine à écrire gigote. Une nappe ambiante où il pleut averse rappelle Sheppard/Phelan et précède quelques cordes classiques et sèches. Comme des vagues successives les scènes défilent sans que l’on ne puisse bouger, implacablement figé par les trombes. Guitares et violon larmoient et le tonnerre gronde, une guitare claire proche des paysages de Rothko vient annoncer l’accalmie. Le clapot que pleurent les gouttières en zinc à nos pieds reprend ses esprits alors que les vocalises de Klima dissipent toute angoisse. Quelques xylophones et percussions dessinent le dernier rideau cinglant de l’épisode météorologique. Le vent siffle et chasse les gouttes, le déluge électro cesse pour des vagues ensoleillées d’une harpe enchanteresse.
Le corbeau tué ne change rien à l’affaire, le trafic peut reprendre, requinqué par cette pause revigorante, fraiche et inattendue. Faut-il attendre l’averse pour observer ? « The rest , i leave to the poor » est un disque paysage fantastique qui bouscule l’imagination. Libre à chacun à l’écoute d’y voir fleurir le rêve qui lui procure, il suffit juste de s’arrêter à l’abri de toute situation parasite, quelque part, dans un endroit retiré de tout…et se dire encore une fois que la musique procure des moments divins si l’on s’abandonne à ses sens généreux.
41 minutes de court métrage musical d’un bloc n’est pas une contrainte, c’est un refuge, une invitation : « A postal correspondance by way of her majesty’s royal mail service between Mr Tanner of Plinth and Mr G Johnson of Textile Ranch. Ms A David Guillou and Ms Autumn Grieve contributed other important voicings and instrumentation”.
Ce voyage cinématographique est l’oeuvre d’une association de deux multi-instrumentistes. Michael Tanner du groupe Plinth abrité chez foxy-digitalis, et Glen Johnson qui en présence à la voix de Klima ( A David-Guillou) fonde Textile Ranch, duo arraché au groupe mythique Piano Magic.

PLINTH / TEXTILE RANCH : the rest, i leave to the poor 2008
label : make mine music

quand on aime : Keiron Phelan / David Sheppard

Thomas Köner 1993

  La croûte gelée se ramollit, ventre flasque et tiède respiration. Le ciel se charge de l’halènes des Steppes, le silence gronde. Notre ...