jeudi 4 novembre 2010

Blue water white death



Qui des deux incarne l'eau bleue ou la mort blanche. Il serait trop simple d'attribuer tout le trouble à Jamie Stewart et de lui accorder la faiblesse d'une récidive sous prétexte que son art anxiogène penche souvent vers l'abrasif. Jonathan Meiburg n'est pas tout blanc (ou bleu) dans cette affaire (il y a aussi des coups de sang chez Shearwater), et quelques soupçons sur sa contribution à l'angoisse de ce chef d'œuvre planent.
Totalement en aparté des carrières devenues indiscutables, les cerveaux de Xiu Xiu et Shearwater viennent de fusionner violemment, amoureusement, pour un disque épique, une mise en scène théâtrale, un cantique rock introverti.
Sur le papier, cette rencontre improbable aurait pu susciter toutes les excitations, mais aussi quelques réactions allergiques à s'attendre au pire. Il n'est rien de tout cela, car Blue Water White Death est un instant unique, un véritable syncrétisme, l'assimilation l'un de l'autre jusqu'à l'équilibre total, la symbiose de deux visions artistiques.
Si la fusion peut rendre plus fort, il s'échappe de ses 33 minutes de tension minimale, une douceur funambule prête à chuter d'un côté ou de l'autre, les abysses (Jamie ?) ou l'altitude (Jonathan?). Mais tout s'équilibre dans son ensemble, tout flotte à la surface, la relation fusionnelle est totale pour un immense voyage immobile.

Chaque pièce enregistrée live est fascinante, une authentique exploration sonore dans laquelle viennent se mêler les deux voix, qui, mises côte à côte, et même l'une après l'autre, s'ajuste à merveille...jusqu'à n'en faire qu'une. Une tension sourd de « This is the scrunchyface of my dreams » et l'on pense que tout va exploser, mais Jonathan embraye sur des accords folk doux et rassurants « Song for the greater jihad ». Ils se donnent la réplique comme pour se soigner et fertiliser tout ce qu'il y a de plus beau en eux...respectivement.
« Gall » est un chef d'œuvre brouillé de distorsions sonores et « Rendering the juggalos » en est un autre, encore plus haut, plus troublant, et les notes de piano ne laisseront pas indemne l'auditeur en pleine méditation.

Une pluie mordorée s'abat sur nos tètes, recroquevillons-nous, contemplons cet ocre jaune qui nous brule les yeux, racolons la mélancolie, buvons ce trouble merveilleux, le cramoisi d'alizarine qui coule dans nos veines.
Cette pop torturée divague entre le bleu mortel et la blancheur de l'eau, à moins que ce ne soit le contraire. Je pense fortement à Mark Hollis qui, un poil plus barge qu'avant, aurait pu engendrer un tel monument. Le son piqué de soubresauts et hachuré d'expérimentation me souffle à nouveau Blemish de Sylvian.

Mon disque automnal.


Blue Water White Death 2010 label : grave face

quand on aime : xiu xiu; shearwater; mark hollis; xxl; 7 year rabbit cycle....






2 commentaires:

Anonyme a dit…

Hello charlu, c'est Francky 01 (rt oui encore) !

Ce disque a une pochette très intrigante, sorte de dessin d'ancien livre d'histoire naturelle. J'ai vu ce disque sur plusieurs blogs (dont Spirit Of Ectasy) et il à l'air fascinant. Le titre mis en écoute (vidéo) + ton article me donne envie d'approfondir.
Merci encore d'enrichir ma culture musicale. C'est ce que je trouve passionnant avec nos différents blogs et échanges : la découverte. On sent qu'on est tous unis d'une même passion de l'échange, de faire découvrir "nos coup de cœur". Bref, une histoire de passionnés....

A +

charlu a dit…

Oui..donnons-nous envie.. nos intersections musicales sont riches et abondantes. Merci d'être là Francky

Clogs 2003

  Près du Butin ensablé, la Seine s’emmanche. Du laiteux mou s’engouffre dans l’albâtre. La Manche n‘a que faire de l’océan, ici le bras l&...