samedi 26 juillet 2025

José Afonso 1971


 

Le grand estuaire où le Tage se dévide a craché sur la petite capitale de collines saillantes. C'est la première fois que j'arpente ses rues de belles pentes sous le crachin. Même ce ciel dévorant la ville a du mal à faire taire les couleurs lumineuses de Lisbonne. À peine rincés les petits pavés glissants s'allument et le blanc se répand comme le fado tristeza qui résonne dans les bas fond dégringolant vers le bras de mer.

Des nuances de jaune sur quelques façades se diluent et les bougainvillées empourprent encore. La place du commerce est toujours aussi belle avec ses petits clapotis de vague tout en bas. Alors je pense à Pesoa une fois de plus :

« Tout l'entassement irrégulier et montagneux de la ville m’apparaît aujourd'hui comme une plaine, une plaine de pluie. Où que s'étende mon regard, tout est couleur de pluie, d'un noir pâle. J'éprouve des sensations bizarres, toutes également froides. Il me semble parfois que le paysage essentiel est tout entier de brume, et que les maisons cette brume qui le voile ».


Je vais m’engouffrer dans l'Alfama et déguster quelques tentacules grillées avec des grenailles à l'huile d'olive. Quand même, il ne pleut pas des journées entières ici, les entrées maritimes avec le fleuve éventré crachent doux et puis c'est tout. L'onde est une fête mélancolique qui bruine et ternit à peine la grande lumière de Lisbonne. Le vent pleure Ferdinand sur la Plaça da figueira. J'imagine sa présence au creux de cette nouvelle ville pour lui, savoir ses yeux neufs, connaître ses pensées nouvelles, ce timide fonctionnaire. Je suis à peine attaqué par cette grise angoisse, je suis de la Beauce quand même et les fines pluies canadair toussotant qu'elles sont, me lustrent le cortex.


Bien loin d'ici, sous le fracas d'une chanson révolutionnaire « Grândola, Vila Morena » d'une dictature qui va disparaître, au château d'Hérouville, José Afonso enregistrait son album mythique « Cantigas do maio ». Dans les murs du studio de Magne 1971, Christian Padovan, Michel Delaporte, Branis et Granier avec quelques autres musiciens portugais œuvraient pour cette pépite historique, poignante et sacrée.


José Afonso 1971 « Cantigas do maio »

1 commentaire:

TonTonMusik a dit…

C'est vrai qu'avant d'écouter je m'attendais à des chansons de "révolution" pour ne pas dire révolutionnaires, je faire écouter tout ça à ma belle-sœur qui est de là-bas et qui me guidera dans la découverte des textes, merci pour cette présentation.

José Afonso 1971

  Le grand estuaire où le Tage se dévide a craché sur la petite capitale de collines saillantes. C'est la première fois que j'arpen...