vendredi 6 mars 2009

Mothlite


Quelques endormissements de fortune dessinent des postures inconfortables aux grimaces souvent incommodes voire effrayantes. Et la paupière reste légèrement ouverte, assez pour que l’on puisse voir se balancer un va-et-vient lent et inquiétant, le trait de l’iris dévoilé. L’œil refuse l’obscurité et suit le croissant entrouvert comme un balancier épieur pour que le cerveau vivace reste connecté. Lorsque la paupière se ferme entièrement, c’est la bosse de l’iris sur la surface de ce rideau protecteur que l’on devine en suivant ses mouvements aveugles. La pupille dilatée cherche alors dans l’inconscient songeur la lumière disparue et le souvenir de quelques images subliminales; les couleurs; les luminosités alors triées, filtrées et métamorphosées par un subconscient halluciné. L’écoute de « the flax of reverie » de MOTHLITE devant une telle collection de R.E.M et au moment même où l’état comateux d’un éveil fatigué réclame l’abandon, épouse à merveille cette transition de la réalité au rêve. Une nouvelle situation où tout fusionne, le son, l'image, la pochette, un autre paysage musical.
Le rock progressif est une musique obsolète, fichée ringarde, il cherche pourtant la lumière pour des paysages plein de rêves en mosaïques, des mondes nouveaux sans cesse changeant et rebondissant. Tant de groupes on bâti leur vision chaotique avec ce mode d’expression, à commencer par le mythique Genesis des débuts, puis Pink Floyd en demi teinte, Porcupine Tree... Extrêmement réceptives pour le corps, les images sonores en puzzle véhiculent au cerveau le paradoxe le plus profond du sommeil, alternant plages planantes et ricochets chaotiques jusqu’au choc du galet plat sur la réalité.
Un psychédélisme terre à terre, une transe ponctuelle injectée de soubresauts avant l’accalmie ambiante d’un violon ou d’un synthé.
Il est fort à parier que ce disque atypique restera cloué aux oubliettes, n’empêche, il est une des raisons essentielle pour laquelle il est encore bon d’écouter ce genre de musique empirique et constructive. Elle prend ici toute ses couleurs les plus contrastées et son ampleur justifiée.
Le piano est bavard et la voix exubérante comme chez 90 day men (qui oeuvre sous la même toiture); la pop est chaotique et le rock arty comme savait le faire This Heat, les ambiances inquiétantes et le jazz musclé. On peut sentir un léger agacement lors d’une première écoute éveillée. Il est donc de ces disques qui se prennent dans certaines conditions. C’est dans l’endormissement que celui-ci se savoure, dans un degré autre que la réalité peut proposer.
« nevergoodwood » peut même aller jusqu’à réver d’"atom and plum" de Bed marié à du King Crimson des 70’s, puis les montagnes de Rothko surgissent toujours aussi aérées dans « cauldron ». C’est enfin avec « hypnogogue » que viennent s’entrechoquer le génie des 90 day men et les chœurs fous d’animal collective. On comprend mal alors que l’unanimité des médias s’esbroufe le bulbe sur ce dernier groupe qu’on aimerait bien voir grandir un jour, alors que dans l’ombre, la même folie artistique libre de tout format et toute calibration (il faut quand avouer qu’Animal collective sort les mêmes disques depuis quelques années) vient offrir un intense moment de plaisir musical libre. Le rock progressif de Mothlite passe quelquefois par des plages sombres et orageuses, mystérieuses et cauchemardesques, comme un œil révulsé qui roule derrière une mince couche de peau, un instinct de survie dans le repos, un coma habité, la transition juste du monde réel et du rêve.

MOTHLITE « the flax of reverie » 2008 label : southern
http://www.mothlite.com/
http://www.southern.com/

quand on aime : 90 day men; this heat, pink floyd
merci à Claude pour ses lectures fidèles et ses encouragements

Aucun commentaire:

Clogs 2003

  Près du Butin ensablé, la Seine s’emmanche. Du laiteux mou s’engouffre dans l’albâtre. La Manche n‘a que faire de l’océan, ici le bras l&...