Bouffée de chaleur sur
les joues, la tempe offensive et les yeux plissés je dévore
« Moisturzier » à moitié urgé. Ça gicle
affolé solidement développé. Je me suis dit dans un premier temps,
ouaih, y'en a des tonnes des groupes ainsi à faire du bruit.
Ce beau brelan m'ébranle, les deux filles ont trouvé trois zicos du
tonnerre, la recette fonctionne, je suis pris au jeu.
L'accroche racole et me
colle au casque. Âpre et sec complètement boumer je me dandine.
J'ai loupé l'apparition
virale de 2022, on me la fera pas sur cette confirmation proposée
aussi en cassette.
10 balles la nouveauté,
rien que pour faire jouir ses baffles et tremper le carrelage. Petit
coup de gingembre dans mon ciel gris, filles caféines, je tiens plus
en place.
Le
temps des lilas disparu est un leurre, un autre celui des Indes
fleurit quand tout est grillé. Plus intense en couleur, moindre en
odeur. De l’autre côté de la palissade, les Robiniers sans épines
tapissent
les trottoirs de leurs confettis crèmes. On dirait un lendemain de
carnaval. Sophora et Lagerose sont à la fête. C’est exactement
l’image qui m’est venue à la vue de cette sublime pochette. Une
dominante de couleurs qui apaise.
Il
fallait aussi que je tombe sur de la chanson nébuleuse, légèrement
bancale et fragile tout en
gardant
l’idée que je déambulais déboussolé au beau milieu de l’été
qui avait déjà connu la brûlure. Un ciel vaseux, un thermomètre
moelleux, météorologiquement intemporel avec alentours les teintes
qui ne laissent aucun doute sur l’instant. Il pleut un peu sur les
ardoises. J’ai laissé cette aubaine musicale diffuser comme on
enfile une pelure au petit matin d’un été qui reprend son
souffle.
Les
abeilles butinent au sol les fleurs tombées du Sophora japonica
avant d’être piétinées. Le rose
intense
des fleurs de mousseline du lilas d'été, ce sera pour ce soir quand
les fleurs s’allumeront. « Out
of sight» est un nectar délicieux qui me perd un peu
dans l’air, dans l'émoi et le calendrier.
Le grand estuaire où le
Tage se dévide a craché sur la petite capitale de collines
saillantes. C'est la première fois que j'arpente ses rues de belles
pentes sous le crachin. Même ce ciel dévorant la ville a du mal à
faire taire les couleurs lumineuses de Lisbonne. À peine rincés les
petits pavés glissants s'allument et le blanc se répand comme le
fado tristeza qui résonne dans les bas fond dégringolant vers le
bras de mer.
Des nuances de jaune sur
quelques façades se diluent et les bougainvillées empourprent
encore. La place du commerce est toujours aussi belle avec ses petits
clapotis de vague tout en bas. Alors je pense à Pesoa une fois de
plus :
« Tout
l'entassement irrégulier et montagneux de la ville m’apparaît
aujourd'hui comme une plaine, une plaine de pluie. Où que s'étende
mon regard, tout est couleur de pluie, d'un noir pâle. J'éprouve
des sensations bizarres, toutes également froides. Il me semble
parfois que le paysage essentiel est tout entier de brume, et que les
maisons cette brume qui le voile ».
Je vais m’engouffrer
dans l'Alfama et déguster quelques tentacules grillées avec des
grenailles à l'huile d'olive. Quand même, il ne pleut pas des
journées entières ici, les entrées maritimes avec le fleuve
éventré crachent doux et puis c'est tout. L'onde est une fête
mélancolique qui bruine et ternit à peine la grande lumière de
Lisbonne. Le vent pleure Ferdinand sur la Plaça da figueira.
J'imagine sa présence au creux de cette nouvelle ville pour lui,
savoir ses yeux neufs, connaître ses pensées nouvelles, ce timide
fonctionnaire. Je suis à peine attaqué par cette grise angoisse, je
suis de la Beauce quand même et les fines pluies canadair toussotant
qu'elles sont, me lustrent le cortex.
Bien loin d'ici, sous le
fracas d'une chanson révolutionnaire « Grândola, Vila
Morena » d'une dictature qui va disparaître, au château
d'Hérouville, José Afonso enregistrait son album mythique
« Cantigas do maio ». Dans les murs du studio de Magne
1971, Christian Padovan, Michel Delaporte, Branis et Granier avec
quelques autres musiciens portugais œuvraient pour cette pépite
historique, poignante et sacrée.
J'oscille entre la
brûlure du ciel et la douce lecture intranquille sous l'ombre d'un
olivier centenaire. Un vent fort et chaud assèche la sueur de l'âme.
Le parfum des herbes cuites accompagne la lenteur de mes journées
abandonnées. Sur un autre arbre en face de moi, une petite cage à
oiseaux sans fond se balance. Je suffoque sous les fortes rafales. Un
perchoir est encore dedans, une passiflore s'y est déjà agrippée.
J'aime l'idée d'une cage sans fond.
Tout est doux et calme,
je bois toute la culture des contrées plissées, je mange ici, je
dors là, je ne prends que l'offre de ces collines abruptes.
Jusqu'aux arômes
Un vaste dôme montagneux
se dresse devant moi, la montagne de l'air. Mon corps est lourd. La
fosse atlantique est à quelques vallées d'ici, un peu de sel dans
le vent. Les murs blancs aveuglent, et les rues pavées comme des
peaux de serpents s'entortillent dans le village. J'ai posé pour un
moment les pages de Pesoa pour écouter Fausto et celle belle
découverte locale. Carlos Fausto Bordalo Gomes Dias de son vrai nom.
Il ressort ces jour-ci dans le pays. Toute la lourde histoire sur un
folk de voyageur comme ce vent de caractère me remue. Mais je suis
bien arimé au tronc tordu et robuste de mon olivier.
Fausto
1982 « Por Este Rio Acima » sur Triangulo /
Columbia
« Started off
free », et le ciel se couvre. Oh, rien de menaçant, juste
baisser les yeux et ne pas se disperser. Focus sur un crush récurent,
JAPW, « To Survive » la gorge serrée,
« Damned Devotion », « The Deep
Field »..au feu... et ce « Lemon, Limes and
Orchids » dans un reliquaire. Cet écrin, de la pop
soul qui va faire jazzer dans ses plus beau habits légers.
Rien ne dépasse, ciselé,
taillé dans l’albâtre avec des outils délicats et une chaleur
des cellules. Clim à fond dans la caisse, « With hope in my
breath » fait onduler l'habitacle, le pare-brise est
bouillant, je sens son haleine sur le poitrail, l'horizon se trouble,
tout devient mirage. « Long for ruin » et mon cou
perle, je lève le pied et tangue dans ma chemise serpillière.
J'ai dans la bouche une
grande idée de canne et d'agrume jaune citrique à vert profond
mentholé avec une avalanche de glaces, une banquise fondant à vue
de palais autour de ma paille en carton. Cet album classieux est un
cocktail caniculaire.
Joan as
Police Woman 2024 « Lemons, Limes ans
Orchids »
Tendance à étriquer
partout, les mots de chagrin sur une peau crachin, agripper la rampe
pour résister à la vitesse. Les semelles ne tiennent plus, ça sent
le roussi. Là où il n'y en a plus, avant de l'atomiser, la poésie
sous un angle d'ardoise cendrée, l'éraflure sur un son à
raccommoder sur le « Reflet du monde lointain
».
Comment faire pour nous
désencombrer ? Se désenclaver la gueule, peut-on encore se
soustraire de la rotation ?
Lymphe épaisse, entaille
de saignée par l'horizon, mon corps élastique s’allonge, la tète
dans les nuages, les talons dans le limon la queue girouette. Des
racines et des influences, troublante Léonie Pernet. « Poèmes
pulvérisés » me foudroie debout. Puis me traverse. Le
thermomètre est pulvérisé, allongé, plombé, je me laisse
traverser.
La « Reverie »
est passée, la bascule est là, le soleil repart dans l'autre sens,
les moissonneuses le savent bien. La chaume est une couleur que
j'adore renifler. L'ocre nacré cuit souligne les bois. Le ciel est
ambré, je découvre après Rebecca et Aliayta, « Still,
there is the sea » d'Ambre Ciel. Jessica Hébert fait
danser l'orchestre en fragments d'émotions avec son chant qui fait
place discrète.
J'ai vu des immeubles
surgir, puis disparaître, l'aurore comme le crépuscule là où tout
se bouscule avant le noir et le grand jour. Agnès Obel, Soap &
Skin... elle prend possession d'une âme philharmonique ambiante pour
chanter alors que tout se fige.
Tout plane au sommet de
quelques chose. Un mirage. Dans des nuées de poussière de blé
battu, Ambre culmine.