jeudi 31 juillet 2025

Guy Blackman 2025


 

Le temps des lilas disparu est un leurre, un autre celui des Indes fleurit quand tout est grillé. Plus intense en couleur, moindre en odeur. De l’autre côté de la palissade, les Robiniers sans épines

tapissent les trottoirs de leurs confettis crèmes. On dirait un lendemain de carnaval. Sophora et Lagerose sont à la fête. C’est exactement l’image qui m’est venue à la vue de cette sublime pochette. Une dominante de couleurs qui apaise.

Il fallait aussi que je tombe sur de la chanson nébuleuse, légèrement bancale et fragile tout en

gardant l’idée que je déambulais déboussolé au beau milieu de l’été qui avait déjà connu la brûlure. Un ciel vaseux, un thermomètre moelleux, météorologiquement intemporel avec alentours les teintes qui ne laissent aucun doute sur l’instant. Il pleut un peu sur les ardoises. J’ai laissé cette aubaine musicale diffuser comme on enfile une pelure au petit matin d’un été qui reprend son souffle.

Les abeilles butinent au sol les fleurs tombées du Sophora japonica avant d’être piétinées. Le rose

intense des fleurs de mousseline du lilas d'été, ce sera pour ce soir quand les fleurs s’allumeront. « Out of sight» est un nectar délicieux qui me perd un peu dans l’air, dans l'émoi et le calendrier.


Guy Blackman 2025 « Out of Sight »

samedi 26 juillet 2025

José Afonso 1971


 

Le grand estuaire où le Tage se dévide a craché sur la petite capitale de collines saillantes. C'est la première fois que j'arpente ses rues de belles pentes sous le crachin. Même ce ciel dévorant la ville a du mal à faire taire les couleurs lumineuses de Lisbonne. À peine rincés les petits pavés glissants s'allument et le blanc se répand comme le fado tristeza qui résonne dans les bas fond dégringolant vers le bras de mer.

Des nuances de jaune sur quelques façades se diluent et les bougainvillées empourprent encore. La place du commerce est toujours aussi belle avec ses petits clapotis de vague tout en bas. Alors je pense à Pesoa une fois de plus :

« Tout l'entassement irrégulier et montagneux de la ville m’apparaît aujourd'hui comme une plaine, une plaine de pluie. Où que s'étende mon regard, tout est couleur de pluie, d'un noir pâle. J'éprouve des sensations bizarres, toutes également froides. Il me semble parfois que le paysage essentiel est tout entier de brume, et que les maisons cette brume qui le voile ».


Je vais m’engouffrer dans l'Alfama et déguster quelques tentacules grillées avec des grenailles à l'huile d'olive. Quand même, il ne pleut pas des journées entières ici, les entrées maritimes avec le fleuve éventré crachent doux et puis c'est tout. L'onde est une fête mélancolique qui bruine et ternit à peine la grande lumière de Lisbonne. Le vent pleure Ferdinand sur la Plaça da figueira. J'imagine sa présence au creux de cette nouvelle ville pour lui, savoir ses yeux neufs, connaître ses pensées nouvelles, ce timide fonctionnaire. Je suis à peine attaqué par cette grise angoisse, je suis de la Beauce quand même et les fines pluies canadair toussotant qu'elles sont, me lustrent le cortex.


Bien loin d'ici, sous le fracas d'une chanson révolutionnaire « Grândola, Vila Morena » d'une dictature qui va disparaître, au château d'Hérouville, José Afonso enregistrait son album mythique « Cantigas do maio ». Dans les murs du studio de Magne 1971, Christian Padovan, Michel Delaporte, Branis et Granier avec quelques autres musiciens portugais œuvraient pour cette pépite historique, poignante et sacrée.


José Afonso 1971 « Cantigas do maio »

vendredi 18 juillet 2025

Fausto 1982


 

J'oscille entre la brûlure du ciel et la douce lecture intranquille sous l'ombre d'un olivier centenaire. Un vent fort et chaud assèche la sueur de l'âme. Le parfum des herbes cuites accompagne la lenteur de mes journées abandonnées. Sur un autre arbre en face de moi, une petite cage à oiseaux sans fond se balance. Je suffoque sous les fortes rafales. Un perchoir est encore dedans, une passiflore s'y est déjà agrippée. J'aime l'idée d'une cage sans fond.

Tout est doux et calme, je bois toute la culture des contrées plissées, je mange ici, je dors là, je ne prends que l'offre de ces collines abruptes. Jusqu'aux arômes

Un vaste dôme montagneux se dresse devant moi, la montagne de l'air. Mon corps est lourd. La fosse atlantique est à quelques vallées d'ici, un peu de sel dans le vent. Les murs blancs aveuglent, et les rues pavées comme des peaux de serpents s'entortillent dans le village. J'ai posé pour un moment les pages de Pesoa pour écouter Fausto et celle belle découverte locale. Carlos Fausto Bordalo Gomes Dias de son vrai nom. Il ressort ces jour-ci dans le pays. Toute la lourde histoire sur un folk de voyageur comme ce vent de caractère me remue. Mais je suis bien arimé au tronc tordu et robuste de mon olivier.


Fausto 1982 « Por Este Rio Acima » sur Triangulo / Columbia

jeudi 3 juillet 2025

Joan as Police Woman 2024


 

« Started off free », et le ciel se couvre. Oh, rien de menaçant, juste baisser les yeux et ne pas se disperser. Focus sur un crush récurent, JAPW, « To Survive » la gorge serrée, « Damned Devotion », « The Deep Field »..au feu... et ce « Lemon, Limes and Orchids » dans un reliquaire. Cet écrin, de la pop soul qui va faire jazzer dans ses plus beau habits légers.

Rien ne dépasse, ciselé, taillé dans l’albâtre avec des outils délicats et une chaleur des cellules. Clim à fond dans la caisse, « With hope in my breath » fait onduler l'habitacle, le pare-brise est bouillant, je sens son haleine sur le poitrail, l'horizon se trouble, tout devient mirage. « Long for ruin » et mon cou perle, je lève le pied et tangue dans ma chemise serpillière.

J'ai dans la bouche une grande idée de canne et d'agrume jaune citrique à vert profond mentholé avec une avalanche de glaces, une banquise fondant à vue de palais autour de ma paille en carton. Cet album classieux est un cocktail caniculaire.


Joan as Police Woman 2024 « Lemons, Limes ans Orchids »

mardi 1 juillet 2025

Léonie Pernet 2025

 


Tendance à étriquer partout, les mots de chagrin sur une peau crachin, agripper la rampe pour résister à la vitesse. Les semelles ne tiennent plus, ça sent le roussi. Là où il n'y en a plus, avant de l'atomiser, la poésie sous un angle d'ardoise cendrée, l'éraflure sur un son à raccommoder sur le « Reflet du monde lointain ».

Comment faire pour nous désencombrer ? Se désenclaver la gueule, peut-on encore se soustraire de la rotation ?

Lymphe épaisse, entaille de saignée par l'horizon, mon corps élastique s’allonge, la tète dans les nuages, les talons dans le limon la queue girouette. Des racines et des influences, troublante Léonie Pernet. « Poèmes pulvérisés » me foudroie debout. Puis me traverse. Le thermomètre est pulvérisé, allongé, plombé, je me laisse traverser.


Léonie Pernet 2025 « Poèmes pulvérisés »

Chris Garneau 2021

  Ma salive en plein estivage, j'ai le goût de la chaume dans le naseau rien qu'à regarder la poussière des herses s'envoler. L...